31- Les deux lucioles

La journée commença doucement. Ma douche me débarrassa de mon costume de bonbon fondu mais ne me calma pas l’esprit. Bien au contraire, l’eau raviva le plus douloureusement possible les évènements de la veille au point que je manquai de m’écorcher la peau au savon tant j’étais crispée. Je ne versais plus de larmes, grâce au ciel, mais je n’en avais pas moins l’impression d’avoir été éviscérée.

Qu’il ait dit toutes ces choses, je n’étais pas parvenue à l’accepter sur le moment et désormais, je pouvais encore moins m’y résoudre. Cela ne faisait tout simplement aucun sens.

Quand bien même je me saurais trompée à ce point le concernant, les faits étaient que ce vendredi de grâce, nous étions tous à une fête de voisin. Lui compris, et Barnabeus compris-

Quoique.

Je me creusais les méninges, en essayant de me rappeler d’un détails- il était supposé être là, je me souvenais de ce détail car Lizzie avait attendu avec impatience le pain aux épices qu’il lui avait juré de ramener -et pour être franche, moi aussi je l’avais attendu ce gâteau. Qui n’était jamais venu-

Non, cela n’avait aucun sens tout ceci.

Imaginons que cela fut vrai, qu’il y ait bien eu une conspiration entre Mathurin et Barnabeus, alors l’inviter aurait été vraiment stupide, car si encore les invités auraient pu manquer son absence dans le chaos de l’annonce, cela n’aurait jamais pu échapper à Enguerrand. Il aimait trop son beau frère pour ne pas le remarquer et avait une trop bonne mémoire pour ne pas s’en souvenir-

« Sidonie! Il serait fort peu avisé de ta part de tarder davantage, tu risquerais de te dissoudre. » Mafalda m’appela.

Bon.

Les méditations et autres tortures en tout genre, cela serait visiblement pour plus tard.

Mafalda avait de toute évidence deviné que mon esprit serait plus proche de la marmelade à la cerise et mit tout en oeuvre pour qu’il ne tourne pas au vinaigre. C’était probablement la raison pour laquelle elle avait décidé de détapisser cette chambre. Il y avait quelque chose d’extrêmement satisfaisant à arracher le papier peint, en particulier aux endroits ou la colle s’était humidifiée et des pans entiers se décollaient d’un simple geste.

À ceci s’ajouta la bouteille de vin de Ludecenne que Mafalda sortit pour notre collation du midi afin de nous servir chacune un verre, non coupé, comme je l’avais demandé ces dernières semaines. Je faillis refuser sur le moment, car en terme d’alcool j’avais la résistance massique d’une hirondelle. C’était à peine si je supportais le verre de calva autorisée de la nouvelle année et pourtant Madame Catherine le coupait à l’eau pour les enfants-

Et ce fut en me rappelant ce détail que je décidais que non en fait.

Pour me traiter comme une gamine et diluer mon verre, il y avait du monde, par contre quand il s’agissait de faire des déclarations à la maréchaussée, c’était visiblement une toute autre histoire.

Bon, inutile de dire que nous nous retrouvâmes toutes les deux très vite très pompettes, au point que lorsque la russalka -qui visiblement n’Appréciait pas d’être dérangée lors de sa sieste- tenta de faire irruption dans la pièce, nous éclatâmes de rire. Ce ne fut au passage, pas sans provoquer l’indignation de l’esprit des eaux croupies.

Ce n’était probablement pas des plus glorieux à voir, et nous allions sans aucun doute le payer d’un sacré mal de crâne, mais merde cela faisait bien une éternité que je ne m’étais pas amusée de la sorte. Ou tout du moins, dans plus tôt ce matin, cela m’aurait semblé impossible.

Nous avions donc un petit coup dans l’aile,  car le verre s’était peut-être transformé en un second, puis un troisième, au point que Mafalda se lança dans l’explication de la concentration anormale de spectres dans cette maison. Sujet qui jusqu’alors avait été assez tabou.  L’histoire commençait par la guerre des Sept Princes, en pleine lande rocami, lorsque les troupes du roi Ignace Premier du Nom envoya ses mages ‘pacifier’ avant de leur attribuer des terres.

Archambaud Regiris avait visiblement fait mauvaise pioche et s’était retrouvé avec l’emplacement le plus spirituel des environs, ou les locaux se rendaient en pèlerinages tous les ans afin de communier avec leurs ancêtres.

