3 - Étrange gouvernante

Notes de l’auteur : Bonne lecture !

Eliabelle n’était jamais allé plus loin que White Blossom Square. Aussi ne connaissait-elle absolument pas le quartier de White Hollow qui se trouvait à l’opposé même de celui de son enfance.

À Willow Lane, l’allée principale bordait la Radieuse où de grands saules s’alignaient majestueusement. Le quartier était tranquille, seulement peuplé de petites habitations à la pierre blanche et aux toits de bardeaux de bois. Leurs grandes fenêtres offraient une vue panoramique sur les petits jardins particuliers et les berges de la rivière. On y vivait paisiblement dans un luxe relatif qui n’avait certes rien à voir avec celui de Bloom Burrow.

Eliabelle y gardait des souvenirs de pique-niques aux bords de l’eau, d’escalade dans les arbres et de promenades au fil de la rivière. Aux jours de pluies, elle s’installait dans le petit salon d’hiver avec sa mère où elles lisaient paisiblement.

Avant que l’orage ne gronde. Avant qu’il ne rentre.

White Hollow était complètement différent. Pas beaucoup plus grand, le quartier comportait tout de même davantage de bâtiments s’élevant parfois sur cinq étages vertigineux, des rues pavés étroites où l’on peinait à passer à trois et quelques vendeurs itinérants hélant les passants. Les tuiles d’argiles avaient remplacé les bardeaux alors que de petits balcons donnaient sur les rues les plus larges. Du lierre mangeait les façades de tuffeau et prenaient racine dans de petits parterre savamment aménagés aux abords des entrées.

On y trouvait déjà quelques boutiques, loin du faste de Bloom Burrow Avenue, s’entend, mais de belle qualité tout de même. Leurs vitrines étaient si belles qu’ils flânèrent longtemps dans l’artère principale pour les admirer, entre la petite boulangerie, la belle librairie et ce petit vendeur itinérant qui proposait autant de fruits, de fleurs que de journaux. Ellie s’y arrêta pour lui acheter un journal alors que les jumeaux, ayant remarqué la petite confiserie juste derrière, se précipitaient au-devant de sa vitrine.

De minuscules personnages de pain d’épice s’amusaient au milieu de poney en pate d’amande et de chevalier en sucre d’orge. De petites maison en guimauve et en pâte de fruit leur faisait office de foyer. Ils y entraient et en sortaient comme de vraies petites habitations.

— Ellie ! Ellie ! On pourrait en rapporter un sachet ? demanda Hyacinthe alors que son frère bavait, le nez collé à la vitre.

— Oh s’il te plait, dis oui ! ajouta-t-il sans détacher les yeux du petit dragon en gélatine qui avait jailli d’une cache en hauteur pour survoler ce petit monde sucré.

Les personnages s’affolèrent et se dépêchèrent de rentrer dans leurs maisons alors qu’une garde de chocolat et de sucre candie se dressa face au dragon. La scène était mignonne et intéressa même Anabeth qui oublia momentanément de rappeler son frère à l’ordre.

— Nous aurons tout le temps de revenir, promit-elle.

— Maman refusera à coup sûr, se rembrunit Nicolas en se redressant.

Il croisa fermement les bras et fit la moue, déçu. Sa sœur l’imita.

Eliabelle secoua la tête et les laissa bouder, le temps de se plonger dans les gros titres du journal. Anabeth en profita pour se pencher sur son épaule. Il n’y avait qu’une feuille de chou pour détourner sa cousine de friandises aussi appétissantes.

— Disent-ils quelque chose d’intéressant ?

— Hmm, fit songeusement Ellie en tournant la page. Pas tellement. Une certaine Charity Bucket aurait essuyé une terrible humiliation lors d’un précédent bal où elle a tenté une approche avec un monsieur fort populaire. Ils disent qu’en prenant la fuite elle aurait renversé son verre de punch sur ses jupes. Une belle mousseline rose, quel gâchis…

— C’est tout ? se désola Anabeth avec déception.

