Diane chanta de nombreux jours et de nombreuses nuits. Nacre avait besoin d’être bercée par une voix dans la grotte de lumière. Il lui fallait une raison d’ouvrir les yeux, car la déchirure de la membrane transparente qui les protégeait était douloureuse. Il lui fallait une raison de se lever, car il n’était pas aisé pour elle d’extirper hors de ses écailles ses minuscules pattes rétractables. Il lui fallait une raison pour déployer ses ailes, qui se rangeaient si bien contre sa peau qu’on ne les distinguait plus du reste de son corps.
La dragonnelle était maladroite, et pourtant elle était déjà joueuse. Elle tentait des mouvements plus larges que ceux qu’elle était manifestement capable d’accomplir, et jetait un œil rieur à Diane, qui s’inquiétait sans pouvoir intervenir. « Elle trouvera ses marques elle-même », lui avait dit Koraljni, « donc n’essaye pas d’intervenir. Tu n’es pas un dragon, ne l’oublie pas. » C’était étrange d’à la fois prendre soin d’une nouvelle-née et d’en même temps devoir éviter de la toucher ou de trop l’approcher. Nacre avait la flamme facile et ne semblait pas apprécier les contacts physiques.
Pour l’heure, elle ne parlait pas avec des mots. Les images qu’elle transmettait étaient floues, fragmentées et trop lumineuses, comme sa vision. Elle ne pouvait donc rien transmettre à Diane et celle-ci scrutait sans cesse son visage et ses mouvements pour avoir une idée de comment elle se sentait. Elle aurait aimé que Siloë soit là, ou Dūmaï, ou Koraljni. Elle aurait aimé que l’art des myfyrs se soit enseigné de génération en génération, malgré les interdits, en secret, dans un bois, car alors elle aurait pu lire dans la toile les murmures que Nacre ne pouvait pas prononcer. Dès qu’il s’agissait d’un dragon, même de cette taille et de cet âge, la toile devenait impossible à regarder pour elle, trop brillante et bouleversante.
Contrairement à ce qu’elle craignait, cependant, elle n’éprouva aucune impatience, aucun ennui. Les journées ne lui semblaient pas répétitives car chaque fois Nacre s’éveillait un peu plus au monde qui l’entourait. Elle faisait encore la taille d’un enfant crocodile — et lorsque ses écailles devenaient vertes, avec les pattes sorties et les ailes collées, elle aurait pu se faire passer pour l’un d’entre eux. Diane se rendit compte qu’elle réfléchissait à des déguisements parce qu’elle voulait la protéger, qu’elle soit en sécurité pour toujours. Déjà, il fallait la ramener auprès de ses parents. Si les combats perduraient, peut-être que Nacre pourrait les attendre dans un recoin de Landamæri ? Ou même à Inkala ?
Lorsque les yeux de la dragonnelle se furent habitués aux étranges jeux de lumière du monde qui l’environnait, elles quittèrent la grotte.
Nacre resta sous l’eau, tandis que Diane nageait à la surface. De loin, elle émit un hululement aigu : elle avait convenu d’émettre ce signal sonore pour annoncer leur arrivée. Elle ne sut pas si quelqu’un était là pour l’entendre, mais répéta plusieurs fois le son.
Elles atteignirent la plage de galets, où les attendaient Idris et Malo, les yeux ronds et le cœur battant. Malgré l’excitation qui brillait dans les yeux du pyromane, il restait très calme dans ses mouvements, délicat.
Nacre les observa depuis la mer. Seul son museau dépassait. Elle les regarda s’accroupir et poser leur main par terre, paume vers le ciel. Il n’y avait rien dedans ; c’était pour lui prouver qu’ils ne lui voulaient aucun mal. Nacre interrogea Diane du regard, et celle-ci l’encouragea d’un signe de tête.
En silence, Nacre extirpa ses quatre pattes écaillées, au bout desquelles poussaient des griffes horrifiantes, et trottina sur les galets. Elle sembla apprécier leur rondeur lisse, car elle cessa de prêter attention aux jumeaux et se mit à jouer avec les cailloux. Elle laissa même échapper un gazouillement ravi. C’en fut trop pour Idris, qui plaqua une main sur son propre visage pour se forcer à ne pas faire un câlin à la dragonnelle. Il faisait bien : on ne touchait pas impunément un dragon.
— CAPITAINE, cria Félix depuis le haut de la falaise, REGARDEZ : ELLES SONT REVENUES !