« Et c’est ainsi,  après ces mises en gardes multiples de plusieurs personnes de confiance, les faits avérés de sensibilité spectrale plus que significatifs, que le premier baron de ma famille, premier du nom, décida de tout de même construire la demeure familiale dans la lande. »

« Tu me fais marcher. Qui fait ça? » Je demandai en trempant mon pinceau dans la peinture. Du bleu ciel, lumineux à souhait, au point qu’il apparaissait presque blanc. D’après Mafalda, c’était une couleur qui purifiait l’esprit des mauvais esprits.

« Arrière, arrière, arrière grand oncle Archambaud, douze fois révolu, apparemment. » Mafalda répondit « Il avait à peine posé la dernière pierre qu’il mourut d’une flèche d’obsidienne dans le cou. Les locaux n’étaient pas ravis de voir leur lieux sacré bafoué de la sorte. Les générations suivantes se sont évertuées à tenter de purifier la terre, mais la tâche est trop colossale, limiter le bestiaire à trois fantômes est généralement considéré comme une victoire. Et c’est ainsi que les Regiris sont devenus une famille de conjurateur et de guérisseurs.»

« Vraiment, tous sans exception? »

« Il y en a, ici et là. Cassiopeia est bien partie pour être ésotéricienne, mais il faut dire qu’elle n’aime pas vraiment les foules, ni les contacts humains, ni les humains de manière générale d’ailleurs, en y réfléchissant bien. » Elle dit avec une vive affection dans la voix « Et de toute manière, Scetus est là pour chasser le gros des énergies ectoplasmiques. »

« Et il fait cela en permanence? »

« Cela ne lui requiert qu’une concentration limité, comme respirer. » Elle répondit « Même si parfois, certains esprits lui échappent. Les plus casse-pieds généralement. Oncle Cornus n’a toujours pas compris qu’il ne s’agissait plus de sa bibliothèque depuis 1746.»

« Oncle Cornus, le spectre tout grincheux du salon, qui me hurle à chaque fois qu’il me croise? »

« En même temps tu as l’outrecuidance de montrer tes chevilles. » Elle dit avant de faire un pas en arrière « Bien, ce mur me semble fini. »

En vérité, ce mur était fini depuis une bonne demi-heure, mais j’avais eu trop peur d’interrompre son histoire, aussi j’avais prétendu devoir faire ici et là certains détails.

« On a fait du bon boulot, je pourrais toujours me reconvertir dans ça, si la danse ça ne marche pas . » Je dis tranquillement, et je ne mentais pas. Il y avait quelque chose d’apaisant dans l’odeur de la peinture, et voir un mur si lisse, si uni, c’était vraiment satisfaisant. Je pourrais m’en contenté.

« Oh cela serait regrettable, tu es une très belle danseuse. »

« Merci. » Je dis. Mon regard glissa inconsciemment sur mon genoux. Les semaines passaient, et il se remettait, bien entendu mais…

Non, il allait se remettre en place, comme le gentil genoux qu’il était. Je la ferai sans tomber, cette pirouette finale, et je pourrais alors rire de mon propre doute.

On allait faire ça.

« Et tu n’as jamais voulu faire du piano professionnel? »

« Ah, mes ancêtres se retourneraient dans leur tombe… et serait capable d’envahir le salon pour m’exprimer leur mécontentement. Cela serait trop indigne à leurs yeux. Ce n’est pas vraiment important, je joue pour passer mes nerfs. Avoir un public peut être agréable du moment que l’on le choisit bien, sans quoi c’est trop… personnel. » Elle dit en essuyant la peinture de ses mains.

« Et tu as déjà joué quand Phobos était dans les parages? » Le vin me fit glisser, l’air de rien.

La réaction ne se fit pas attendre, et pour être franche, aurait pu faire état d’un aveux. Mafalda éclata d’un rire bien polisson, et me jeta un regard du même ton.

« Phobos est un ami de la famille, et parrain de Scetus et le père de substitution de Sissi. » Elle nota pourtant.