— Non, il semblerait aussi que le célibataire le plus convoité de la capitale ait encore fait parler de lui.

— Un célibataire convoité ? s’égaya Anabeth.

Ellie lui jeta un regard amusé.

— Serais-tu intéressée de tenter ta chance ? demanda-t-elle malicieusement.

— Certainement pas, rougit la jeune fille en faisant un pas en arrière. Tu me vois vraiment m’humilier de la sorte ? Dans mon état…

Elle coula un regard sinistre à sa hanche droite, là où elle éprouvait le plus de difficulté à bouger sa jambe. Eliabelle pinça les lèvres. Elle songeait à dire un mot de réconfort lorsqu’Anabeth la devança.

— Mais je voudrais quand même savoir, avoua-t-elle avec ce pétillement dans les yeux qui ressemblait tant à celui de sa mère.

Ellie eut un petit rire avant de lui présenter le journal.

Devant elles, la porte de la confiserie s’ouvrit grand. Des effluves de pain d’épice et de chocolat leur parvinrent. Les jumeaux salivèrent mais n’entrèrent pas.

— Le Briseur de Cœur ? lut-elle avec perplexité.

— C’est ainsi qu’on semble le surnommer, approuva simplement Ellie.

— Ça n’est pas très originale, se désola Anabeth. J’aurais pensé qu’un journal de la capitale soit plus inventif.

Eliabelle examina le titre avant de regarder le garçon à qui elle l’avait acheté. Il avait déplacé son stand un peu plus loin vers la petite place et sa fontaine pour plus de visibilité.

— Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un journal très vendu. Peut-être auras-tu plus de surnoms inventifs lorsque tu lieras le journal avec ta mère. Je suis certaine que tante Laura connais les meilleurs papiers à scandales.

— Ça, c’est certain, s’amusa la jeune fille. Et donc il s’appelle comment ce bourreau des cœurs ?

— Calix Williams, présentement Duc d’Albridge.

Anabeth en resta sans voix.

Le duc d’Albridge ?

— Ma foi, il me semble qu’il n’y en a qu’un, répondit platement sa cousine. Connais-tu ce monsieur ?

— Si je le connais ? s’indigna sa cousine. Par toutes les étoiles, il fait partie de la famille de Sa Majesté le roi ! Et sa marraine n’est autre que la marquise de Tremaine, la plus proche confidente de l’ancienne reine !

Ellie cligna des yeux sans répondre. Elle comprit trop tard qu’elle aurait dû afficher une expression plus enthousiaste ou même choquée car sa cousine ouvrait des yeux si grands qu’ils semblaient prêts à jaillir de leurs orbites.

— Ah, fut tout ce qu’elle trouva à dire.

Pas très spirituel, elle devait bien le reconnaitre, mais même en replongeant le nez dans son papier, même en relisant ce nom plusieurs fois, elle ne voyait toujours pas.

Anabeth parut encore plus scandalisé.

— Comment ne peux-tu pas le connaitre ? s’agaça-t-elle en lui arrachant le journal. Il fait parti de l’élite de Whitehaven, même papa le connait !

Ellie haussa des épaules, penaude.

— Tu sais bien que je n’aime pas les ragots, se défendit-elle mollement mais sa cousine ne l’écoutait déjà plus.

Plongée dans son papier, elle ne fit plus attention au reste, si bien qu’Ellie eut tout le loisir de convaincre les jumeaux de lâcher la vitrine des yeux. Elle n’en détacha le regard qu’aux abords d’un café voisin dont la terrasse agrémentée de petits orangers en pots, diffusait un parfum de thé au jasmin et de cake à la framboise.

— Hm, fut tout ce qu’elle dit avant de replier le journal.

— Je t’aurais cru plus enthousiaste, lança Ellie alors que les jumeaux se passionnaient déjà pour une nouvelle vitrine joliment aménagée – de jouets, cette fois.

