« Dis moi que tu m’aideras… Je t’en prie !
— Je ne suis pas sûr de pouvoir, je…
— Je t’en prie Fil ! Quelqu’un a soudoyé la Malchance ! On lui veut du mal ! Son âme n’est pas prête à revenir parmi nous ! Il risque la damnation éternelle !
— Tomas, respire s’il te plaît.
— NE ME DIT PAS DE ME CALMER ! »
L’être angélique lui jeta le regard le plus noir dont il était capable. Pour une personne sensible, cette colère le dépassait largement. Cette énergie semblait sur le point d’exploser en une myriades d’insultes et de cris profonds. Fil leva les mains en l’air, penaud. Ses ailes recroquevillées démontraient toute la sincérité de son geste d’excuse.
« Je n’arrive pas à croire ce qu’ils ont fait… »
Tomas repoussa le drap blanc d’un mouvement de la main, agacé. Il posa ses pieds nus sur le sol moelleux, et sentit un frisson froid le traverser. Fil s’était éloigné du mutilé pour s’approcher des parois vitrées. Son esprit était en ébullition à la recherche d’une solution à proposer, tandis qu’il se mit à caresser involontairement le bout de sa barbe blanche en signe de profonde réflexion.
« Je souffre, si tu savais comme je souffre mon ami »
Fil se retourna avec de la pitié dans son regard bleu. Il joignit ses mains, comme pour tenter de se calmer en apparence, et se rapprocha à pas lents. Il craignait de nouveau d’attiser cette colère furieuse qui pouvait dangereusement éclater. En silence, il regarda son jeune camarade tenter de se mettre debout.
Nom de D… Il se retint de jurer, au tout dernier moment.
L’ange avait bon nombre de siècles derrière lui. Tout ce temps passé lui a permis d’observer de bonnes choses, comme des moins bonnes; autant dans leur sphère que celle de l’humanité. La folie de gardiens qui oublient de revenir se ré-énergise… Des êtres déchus de leurs statuts pour toutes sortes de crimes… La descente aux enfers au sens littéral… Tant d’horreurs qui lui avaient écrasé le cœur, de façon métaphorique.
Et cette situation qui se présentait sous ses yeux le pétrifia. Tomas s’était pleinement redressé, et se présentait à lui de dos. Ce qu’il vit provoqua en lui un mélange de tristesse, d’indignation et de dégoût. De la bile remontait dans sa gorge, tandis que son souffle en fut coupé. Là où devait se trouver deux sublimes ailes lumineuses, il n’en restait plus qu’une seule à la triste apparence. Les plumes habituellement lisses étaient ébouriffées, comme si quelqu’un les avait caressé dans le mauvais sens. Il manquait cet éclat si caractéristique de leur peuple céleste par ailleurs. Et à droite, là où sa jumelle devait se trouver, il y avait…
« Je suis si désolé pour toi, Tomas »
L’interpellé se courba en avant par dépit, poussant un déchirant soupir. Il sentit sa lèvre inférieure trembler pendant qu’il leva doucement sa main droite pour la diriger dans son dos. Ses doigts palpèrent l’endroit où son aile avait été foudroyé; là où il ne restait plus qu’une affreuse cicatrice boursouflée. Un très long gémissement plaintif accompagna ses quelques larmes de chagrin. Il tomba sans un bruit, ses genoux enfoncés dans le sol cotonneux. Le bruit de ses pleurs brisa le silence impitoyable environnant. Plusieurs minutes s’étirèrent de la sorte. Longues. Affligeantes. Bouleversantes.
Fil le rejoignit enfin en quelques pas, tout aussi attristé. Il posa une main sur son épaule, et lui parla d’une voix douce.
« Si ça peut te rassurer, je sais que des anges ont réussi à descendre même sans leurs deux ailes. C’est possible. Difficile, mais possible. »
* * *
Plusieurs semaines s’étaient écoulées depuis son presque accident, celui—là même du chauffard fou. Et il avait la désagréable sensation que depuis ce moment, la poisse le collait comme une vieille sangsue assoiffée. En un mois des tas de pépins avaient ponctué son quotidien de soupirs, de protestations, mais aussi d’accidents certes légers mais trop fréquents à son goût. Une cheville tordue qui lui valut de boîter trois jours de suite; une brûlure légère à la main en voulant vider sa marmite de pâtes; des bleus un peu partout sur les jambes parce qu’il ne cessait de se cogner… C’était insensé ! Et bientôt une pensée s’insinua dans son esprit sournoisement, échappant lentement à ses connexions neurologiques de pensées raisonnables. La mauvaise fortune l’avait prise pour cible. Il ne voyait aucune autre explication à toutes ses dernières mésaventures. Pas un seul jour ne passait sans que quelque chose d’inconfortable, de pénible, voire même de dangereux ne vienne le brutaliser.
