30- Si tu pleures tu perds

« Ah, tu reviens à toi. Voilà qui est des plus admirables. » Une voix clair me tira des ténèbres. C’était bien aimable de sa part, au passage, mais cela aurait l’été d’autant plus s’il y avait eu un mémo bilan.

Car je n’ouvris pas les yeux dans le salon bleu, comme je l’aurais du, ni même en soirée, comme il était supposé être, mais dans ma chambre -flou, au passage, et un peu tangent- à l’aube, à en juger par les rayons de meriel perçant les lourds rideaux.

Quewa?

« Qu’est-ce que? » Je dis en me relevant, enfin, en essayant de faire un peu de sens à cette téléportation spatiale et temporelle qui venait d’avoir lieu Avais-je rêvé? Avait-il s’agit d’une hallucination- Quelque chose stoppa net mes tentatives de me relever de mon lit.

Parce que j’étais dans mon lit apparemment.

«  Doucement jeune fille, tu as fait un malaise, et un sacré. »

« Un malaise? » Je m’entendis maugréer.

Répétitif, bien entendu, mais il fallait laisser le temps à mes petites cellules grises de sortir de sieste. Vu mon mal de tête fascinant, ce n’était pas gagné.

« Et de la fièvre, qui a le bon gout d’enfin prendre congés. » Elle renchérit de manière assez affable, sa paume fraiche contre mon front.

« Ma fièvre?» Je répétais. Ça expliquait probablement pourquoi j’avais l’impression d’être un petit emballage de caramel, oublié au fond d’un sac.

« Sidonie chérie, si tu commences à répéter l’intégralité de mes interventions, je crains que cette conversation ne s’éternise inutilement. » Elle dit d’un air presque snob, mais son sourire était doux« Ah, enfin, un haussement de sourcils, je commençais à croire que tu avais ouvert une armoire de ma regretté tante Olympica et souffrait de pétrifisme.  Mais oui, pour répondre à tes interrogation, tu t’es rendue malade à en avoir de la fièvre, entre autre. Tu as également déliré en Cassini-ne-sait-quel patois de Pral pendant une bonne partie de la nuit. Ce n’était pas des plus plaisant à voir et je suis bien contente que tu aies enfin décidé de cesser ces bêtises. »

Et merde.

Bon, le tout était de sauver le peu d’honneur encore à disposition. Mon Esprit Familier avait visiblement apprécié que je ne l’invoque plus toutes les trente secondes et m’avait donc fait soliloquer en patois. Le tout était désormais de reprendre son calme, sa distance.

« Ça ne se reproduira pas. » Je parvins alors à dire et j’étais assez fière de mon ton, voir de mon air. Certes, je devais davantage ressembler à du papier mâché qu’à un être humain, mais tout de même.

Mafalda n’apprécia pas, du tout.

Elle se mit même à froncer les sourcils. Même Scetus avait peur de ses sourcils froncés, et de ses narines désapprobatrices

« En effet, car nous allons avoir une conversation à ce sujet. » Elle renchérit avant de s’asseoir sur le bord de mon lit « J’ai lu le procès verbale de Mathurin Drèke. Dans sa hâte à gérer des incompétents notoires et des excités Makinistes, Beria l’avait oublié sur la table du salon bleu. »

Mes poumons se remplirent longuement d’air, et je fixais un moment Mafalda. Une autre chose que je ne comprenais pas. Elle devrait être furieuse, me hurler dessus- me trainer de trainée, d’hypocrite, en appeler à sa fille- jurer que si je ne déguerpissais pas elle me tuerait de ses propres mains.

Elle ne le fit pas pourtant.

« Mafalda- je ne sais pas pourquoi il a dit toutes ces choses, je n’ai jamais-»

« Je sais. » Elle dit fermement.

Nouveau haussement de sourcils, bien plus surpris, pour être franche.

Avait-elle une information supplémentaire? Y avait-il autre chose dans ce dossier? J’eus un geste tout aussi rapide qu’inconscient pour me lever. Je devais finir cette lecture-

Des mains s’abattirent sur mes épaules et réduisirent à néant mes projets.