— C’est juste que… (Elle soupira.) Le duc d’Albridge n’est absolument pas un bourreau des cœurs. Ni même le moins du monde libertin comme ils semblent tous l’affirmer.

— Qu’en sais-tu ? s’étonna Ellie.

— Eh bien, de ce qui est écrit, il a surtout tendance à repousser les avances de filles intéressées. Je le comprends un peu. Moi aussi je mettrais des barrières si je dépendais d’une fortune et de connexions aussi importantes. Les dames qu’il a repoussées – du moins celles dont les noms sont mentionnés – sont réputées jusque chez nous pour chasser les comptes en banque. Pas étonnant qu’il les fuit comme la peste.

Eliabelle médita ses paroles, le temps de récupérer Nicolas qui essayait de se fondre discrètement dans une petite ruelle adjacente. Elle le rattrapa par le col juste avant qu’il ne s’engouffre dans le passage.

— Puis-je savoir où tu vas comme ça ? demanda-t-elle l’air de rien.

Le garçon lui offrit un sourire contrit, le genre qu’il lui réservait lorsqu’il se faisait prendre.

— Nulle part ?

— Eh bien que ce nulle part reste à proximité, je te prie, ponctua-t-elle en l’attirant à elle. Sinon je te prendrai la main comme avec Sofia.

Hyacinthe ricana alors que son frère virait rouge pivoine. La menace dû faire effet car il ne retenta plus de s’esquiver. Et sa sœur, qui connaissait bien la chanson, ne tenta pas non plus sa chance. J’ai fait du bon travail, se targua Ellie en son for intérieur. Après tout, il n’y avait pas de mal à se féliciter quelques fois.

Eliabelle et les enfants dépassaient la vitrine auréolée d’un magnifique lierre-vivace lorsqu’ils croisèrent deux jeunes filles aux larges ombrelles. Élégamment habillées de longues robes de soie pastel, elles arboraient c’est drôle de bonnets à la mode. Elles avaient l’air jeunes, à peu près l’âge d’Anabeth. Elles étaient suivies de deux dames plus âgées vêtues plus humblement.

Des filles de bonne famille, comprit Eliabelle en les surveillant du coin de l’œil. Et visiblement le genre qu’elle détestait par-dessus tout car leurs jolies lèvres roses ne savaient prononcer que des horreurs. Comme à cet instant, alors qu’elles se cachaient derrière leurs éventails pour mieux les détailler, Anabeth et elle.

Il n’était pas bien difficile de voir que ces filles avaient plus de moyen que les Deering, et Ellie devait avoir bien triste de mine avec sa vieille robe de voyage. Ce genre de considération filer sur elle sans qu’elle n’en fasse grand cas. Après tout, elle ne cherchait pas à se distinguer particulièrement et ne se voyait pas autrement qu’en gouvernante attentive. D’abord pour ses cousin et cousine, puis plus tard pour leurs enfants si le sort le voulait ainsi.

Eliabelle pensait donc simplement les ignorer. Après tout, oncle Phineas n’apprécierait pas qu’elle fasse des vagues dès leur arrivée, surtout en présence des enfants. Seulement…

Un gloussement retentit quelque part dans son dos. Le son n’était pas très fort, pourtant il sonna à ses oreilles comme le plus puissant des coups de feu. Elle s’arrêta tout net

Derrière leur éventail, les filles leur jetaient des regards méprisants. Mais Ellie remarqua que ces derniers n’étaient pas tournés vers ses jupes aux ourlets usé par le voyage, ni même sur son chignon aux mèches volantes qu’elle n’avait pas prit la peine de refaire. Non, ces filles se moquaient de quelque chose à côté d’elle. Elles se moquaient d’Anabeth et de sa jambe malhabile qu’elle trainait un peu plus que la veille à cause de la fatigue du voyage.

