3 - Tiegezh.

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- Votre maman a encore appelé tout à l’heure, elle demande à ce que vous la rappeliez.  me dit Carrie au moment où je rentrais dans la boutique.

- Encore ? 

- Oui, ça avait l’air important. 

- Très bien, d’accord, je vous laisse ranger cette livraison dans les rayons, je vais dans mon bureau. 

J’étais surbookée de travail depuis quelques semaines, ne pouvant plus toucher terre, maman m’avait laissé quatre messages, peu alarmant, alors je m’en étais tenue à me dire que je la rappellerais quand la folie du moment s’estomperait. Mais il semblerait qu’il en soit autrement. J’espérais juste qu’il ne s’agissait pas de Poupi.

- Maman… je sais que tu es chez toi… décroche le téléphone… tu as encore 10 secondes pour le faire après je retourne au travail et tes milliers d’appels n’y pourront rien changer…. 

Elle décrocha.

- Désolée ma fille, j’étais… en train de … peindre. 

- Que se passe t-il ? Poupi va bien ? 

- Oui, il va très bien pourquoi ? 

- Tu m’as appelé 7 fois ! 

- Ah… euh oui désolée, mais c’est très urgent, Poupi m’a demandé de déménager…. 

- Déménager, quoi ? La cave ? 

- Non, il ne souhaite plus vivre seul dans la maison de famille, il est trop vieux pour faire tout, tout seul, il souhaite vendre la maison et s’installer dans une résidence spécialisée à Brest. 

J’en restais bouche bée une minute.

- Attends, maman mais c’est la maison de famille, tu ne vas pas la racheter où je ne sais pas moi, la garder par exemple ! 

- Je n’ai pas les moyens fille, tu crois que je roule sur l’or, mais pas du tout, l’héritage de ton père était maigre et j’ai de faibles revenus. Poupi a en plus été formel, il veut la vendre. Trop dur de la garder, trop de souvenirs. 

- Les souvenirs ne polluent pas une existence maman ! 

- Que veux tu que je te dise ! C’est comme ça, il le veut et il aura. Mon père a travaillé très dur toute sa vie pour moi et je ne vais pas lui imposer de garder une maison dans laquelle il ne veut plus vivre. 

Je poussais un soupir.

- Et donc il souhaite déménager quand ? 

- Et bien, c’est un tout petit peu plus compliqué que ça… 

- Dis moi en quoi… 

- Poupi a déjà fait transférer ses effets personnels et ce qu’il garde de la maison. Il finit le mois dans la maison et il part ensuite pour Brest. 

- Donc ? 

- La maison est vieille, il y a de nombreux travaux à faire avant même de pouvoir la mettre en vente. Poupi paie les réparations. 

- Parfait, tu y vas quand ? Que je te rejoigne ? 

- Et bien c’est ça le hic, je ne peux pas m’en occuper. Il va falloir que tu y ailles. 

- Combien de temps ? 

- Oh… l’été. 

Je m’étouffais en buvant une gorgée de café.

- Maman, tu n’as pas l’air de le savoir mais je travaille, même en été. 

- Je sais ma chérie, mais à la différence de moi, tu as une collaboratrice, moi je suis toute seule à la boutique et l’été est la période cruciale pour le mysticisme et les covens. 

- Je présume qu’avec de tels arguments je n’ai pas le choix ?! 

Je l’entendis sourire de victoire au bout du fil. Enfin... si tenté que ça soit possible ! J'avais l'intuition, qu'elle était fort heureuse en cet instant. 

- Merci fille. Merci. Poupi t’attend dès Jeudi. 

- Jeu… 

Pas le temps de riposter pour dire à quel point le délai était court, elle m’avait déjà dit au revoir. Je raccrochais le téléphone et appelais Carrie.

- Pour combien de temps ? Me demanda t-elle une fois mon histoire finit.

- Trois mois il semblerait, alors je sais que vous vouliez des vacances, je vous propose un compromis, la boutique reste ouverte 2 mois sur 3 et vous choisissez le mois qui vous arrange. 

Elle acceptait mon deal, semblant bien aise de cette nouvelle configuration.

- Je serais joignable que sur portable et par ce n° de fax, il n’y a pas internet là bas. Donc dès que vous avez un doute, une question ou autre, directement, sans hésitation, vous m’appelez. 

Je lui tendis le morceau de papier.

- Pas de soucis Brianna, je prendrais soin de la librairie. Merci de me faire confiance. 