« Pas si vite jeune fille. Tu te remets d’une sacrée nuit, il faut se ménager. De toute manière, n’espère pas mettre à nouveau la main dessus. Beria était assez peiné de l’état dans lequel tu t’es mise et il est repassé tôt dans la matinée pour le reprendre. » Elle dit alors.

Tôt dans la matinée- depuis combien de temps étais-je dans les pommes exactement?

« Quelle heure est-il? »

« Six heures passées. La Vox a parait-il, fait trainer la session toute la nuit. Ils ne sont ressortis du Septentrion qu’aux environs de quatre heures. » Elle dit.

Bon, ce n’était pas si pire que cela six heures, je pouvais déjà rayer ce point dans la liste de mes inquiétudes. Je me mis ainsi à lentement redémarrer mon esprit. Lazarus, le dossier, matin-

Une petite minute.

« Je n’avais pas fini de le parcourir. » Je fustigeai alors, parce que c’était trop injuste. De nous deux, j’étais la plus concernée, et de loin alors cela aurait dû être à moi de le lire dans son intégralité, pas elle-

« Et c’est heureux. La suite est bien moins plaisante, pour ne pas dire ignoble. Affirmer de telles choses, sur sa propre fille- et cet inspecteur est un petit chafouin. »

« Moins plaisante, c’est à dire, qu’est-ce qu’il raconte? »

« Des bêtises. » Mafalda affirma avec fermeté, assez pour que je perde mes maigres espoirs d’en apprendre plus « C’est là tout ce qui doit t’importer. Il ment, les hommes ont cette fâcheuse manie de mentir quand ils se retrouvent dos au mur. Je comprends que cela te cause du chagrin, mais cela ne vaut pas la peine de t’en rendre malade de la sorte.»

Je fixais un moment mes mains, mes doigts. Fin, exsangues, et animés d’un léger tremblement. La faute à cette question qui me brulait la gorge, mais qu’il ne fallait surtout pas que je pose. Cela serait prendre un risque si idiot, si inutile que très certainement ma raison prendrait facilement le dessus-

« Comment peux-tu être certaine, qu’il ne mente pas? » Je finis par demander lentement, et elle haussa les sourcils.

« Qu’est-ce donc là que cette question? » Elle s’écria de stupéfaction.

« Je veux dire, il m’a recueillie, il m’a élevé cet homme, il ne s’est pas contenté de rejeter l’affaire à sa femme. Il a veillé sur moi, il- » Je me mis à bredouiller, et c’était vraiment idiot de ma part, mais il fallait que cela sorte un peu je crois « Il doit- les faits non, mais, ce que je veux dire, c’est qu’il me connait. Comment vous pouvez être sur, qu’il n’y a pas un fond de vérité? »

Entendait-elle le désespoir dans ma voix? J’espérais sincèrement que cela n’était pas le cas. Je voulais une réponse objective, pas un ramassis de phrases creuses, dégoulinantes de pitié. J’en connaissais déjà la réponse mais… je me pris à espérer d’avoir tort. Même tante Lydia n’aurait jamais- elle aurait dit docile, et appliquée, mais volontaire- et cette prédisposition à la violence-

Que savait-il?

« Tu n’es pas une mauvaise personne- »

« Vous n’en savez rien- vous ne me connaissez que depuis un mois et demi et- la guerre, j’étais, on, des hommes à- et je, j’ai-»

« Sidonie, ça suffit! » Mafalda s’écria, le visage si pâle, les yeux écarquillés. Elle avait compris, elle devait avoir vu en moi-

« J’aimerais que tu m’écoutes avec attention. Tu n’es pas une mauvaise personne, tu es une jeune femme, à qu’il est arrivé de mauvaises choses. Est-ce bien clair? » Elle dit fermement « Si on t’a, utilisé, ça ne dit absolument rien sur toi, et tout sur eux. Tout comme ces aveux de pacotilles. N’importe quel paltoquet de bas étage aurait tiré ces conclusions. Sur lui, et non pas sur toi.  Est-ce bien clair?»