Nacre sursauta et déguerpit si vite vers la mer qu’elle trébucha, glissa sur les galets, et finit museau dans l’eau. Elle se redressa immédiatement et termina sa fuite en plongeant bien plus profond qu’aucun humain ne pouvait aller. Cependant, elle resta près de la rive, comme pour que Diane puisse savoir où elle était. D’en bas, elle jetait des regards vers la surface, où les visages du reste de la troupe ne tardèrent pas à apparaître, curieux et émerveillés. Diane finit par tous les chasser lorsque la nuit tomba. Malgré son envie de dormir au chaud, dans un lit, à la caserne, elle repartit vers la grotte avec Nacre. Son introduction au monde avait été intense, et elle dormit d’une traite jusqu’à l’aube.
Pendant les prochaines visites sur le rivage, Nacre s’habitua aux matelots. Elle développa une préférence pour Idris, Éléonore et Basile, devant qui elle paradait ou faisait mine de jouer aux attrapettes (en réalité, personne ne mettait les mains sur elle, ce qui rendait la course-poursuite d’autant plus amusante pour elle). Tout en gardant un œil sur elle, Diane adressa au capitaine ses réflexions sur le voyage de retour. Il acquiesça gravement.
— Je pense aussi que c’est la seule solution, concéda-t-il. Ça ne me plaît guère, mais je n’ai pas eu de meilleure idée.
— Je suis désolée de vous mettre en danger ainsi, répondit Diane.
— Nous ? s’étonna Oren.
— Oui. Ils vous chercheront dans tous les ports, vous pourchasseront. C’est tout le contraire de ce que vous vouliez. Franchement, avoua-t-elle en baissant la voix et la tête, ça me donne l’impression de vous utiliser comme appâts.
— Et c’est toi qui dis ça, rit-il. On ne m’utilise comme rien du tout, sache-le. Je n’ai pas toujours mis la sécurité de mon équipage avant tout. On a déjà rempli des missions plus ou moins dangereuses de notre côté, et on a l’habitude de se rendre invisibles quand il le faut.
— Vraiment ? demanda Diane avec un regain d’espoir.
— Pas littéralement invisibles, précisa-t-il en souriant face à sa mine déçue. Je veux dire qu’on se débrouillera. On voyagera assez près des côtes pour qu’ils nous repèrent et assez vite en haute mer pour qu’ils ne nous retrouvent pas. Peut-être qu’on en profitera pour rendre visite à nos amis du Marché Flottant. Leur bicoque a brûlé, mais je peux t’assurer qu’ils ont trouvé un moyen de survivre. C’est une tribu étonnante.
— Tu penses qu’ils ont été réintégrés ?
— Ils ont cette étrange habitude, dit-il en acquiesçant, de pardonner plus facilement quand l’autre a tout perdu. Comme si la punition avait été rendue par l’univers. Je n’y comprends pas grand-chose, mais je ne peux que leur souhaiter que ce soit le cas.
Diane se demanda si sa famille aussi la pardonnerait plus facilement après tout ce qu’elle avait traversé… et tout ce qui lui restait à parcourir pour les rejoindre. L’idée avait commencé à l’obséder. Au départ, elle voulait simplement rejoindre Merle et Aymée, redécouvrir les Sept à travers leurs yeux, se reposer dans un cadre qui lui était connu. Au fur et à mesure, cependant, surtout depuis la ponte et l’éclosion, elle repensait à sa mère, à sa grand-mère et à son frère avec le sentiment que peut-être elle était prête à revenir vers eux, à accepter sa part de responsabilité et à accepter leur verdict. Cette impression qu’elle se rendait à son propre procès ne disparaissait pas tout à fait, mais la dérangeait moins qu’avant : elle comprenait qu’il faut parfois parler du passé avant de pouvoir aller de l’avant.
Elle se redressa soudainement lorsque Nacre cracha des flammes sur Idris, car celui-ci s’était un peu trop approché. Oren éteignit tout de suite les étincelles et la dragonnelle se coucha sur le sol, les écailles pâles, désolée.
— Ce n’est pas grave, lui répétait Idris avec les cheveux roussis, ça arrive à tout le monde.
Le chant d’un souffle dans une conque retentit brusquement. Tous levèrent la tête vers la caserne, où ils discernèrent la mince silhouette de Félix qui sonnait l’alarme.
— Il est là, murmura Diane en sentant son cœur asphyxier. Il nous a retrouvés.
— Vous savez ce qu’il vous reste à faire, dit Oren aux voltigeurs, qui s’agitaient déjà.
