3. Elijah Lockwood

Elijah se jura intimement que plus jamais il ne mettrait les pieds dans ce bar.

Tout était fait pour repousser les potentiels clients, à commencer par le nom. Non mais, sérieusement, qui était assez dérangé pour appeler son bar le « Sangtuaire » ? Sans parler de l’ambiance… toutes les personnes présentes là-bas arboraient des vêtements d’un mauvais goût innommable, leur attitude appelait au sexe et la musique beaucoup trop forte était digne d’une secte satanique. La décoration n’aidait pas à relever le niveau, bien au contraire.

Et cette fille, là ? Pour qui se prenait-elle avec ses grands airs et son espèce de trône moche ?

Il se repassa la soirée en mémoire et se dit qu’il avait en fait passé la soirée dans un club sado-masochiste, tout ça dans une ambiance très kitch. Il ne manquait plus que des strip-teaseuses dansant autour de barres de pole dance.

Il ne s’était pas amusé du tout et n’avait pas manqué de le faire remarquer sur le chemin du retour. Shiloh avait fini par lui décrier tant bien que mal qu’il n’avait plus qu’à venir avec eux. Il avait inclus Daniel mais rien qu’à la tête de ce dernier, il avait deviné que lui non plus, ne voulait pas retourner au Sangtuaire.

Ceci dit… la boisson que leur avait servi ce Dimitri n’était pas mauvaise. Elijah fut soulagé de constater qu’il pouvait le refaire chez lui puisque ce n’était que du jus d’orange avec de la vodka. Il n’aurait pas besoin d’aller dans ce bar douteux spécialement pour ça. Parce qu’il connaissait Shiloh par cœur : même si, sur le coup et sous l’influence de l’alcool, il n’avait pas aimé l’endroit, il allait forcément vouloir y retourner à un moment ou un autre et lui demander de l’accompagner.

Arrivés à la station de métro par laquelle Shiloh et Elijah étaient arrivés en début de soirée, le groupe se sépara. Daniel rentra chez lui, son appartement se trouvant à quelques mètres de là. Quant aux deux autres, ils prirent le métro où ils descendirent à Hyde Park, à la demande d’Elijah.

— J’ai envie de marcher un peu, prétexta-t-il.

Shiloh ne broncha pas, certainement encore trop alcoolisé pour protester contre quoi que ce soit. Une fois descendus de leur wagon, ils sortirent de la station et traversèrent la rue en silence.

— C’était quand même sympa comme soirée, avoua Shiloh lorsqu’ils furent sur le trottoir.

— Je crois qu’il n’y a que toi qui a apprécié cet endroit, soupira Elijah.

Son ami resta silencieux. Elijah aperçut une soudaine lueur malicieuse dans son regard.

— Eh, et si on allait voir l’endroit où le dernier cadavre a été découvert hier ? demanda Shiloh en s’arrêtant de marcher, sans tenir compte de la remarque de son ami.

Elijah le considéra un instant.

— Tu sais, cette histoire de meurtre, là ! Les flics sont venus au resto nous interroger.

Elijah se souvenait très bien de cet épisode qu’il préférerait oublier. Il craignit de plus en plus l’idée que Shiloh avait derrière la tête. Il tenta de le dissuader.

— La police a dû définir un périmètre de sécurité à ne pas franchir, à mon avis. On ne verra que de loin. Et en plus, ça doit être surveillé.

Elijah pensa que son dernier argument allait convaincre Shiloh de laisser tomber mais cela eut l’effet inverse.

— C’est pas grave ! On fait juste se promener, y a rien de mal à ça que je sache, rétorqua Shiloh.

— Il paraît qu’un criminel revient toujours sur sa scène de crime. Les policiers vont penser que c’est nous, surtout qu’ils sont déjà venus nous voir et tu ne vas pas nier le fait que la conversation ait été bizarre. Ils nous soupçonnent peut-être.