Un soir, après une journée particulièrement éprouvante — on avait renversé du café sur son dossier le plus important à rendre pour les cours, supprimé un rendez—vous à l’administration majeure pour ses futurs stages et il avait même reçu des menaces de morts de la part d’un autre gars de sa promo’ car il avait osé défendre l’une des filles suites à une autre de leurs blagues salaces — ses nerfs commençaient à le lâcher. Une fois avachi dans son vieux canapé—lit, sac à dos jeté négligemment au sol contrairement à ses habitudes, il se redressa soudainement avec une idée en tête. En attrapant son téléphone, l’étudiant en informatique ne prit que quelques minutes pour tomber sur des sites occultes. Peut—être qu’un rituel quelconque de sorcellerie pouvait l’aider ? Il ne voulait pas accorder beaucoup de crédits à cette solution, cela allait à l’encontre de son esprit très terre à terre. Mais au vu de cette guigne qui le suivait de très près, il était prêt à essayer tout et n’importe quoi. Quitte à passer pour un fou à ses propres yeux; pourvu qu’on le délivre de cette Malchance.
Mais… Tout et n’importe quoi se trouvait sur internet. Même s’il ne croyait qu’à moitié à ce qu’il lisait, une mise en garde revenait constamment : si un rituel était mal exécuté, mal compris, alors ça pouvait être pire. Hors de question que sa vie devienne un enfer permanent, il s’en approchait et cela l'excédait déjà au plus haut point. En jetant un coup d'œil à sa montre connectée, il s’aperçut que la journée touchait à sa fin.
Ce doit être encore ouvert, je dois y aller !
Julien bondit sur ses pieds avec une énergie toute retrouvée. À quelques rues de là, juste à côté de sa boutique de cupcakes préférées se trouvait une enseigne occulte. Cela ne lui coûterait rien d’aller quémander un conseil auprès de sa propriétaire.
Une bonne demi—heure plus tard, après avoir esquivé un chat noir qui faillit le faire trébucher, il était enfin devant l’énigmatique devanture. Il fut pris d’hésitation, doutant sur sa santé mentale. C’est à ce moment—là qu’une femme habillée aux milles couleurs ouvrit la porte à clochette, avec un grand sourire et le regard gris pour lui adresser la parole d’une voix enjoué :
« La Malchance a posé un contrat sur votre tête. Laissez—moi vous aider à vous en débarrasser ! »
Si le mystère reste entier en ce qui concerne Tomas, voir le désastre de Julien a côté nous montre que malgré tout ils sont vraiment fait pour se rencontrer!
J'ai hâte de découvrir la suite et je prendrais grand plaisir à te lire
A très vite
Maiiiiiiis wtf ?! Il a perdu une aile ? Mais c'est encore plus cruel que de perdre les deux ! Omg !
En tout cas j'ai apprécié ce chapitre, il était émouvant ^^ Mais je me demande... La Malchance est personnifié c'est ça ??
C'est complètement ça ! :)
Maintenant, je me demande si la dame est capable de miracle ou si c’est une arnaqueuse ! Haha !
Hâte d’avoir la suite !
Aaah ça, l'avenir nous le dira ahah !
En tout cas je suis ravie que ça te plaise sincèrement ! Merci encore pour ce retour giga doux ❤️
J'ai tellement de peine pour eux
Thomas surtout, perdre une aile ca doit être si douloureux physiquement autant que mentalement ! En plus il doit avoir si peur de plus pouvoir revoir Julien ! Ca me rend trop triste ;;
Et puis la malchance de Julien le pauuuvre ;;
Ca me fait rire que du coup il tente le tout pour le tout
Thomas doit tellement s'inquiéter pour lui ;-;
J'avais peur que ce soit un peu " too much " la manière dont Julien tente tout mais on dirait que ça va alors j'sui contente ^^ Mais oui pauvre Tomas T.T
Je suis persuadée qu'il va tout faire pour réussir.
J'ai aussi de la peine pour Julien ! Le pauvre, il est tellement au bout de sa vie qu'il tente le tout pour le tout pour se sortir de là. La phrase de la femme est tellement énigmatique ! J'ai hâte de découvrir la suite.
En tout cas, je te félicite pour le début de ton histoire qui est originale, agréable à lire et déjà addictive ! ;)