Cette dernière, mortifiée, avait tant rentrée la tête dans les épaules qu’on ne voyait plus son coup. Elle tenait dans ses poings serrer la soie de ses jupes et le journal si froissés qu’Ellie craignit un instant qu’elle ne se coupe avec le papier même à travers ses gants. La voir ainsi lui fendit le cœur.

Hyacinthe et Nicolas n’avaient rien perdu de l’échange et observaient aussi froidement que leur cousine les deux pintades qui ricanaient plus fort maintenant qu’elles étaient s’étaient éloignées.

Ellie sentit une sourde colère gonfler dans sa poitrine, si bien qu’au bout de ses doigts se manifestèrent bientôt les picotements familiers. La magie, énergie primaire et sauvage bénissant certains êtres de ses dons, réclamait à être utiliser. Eliabelle imaginait déjà toutes sortes de châtiments pour leur clouer le bec : sceller leurs lèvres l’une à l’autre, les priver de leur voix, les faire caqueter comme de vraies poules ou même ensorceler leur stupide bonnet à fleurs pour qu’ils s’enfoncent si loin sur leur visage bouffis d’orgueil qu’elles n’y voient rien et se prennent les pieds dans leurs jupes trop longues – la nouvelle tendance, semblait-il.

Elle s’apprêtait à le faire lorsqu’elle sentit la main d’Anabeth lui serrer le bras.

— Ce n’est rien, tenta-t-elle de la tempérer. Ça ne fait rien.

— Ce ne sera jamais rien, Annie, gronda Eliabelle. Ce genre de comportement ne peut être pardonné.

À côté d’elles, les jumeaux agréèrent.

— Vas-y Ellie, l’encouragea Nicolas en s’accrochant à ses jupes. Fais-les caqueter, comme la dernière fois !

— Non, fais-leur pousser des fleurs qui puent dans les cheveux, proposa virulemment Hyacinthe en imitant son frère.

— Ou un mini orage ? proposa Nicolas en serrant l’étoffe dans ses poings.

— Bonne idée, approuva sa jumelle avec un sourire méchant.

— Certainement pas, tonna tout bas Anabeth. Les cheveux de la vieille Lucette n’ont jamais repoussé !

Ellie en eut un sourire ému à cette pensée, réaction partagée par les jumeaux. La vieille Lucette n’avait eu que ce qu’elle méritait à toujours faire semblant de renverser sa tasse sur les pieds d’Annie dans l’espoir futile de la faire marcher droit. Une technique qui n’avait jamais marché sur Ellie qui le lui rendait en écrasant ses orteils aussi accidentellement qu’elle renversait sa boisson.

— Et si on essayait plutôt une nouveauté ? proposa Ellie avec un lent sourire.

Les filles venaient de s’arrêter devant la vitrine du fleuriste. Une idée avait germé dans l’esprit d’Eliabelle, une merveilleuse idée.

— Je suis partant, approuva d’office Nicolas en se redressant.

— Pareil ! s’exclama Hyacinthe.

— Il n’en est pas question ! pesta Anabeth en s’interposant. Ne fais pas ça, persifla-t-elle, ne me venge pas.

Eliabelle fit la moue. Elle était pourtant brillante son idée. Les filles avaient même déjà atteint l’endroit parfait. Si proche… si proche… Et toujours à se murmurer à l’oreille en les toisant avec dédains.

Un sourire de chat étira lentement les lèvres de la jeune femme. Un sourire qui intrigua tant les jumeaux qu’ils s’éloignèrent d’un pas, curieux.

— Ellie… gronda Anabeth avec inquiétude.

Ses doigts s’agitaient dangereusement.

— Ce n’est qu’un petit coup de pouce au destin, éluda-t-elle très calmement.

Lorsque la colère s’évaporait si vite, ce n’était jamais bon signe. Raison, sans doute, pour laquelle Anabeth blêmit.

— Je t’interdis de faire usage de magie ici, ordonna Annie tout bas, mais ça manquait cruellement de conviction.