J’ouvris la bouche, pour dire quelque chose, n’importe quoi, mais tout ce qui en sortit, ce fut le sanglot du siècle. J’ignorais d’ou il provenait celui là, à faire couler des torrents de larmes, de manière vraiment inutile et moche. Et dans ce brûlage émotionnel général, tout ce qui me parvenait, c’était les paroles de Tante Lydia.

Si tu pleures, tu perds.

« Je suis désolée, je suis désolée! » Je répétai comme une idiote, et m’attendis au pire. Elle allait me gifler, elle allait me gifler car j’avais perdu, et les perdants ne méritaient que des claques-

Mais Mafalda ne me gifla pas.

À la place, ses bras m’enveloppèrent, et elle me serra contre elle. J’en fus tellement surprise que je demeurais stupéfiée pendant une bonne seconde.

« Oh, allons, allons. Ne t’excuse pas. » Elle murmura, et me laissa pleurer pendant une bonne dizaine de minutes.

C’était si étrange, car comment étais-je supposée m’arrêter de pleurer quand elle s’obstinait à me caresser les cheveux? En quoi pouvais-je désirer me relever?

Les larmes pourtant, finirent par déclarer forfait d’elles même, ne laissant rien, hormis une énorme fatigue et… une certaine sensation tranquille.

« Est-ce que vous pourriez ne pas en parler à Lazarus? »

« Je peine à voir en quoi cela le concerne. » Elle dit, sa main tapotant légèrement mon dos « Ça va aller. »

J’hochais la tête et elle se leva enfin de mon lit.

« Bien, voilà ce qu’on va faire. Je vais finir de préparer le petit déjeuner, et toi, tu vas en profiter pour te rafraichir un peut. Nous avons une longue journée en perspective. »

« Des plans particuliers? »

« Oui, j’avais oublié à quel point cette chambre était défraichis.» Elle dit, en effleurant le papier peint vieilli et décoloré, se détachant à bien des endroits « Il est plus que temps de la remettre en état convenable, de la peinture. Le papier peint, cela fait vraiment trop 1890. »

« Vous ne deviez pas emmener Britannicus à son examen ésodical? »

« Scetus s’en occupe, et passera la journée avec lui. Cela fait bien six mois que Britannicus le suppliait d’aller voir Rocam, autant faire d’une pierre deux coups. »

« Il n’y est jamais allé? »

« Il habitait Macon avant- Rocam, cela a toujours un attrait pour ceux qui n’ont pas à y vivre si tu veux mon avis. » Elle dit avant de fixer le mur, l’air perçant « Du bleu ciel. »

Évidemment.

« Ça me semble dans le ton. » Je dis, et sentais un sourire se former sur mes lèvres.

« Oh, et Sidonie, on es une femme forte, indépendante, et on connais ta valeur, est-ce bien clair?» Elle dit avant de quitter ma chambre.

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Cléooo
Posté le 05/11/2024
Coucou Dramallama :)
Jolie chapitre, vraiment agréable la relation entre les deux femmes. C'est très doux, Mafalda prend une place de plus en plus importante auprès de Sidonie !

J'ai peu de remarque sur ce chapitre en dehors de ça, mais je te laisse sur quelques phrases qui m'ont fait tiquer :
- "et un peu tangent" -> pas compris du tout ce que tu voulais dire
- "me trainer de trainée" -> traiter ? ^^
- "Tôt dans la matinée- depuis combien..." -> elle a l'air de ne pas de rendre compte que c'est le matin ici, alors qu'en début de chapitre, elle constate l'aube : "à l’aube, à en juger par les rayons de meriel"
- "Oh, et Sidonie, on es une femme forte, indépendante, et on connais ta valeur, est-ce bien clair?" -> le premier "on" me semble être un "on" général, genre "tu es une femme forte" de manière voilée, mais le second est un "nous" et du coup je trouve la phrase pas très claire.

À bientôt ! :)
A Dramallama
Posté le 06/11/2024
Salut!

Oui, Mafalda a ses moments -et bon, ça fait plus d'un mois qu'elles habitent sous le même toit, à force il y a bien des liens qui vont se former ^^

encore merci pour tes remarques ^^
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