— Oh, t’es mon pote ou quoi ? lança Shiloh en écartant les bras. Allez, viens ! On va juste voir, c’est pas comme si on comptait tuer quelqu’un !

Elijah soupira et prit un temps de réflexion. Il était hors de question de rentrer dans son jeu, il était foutu s’il cédait. Mais s’il ne le faisait pas, Shiloh allait insister jusqu’à ce qu’il finisse par accepter et le bougre savait se montrer très persuasif. Quand il avait quelque chose en tête, difficile de l’arrêter ; une vraie tête de mule.

— Il est pratiquement trois heures du matin, on travaille demain, se lamenta Elijah. Enfin… aujourd’hui, du coup. Tu sais ce qu’ils disent dans How I Met Your Mother ? « Il ne se passe jamais rien de bon après deux heures du matin ». Personnellement, je n’ai pas vraiment envie de vérifier si c’est vrai ou non.

Shiloh s’énerva. Il comprit qu’il ne gagnerait pas la partie.

— T’es chiant ! s’exclama-t-il. Ouais, on bosse mais le soir ! D’ici là on le temps de dormir. Tu sais pas t’amuser.

— Attends, tu trouves qu’aller voir une scène de crime c’est s’amuser ? s’indigna Elijah. Mais t’es malade ! Tu sais quoi ? Fais ce que tu veux, mais ça sera sans moi.

Il tourna les talons et entendit son meilleur ami lui crier « tant mieux ». Il ne se retourna pas pour vérifier si Shiloh le suivait, il savait que ce n’était pas le cas. S’il se fait attraper, tant pis pour lui, pensa-t-il.

Arrivé au coin d’une rue, il fut prit de remords d’avoir laissé Shiloh seul, en pleine nuit et bourré. S’il lui arrivait vraiment quelque chose, il s’en voudrait pour le restant de ses jours. Il fit donc demi-tour. Idée complètement stupide qu’il regretta sur le champ puisqu’il n’y avait qu’une infime chance qu’il le retrouvât dans l’immensité du parc. Shiloh pouvait être n’importe où. Mais Elijah prit tout de même le risque de passer le reste de sa nuit à le chercher.

Il pénétra dans Hyde Park, non loin de la station de métro dont ils étaient sortis plus tôt. Comment chercher quelqu’un sans crier ni s’éclairer ? Elijah n’avait pas envie de se faire repérer par la police qui se trouvait très certainement un peu partout. Attirer l’attention dans un moment pareil était une très mauvaise idée.

— La poisse ! fulmina-t-il à voix basse. Je vais le tuer.

Elijah s’enfonça dans la pénombre nocturne. Avec une chance inouïe, il ne mit pas longtemps avant de tomber sur Shiloh. Du moins, il espéra que ce soit lui.

— Allez viens, on rentre, dit-il en attrapant le bras de la personne.

Son cœur battait la chamade, un pic d’adrénaline l’envahit. Et si ce n’était pas son meilleur ami mais le tueur ? Il pensa, en une fraction de seconde, qu’il avait été inconscient d’accoster quelqu’un sans savoir de qui il s’agissait. Surtout par les temps qui couraient.

La personne se retourna et ce fut effectivement de Shiloh.

— Non, pas encore.

— Mais Shiloh, c’est trop grand Hyde Park. On sait même pas où exactement ça s’est passé ! Ça va nous prendre des lustres avant de trouver !

Elijah était impatient de retrouver son lit. Shiloh l’avait bien comprit et abandonna.

— OK, se résigna-t-il.

Elijah soupira, soulagé. Les deux garçons se dirigèrent vers la sortie d’un pas rapide. Elijah ne savait pas si son mauvais pressentiment était dû à sa peur des lieux sombres mais toujours fut-il que cette peur était bien présente. Il ne le sentait pas du tout. S’ils ne partaient pas rapidement de ce parc…

Il n’eut pas le temps d’arriver au bout de sa pensée qu’un bruissement retentit dans les buissons non loin d’eux.

— C’était quoi, ça ? demanda Shiloh en se retournant vers la source du bruit.