« Et ça c’est... pas bien? »

« C’est le cousin au troisième degré de mon plus ou moins regretté mari… et je suis surprise que tu le sous entendes au passage. Ces derniers temps, il a la fâcheuse manie de partir dans des discours … »

« Il n’était pas comme ça avant? »

« Non, pas du tout. Autrefois il était très doux, très pieux. Il avait des cousins omeg à Swynghedaw et avait beaucoup d’affection pour eux. Et puis, il y a eu la guerre, mais le point de non retour, ça a été Wazemmerg. Il a fait parti de l’unité qui a découvert la place forte et...  ça l’a changé. Ça les a tous changés en vérité. Scetus est devenu taciturne, la pauvre Sonia s’est tailladée les dents d’une bien vilaine manière, et Phobos… quand Cassi- je suppose que cela a ravivé des mauvais souvenirs. »

Je hochais lentement la tête, même si je devais reconnaitre que l’entendre parler avec une telle familiarité de Sonia Demerzel  et la qualifier de ‘pauvre’ comme un petit choux à la crème, c’était assez perturbant. L’idée aussi, qu’un Scetus non grognon ait un jour existé, c’était… perturbant.

« Oh. Je vois.» Je dis simplement, parce que je mourrais l’envie de lui demander s’il en était de même pour Lazarus mais Grace au Ciel, j’étais encore assez sobre pour me retenir.

« Ça lui passera, j’espère. » Elle dit alors.

« Toi ça t’ai passé, ou… »

« Ma chérie, mon mari a passé l’intégralité de notre mariage à me tromper avec des petites miss à peine sortie de l’Instruction, non sans dilapider mon argent, pour finir par partir comme un lâche, me laissant seule avec un enfant illégitime dans les bras, des dettes de jeu à n’en plus finir, un fils forcé d’abandonner ses études pour la guerre et une fille traumatisée d’avoir découvert son père gisant au sol. » Elle répliqua « Les paltoquets notoires, il y en a pour tous les gouts et toutes les formes, inutile de regarder aussi loin qu’à la frontière.. » Elle répliqua « Tout ce que ces rhétoriques font, c’est préparer le terreau pour une guerre. J’ai déjà été contrainte de laisser mon fils y aller, je n’ai aucune envie de devoir recommencer. »

« Personne n’a envie, enfin, j’espère, non? »

« Je bois à ça. » Elle dit avant de se resservir un verre, et de remplir le mien « Pour aborder un sujet légèrement plus joyeux, et toi ma petite, tu as un beau qui t’attend? »

Une image fugace de Daniel me traversa l’esprit. Probablement parce qu’il aurait éclaté de rire. J’ignorais, à vrai dire, pourquoi j’avais-

Bref.

« Non. »

« Petite menteuse. »

« Croix de bois, croix de fer, si je mens, je rejoins Nordström. » Je dis en levant la main, et presque immédiatement, ses sourcils se haussèrent jusqu’aux cieux -ou tout du moins, le sommet de son front.

« Que c’est curieux, et pourquoi cela? »

« Au cas ou cela t’aurait échappé, j’ai mon petit caractère, je suis un tout petit peu casse-pieds quand l’envie me prend. »

« D’ou mon interrogation, titiller l’autre c’est tout l’intérêt. » Elle dit, avant de prendre un drôle d’air « Si Beria- ne te laisse pas entrainer là-dedans. »

J’eus un petit tic nerveux, et ne tentai pas de dissimuler ma stupéfaction. Qu’est-ce que Lazarus pouvait bien avoir à faire avec toute cette historie vraiment.

J’aurais du lui demander cela, bien entendu, c’était le plus sage. Malheureusement, j’en étais désormais à mon quatrième verre, je n’étais pas d’humeur à être sage.

« Et pourquoi cela? Tu ne l’aimes pas? » Je demandai, et un grognement de protestation suivit si rapidement que cela en fut comique.

« J’aime beaucoup Beria, comment ne pas l’apprécier? C’est un homme galant, charmant, attentionné, joli garçon et brillant, bien évidemment. » Elle protesta alors.

« Oh je sens le mais arriver avec délice. » Je ne cachais pas non plus ma satisfaction de l’entendre casser un peu de sucre sur ce dernier. Il fallait bien, sans quoi son égo finirait par lui éclater la cervelle.

« Je te mets en garde, voilà tout. Beria aime plaire, mais se lasse très vite. » Elle dit alors, prudemment. « Très, vite. »

Je n’étais pas déçue. Pour être déçue, il fallait attendre quelque chose et ce n’était pas mon cas.

Absolument pas, mon cas.

« De toute manière, ce n’est pas- il n’y a pas d’ambigüité. » Je dis tranquillement, parce que c’était vrai.

À en juger par son léger froncement de sourcils, elle n’en pensait pas moins.

« Si tu le dis. »

« Je le dis. »

« Et bien tant mieux. De toute manière, il est bien occupée avec une Claradac Alina. » Elle glissa, l’air de rien.