Éléonore partit vers Yor avec le capitaine. Ils couraient en entourant leur corps de larges capes, dans lesquelles ils auraient pu dissimuler une dragonnelle. Ils faisaient claquer leurs chaussures sur les pavés les plus bruyants, afin d’attirer l’attention sur leur fuite. Ils entendirent les cris des contrebandiers derrière eux et sur un côté. Quatre d’entre eux les avaient repérés et les poursuivaient.
— On y est presque, siffla Oren.
Ils distinguaient en effet l’immeuble qu’ils avaient choisi comme cachette. Des flammes furent propulsées sur eux. Le capitaine ralentit pour les éteindre. Éléonore se retourna pour commettre un acte absolument interdit par l’ordre des guérisseurs : elle fixa un contrebandier dans les yeux, leva sa main dans un mouvement circulaire, puis referma vite ses doigts. La femme visée poussa un cri puis balbutia :
— Je ne vois plus rien ! Je ne vois plus rien !
Un seul de ses compagnons se tourna vers elle pour l’aider, tandis que les deux autres restèrent sur leur lancée. Oren et Éléonore reprirent leur course dans la rue et atteignirent l’immeuble, dans lequel ils s’engouffrèrent. Plutôt que de monter dans les étages de la tour, ils se glissèrent par une minuscule trappe qui menait vers le bâtiment voisin. Là, la cage d’escalier descendait, menant aux souterrains de la ville. Pour les époques de grand froid, les anciens habitants avaient aménagé des couloirs sous la terre. C’était là-dedans qu’Oren et Éléonore avaient prévu et répété le parcours pendant lequel ils comptaient mettre leurs poursuivants hors de combat.
Pendant ce temps, Idris et Malo avaient rejoint la caserne, où leur rôle était crucial. Pour des raisons qu’ils avaient préféré ne pas expliquer, ils étaient professionnels dans l’art de poser des pièges. Ils en avaient donc accumulé un nombre invraisemblable pendant les quarts passés là, à tel point qu’ils avaient dû dessiner un plan détaillé pour qu’aucun voltigeur ne se fasse assassiner par erreur. Ils avaient assuré à Diane qu’ils feraient de leur mieux pour que les pièges ne tuent pas, qu’ils assomment plutôt, mais Malo avait le pardon moins facile que la myfyr, et ne tenait pas à laisser en vie des matelots enguirlandés dans une secte meurtrière. Ils avaient fait leur choix, considérait-elle.
Ils avaient également veillé à ce que la caserne apparaisse de façon très évidente comme habitée, mais aussi comme se voulant discrète : toutes les chandelles étaient allumées, les rideaux fermés, les grilles extérieures ouvertes. Il fallait attirer le plus possible de contrebandiers à l’intérieur. Dissimulés sur le toit, les jumeaux observaient la troupe de Brumgar qui se glissait à l’intérieur sur la pointe des pieds.
— Bonne chance, murmura Malo à Idris, en se permettant de poser une main sur son bras pendant une seconde.
Idris descendit d’un étage et se concentra sur les flammes. Il attendit de sentir chaque bougie de la caserne, car s’il en ratait ne serait-ce qu’une seule, l’effet serait gâché, et n’importe quel traqueur pourrait le repérer. Il compta et recompta, recroquevillé dans le fond d’un couloir, puis souffla fort — et toutes s’éteignirent.
Les contrebandiers étaient plongés dans une obscurité totale, à l’intérieur d’un endroit immense qu’ils ne connaissaient pas. Ils firent ce que ferait n’importe qui : ils tâtonnèrent pour trouver murs, rideaux, fenêtres, portes, sol. L’un après l’autre, irrémédiablement, ils touchèrent une zone corrompue. Les cris de douleur et de peur retentirent dans les couloirs. Malo attendait sur le balcon intérieur qui surplombait la résidence : si elle entendait quelqu’un s’en sortir, elle l’enflammerait. Idris ferma les yeux et se boucha les oreilles.
Diane attendait, grelottante et chevrotante, dans la grotte qui avait été le lieu plus doux de son existence. Désormais, les lumières et les miroirs ne parvenaient plus à la distraire de la peur et des regrets qui la saisissaient à la gorge. Comment avait-elle pu accepter ce plan stupide ? Comment avait-elle pu tous les mettre en danger de cette façon ? Pourquoi n’avait-elle pas protesté ? Pourquoi n’avait-elle pas fui avec Nacre ?