— Je n’en sais rien et je ne veux pas le savoir, répliqua Elijah tout en continuant de marcher.

Shiloh tarda à lui emboîter le pas, trop intrigué par le bruit qui retentit de nouveau, plus proche cette fois. Il se mit alors à trottiner vers Elijah jusqu’à le rattraper.

— Je crois que ce truc nous suit, murmura-t-il.

— Je sais.

Elijah accéléra la cadence, imité par son ami. Le chemin du retour lui parut une éternité. Pourtant, il était persuadé de ne pas avoir mis autant de temps pour retrouver Shiloh.

Le bruit était tout proche à présent, ils pouvaient distinguer un grognement.

Elijah associa le son guttural à un chien errant en colère. Shiloh et lui s’étaient probablement aventurés sur son territoire. Il pensa bêtement qu’une fois qu’ils auraient franchi la clôture du parc, ils seraient en sécurité.

Il se mit à courir à perdre haleine en se répétant maintes fois que la clôture en fer forgé était leur salut. La sortie était plus loin qu’il ne l’avait pensé et se trouva dans son champ de vision. Il fut hors du parc le premier. Shiloh franchit le seuil à son tour et au passage, il saisit la poignée de la porte et la tira vers lui. La grille se referma derrière eux dans un fracas métallique. Peu de temps après, quelque chose se heurta contre la grille. Les garçons continuèrent de courir en regardant droit devant eux, trop effrayés par ce qu’ils pourraient découvrir s’ils se retournaient.

Ils s’arrêtèrent lorsqu’ils furent arrivés au Duke of York square. Elijah reprit son souffle petit à petit, il n’avait pas l’habitude de faire des efforts physiques aussi intenses.

— Tu crois que ce truc nous a suivi ? s’interrogea Shiloh, essoufflé.

— La grille est trop haute pour être escaladée (il chassa l’air d’un geste de la main). Enfin, j’en sais rien mais laisse moi penser que j’ai raison.

Elijah s’assit sur un bord de trottoir pour reprendre des forces.

— En tous cas, les ballades de nuit au parc, c’est terminé, décréta-t-il.

— Si ce truc est là la nuit, ça y sera aussi le jour, objecta Shiloh.

Elijah lui lança un regard noir. C’était la dernière chose à laquelle il voulait penser.

Il se releva.

— Bon, on va rentrer chacun chez soi et en ce qui me concerne, je vais dormir pour oublier ce qu’il vient de se passer.

Soudain, Shiloh éclata de rire. Elijah fut perplexe face à cette réaction pour le moins inattendue.

— Qu’est-ce qu’il y a de drôle ? grommela-t-il.

Shiloh, prit d’un fou rire, ne put répondre immédiatement. D’un geste, il demanda à Elijah d’attendre qu’il se calme. Il n’eut donc pas d’autre choix que de prendre son mal en patience.

— On a flippé comme des malades alors que s’il faut, c’était juste un écureuil.

— Un très gros alors, vu le bruit que ça a fait quand il s’est littéralement jeté contre la grille, rétorqua Elijah peu enclin à la rigolade. Et désolé, mais je doute fort qu’un écureuil grogne.

Shiloh avait visiblement oublié ce détail puisqu’il blêmit.

— Oui, c’est vrai, couina-t-il.

Silence.

Les deux amis décidèrent enfin de rentrer dans leurs appartements respectifs. Elijah s’assura que son meilleur ami soit bien rentré, il ne quitta pas le perron tant qu’il n’avait pas pénétré sa maison. Puis, il se dirigea vers chez lui à la vitesse de l’éclair, mains enfoncées dans les poches et tête renfoncée dans le col de sa veste ; malgré les températures agréables en journée, l’air restait encore frais une fois le soleil couché.

Être seul dans la rue, en pleine nuit, après ce qui venait de se produire à Hyde Park lui foutait les chocottes. Il ne voulait pas être le prochain sur la liste.

