3. Ennui

[Modifications (passez ça si vous avez lu les chapitres 1 et 2 modifiés)

(Extraits)

"Et autour [de Londres], aucune route. Non. Aucune connexion entre Londres et une autre ville. Non. Pas de route. Londres est encerclée par le Marécage. C’est une forêt qui s’étend sur une centaine de kilomètres autour de la ville, si elle ne recouvre pas le pays tout entier. Les créatures lunaires viennent de là, alors inutile de préciser pourquoi personne n’essaye de le traverser…Et, naturellement, personne n’a eu des nouvelles des quelques courageux qui ont osé s’y aventurer. Le terrain du Marécage est totalement impraticable. Le sol est tellement marécageux, boueux, et la forêt est tellement dense qu’elle recouvre le ciel, si bien que là-bas même la lune n’éclaire rien, et que l’on peut s’enliser les pieds facilement et rester là sans voir le temps qui passe, en finissant comme engrais pour plantes ou repas du soir si l’on croise une créature lunaire. -Comment je sais ça ? Si je vous le disais vous me prendriez pour une folle…- "

"Oui, parce que j’ai un frère…qui n’est jamais là naturellement. Je ne sais pas trop ce qu’il fait, mais il ne rentre que la nuit…enfin…très tard quoi…qu’il passe sur son ordinateur. Zack a ce rythme de vie depuis qu’il a quitté le lycée, il y a maintenant un an. Je n’ose pas lui demander ce qu’il fait de ses journées. Depuis l’accident qui a détruit notre maison et notre famille, il se démène comme personne pour obtenir l’argent qui va nous permettre de payer notre appartement en centre-ville et mon collège privé. Je suis un peu prise d’admiration pour mon frère, même si je regrette tout le temps qu’on passait ensemble, avant. Mais je ne le blâme pas. Je suis tout ce qui lui reste, et il est tout ce qu’il me reste. Comment je réagirais si je perdais mon frère ? Je n’ose même pas l’imaginer…Je poussai la porte avec timidité."

Oui j'ai été coupée d'internet pendant deux mois. Cela a été pénible, mais je reprends le rythme habituel des publications.]

 

L'ennui s'installe mais l'action arrive

J’avais cours ce matin-là.

Accroupie devant la porte de notre immeuble, j’observais un moment la rue. Morne, vidée de toute animation. Il n’y a jamais de bruits de pas ici, personne ne passe, personne ne sort. Il n’y a que mes baskets non adaptées à la pluie (la ferme) qui se font entendre parfois. S’il y avait encore des touristes, ils se demanderaient sûrement s’il y a vraiment des humains dans les immeubles, tellement le tout semble inhabité. Les canalisations sont pleines d’eau glacée. Les trottoirs sont en décomposition. La pluie abime tout, et est presque omniprésente. Il n’y a pas d’ambiance morbide, de grande angoisse à avoir. Non, on se sent juste seul. Même si on ne l’est pas vraiment…Je tournai furtivement ma tête vers une des maisons. Une ombre entourée de brume venait de passer comme un fantôme. Un frisson me parcourut. Je ferais bien de m’activer…

J’ai le choix entre trois chemins, trois itinéraires jusqu’à mon collège : Le chemin à ma gauche, le plus court, qui mène vers notre médiathèque ouverte un jour par mois (donc abandonnée), puis directement devant mon collège. Et celui où, accessoirement, je viens de voir une créature lunaire passer. Celui du milieu, menant directement à la Grande Place de Londres avec le Buckingham Palace etc…mais qui me fait faire un détour pour arriver jusqu’à ma destination enfoncée dans une montagne d’immeubles. Enfin celui de droite, menant directement à Saint James’s Park et, plus loin, vers une station de métro. Je ne vais pas faire la liste des choses qui fonctionnent à Londres…mais curieusement, le métro oui. Bien qu’il ne passe que dans les différentes stations de Londres. Je regardai dans les trois directions à tour de rôle. Un large choix me faisait face. Je regardai ma montre. 7h55. Manque de temps. Tant pis, je prends celui de gauche, même si je pourrais facilement me faire bouffer par le fantôme qui y rôde. Pour plus de sécurité, je me mis à courir. Chaque pas m’aspergeait d’eau, et je ne pouvais pas éviter les flaques. Au bout d’une minute de course sous la pluie, j’étais trempée, essoufflée, et angoissée. J’imaginais sans cesse la créature lunaire revenir vers moi, mais par chance, j’arrivai finalement au niveau de la médiathèque. Je m’arrêtai un moment. En voyant le bâtiment gris et rouge, mon pire souvenir ressortit aussitôt :

J’étais sur le vélo de mon frère, assise sur le porte-bagage. Une bourrasque faisait flotter derrière moi mes cheveux, et le vélo prenait de plus en plus de vitesse. J’aimais ça. Je souriais. Je regardai la montre de mon frère et réussis à déchiffrer. 7h…7h50…7h59 ! J’avais réussi !