Ce mardi soir là, je quittais la boutique assez tard pour mettre à jour la paperasse administrative, de sorte que Carrie ne se retrouve pas complètement débordée. Je rentrais dans mon appartement et allumait la bouilloire, une infusion de plus ce soir. Mon sommeil s’était un peu allégé, quoique je continue d’écrire mes rêves étranges dans mon cahier de rêves. Une idée de ma grand-mère Josefa, qu’elle m’avait suggéré après la mort de papa, afin de m’aider à exorciser mes « démons ». Pas si bête et même plutôt drôle de relire les anciens tomes de mes nuits. Au programme de mon écriture du jour : forêt sombre à souhait, un corbeau au plumage rubis qui se pose sur moi alors que je suis allongée dans les feuilles mortes de l’Automne et réveil en hurlant bien sûr. Je noircis les quelques trois, quatre pages de mon ressentiment et mon interprétation du rêve. Puis je finis d’une traite la tisane relaxante pour finir par m’endormir sur les coups de 22h30 dans mon lit, devant la télé. Sonnerie impromptue du téléphone, me tirant inexorablement de mon sommeil.

-  Allo ? 

- Oh pardon Brianna, c’est Carrie, je vous réveille ? 

- Pas grave, que se passe t-il ? 

- Un colis assez spécial vous a été livré. 

- Ouvrez le Carrie, ça doit être la commande de vendredi dernier. Dis-je avec peu de courtoisie.

- Non c’est un homme d’une trentaine d’années qui vous a déposé ce colis, il m’a spécifié que c’était pour vous et que pour vous. 

Je me frottais les yeux et regardais ma montre. Avais-je le temps de passer rapidement à la boutique avant de partir pour Pléneuf Val André ? 8h37.

- J’arrive dans 10 minutes. 

Je me levais difficilement et encore plus quand j’étais réveillée brusquement. Je bus une tasse de café et bouclais ma grosse valise. Je sortis de l’appartement au moment même où mon téléphone fixe se mit à sonner, je me précipitais.

- Allo ? 

- Fille, c’est moi. 

- Oui, maman qu’y a-t-il ? 

- Oh rien, je voulais savoir à quelle heure tu prenais la route ? 

- Je dois passer à la librairie pour aller régler une chose et après je prends la route. 

- Très bien, sois prudente surtout, ils ont prévu beaucoup de pluie sur les routes, aujourd’hui. Tu m’appelles quand tu fais une pause ? 

- Oui maman, promis. Je te laisse je vais vraiment être en retard. Dis moi tu peux prévenir Poupi, que je serais là dans la soirée ? 

- Oui, je l’appelle. Prends soin de toi, fille. 

Je raccrochais le téléphone et refermais le verrou de la porte d’entrée, une seconde fois. Je me garais sur une place de livraison devant la librairie, warning aux aguets. Maman avait raison, de gros nuages noirs et chargés d’électricité menaçaient la ville des lumières. Je poussais la porte de la boutique, la cloche tinta et je vis Carrie derrière le comptoir en chêne.

- Pfou, excusez moi je suis en retard. Où est ce colis ? 

Elle se pencha en avant, sous le comptoir et en ressortit un colis, recouvert de papier kraft de la taille d’un livre.

- Voilà.  Me dit elle en le posant devant moi.

Je regardais l’écriture calligraphique sur le paquet.

« memoriñ »

- Se rappeler… ?  me dis-je à moi-même.

Carrie me fixait un instant.

- Qui était l’homme en question ? était ce Damien des Archives ? 

- Euh non… je ne le connaissais pas, mais lui avait l’air de vous connaître. 

Je déchirais soigneusement le papier kraft et tombais sur une pièce d’étoffe de velours bordeaux qui entourait un livre, visiblement très ancien. Je caressais la couverture rare de ce manuscrit.

- Merveil…  Murmurais-je ébahie par ce présent.

- C’est un manuscrit occulte datant de … commença Carrie.

- 1700…  Finis-je à sa place.

- C’est un superbe ouvrage. 

- Oui… superbe…  Je quittais des yeux le livre et la regardais.  Cet inconnu n’a pas laissé un mot ? Un nom ? 

Elle secouait la tête.

- Je crois me souvenir qu’il a dit qu’il s’appelait Robin, mais sinon c’est tout désolée Brianna. 

- Ne vous excusez pas, qui que ce soit, il vient d’illuminer ma journée ! Remercions cet ange de miséricorde. 

Je lui souris en repliant le livre dans l’étoffe.

- Très bien, je l’emmène avec moi, envie d’y jeter un coup d’œil. On se voit en Septembre. Appelez-moi si vous avez un problème. 

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