Arrivé chez lui, il se barricada en verrouillant la porte à double tour et en fermant tous les volets, chose qu’il ne faisait quasiment jamais ; il préférait tirer les rideaux. Il ne monta dans sa chambre qu’après avoir vérifié dans chaque pièce s’il n’y avait pas d’intrus. Il se glissa dans les draps. Plus vite il dormirait, plus vite la journée suivante viendrait et tout ce désastre serait derrière lui.

Il ferma les yeux, totalement ravi d’être sain et sauf, dans son lit, prêt à reprendre sa petite vie tranquille.

Soudain, le visage de la fille du bar lui vint à l’esprit, comme un flash fantomatique. Pourquoi fallait-il qu’il pense à elle au moment de dormir ?

Il eut beau se tourner et se retourner ou encore essayer de penser à autre chose mais rien n’y faisait, l’image de la fille dans son esprit revenait encore et encore, tenace. Elle l’intriguait. Non, elle était envoûtante, c’était le mot. Il avait joué la plante verte toute la soirée, intimidé. Elle était toute petite et paraissait si fragile. La réalité était toute autre. Elle empoignait chaque chose de ses mains, elle était à l’affût du moindre geste telle un aigle à la recherche d’une proie, elle était vive et précise. Elle ne communiquait pas, elle ordonnait.

L’ambiance au Sangtuaire n’aidait pas à avoir une opinion positive, non plus. D’ailleurs, était-ce la fille qui rendait l’endroit spécial ou l’endroit qui rendait la fille spéciale ?

Finalement, il s’endormit en un clin d’œil. Il fut tiré de son sommeil par la voix de Nick Grimshaw. Il se maudit alors d’avoir oublié de le régler pour plus tard. Il asséna une grosse claque sur son radio-réveil pour l’éteindre. Et se rendormit aussitôt.

Elijah rouvrit les yeux vers treize heures avec comme première pensée de retourner au Sangtuaire et d’aller s’excuser de s’être emporté la veille. Et pour le comportement de Shiloh. Ce dernier avait bu comme un trou et par conséquent, il s’était donné en spectacle. Il avait toujours aimé monopoliser l’attention et tout cela était exacerbé par l’alcool. Shiloh pouvait se montrer vraiment lourd lorsqu’il était saoul et Elijah en avait fait les frais sur le chemin du retour.

S’excuser. C’était la moindre des choses.

Il consulta son téléphone portable qui était posé sur sa table de nuit. La luminosité trop élevée le força à plisser des yeux. Il n’avait aucun message de son meilleur ami. Il devait sans doute subir une énorme gueule de bois. Si tel était le cas, il l’avait bien cherché.

Elijah reposa son portable et fixa un point dans le noir. Pourquoi retourner au bar, au final ? Il ne mettait quasiment jamais les pieds à Piccadilly donc il avait de fortes chances de ne plus jamais la revoir et de ce fait, ne pas s’excuser. Ils ne se connaissaient ni d’Adam ni d’Ève, ils n’avaient pas de compte à se rendre mutuellement. Et puis, il n’avait rien à se reprocher si on pensait à la manière dont ils avaient été reçus par le personnel du bar. Et ce n’était pas lui qui s’était mal comporté.

Parfait.

Mais dans ce cas, pourquoi ressentait-il tout de même le besoin de se rendre au Sangtuaire ?

Il décida de faire un peu de ménage pour chasser cette idée de son esprit. Il surveillait son portable de temps à autre. L’absence de nouvelles de la part de son meilleur ami le titillait. Même avec une gueule de bois, Shiloh ne se levait jamais après onze heures. Il préférait se lever tôt, quitte à faire une petite sieste ensuite dans l’après-midi.

Elijah relativisa. Il était vrai que Shiloh avait ingurgité pas mal d’alcool la veille. Il se disait fatigué ces temps-ci. Peut-être rattrapait-il juste son manque de sommeil.