- Vite ! criai-je à Zack, on va être en retard !

- T’inquiète, me répondit-il en me faisant un clin d’œil, puis il redoubla de vitesse, ce qui me fit sourire encore plus.

- Oui !!! Encore plus vite !

Des ombres passèrent sur notre droite. Je remarquai alors la brume au loin. Mon frère freina brusquement, manquant de nous projeter droit devant.

- Ce n’est pas bon signe, hein ? demandai-je avec angoisse.

Il rangea son vélo sur le côté, et me dit d’attendre dans le bâtiment en face de nous. Ce bâtiment, c’était la médiathèque, et je n’avais envie pour rien au monde d’y entrer. En vue du regard insistant de Zack, j’ouvris la porte malgré moi. La médiathèque avait des murs vitrés, si bien qu’en passant par l’accueil, puis dans le pôle jeunesse au rez de chaussée, je me retrouvais à l’endroit où il avait adossé le vélo. Zack fouillait dans son sac à dos, cherchant probablement sa lampe torche. Il finit par vider son sac par terre, mais il trouva ce qu’il cherchait. Il y avait quelque chose qui bougeait derrière lui. Un fantôme. La brume s’épaissit alors que mon frère était à découvert. Deux yeux jaunes perçants s’allumèrent, je n’osai les fixer. Je hurlai à mon frère de partir, de me rejoindre, de bouger d’ici, que le fantôme arrivait. Je donnai des coups sur la vitre. Il ne m’entendait pas. Le fantôme enveloppé dans sa brume augmenta soudain de vitesse avant de briser une vitre de la médiathèque, ratant mon frère de peu. Le fantôme était en face de moi. J’étais transie de peur. Je tremblais de tous mes membres. Des larmes me montaient aux yeux.

- Euh…n’approchez pas ! J’ai un euh stylo et je n’hésiterais pas à m’en servir !

Une larme coulait sur ma joue pendant que la créature lunaire commençait à s’enflammer. Je me collai contre le mur, priant pour que tout s’arrête. Je ne tenais plus sur mes pieds. Je m’assis en boule, cachant mon visage dans mes genoux, retenant mes larmes. Zack fit irruption dans le bâtiment et braqua le faisceau de sa lampe-torche droit sur un œil de la créature. Celle-ci poussa un cri amer, glaçant. Mon frère me prit par la main, et nous nous enfonçâmes dans le bâtiment noir, la créature à nos trousses.

« Je ne laisserai aucun fantôme faire de mal à ma sœur »

Je repris mes esprits, seule face à la médiathèque. Je me rendis compte qu’une larme avait coulé. Non pas à cause du souvenir, mais ce que je savais qui allait arriver ensuite. Je préférais couper court au souvenir maintenant. 7h58. Merde. Je repris ma course. Au bout de la rue se trouvait mon imposant collège. Comme ça, on dirait plus un manoir hanté qu’un lieu d’éducation, mais si on s’approche de la grille de métal peint en noir haute de six mètres, on peut lire : Westminster’s Primary school, Junior high school and High school. Ce site est composé de trois bâtiments, formant un triangle encerclé par une forêt et une prairie au centre. Le premier est l’école primaire, le deuxième le collège et le dernier le lycée. Superficie dans l’ordre croissant bien sûr. Le domaine est entouré d’un mur de pierres beiges qui fait trois fois ma taille, ouvert sur deux côtés par d’imposantes grilles noires. Les trois écoles ont des formes de manoir, une couleur gris foncé, quelques tours en haut et des fenêtres traditionnelles rectangulaires sales et sans rideaux. Je ne vais pas m’attarder sur la forêt, mais personne n’a envie d’y aller seul, sachez-le, et il y a bien des raisons.

7h59. J’allais me faire défoncer par ma prof de maths. J’atteignis la grille et passai in-extremis avant que le surveillant à l’entrée n’eût l’idée de la fermer. La pluie c’était calmée (tant mieux !). Stressée, j’avançai lentement vers le premier bâtiment droit devant moi, l’école primaire où j’avais passé quatre années de ma vie. Je touchai la paroi.