Elle plongea le reste de la grotte dans l’obscurité, qu’on ne puisse plus en voir les dimensions ni les recoins, que la moindre cachette soit dissimulée aux regards. Puis, à l’inverse, elle intensifia sa présence dans la toile. Elle qui avait passé sa vie à se cacher choisissait maintenant d’illuminer les moindres cellules de son être des couleurs les plus brillantes qu’elle pouvait imaginer. Elle avait observé les voltigeurs pendant des quarts, avec leur autorisation, et reproduisait maintenant la cynée de chacun, pour que ce soit comme un orchestre tout entier, pour qu’on ne voie qu’elle, comme un astre, pour que le reste du monde soit en sécurité, qu’elle devienne une cible à leur place.
Elle attendit.
Elle attendit.
Elle attendit.
Et puis, bien sûr, il arriva.
— Intéressant, reconnut Brumgar en se hissant sur le sol glissant de la grotte. Tu aimes les mêmes choses que moi, je vois.
Diane fit une grimace, dégoûtée à cette simple idée. Elle ne répondit pas, cependant. Ça lui demandait toute sa concentration de rester illuminée ainsi, tel un arc-en-ciel. Pourquoi continuait-elle alors qu’il était là, qu’il l’avait trouvée ? Face à tant de ténèbres, elle ne voyait rien de mieux à faire que de projeter autant de lumière qu’elle le pouvait.
— D’une naïveté, quand même, soupira-t-il. Mais la sagesse s’apprend, et ta magie pourrait nous être utile. Les myfyrs font les meilleurs chasseurs de dragons.
Diane reçut, sans pouvoir refuser, des images mentales qu’il lui envoyait, d’hommes et de femmes qui avaient été les protecteurs des dragons et s’étaient retournés contre eux, sans un mot, juste un regard et le geste fatal qui avait achevé leur proche. De voir l’expression de surprise et douleur, ce mélange douloureux de la trahison, lui donna la nausée. Elle repoussa les larmes et continua à se murer dans le silence. On ne parle pas avec ceux qui détruisent tout pour ne pas éprouver leur propre peur. Ce serait exactement comme essayer de raisonner une goule.
— Écarte-toi, ordonna Brumgar. Je prends le monstre et je m’en vais. Je n’ai aucune intention de faire du mal aux humains qui l’ont protégé. Les humains ne sont pas mes ennemis.
— Les dragons non plus, dit Diane pour gagner du temps.
— Ma mère te dirait le contraire.
— On a tous souffert de quelque chose, ce n’est pas pour ça qu’on annihile tout ce qui nous entoure.
— Ah oui, tu as souffert, toi ? demanda-t-il d’un ton sardonique en la scrutant. On dirait plutôt que tu t’es morfondu dans ton ignorance et ta lâcheté. Il faut des gens qui se battent pour la liberté, des gens prêts à tout sacrifier pour que d’autres puissent vivre convenablement. Ce n’est pas fait pour tout le monde.
— En effet, dit-elle, et pour la première fois de sa vie une once de fierté retentit dans sa voix.
— Tu te trompes de combat, asséna-t-il en levant la main vers elle.
Comme elle ne s’écartait pas mais gardait un sourire victorieux sur le visage, il comprit soudain.
— La chose n’est pas là, prononça-t-il d’un ton dégoûté.
Quand sa main s’abaissa, la magie qui déferla sur Diane fut puissante. Ses yeux se fermèrent et sa tête tomba lourdement sur la roche humide.
Basile n’avait jamais couru aussi vite de son existence. Pourtant, il commençait à se faire distancer par Félix, qui tenait en plus la dragonnelle dans ses bras. Pour une raison qu’il ne comprenait toujours pas, le non-mousse avait été le seul à pouvoir la tenir sans qu’elle fasse un scandale incendiaire.
En plus de l’épuisement, Basile continuait de douter de leur issue de secours. Ils s’enfonçaient toujours plus profondément dans les tunnels du mausolée, ceux qui avaient mené tout droit jusqu’à Landamæri. Deux choses le préoccupaient : d’abord, que c’était un labyrinthe conçu pour que seuls les dragons puissent s’y retrouver et s’y ressourcer ; ensuite, qu’ils n’avaient aucune certitude que Siloë était parvenue à déblayer la sortie à la forêt. En admettant qu’ils parviennent à semer leurs poursuivants — et ils les entendaient qui s’approchaient —, ils n’étaient pas convaincus de pouvoir sortir vivants de ce tombeau.