Il ne toucha plus à son téléphone jusqu’à la fin de son nettoyage. Lorsqu’il eut tout rangé, il vérifia de nouveau son portable. Toujours rien. Il décida d’aller chercher son journal et de le lire, cette fois.

La Une du quotidien annonçait un nouveau meurtre à Londres. Elijah se rua à la page indiquée où se trouvait l’article qui traitait du sujet, inquiet. Selon l’article, un cadavre avait été retrouvé dans la nuit à Piccadilly. La police avait déjà remarqué une sorte de signature sur les précédents corps et ce meurtre venait appuyer l’hypothèse du tueur en série. Le journaliste rappelait que d’autres meurtres à Carfax et Whitby étaient liés à ceux de Londres. En bas de la page, il y avait un appel à témoins.

Elijah eut un haut le cœur. Lui et ses amis étaient à Piccadilly le soir du meurtre. Cependant, ils n’avaient rien remarqué d’étrange si ce n’était le type saoul à la veste en cuir. C’était peut-être lui, le criminel…

À cette pensée, Elijah courut jusque chez Shiloh.

Il sonna deux coups secs – leur code – et entra. La porte n’était pas verrouillée, comme à son habitude. Elijah soupira. Son ami ferait mieux de s’enfermer chez lui la nuit, surtout avec le fou furieux qui traînait en ville ces derniers jours.

— Shiloh ? interrogea Elijah.

Il ne reçut aucune réponse.

Il grimpa les escaliers quatre à quatre, reprit son souffle à mi-chemin, puis à la dernière marche, et zieuta autour de lui.

L’appartement de Shiloh était similaire au sien. Au rez-de-chaussée, il y avait juste une buanderie, un hall d’entrée et une chambre. L’escalier donnait sur une petite cuisine, de l’autre côté de la rambarde de sécurité se trouvait le salon. Au fond, il y avait une chambre et une salle de bains.

Alors qu’Elijah avait une décoration et des meubles basiques (pour ne pas dire vieillots). Shiloh, quant à lui, avait créé un environnement assez classe, tout en noir et blanc. Il avait choisi la carte de la sobriété. C’était plutôt curieux quand on connaissait la personnalité extravagante de Shiloh. Ceci dit, il était assez excité comme ça d’ordinaire, ce n’était pas la peine d’en rajouter avec une décoration éclatante et colorée.

Shiloh était affalé sur son canapé en cuir.

— Arrête de crier s’il te plaît, geignit-il, j’ai mal à la tête.

— Oui, je m’en doute vu tout ce que tu as bu.

— C’est traître leur truc, aussi. Ça se laisse boire, on sent pas l’alcool et après ça monte d’un coup.

Elijah leva les yeux au ciel. C’était son excuse favorite quand il abusait de la boisson.

— Quelqu’un a été tué à Piccadilly, déclara-t-il simplement.

Cette annonce eut l’effet d’une douche froide. Shiloh se releva avec difficultés, une grimace de douleur figée sur son visage.

— Hein ?

Il n’était pas certain d’avoir correctement entendu.

— Il y a eu un nouveau meurtre cette nuit, à Piccadilly, répéta Elijah.

Shiloh frissonna.

— Tu crois qu’on a vu le tueur ? demanda-t-il.

Elijah haussa les épaules.

— Peut-être. Dans le journal, il y a un appel à témoins, on peut toujours aller voir la police et leur parler du mec bourré qu’on a vu hier soir. Il avait l’air plutôt agressif.

Shiloh secoua la tête. Il ne portait pas les forces de l’ordre dans son cœur.

— Non. C’est pas parce qu’il nous a regardé de travers que c’est lui le coupable. On va leur faire perdre du temps et vu l’interrogatoire qu’ils nous ont fait, ils vont sûrement nous suspecter et avoir les flics derrière mon cul, c’est la dernière chose que je veux.

— Mais on sait jamais, insista Elijah. Si ça peut faire avancer leur enquête…

— Vas-y si tu veux mais moi, c’est mort, je viens pas avec toi.

