3 - De grosses bébêtes avec des dents

Le trou dans le grillage avait une taille tout à fait honorable. Assez grand pour laisser passer trois chabrioles bien nourries.

Ian regarda Max s’en approcher, froncer les sourcils. Lui, ce fut surtout ce qui se trouvait par-delà qui attira son attention. Bien sûr, il était déjà parti à l’extérieur pendant ses missions avec Max. Mais là, l’extérieur et l’intérieur se retrouvaient confondus avec ce trou dans le grillage pour les relier.

— Et si des bêtes sont entrées ? demanda-t-il.

Cette pensée n’était pas vraiment agréable. Il n’avait aucune envie de retrouver un krakbout chez lui la nuit. Ça vous fixait de ses yeux globuleux en poussant des hululements trop sinistres.

— Elles sont entrées, dit Max en se relevant et en tirant de sa poche un communicateur.

— Quoi ?

Elle ne lui prêta aucune attention, composa un numéro, sûrement la centrale.

— Ouais, c’est moi. On a un souci ici. Quoi ? Ah oui, secteur est de la ville. On a un gros trou dans le grillage. Oui ? Des bêtes qui ont dû rentrer en ville. Bien. Je t’envoie les coordonnées. On attend l’équipe.

Elle se tourna vers Ian.

— Mia te passe le bonjour.

Il sentit le rouge lui envahir les joues, marmonna quelque chose et s’intéressa tout d’un coup au grillage grignoté. Il entendit Max ricaner.

— Je vois qu’on en est toujours au même point de ce côté, dit-elle.

— Je ne vois pas de quoi tu parles.

— Du fait que t’arrives toujours pas à aligner trois mots quand elle est dans les parages.

— J’y arrive très bien. Non pas que ça te regarde.

— Ouais, ouais, dit-elle avec un regard moqueur. Bon, on va explorer ?

— Qu… quoi ?

— Allez, viens. Ton nipode a besoin de se dégourdir ses petites pattes.

À cette phrase, Ian sentit le nipode se réveiller autour de son poignet. Il releva la tête vers le trou et relâcha soudain sa prise. Il glissa dans l’herbe, fonça vers le grillage, passa par le trou et disparut de l’autre côté.

— Reviens ici ! s’exclama Ian. Euh… nipode ?

— Faudrait que tu le nommes un jour, tu sais, dit Max en s’engouffrant à son tour dans le trou. Il doit se sentir déprécié à pas avoir de nom.

— C’est compliqué de nommer des bestioles.

— En quoi ?

— Imagine qu’elles aient déjà un nom.

— C’est ça. En attendant, bon courage pour le retrouver maintenant.

— Je pourrais l’appeler Nipode. Comme ça, je ne l’offense pas.

Max poussa un soupir et ne commenta pas.

Derrière le grillage, c’était comme dedans. Sauf que la végétation était nettement moins bien entretenue et qu’une grosse bête risquait de vous tomber dessus à n’importe quel moment. Ian resta près de Max.

— Tu crois que les biglidouches ont filé par là ?

— Peu probable. Ça aime pas trop la vie sauvage, une biglidouche.

— Ah bon ?

— Ca préfère les salles de bain. En revanche…

Elle s’accroupit, examina quelque chose dans l’herbe.

— En revanche, la chabriole a pu faire des allers retours par là.

— Et tu dis ça parce que… ?

— Parce qu’elle nous a suivis.

Ian pivota sur lui-même, sentit une décharge d’adrénaline foncer dans ses veines.

— Du calme, dit Max et il eut l’impression qu’elle ne parlait pas à l’énorme bestiole qui les lorgnait avec gourmandise, mais à lui. Et lâche mon bras.

Ian ne lâcha pas. Il ne voulait pas finir dévoré par une chabriole. Il avait lu qu’elles aimaient bien garder leur proie en vie jusqu’au dernier moment. C’était leur manière de s’amuser.

La chabriole s’avança vers eux. Elle se déplaçait sans bruit, accroupie dans l’herbe, sans lâcher Ian des yeux. Il eut la très mauvaise impression que c’était lui qu’elle visait.

Mais au moment où il la vit tendre ses muscles pour sauter, l’herbe devant elle prit feu. Elle glapit, sauta en arrière, se lécha ses coussinets cramés et déguerpit avec des miaulements de douleur.

Ian se baissa vers le nipode qui était encore en train de gronder, tendit le bras. Le mille-pattes le renifla et finit par venir s’enrouler autour. Ian se dit qu’il allait se retrouver avec une brûlure, la bestiole était encore chauffée à blanc.

— C’est mignon, commenta Max.

— On peut retourner derrière le grillage ?

— Non. Je t’avais proposé d’aller voir la grange aux biglidouches, t’as pas voulu. Maintenant, on explore l’extérieur.

— Oui, mais si l’équipe arrive et qu’on y est pas ? Et qu’ils rebouchent le trou alors qu’on est ici ? Comment on va rentrer, hein ?

— On a largement le temps. C’est bon, remis ? Par là !

Ian n’aimait pas quand Max se montrait aussi enthousiaste. Il ne l’aimait pas parce que c’était en général dans ce genre de moments qu’ils se retrouvaient avec tout plein de grosses bestioles autour d’eux.

— Tiens, j’ai trouvé ça tout à l’heure.

Elle lui tendit une plume. Ian fronça les sourcils, s’en saisit.

— Un oiseau ? Ca n’a pas besoin de faire des trous dans le grillage, ça peut voler.

— Regarde mieux.

— Oh.

— Comme tu dis.

— Mais ils ne vivent pas aussi près des villes.

— C’est ce que je pensais aussi. Allez, viens.

— Max ? Max ! On ne peut pas s’en approcher. Max ?!

— Arrête de chougner. C’est une occasion rare d’en voir.

— Ils sont dangereux ! Dans le meilleur des cas, tu peux te retrouver avec une jambe arrachés. Dans le meilleur des cas, Max !

— On sera prudents.

Ian croisa le regard du nipode dont les grondements s’étaient calmés. Il avait un regard très expressif. Est-ce qu’il pouvait faire demi-tour et laisser Max aller satisfaire sa curiosité ? Techniquement parlant, il pouvait.

— Alors, tu viens ?

Il la rattrapa, se planta devant elle.

— Max, tu veux aller voir un oursenvol alors qu’on n’est pas équipés, qu’on n’est que tous les deux et que littéralement n’importe quoi peut nous arriver ? C’est du suicide.

— Cet oursenvol est peut-être la raison de la disparition des biglidouches.

— Rouflon a dit qu’on ne pouvait pas les manger, les biglidouches. Que ça rendait malade et tout.

— Il parlait à l’échelle d’une chabriole. Un oursenvol peut les digérer facilement.

Elle poussa un soupir, croisa les bras sur la poitrine.

— Mais t’as raison. Je peux pas t’obliger à risquer ta peau. On ira que si tu le décides.

Le choix a été fait ! 

Choix 1 : Allons trouver l’oursenvol !

Choix 2 : Retournons dans la grange aux biglidouches…