Ellie fit un clin d’œil aux jumeaux avant de tendre discrètement la main vers Nicolas. Le regard du petit garçon s’illumina de malveillance lorsqu’il comprit.

— Qui a dit que j’userai de magie ? s’étonna innocemment Ellie.

Et, se campant sur ses jambes, elle se prépara à lancer la petite pierre que Nicolas lui avait glissé dans la main.

— Il n’y a rien de plus ordinaire que de lancer un caillou, sourit-elle à pleine dent.

Anabeth n’eut pas le temps de rétorquer que la pierre volait déjà. Elle accrocha la plante endormie et lui arracha même une feuille qui sombra mollement au sol sans que personne n’y prête attention.

Le réveil fut encore plus rude qu’elle ne l’avait pressenti. Toute la plante frémit et bientôt des vrilles nerveuses s’échappèrent du tronc principal pour voler alentour. Elles fouettèrent l’air avec colère, frappant sans distinction devant elle, là où l’infernal duo s’était arrêté.

Les filles hurlèrent, bondissant sur le côté alors que les vrilles s’acharnaient sur elles. Leurs belles toilettes s’en retrouvèrent éraflées, l’une des ombrelles déchirées.

Leurs cris résonnèrent si fort qu’ils couvrirent les rires des jumeaux. Les lierre-vivaces aimaient presque autant lézarder au soleil que les chats et avaient plus mauvais caractère encore. Ellie l’avait appris à ses dépens l’été de ses quatre ans lorsqu’elle avait cherché à escalader le treillis de son jardin et que la plante, vexée d’être ainsi dérangée, lui avait fouetté le bras au sang avant de la suspendre en l’air par les pieds.

Eliabelle jugea que les filles avaient de la chance car ce lierre-vivace-là était jeune et se contenta de quelques claques avant de se rendormir. Elles n’en garderaient sans doute que quelques bleus et une belle humiliation. Rien de bien méchant.

— Vite, filons avant qu’elles ne comprennent que c’est notre faute ! lança joyeusement Ellie en empoignant Anabeth et les jumeaux.

Elle les emporta dans la première ruelle venue où ils s’enfoncèrent au pas de course. Arrivée à une petite place déserte et sa minuscule fontaine, ils jugèrent être assez loin et s’autorisèrent une pause. Tous les quatre se regardèrent avant de rire aux éclats. Anabeth s’autorisa même un sourire nerveux alors qu’ils reprenaient leur souffle.

— Ellie, Ellie, c’est une fontaine à vœux ! s’exclama Hyacinthe en étudiant un peu mieux cette dernière, accolée au mur d’un vieux bâtiment. Tu nous donnes des pièces ?

— Voilà, voilà, s’amusa-t-elle en leur servant une pièce à chacun.

Les jumeaux se précipitèrent avec joie et chahutèrent avant de faire leurs vœux. Ellie s’apprêtait à les rappeler en voyant Nicolas afficher son sourire « catastrophe en approche » lorsqu’Anabeth l’attrapa par la manche. Trop tard. Nicolas venait de plonger la main dans l’eau du bassin pour éclabousser sa sœur.

Hyacinthe émit un petit cri et plongea les deux mains pour se venger.

Ellie jeta l’éponge et les laissa s’amuser, elle n’aurait aucun mal à les sécher plus tard et elle sentait que sa cousine brûlait d’envie de lui parler. Ou, à fortiori, de la gronder.

— Tu n’étais pas obligée de faire ça, entama-t-elle sombrement.

— Intéressante formulation, s’amusa Ellie avec un lent sourire.

Anabeth sourcilla.

— Tu as dit que je n’étais pas « obligée », pas que je n’aurais pas « dû ».

Un sourire mutin étira ses lèvres alors que sa cousine s’empourprait.

— Tu es impossible ! pesta-t-elle faute d’autres mots.

— Et toi trop facile à lire, jolie fleur.