Elijah soupira. Soudain, un événement lui revint à l’esprit. Le genre de chose qu’il aurait préféré rayer de sa mémoire.

— Et si c’était ce qui nous a suivi à Hyde Park cette nuit ?

Son ami le regarda, perplexe.

— Ah. Tu t’en souviens pas, en conclut-il.

Shiloh secoua doucement la tête. Elijah résuma la situation dans les grandes lignes : le parc, la mini prise de tête et l’espèce de course poursuite avec le bruit des buissons.

— Il s’est vraiment passé ça ? demanda Shiloh.

— Oui.

— Ouah. La vodka m’a fait vraiment mal.

Shiloh se leva pour se servir un verre d’eau.

— Laisse tomber, dit-il après une gorgée. Les flics vont se foutre de notre gueule si on les dérange pour un bruit. S’il faut c’était un chat qui voulait à manger ou je sais pas quoi. De ce que tu me dis, on a pas vu le truc alors de un, on sait pas ce que sait, et de deux, on sait pas à quoi ça ressemble du coup.

Il marquait un point. Il en avait de la chance, Shiloh, d’avoir oublié cette scène. Pendant un instant, Elijah regretta de ne pas avoir autant bu que lui. Comme il ne buvait pas souvent, il aurait eu suffit d’un seul verre de plus.

 

 

Le service du soir avait été une course contre la montre. Beaucoup de clients à servir. Le rush total, du début à la fin. Il y avait des soirs comme celui-là, où les gens décidaient de sortir tous en même temps.

Shiloh rentra directement chez lui sans demander son reste, trop mal après la beuverie de la veille.

Absorbé dans ses pensées, ce fut trop tard lorsque Elijah se rendit compte qu’il se trouvait devant le Sangtuaire.

— Merde ! pesta-t-il.

Puisqu’il était là, autant entrer. Il poussa la lourde porte métallique à la poignée toujours aussi sale et se retrouva dans le hall rouge. Il resta immobile pendant quelques secondes qui lui parurent les plus longues de sa vie. Comment devait-il s’y prendre, à présent ? La fille avait dit que l’accès au bar serait « facilité » mais se souvenait-elle de ses paroles ?

Il se décida enfin à ouvrir la deuxième porte et entra dans le bar. Il fut agréablement surpris de constater que la musique n’était qu’un fond sonore contrairement au soir précédent où elle avait été beaucoup trop forte. Et les gens étaient normaux. Enfin… habillés normalement. Ils se déplaçaient toujours d’une manière chaloupée, comme des chats.

Le grand gaillard tatoué se tenait à sa gauche.

— Vous pouvez y aller, elle vous attend, annonça l’homme en pointant la fille du doigt.

Elijah fut décontenancé, il s’attendait à se faire éjecter. Et comment ça, elle l’attendait ?

Il remercia l’armoire à glace qui faisait office de videur et se dirigea vers le comptoir. La fille discutait avec Dimitri. Ce dernier semblait de bien meilleure humeur que la veille. Il les salua timidement.

— Eh bien, voilà un courageux, lança Dimitri en haussant un sourcil à l’intention de la fille.

Elle sourit.

— Je tenais à… m’excuser pour hier soir, déclara Elijah.

— Ah oui ? Et pourquoi donc ? voulu s’informer la demoiselle, intriguée.

— Euh… mon ami n’a pas été très cool, il faut dire qu’il n’a pas lésiné sur les verres.

— Ah, ça ! répondit-elle en chassant l’air d’un geste de la main.

Puis, elle gloussa avec Dimitri.

— Un bar, c’est fait pour boire, ajouta le serveur blond.

Il coinça une mèche de cheveux derrière l’oreille.

— Mon cocktail maison lui a plu, on va pas lui en vouloir pour ça.

— C’est plutôt nous qui devrions nous excuser, intervint la fille. Hier, c’était une soirée un peu particulière, on avait pas mal de clients, tout le monde était sur le qui-vive.

— Ah, soupira Elijah, soulagé. Je sais ce que c’est, je suis serveur.