« La chanteuse d’opéra? » Je demandai, par simple de curiosité, car, que je sache, la curiosité n’était pas encore un crime.

Non?

« En effet. Alors, comment se porte l’absence d’ambigüité? » Elle dit en me jetant un regard franc à la figure, assez pour que je me reprenne en main.

« Pour quelqu’un qui souhaite me mettre en garde, tu n’y vas vraiment pas avec le dos de la cuillère. »

« Je préfère que tu sois déçue maintenant qu’après avoir fait une bêtise, rien de plus. » Elle dit, avant de me regarder droit dans les yeux « Cela serait une bêtise, Sidonie, écoute l’expérience parler. »

« Et comme je n’arrête pas de le répéter à l’Expérience, elle n’a aucun soucis à se faire. »

Mafalda n’était vraiment, vraiment pas du tout convaincue, ce que je trouvais positivement injuste. À en juger par son léger plissement de nez, elle s’apprêtait à en remettre une couche, mais mon Esprit Familier eut visiblement pitié et un bruit de porte retentit dans l’air. La clochette de la porte d’entrée, plus précisément, qui fut très vite suivi de bruits de bottes plus ou moins -soulignez moins- délicats, avec quelques éclats de rire en prime.

« Ah, ils sont de retour. » Mafalda dit alors en regardant l’horloge. Vingt Heures. La journée avait filé à une vitesse.

Très vite le bruit de bottes s’engagea dans l’escalier, puis dans le couloir, avant que la petite tête de Britannicus apparaisse enfin.

« Wouah c’est trop chouette! » Il s’écria, le visage tout content. Il avait visiblement couru dans les escaliers  et à en juger par ses joues rouges, il devait faire froid dehors.

« Oui, on a fait un travail des plus correctes. » Mafalda dit en levant la tête, un sourire aux lèvres.

« En effet, c’est pas mal. » La porte parla, enfin plutôt, la silhouette qui avait tout fait pour se dissimuler dans les ténèbres. Une grande silhouette, dans un manteau noir, au col nu.

Scetus.

Je n’entendis pas ce que Mafalda lui répondit. Tout ce que je vis, ce fut le petit regard qu’il me glissa. Un regard insistant, assez pour que je comprenne qu’il souhaitait me parler.

Ah, oui, mais, non en fait.

Cette remontrance, je ne voulais pas l’écouter, et ce n’était pas uniquement parce qu’il était crétin. Je peinais à véritablement imaginer que Lazarus avait ‘malencontreusement’ oublié le dossier dans le salon. Peut-être sur-estimais-je l’animal mais cela me semblait impossible et quand bien même cela aurait été le cas, il n’aurait pas attendu de sortir de l’assemblée pour y remédier. Il aurait demandé à Scetus d’aller bien vite le chercher. Ce qui signifiait trois choses: 1. Il s’était arrangé pour que je le lise, mais pas dans son intégralité, 2. Avait laissé consciencieusement ce luxe à Mafalda et 3. avait probablement fait en sorte que Scetus fut au courant des deux premiers points.

Scetus souhaitait probablement s’entretenir avec moi, très certainement déçu de la réaction de sa mère et avait probablement l’intention de remettre les pendules à l’heure. Je n’étais pas d’humeur, pas, du tout.

Un autre jour, j’accepterais de me prendre ses vérités à la figure car cela me donnerait un certain crédit pour lui en lancer quelques unes, mais pas aujourd’hui.  Je ne m’en sentais pas capable. Voilà pourquoi je pris l’échelle sous le bras, et annonça tranquillement que j’allais la ranger dans le débarras.

Cela ne lui plut pas, et lorsque je passait à côté de lui, il eut un mouvement vers moi, mais Mafalda se dépêcha d’attirer son attention. Navrée, Scepticémie, mais le bureau-des-réclamations-de-la-Sidonie étaient actuellement en maintenance.

Il faisait froid, très froid dehors. Cela devait être en partie dû à l’alcool dans mon sang, et ma tenue assez légère -oui cela faisait un peu beaucoup d’éléments à charge contre mon moi mais bon. Je tenais à préciser que je ne m’en plaignais pas. Si la sensation insidieuse qui s’engouffra dans mes sinus ne fut pas plaisante, elle m’apporta en revanche un regain de clarté. Je pris conscience que j’avais légèrement abusée du vin -à ma décharge, il avait été vraiment délicieux.

Tant pis.