Pour toute réponse, Anabeth fit la moue. Ellie la laissa se calmer et récupéra plutôt les jumeaux qui étaient trempés comme des soupes.

— Eh bien, quel spectacle vous faites.

— C’est lui qui a commencé ! accusa tout de suite Hyacinthe dont les boucles blondes pendaient lamentablement sur ses épaules.

— Non c’est toi ! s’offusqua Nicolas, les joues rougies, la chemise dégoulinante.

— Tu as mis la main dans l’eau le premier !

— Parce que tu as dit que mon vœu était nul !

— Mais il est nul !

Et alors qu’ils se chamaillaient, Ellie leva les mains vers eux et fit courir de ses mains un courant d’air chaud qui les enveloppa comme une couverture. La magie pétillait dans ses veines du bout de ses doigts jusque dans ses coudes, comme à chaque fois qu’elle l’utilisait. Moins d’un instant plus tard, et alors que les jumeaux bataillaient encore, ils étaient parfaitement sec.

— Bien, rentrons à présent, lança-t-elle pour les arrêter.

— Mais on n’a pas pris de goûter ! s’indigna Hyacinthe.

— C’est vrai ça ! approuva Nicolas.

Ellie se plaça entre eux et leur prit la main sans qu’aucun d’eux ne rechigne.

— Nous aurons tout le temps de le prendre au manoir. Maintenant pressons, tante Laura va s’inquiéter sinon.

Sauf qu’arrivée à Ivory House, ce ne fut pas tante Laura qui leur tomba dessus, mais l’oncle Phineas.

Le vicomte était blanc comme un linge et les examina chacun avec une inquiétude croissante. À ses cheveux ébouriffés, Eliabelle comprit qu’il se rongeait les sangs depuis un moment. Peut-être depuis leur départ. Elle aurait pu s’en vexer s’il n’y avait pas eu une bonne raison à cette anxiété.

Lorsque son attention tomba enfin sur elle, et alors même qu’ils faisaient quasiment la même taille, la jeune femme se sentit rapetisser.

— Tu n’as causé aucun ennuie, n’est-ce pas ?

Il ne fut pas aisé, ni pour elle, ni pour les trois autres, de retenir le sourire qui leur vint. Mais, concentré qu’il était sur sa nièce, Phineas Deering rata le ricanement qui échappa à son fils et qui lui valut un bon coup de coude dans les côtes de ses sœurs.

Sachant garder son calme mieux qu’eux en présence du vicomte, Ellie se composa une expression parfaitement digne, à des années lumières de l’éclat d’hilarité qui l’avait cueilli plus tôt dans la rue.

— Non, mon oncle, tout s’est passé pour le mieux. Je crois même que les jumeaux ont adoré cette sortie. Ils ont déjà repéré une confiserie enchantée dont les fumés sont tout à fait alléchants.

Un tic nerveux agita son sourcil gauche. Gagné, songea Ellie avec amusement.

— Une confiserie, tu dis ? demanda-t-il avec un net intérêt et la jeune femme opina humblement.

— Elle n’est pas très grande, mais ses bonshommes en pain d’épices vivent dans des maisons en guimauve ! intervint Nicolas avec entrain.

— Et même qu’il y avait des dragons en gélatine !

— Et des chevaliers en sucre d’orge !

— Et en chocolat !

Submergé par les jumeaux, oncle Phineas battit en retraite, non sans demander plus de détails aux enfants qui se firent un plaisir de lui décrire avec foule de détails à quel point cette confiserie avait l’air merveilleuse et comme il fallait absolument y aller. Gourmand comme il l’était, le vicomte ne serait pas difficile à convaincre. C’était bien là sa seule faiblesse.

Une fois loin, Ellie s’autorisa un soupir de soulagement avant d’échanger un regard amusé avec Anabeth.

— Bien, et si nous allions demander à tante Laura ses meilleurs feuilles à scandales ? proposa-t-elle en passant le bras sous celui de sa cousine.

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