« Cours Helena ! cria Zack. Ne le laisse pas te rattraper ! » Des cliquetis, puis un crissement métallique se firent entendre…

Je fermai les yeux. J’ai dit…j’ai dit que je ne voulais pas revivre la suite. Je repris ma marche vers le chemin menant au deuxième bâtiment. Je passai devant quelques arbres qui même eux semblaient tirer la tronche. En bas, je montai les quelques marches, ouvris la porte du bâtiment. L’éclairage électrique étais très faible, et je crus un moment apercevoir de la brume.

Stop. Il fallait que j’arrête de délirer. Même si le décor faisait atrocement penser à Luigi’s Mansion…

Quelqu’un passa dans le couloir. Je sursautai, pensant tout de suite à ma professeure de mathématiques. Mais c’était seulement le concierge, George, qui était une des personnes les plus aimables au monde. Il était également très sadique, mais ça, c’était une passion commune avec moi.

- Votre carnet, jeune demoiselle, commença-t-il avec sa voix grave.

Je pouffai de rire avant d’ajouter :

- S’il te plaît, dis-moi qu’elle n’est pas encore arrivée dans la classe…

- Pas encore, t’as de la chance, mais il va y a voir du grabuge, crois-en l’expert, répondit-il avec un clin-d ’œil.

- Pourquoi, qu’est ce qui va se passer ? demandai-je, appréhendant encore plus ce cours de maths.

- Je te laisse la surprise.

Une silhouette dévala les escaliers à toute vitesse. Je reconnus Ilyanna.

- Ta sœur jumelle est là, elle va bien s’occuper de toi, lança George, puis il repartit dans les pièces obscures du manoir, auxquelles aucun élève n’a accès, dont lui seul connaît les secrets.

Il pensait qu’Ily était ma sœur jumelle à cause de la ressemblance de nos noms (Ilyanna/Helena). On s’était rencontrés au CP et on était devenues inséparables. De l’extérieur, on dirait une fille superficielle qui fait un peu trop attention à ses vêtements, mais ça, et moi seule le sait, c’est une couverture. Sous ses cheveux châtains parfaitement bouclés, ses yeux noisette surligné d’un léger trait parfait d’eye liner, et ses vêtements dernier cri pas non plus adaptés à la pluie (l’union fait la force) elle était la personne la plus ouverte d’esprit, aventurière et audacieuse que je connaissais. La preuve, c’était la seule qui acceptait parfois de m’accompagner dans les « promenades dangereuses ». Malgré ça, je ne voulais pas qu’elle récolte des problèmes à cause de moi alors je faisais tout pour que nos escapades nocturnes ne s’ébruitent pas. Arrivée à mon niveau, elle me jaugea rapidement avant de m’entraîner brutalement vers l’escalier, puis vers une des portes pourpres qui menaient vers les salles de cours. Ily poussa brutalement la porte avant d’inspecter l’intégralité de la classe. Tout le monde était assis impeccablement à sa place.

- Ily, tu nous as fait peur, s’écria Oscar, on a cru que c’était la prof !

- C’est vrai qu’il n’y a qu’elle pour ouvrir la porte comme ça, plaisanta Jadyn.

Nous les ignorâmes et allâmes s’assoir au rang le plus reculé possible.

- Hé, m’exclamai-je, pourquoi tu nous entraînes aussi loin ?

- T’as fait ton devoir de maths ?

- Non.

- Moi non plus, comme ça c’est réglé, dit-elle en souriant.

Je poussai ma chaise et m’assis. Tout le monde autour de nous avait le regard rivé vers le tableau, attendant avec angoisse l’arrivée du monst…euh…de la professeure de mathématiques. Je tentai de retirer mes lunettes pour mieux voir de près. Et c’est là que je réalisai que je ne les avais pas prises. Sachant que la prof n’avait apparemment pas l’intention d’arriver maintenant, et voyant le regard insistant d’Ily, je lui racontai les raisons de mon retard, et le pourquoi j’avais mis autant de temps sur mon trajet. Elle me répondit que, étant donné que je n’avais pas pris de lunettes, c’était plutôt normal que je voie de la brume partout. Ma mine se refrogna lorsque la professeure arriva finalement. Je ne fis même pas attention de remarquer qu’elle n’était pas seule. M’en fiche. J’étais contrariée.

Ma main glissa et lâcha celle de mon frère. La brume au sol commençait à nous envelopper les pieds. La lampe de Zack s’éteignit. Plus rien. Un silence. Puis une étagère de livres tomba droit sur nous. Je poussai un cri…

Même sans mes lunettes, la brume, je savais la reconnaitre.

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