Je marchais tranquillement -enfin, aussi tranquillement que possible avec une échelle sous le bras- vers le débarras à une trentaine de pieds de la façade. Bien entendu, c’était un débarras à l’échelle du manoir, et avait très certainement été une maison d’appoint pour un intendant et sa famille. Ces temps là étaient révolu depuis quelques temps, comme en témoignait le lierre grimpant, les vitres fissurées, et les volets bleus écaillés. Tous avait tout de même la fâcheuse manie d’être bleu ici, c’était un peu casse-pied.

Je poussais sans problème la porte et déposais dans un coin proche l’échelle. Je n’osais pas m’aventurer dans les méandres de cette ancienne maison. Britannicus avait eu le malheur un jour de me montrer une toile fine bordant la fenêtre ainsi que l’animal qui y était tapis. J’avais également entre aperçu des mouvements velus, le long du couloir, qui était d’ailleurs lui même tapis de cette même soie délicate, et en avait conclu que jamais, de ma vie je ne m’aventurerais là dedans. Si jamais on me voyait plus loin que la porte, j’acceptais de manger mon béret.

Je pris bien mon temps pour le faire, allant même jusqu’à jeter un coup d’oeil aux nombreux monticules de meubles et outils en tout genre. Il y avait même quelques ésocristaux dans le tas. Éteints bien entendu, mais tout de même, cela me frappa. C’était assez cher un ésocristal alors préférer les jeter plutôt que d’aller les recharger… c’était probablement une question d’orgueil.

Je demeurais ainsi un bon dix minutes, en sachant pertinemment que je devrais bien retourner au manoir et me prendre à la figure ce que Scetus comptait me dire. Je fis donc demi-tour en trainant des pieds.

Une petite silhouette se tenait sur l’embrasure de la porte, et me fusillait actuellement du regard.

« Bah alors, tu en mets du temps! Tu veux pas rentrer à la maison ou quoi?» Britannicus s’écria, non sans taper du pieds au sol.

« J’avais la tête dans les nuages. » Je dis, et ce n’était pas faux. Ma principale préoccupation avait été d’échapper à Scetus.

Britannicus cependant, perdit son air mécontent. Il se mit à m’observer avec sérieux, et son visage se fit grave.

« Dodo, pour de vrai, est-ce que ça va? » Il chuchota, après avoir jeté un prudent regard derrière lui.

« Oui, ça va, ça va. »

« Ça a pas l’air. » Il renchérit « Tu sais, je suis un grand garçon, pas encore aussi grand que Scetus, mais sacrément grand. » Il dit en croisant les bras.

« J’ai appris des choses bizarres, voilà tout. » Je dis doucement, car il n’allait pas lâcher l’affaire.

« Bizarre comment? »

« Quelqu’un que je connais bien a dit des choses sur moi et… il a menti, mais je ne suis pas certaine qu’il ait menti sur tout, tu vois? » Je tentais d’expliquer, mais c’était compliqué. Ma gorge se serra immédiatement, au même titre que mon coeur. Mathurin, par tous les Saints… ce coup là, il allait me tuer.

Si même lui voyait cela en moi, Cassini ait pitié de moi, car elle serait bien la seule.

« Il a dit quoi par exemple? » Britannicus me demanda « Je te connais super bien, donc si tu as un doute, bah tu le dis, et moi je réfléchis de fou, et je te dis si oui ou non il a raison le monsieur. »

« Ce ne sont pas- il a dit, entre autre, que j’avais une prédisposition à la violence. » Je finis par lâcher. Mieux valait qu’il fut au courant après tout.

Cela ne perturba pas Britannicus cependant. Il m’observa un petit instant, la tête légèrement penchée.

« Et alors? » Il finit par dire et à me prendre de court.

« Alors, si c’est- c’est horrible à dire de quelqu’un. » Je bredouillai comme une abruti, sans savoir quoi ajouter d’autre tant- mais c’était évident, non?

« Bah non, pas forcément. C’est bien de savoir se défendre. »

« Il y a une différence entre savoir se défendre et aimer la violence. »

« Mais c’est ce qu’il a dit? Je pensais qu’il avait dit que tu étais prédéposée. » Il fronça les sourcils.

« Disposée. Et ça veut dire, qui devient facilement violent. »

« Mais, si on t’embête facilement, c’est normal de devenir facilement violente, non? Ça veut pas forcément dire que tu l’es tout le temps, ou que tu l’es pour rien. Ça veut juste dire que tu peux l’être. » Il répliqua « Regarde, depuis que tu es ici, on t’embête pas et tu es un choux chantilly, tout doux et tout gentil. »

Je ne cachais pas ma stupéfaction.