Bien sûr, cela n’avait aucune importance, car Nacre, elle, trouverait une façon de survivre à base de cynée uniquement. Ses parents viendraient ensuite la trouver lorsqu'ils pourraient se libérer des combats dans la forêt. Basile avait accepté l’idée d’être un dernier protecteur, celui qui donne sa vie pour ce qui était juste, au même titre que les autres voltigeurs.
Il se hâta pour ne pas perdre Félix de vue, car les virages commençaient, serrés, et il ne devait surtout pas prendre un mauvais embranchement, sans quoi il se retrouverait complètement seul dans l’obscurité de ces pierres.
Un regard sur le côté lui confirma sa suspicion croissante : certaines d’entre elles vibraient, et il lui sembla que des sortes d’étincelles s’en échappaient, attirées par lui. Il eut un mouvement pour les éviter, se cogna contre le mur, faillit trébucher, se rattrapa au dernier moment et continua, rapide.
Tous les efforts du monde ne changèrent rien, cependant, quand l’Illuminé retrouva leur trace. Depuis des heures déjà, Félix et Basile couraient dans le mausolée. Lui, cependant, n’avait pas de dragon dans les bras ni le souffle d’un médecin-chercheur sédentaire. C’était un guerrier entraîné qui pouvait traquer pendant des heures et savait absorber la cynée des pierres tombales. C’était blasphème, bien sûr, mais qu’attendre d’autre de celui dont la vocation était de tuer des dragons ?
Il finit par les retrouver dans une vaste pièce qui servait de carrefour entre une dizaine de tunnels. D’un mouvement, il provoqua l’éboulement de toutes les issues sauf celle qui se trouvait directement derrière lui. D’un autre, il baissa la température si brusquement que Basile et Félix en eurent le souffle coupé, tandis que Nacre ne parvenait plus à sortir ses pattes ni déployer ses ailes. Coincée dans son état aquatique, elle ne pourrait plus s’échapper seule.
Basile se tourna et plaqua ses deux mains ensemble dans un claquement tonitruant visant à écraser les poumons de Brumgar. Celui-ci grimaça puis disparut. Il s’était comme fondu dans le décor. Le médecin entendait le bruit de ses pas mais ne parvenait pas à deviner où il se trouvait.
— Qu’est-ce qu’on fait ? demanda-t-il à Félix en un souffle. Qu’est-ce que je fais ?
Félix lui posa Nacre dans les bras. La dragonnelle avait compris que la situation ne permettait pas d’autre solution et se laissa faire sans tout brûler sur son passage.
Le jeune matelot eut un sourire triste.
— Tu n’as jamais vu ma magie, dit-il à Basile, parce que dès l’enfance je n’en ai appris qu’une. On s’adapte à la vie qu’on a.
Il ferma les yeux, s’agenouilla, et posa sa main par terre. Sentant les vibrations sur le sol, il repéra Brumgar.
— Cours ! ordonna Félix à Basile, et celui-ci se lança vers le seul couloir praticable.
Les pas invisibles firent mine de le suivre, mais Félix secoua la tête :
— Pas toi.
Son visage perdit toute couleur, prenant l’allure du vieux papier déteint, et les pierres autour de lui aussi. La ligne s’avançait et atteignit Brumgar, qui réapparut, en pleine course, soudain laiteux.
— Non ! s’exclama-t-il avec un grognement de douleur.
Sa main se refermait dans un poing de roche tandis que son corps s’immobilisait malgré lui.
Félix se souvint de la fois où Brumgar lui avait donné l’ordre d’utiliser cette magie, qu’il avait mis tant de temps à lui enseigner, sur un jeune dragon. Alors que celui-ci était endormi, dans une clairière, Félix avait immobilisé son museau et sa queue, les deux parties les plus dangereux de son corps. Les autres s’étaient occupés de le tuer, tandis qu’il maintenait sa prise pour qu’il ne puisse pas se défendre.
Ses dernières secondes de conscience furent partagées entre des visions du passé et du présent : il vit Basile qui disparaissait dans le couloir avec Nacre dans les bras ; il vit Brumgar repousser sa magie, centimètre à centimètre, pour garder de la cynée au moins dans son cerveau, le temps de trouver comment se libérer tout à fait, mais d’ici là il serait trop tard ; il vit ses mains à lui, sur le sol, se pétrifier et se dessécher, et des lucioles boire l’eau qui se répandait en flaque autour de lui, le coupant du monde des vivants ; il vit le cadavre du dragon dans la clairière, et lui présenta enfin, après tout ce temps, ses excuses les plus sincères.