Détail qui attisa la curiosité de la fille.

— Ah oui ? Où ça ?

— Au Manicomio, sur le Duke of York square.

Elle réprima un rire. Elijah fut perdu. Il ne comprenait pas ce qu’il pouvait y avoir de drôle dans son métier ou encore son lieu de travail.

— Quoi ? se vexa-t-il.

— Tu sais ce que ça veut dire « manicomio » en italien ? questionna la fille.

Elijah secoua la tête.

— Comment voudrais-tu que je le sache ?

— Ça veut dire « maison de fous ».

Elijah sourit.

— Eh bah dis donc… ceci explique cela. Le hasard fait bien les choses.

Une petite main apparut dans son champ de vision.

— Au fait, je m’appelle Éirinn, déclara la fille. Et le grand blond là, c’est Dimitri.

— Elijah, lui répondit-il en acceptant sa poignée de main.

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Eldir
Posté le 22/09/2020
Bonjour, déjà merci d'avoir partagé votre histoire. Je trouve que le suspense est bien amené, cependant j'ai plusieurs remarque. Il y a sur un passage de votre chapitre plusieurs phrases bizarrement formulées :

"Shiloh avait fini par lui décrier tant bien que mal qu’il n’avait plus qu’à venir avec eux." ==> j'ai l'impression qu'elle va à l'encontre du sens du texte (si tant est que j'ai bien compris ce dernier. Je me permet de vous proposer une formulation : Shiloh avait fini par lui crier "t'as qu'à pas venir avec nous".

"Avec une chance inouïe, il ne mit pas longtemps avant de tomber sur Shiloh. Du moins, il espéra que ce soit lui." ==> cette formulation me semble étrange, je me permet aussi une reformulation : Par chance il ne mit pas longtemps avant de tomber sur Shiloh, du moins si cette silhouette sombre était bien Shiloh ?

"La personne se retourna et ce fut effectivement de Shiloh." ==> IDEM, je vous propose : L'ombre se retourna et un rayon de lune éclaira le visage de son ami d'un lueur blafarde.

"Elijah ne savait pas si son mauvais pressentiment était dû à sa peur des lieux sombres mais toujours fut-il que cette peur était bien présente." ==> IDEM, je vous propose : Elijah ne savais pas si son mauvais pressentiment était dû à sa peur de l'obscurité, mais il ne pouvait se défaire de l'idée qu'un malheur allait survenir.

"La sortie était plus loin qu’il ne l’avait pensé et se trouva dans son champ de vision." ==> IDEM, je vous propose : La sortie était plus loin qu'il ne l'avait cru. La lumière jaune des lampadaires fini par faire apparaître l'ombre des grilles devant lui.

"Absorbé dans ses pensées, ce fut trop tard lorsque Elijah se rendit compte qu’il se trouvait devant le Sangtuaire." ==> Ici ce n'est pas la structure de la phrase qui pose problème, mais plutôt le rythme de l'histoire. Je pense que c'est trop rapide. Je vous propose une phrase intermédiaire pour laisser le temps à Elijah et au lecteur de se perdre un peu : Absorbé par ses pensées, Elijah marcha dans les rues obscures. Il dépassa [insérer ici lieu remarquable qui montre à un féru de la ville de Londres qu'il se dirige vers le bar et non vers son appartement] et repensa au bruit qui avait hanté le parc la veille. Il se demanda quelle animal avait bien pu le produire. Lorsqu'il leva les yeux de son téléphone il remarqua le vieux néon qui indiquait "Sangtuaire" et sursauta.

"jus d’orange avec de la vodka" ==> En dernier, je pense que ça vaudrait le coup de mettre un cocktail un peu plus original (ça ne changerait pas le fait qu'il puisse le refaire car il est serveur, si vous voulez de l'inspiration il y a masse de tuto cocktail halloween sur youtube).

Sur ceux, je vais continuer avec le chapitre 4.
Bien à vous,
Eldir
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