Cher Antoine,
J'aurais dû t'écrire plus tôt, je le pense. Il m'a fallu un moment pour m'y mettre et j'espère que tu ne m'en voudras pas. Que tu me comprendras. Mon arrivée en Angleterre a été plus mouvementée que je ne le pensais et mon esprit s'est permis quelques vagabondages tandis que ton cousin m'a prise sous son aile. Stanley a un petit quelque chose qui me rappelle à toi. Un air de famille, mais au-delà de ça, je dirais sa nature bienveillante et protectrice. Il est comme toi, Antoine. Gentil, attentionné. Tendre.
Il a su m'accueillir et je commence à me faire à la vie à la ferme. À vrai dire, ça me rappelle le village dans lequel nous avons grandi. Te rappelles-tu, Antoine ? De comment nous nous sommes rencontrés, toi et moi ? Toi, Thomas et moi ?
Il faut que je te parle de Thomas, Antoine. Il est là. Avec moi. Je le regarde, endormi sur le lit tandis que je t'écris cette lettre. Thomas est Thomas, mais il a aussi ce je-ne-sais-quoi qui vous marque un homme à jamais. Il porte en lui les stigmates de la guerre. Les cicatrices d'un front bien trop difficile.
Thomas dort pendant que je t'écris et je prends alors conscience de tout le sens que tu as donné à tes mots en me disant d'aller le retrouver. Je dois l'aimer. Je dois le chérir. Et je me dois de profiter de ces précieux instants en sa compagnie, car je sais qu'ils seront bien courts.
Voir qu'ils seront peut-être les derniers.
Tu sais que je ne suis pas une de ces filles naïves croyant bêtement que la guerre prendra bientôt fin. Ce n'est pas vrai. Cela serait me voiler la face et ça, je ne peux pas me le permettre. Il faut que j'en saisisse toute l'importance et la gravité, car peut-être, est-il possible, qu'il ne reste que moi pour en raconter les horreurs, mais aussi les moments de joie comme ceux que je vis présentement.
Tu es un ami d'une grande valeur, Antoine. Jamais je ne pourrai assez te remercier pour tout ce que tu as fait pour moi et pour cet amour que tu m'as porté. Je ne sais pas ce que tu fais en ce moment, mais j'ose espérer que tu es sain et sauf. Envoie-moi de tes nouvelles pendant que je suis ici si tu le peux, j'attendrai ta lettre avec une grande importance.
Thomas commence à se réveiller, je devrai sans doute m'empresser de te dire au revoir mon ami. Nous le connaissons très bien tous les deux, il se poserait plus d'une question et j'aurai encore à le rassurer.
Je t'embrasse, Antoine, prends soin de toi.
Élise.
C'est triste de voir comme ils ont grandi, l'innocence ne brille plus depuis longtemps dans leur yeux, ils ne se voilent pas la face, ce qui est tout de même bien.
J'espère qu'ils vont survivre, et oui Elise, un jour tu raconteras ton histoire, je pense que c'est d'ailleurs ce que tu fais.
J'aime beaucoup, c'est vraiment plein de douceur, et à chaque ça m'étonne vraiment étant donné le contexte de fond qu'est la guerre. :')