4 - Des trucs bizarres dans l'herbe

Ian avançait et il ne savait pas trop pourquoi. Enfin, non. Il savait, mais c’était une très mauvaise idée.

— Je savais bien qu’on ferait quelque chose de toi, dit Max, victorieuse.

Ian bougonna. La raison disait clairement de revenir dans la sécurité de la grange aux biglidouches. Après tout, c’était pour elles qu’ils étaient venus à la base. Mais il y avait cette autre voix, sûrement la curiosité. Et cette voix disait d’aller voir les oursenvols.

Ian n’avait jamais dit ça à personne à l’agence, mais quand il était petit, il avait eu une petite obsession pour les oursenvols. Et pas si petite que ça. Il avait eu des livres sur eux, des albums de coloriage. Et là, même s’il tremblait des genoux, il tremblait aussi d’excitation. Même s’il se doutait que dans la réalité, ils ne seraient pas ces grosses peluches avec un sourire collé sur la gueule.

— Va falloir être très prudents, continua Max en marchant. C’est très rare qu’on croise des oursenvols aussi près des villes. Celui-là a dû avoir un souci, quelque chose. Surveille ton nipode, ajouta-t-elle en louchant sur le gros mille-pattes.

Ian le serra contre lui. Il espérait qu’il n’irait pas mettre le feu à l’oursenvol.

— T’en as déjà vu ? demanda-t-il.

— Des nipodes ?

— Des oursenvols.

— Une fois, j’ai failli.

Elle libéra sa manche qui s’était prise dans une branche, la retint pour laisser passer Ian.

— On avait fait un petit groupe pour partir découvrir un peu les bestioles à l’extérieur. C’était vraiment sympa.

Ian essaya de voir le côté sympa de la chose. Il n’y parvint pas.

— On était partis vers le nord. Tu sais, vers les grands lacs. Ça pilule de bestioles là-bas. En plus, vu qu’elles sont assez loin des villes, elles sont vraiment dans leur habitat naturel, elles ont gardé leur comportement de base.

— Le nord ? Là où il y a le plus de radiations ?

— Oh, il suffit de porter un masque, rien de bien terrible. Bref, on était partis et au bout d’un truc comme deux semaines, on a vu des traces d’oursenvol.

— Quelles traces ?

— Principalement des carcasses d’animaux morts.

— Et…

— Et la nuit avant qu’on parte explorer, notre campement a été pris d’assaut par des tridentules clairement affamées. Bon et du coup… bah ça a pas été joli.

Ian ne dit rien. Des tridentules, quand on en croisait, on ne revenait pas pour en parler. Il trouvait dingue que Max ait pu aller de son plein gré dans le nord. C’était une zone classée noire niveau chances de survie.

— Bon, je crois qu’on y est.

— Je ne vois rien.

— Regarde mieux.

Elle désigna les os grignotés ici et là. En prêtant un peu attention, on pouvait en voir un peu partout. Ian déglutit. Maintenant qu’il y réfléchissait, aller voir les oursenvols, c’était une très mauvaise idée. Il se demandait pourquoi il avait accepté. C’était comme si quelqu’un d’autre que lui avait pris la décision.

Max s’avança sur la clairière, se baissa. Ian hésita beaucoup, mais finit par la rejoindre. Elle était en train d’étudier quelque chose qui avait vraiment une drôle de couleur.

— C’est…

Ian fronça un peu le nez face à l’odeur.

— C’est une biglidouche ?

— Euh, non, répondit Max avec un haussement de sourcils. Pas du tout, même. T’as déjà vu une biglidouche ?

— Bien sûr que j’en ai vu ! J’en ai une qui a vécu dans ma salle de bain !

— Bah alors ? Ca y ressemble absolument pas, ça.

— C’est que ça est un peu grignotée et décomposée.

— Va falloir qu’on te fasse réviser les bestioles. Il y a de graves lacunes.

— Et ? C’est quoi, ça ?

— Une spongidule.

— C’est une spongidule, ça ?

— Ouais. Pas en très bon état.

En effet, les restes de la bête ressemblaient à de la gelée radioactive étalée dans l’herbe. Ian retint un haut-le-cœur.

— Comment les spongidules se sont retrouvées en pleine forêt ?

— Bonne question. Peut-être qu’il y avait un marécage à proximité.

— Il n’y a pas de marécages dans cette partie de la forêt.

— Ah parce que tu connais tous les marécages du coin ?

— Tous, non. Mais les marécages sont plutôt au sud de la ville.

Elle ne répondit pas, sortit un sachet de son sac et entreprit d’y faire rentrer les restes décomposés. Ian se releva et s’éloigna vivement. Il ne voulait pas vraiment dégobiller son petit-déjeuner.

— Bon, je crois que…

Max s’interrompit au milieu de la phrase, Ian pivota vivement, bondit en arrière. Deux paires d’yeux les observaient depuis les buissons.

— Max ?

— Je les vois.

Elle se baissa et deux boules de poils s’avancèrent avec crainte vers elle. Ils semblaient prêts à trébucher à chaque pas, sur leurs pattes arquées. L’un des deux vint renifler Max, s’approcha maladroitement de Ian. Le nipode commença à chauffer aussitôt.

— C’est eux, notre grande menace ?

Max en gratta un derrière les oreilles, se releva.

— Peut-être que c’est eux qui ont dévoré la spongidule.

Les oursenvoulons commencèrent à perdre leur timidité. Ils se désintéressèrent des deux intrus, se roulèrent dans l’herbe en grognant de plaisir. Ian s’était rapproché de Max et observait la scène, émerveillé. C’était bien la première fois qu’une bestiole ne lui donnait pas envie de se planquer aussi loin que possible. Il se dit même que peut-être que pour les autres bestioles, il avait eu tort et qu’il devrait revoir son jugement.

— On devrait revenir, dit Max.

Ian se tourna vers elle, elle semblait tendue, tout d’un coup.

— On enquête, non ? demanda-t-il.

— On devrait vraiment revenir.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

Elle tournait pensivement la plume qu’elle avait ramassée un peu avant entre ses doigts.

— Cette plume provient d’un oursenvol, dit-elle.

— Oui et on en a deux devant nous.

— Oui. Et tu vois des plumes ?

Ian reporta son attention sur eux. Le seul souci dans ce joli tableau, c’était…

— Leurs ailes n’ont pas encore poussé, glapit-il.

Sa conclusion fut accompagnée d’un grondement. Et cette fois, il ne parvenait pas du nipode.

Une masse énorme se tenait à quelques pas d’eux. Énorme, sombre et passablement énervée.

— La mère est rentrée, dit Max.

Que choisis-tu ? [choix ouvert jusqu'au 4 octobre]

Choix 1 : Essayer de raisonner la matriarche.

Choix 2 : Prendre ses jambes à son cou !