Basile mit en sécurité la dragonnelle et revint, dès qu’il le put, pour maintenir Brumgar immobile. Du coin de l’œil, il voyait la silhouette immobile de Félix, mais ne pouvait pas céder à l’élan de douleur qu’il ressentait. Brumgar commençait à se débattre lorsque les jumeaux vinrent lui prêter main-forte, puis Oren et Éléonore.
Les voltigeurs utilisèrent toutes leurs magies pour couper les fils de cynée entre les pierres tombales et Brumgar. Celui-ci enchaînait les illusions autour d’eux, devenait invisible puis réapparaissait, projeta même un sort qui lui coûta le reste de sa cynée : un minuscule tremblement de terre, qui fit tomber de la poussière. La troupe jeta un regard inquiet vers le plafond, puis acheva ce qu’ils devaient faire. Ce fut Oren qui assassina Brumgar, qui à aucun moment ne demanda sa pitié. Le monde comptait un chasseur de dragons en moins.
Le cadavre de Félix était froid comme les pierres qui l’entouraient. Ils le portèrent jusqu’à la sortie, faisant des pauses lorsque le poids de son corps et de leur chagrin devenait trop lourd.
Quant à Diane, le capitaine et Éléonore la trouvèrent, inconsciente mais vivante, dans la grotte, et la ramenèrent sur la plage, près des autres. Nacre s’allongea contre son corps, les yeux fermés aussi, partageant toutes ses écailles à défaut de pouvoir lui envoyer autre chose.
La nuit fut longue et l’aube fut triste.
Monde: Nacre est-elle de la taille d’un crocodile? Ou d’un bébé crocodile? C’est quand même pas du tout pareil, non?
Vision bébé vs bébé dragon: je me suis demandé comment Nacre voit le monde. Les bébés humains sont nuls, ils ne voient presque rien. Mais les bébés dragon, je ne sais pas, alors je pose ça là, sur cette réflexion de que voit donc un bébé dragon? Tout pareil qu’un adulte? Est il myope? En noir et blanc?
La.magie de Felix a l’air super cool! Mais j’en reparle dans la partie style.
Histoire:
“Hululement: : je m’attendrais à ce que quelqu’un lui réponde, genre si c’est pas ok, elle y va pas.
Je dois avouer que je ne me rappelait pas que Diane était fâchée avec sa famille, ni qu’elle ait quoi que ce soit à se faire pardonner?
Pourquoi Basile est le seul à fuir avec Felix? Eleonore estvelle sonc une si meilleure combattante que lui?
“Ce fut Oren qui assassina Brumgar.” Je n’aurais que 5 mots : Non, non, non et non! ^^’ tu ne vas quand même pas nous priver de ce duel incroyable! Je suis sûr que tu peux faire plus qu’un petit paragraphe <3 plus de texte, plus de magie, c’est ton point fort, j'en veux davantage! :)
La mort de Felix est dure, ça marche bien, mais j’ai eu cette impression bizarre que ce n'était pas si grave. Est ce que c’est parce que le lien entre Diane et le personnage est moins mis en avant dans les derniers chapitres? Je ne sais pas. Le problème de style aussi? Dur à dire pour moi, c’est très diffus :/ mais c’est une belle fin pour lui, avec arc de rédemption par le sacrifice ultime, classique mais ça marche <3
Sinon j’ai beaucoup aimé le twist, moi j’étais bête comme brumgar, je croyais que Diane allait se battre et tout.
Style: “Tu aimes les mêmes choses que moi, je vois.” est, un peu, cliché. (Sorry).
Toute la partie de combat où Felix déploie sa magie m’a été très confuse, la faite je pense à trop de pronoms. Qui fait quoi, je n’arrivais pas à le visualiser.
Perso: je pense que tu as 100% raison de vouloir développer un arc avec le pdv de brumgar. Il a l’air d’avoir toute ule backstory fort intéressante, et des motivations qui le sont tout autant. Par contre il faudrait être sûr du dosage, attention à ça.
Thème : que j’aime ce passage où Diane rayonne. C’est beau, j’y suis, je vois. <3 elle se donne, elle se montre, se révèle. Trop cool <3
Rythme: ici, ça va vite, mais ça sied bien à ce genre de chapitre. Ça claque, ça pète, ça court, parfait. (Sauf le paragraphe trop court bien sûr(donne moi d'la magie!)) Peut être qu’au début, les personnages sont très insouciants, mais je ne suis même pas sûr de mon propre commentaire.
Merci pour le partage!