Albertville, Minnesota
Les craquements du bois scandaient son avancée. Un matériau vivant. Des fragments de savoirs dispensés par mon père refaisaient surface à des moments inopinés. J’associai ces sons à des mises en garde. Et ils avaient raison. La menace approchait et tout mon corps l’anticipait. Ma bouche se scella, musela les gémissements dont ma gorge se remplissait. Ma poitrine se serra, mes ongles se nichèrent dans ma peau, y laissant des sillons rougeâtres. Elle se trouvait sur le palier. L’instant de bascule. L’oreille collée contre le mur froid, je surveillais sa progression, essayais de deviner la direction prise. Les lattes du plancher grincèrent. Mon cœur résonnait à grands coups et je redoublais d’efforts pour me concentrer sur les autres bruits, en particulier sur un, celui incongru d’une jonction mal ajustée. Quand le pied se posait dessus, un craquement disgracieux s’élevait dans le couloir : l’alerte que j’allais y passer.
Je repoussai les souvenirs maudits et tentai de m’extraire de leur gangue glacée. Me retrouver devant cette porte me demandait un immense effort. Je tremblais tant que le moindre mouvement secouait mon corps comme si je grelottais. Ma main réussit à atteindre le heurtoir et à l’actionner. Aux aguets, je me tenais prête à décamper. Pourquoi ? Que pouvait-elle me faire à présent ? Plus rien. Elle avait déjà tout fracassé à l’intérieur. Mais lui… Pour lui, je devais surmonter le cauchemar qu’elle représentait. Je crus qu’elle n’allait jamais ouvrir. Elle détestait les visites mais adorait recevoir des colis. J’avais choisi soigneusement l’heure pour cette visite. Enfin, les bruits des verrous retentirent, si familiers. Mon souffle se précipita sous l’assaut des réminiscences que ce son ramenait à la surface.
Pense à Kaleb. Pense à Kaleb. Je serrai les dents, prête à lui faire face.
Le battant s’ouvrit avec une lenteur torturante. Une silhouette menue apparut à contrejour. Mon cœur bondit, ma respiration s’emballa. Je faillis m’écrouler sur le sol. Je n’étais pas préparée à le voir. Les larmes dévalèrent mes joues, brouillèrent les images que ma rétine accrochait.
— Kaleb ?
Je murmurai son nom, de peur qu’il disparaisse si je parlai trop fort et parce que j’avais eu cette habitude, lourdement ancrée. Il ne s’avança pas vers moi, ne courut pas se jeter dans mes bras. Il se contenta de m’observer, sans bouger. Je m’approchai, juste assez pour discerner ses traits qui m’avaient tant manqué. Et là, mon cœur sombra.
— C’est pour quoi ?
Pour la première fois, j’entendais sa voix haute et claire, bien loin de ses murmures. Pour la première fois, il s’adressait à moi comme à une étrangère, sur un ton monocorde.
— Kaleb, c’est moi. Zoey.
Son corps se crispa-t-il ? Ses yeux s’éclairèrent-ils ? Je n’arrivais pas à faire le point, l’émotion m’écorchant vive. J’ouvris la bouche pour lui demander comment il allait, pour lui rappeler cette promesse que je lui avais faite. Des pas rapides, saccadés retentirent à cet instant derrière lui. Elle approchait. J’esquissai un mouvement de retrait.
— Je ne t’oublie pas, murmurais-je à l’intention du garçon plus si petit toujours figé dans l’embrasure de la porte.
Je tournais les talons et fuyais la confrontation. Durant le trajet de retour, j’eus le temps de me reprocher ma lâcheté alors que l’image obsédante de Kaleb, impassible, me brûlait les paupières.
Que d'émotions ! Ce chapitre soulève au moins uuuunnn millier de questions sur Kaleb et Zoey. Que s'est-il passé ? Pourquoi l'a-t-il visiblement oubliée ? Et "elle", qui est-ce ? Sa mère ? La copine de Kaleb ? Celui-ci compte visiblement beaucoup pour Zoey. Aucune erreur d'imparfait/passé simple ne m'a sauté aux yeux : bravo !
J'ai hâte de découvrir la suite <3
beaucoup de questions vont être éclaircies par la suite mais je pense que je dois tout de même préciser quelques points dès chapitre à la réécriture
GoatWriter...
GoatWriter...