« C’est… »

« Il faut savoir se défendre quand on se fait embêter. Ma maman, j’aurais bien aimé qu’elle soit prédespisotée à la violence, qu’elle lui claque sa tête, qu’elle lui rende ses coups. »

« Oh Britannicus-»

Je ne savais pas quoi répondre à ça. Pour être franche, je doutais sincèrement que quiconque puisse y trouver une bonne réponse.

Mon regard se perdit sur la porte, ouverte en grand. Dehors le meriel avait achevé de se coucher. Il faisait désormais nuit noire et le vent s’était levé. Il tentait d’ailleurs de s’engouffrer dans la cabine, sans y parvenir pour l’instant.

« Donc ce qu’il a dit le Monsieur, moi je suis content, parce que tu puisses casser le nez de quelqu’un qui t’embête, et bien je trouve ça très chouette. » Il répondit « Peut-être qu’il te complimentait. »

« Ça m’étonnerait que c’était dirigé comme un compliment. » Je dis, et un air frais me gifla les joues. Un sentiment de malaise m’envahit de la tête aux pieds.

Attention.

« Ou alors c’était une mise en garde, il voulait prévenir les gens à qu’ils parlaient qu’ils ne fallait pas t’embêter. Si c’était des méchants, il faut mieux qu’ils aient peur de toi, non?» Il dit tranquillement.

« Ça m’a attiré des ennuis, qu’il dise cela. »

« Mais c’est pas si grave, non? Vu que tu sais te défendre. » Il dit en haussant les épaules.

Je peinais à répondre, en partie parce que je peinais à lui prêter de l’attention. Dehors, le vent s’était levé, il faisait noir, et il fallait partir, maintenant, partir, maintenant, maintenant-

« Dodo, tu m’écoutes? » Britannicus murmura au loin.

La lande était si noire, mis à part ces deux points lumineux. Comme des lucioles immobiles, grandissant.

Trop tard.

« Dodo. » Il répéta.

Je compris enfin ce que ces deux disques étaient, et je bondis fermer cette fichue porte.

Je ne l’eus pas tôt fait que quelque chose se fracassa contre elle.

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Cléooo
Posté le 08/11/2024
Coucou Dramallama !

J'ai beaucoup aimé ce chapitre (tout particulièrement la première partie décidément, j'apprécie de plus en plus le personnage de Mafalda !). La légèreté de la conversation, les taquineries sentimentales. Très agréable.
J'ai un peu plus de doute sur la deuxième partie, je suis surprise qu'elle confie ses soucis à Britannicus, qui même s'il est adorable, reste jeune ^^
La fin... Je mords, je reviens lire la suite tout à l'heure, je suis méga-intriguée par cette scène finale !

- "Cela ne faisait tout simplement aucun sens." -> anglicisme. "Ça n'avait tout simplement aucun sens".
- "si encore les invités auraient pu manquer" -> :O si les invités avaient* !
(c'est une faute qui me crispe au plus profond de mon être, sorry xD)
- "qui purifiait l’esprit des mauvais esprits." -> répétition
- "Et puis, il y a eu la guerre, mais le point de non retour, ça a été Wazemmerg. Il a fait parti de l’unité qui a découvert la place forte et... ça l’a changé. Ça les a tous changés en vérité." -> j'ai beaucoup aimé ce passage, le rappel du PTSD de la guerre. Top.
- "Elle répliqua « Les paltoquets notoires, il y en a pour tous les gouts et toutes les formes, inutile de regarder aussi loin qu’à la frontière.. » Elle répliqua « Tout ce que.." -> ça fait deux incises, et si tu veux en laisser deux, je te suggérerais de ne pas remettre la même.
- "« Croix de bois, croix de fer, si je mens, je rejoins Nordström. »" -> l'intention est bonne, mais la rime me manque.

À très vite !
A Dramallama
Posté le 10/11/2024
Coocoo Cleooo!

Ehehehehhe ravie que le cliffhanger t’ait plu ^^ (oui Britannicus est un peu jeune pour avoir cette conversation… après le petit il en a vu, et je pense qu’il se serait plus inquiété si elle n’avait rien dit. Ça mère ne disait jamais rien en essayant de le protéger et il aurait continué à lui poser des questions jusqu’à ce qu’elle lui réponde).
Merci pour tes remarques!
À bientôt!
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