33 : Le chantage

— Encore un pas, cria Aster, et ils sont morts.

À ses mots, Damassieu poussa Gaspard et Valéria hors de la cabane. Ils trébuchèrent dans la boue. Valéria resta à genoux. À la lumière du jour, leurs visages émaciés sautaient aux yeux, les contrastes creusaient leurs joues comme les sillons d’une montagne, et leurs corps frêles flottaient dans leurs habits sales. Ils ressemblaient à des squelettes qu’une brise pouvait faire tomber. Judy avait la certitude que Valéria ne se relèverait pas. Elle devait pourtant, se relever. Parce qu’elle avait futur avec elle à rattraper. Un autre nom à prendre que celui de Valéria.

Maman.

Damassieu tenait Gaspard près de lui, le pistolet sur sa tempe huileuse de graisse et de poussière. Den surveillait Valéria, écroulée contre la cabane, une main planant autour de sa ceinture.

Eustache ralentit, puis s’arrêta. Lunaé l’imita en arrivant à sa hauteur tandis M. Olivertown les dépassait, en faisant signe aux autres Chaussettes violettes d’attendre en retrait. Ils étaient à quelques mètres entre les tiges des hautes herbes, quelques mètres trop loin.

Les yeux de M. Olivertown se posèrent sur Mémé. Il comprit. Il se détourna, comme si elle n’existait plus et avança sans hésitation droit sur Aster. Ce dernier avait levé la main pour arrêter le geste de Den vers le couteau pendu à sa ceinture. Il souriait. Judy avait envie de voir ce sourire s’affaisser. Tomber de ce visage. Si seulement, M. Olivertown pouvait lui faire ravaler sa fierté d’un coup de caillou bien placé, qu’il lui montre que les Connectés n’avaient pas encore perdu le combat.

Cependant, une voix dans sa tête refusait de s’éteindre. Si Aster disait vrai ? S’il disait vrai, il avait raison. C’était ce qu’il fallait faire. Rendre les connexions à ceux qui les avaient perdues à cause de gens comme elle. À cause d’elle et de Pierre. Rendre justice à Juan. Elle devait rendre sa connexion à Juan. Et puis, elle voulait retrouver sa connexion à l’eau. Se sauver elle aussi. Elle rêvait d’être aussi libre que M. Olivertown, Eustache ou Lunaé.

Judy croisa le regard de Gaspard. Désespéré. Fuis.

Encore un pas, et ils sont morts.

— Qu’est-ce que tu as à me dire, Léonard ? dit Aster. Tu viens d’interrompre quelque chose d’important, tu sais ?

— Tu ne peux pas déconnecter toute la population.

— Ah bon ?

Judy ne comprenait pas. Elle jeta un coup d’œil à Pierre, juste à côté. Il fronçait les sourcils si fort que ses yeux avaient presque disparu.

— Il ment.

Il tourna la tête vers elle.

— Il ment.

— Qui ça ? demanda Judy, avant de se rendre compte de la stupidité de sa question.

Pierre ne répondit pas. Il réfléchissait. Le cœur de Judy se mit à battre d’une force telle qu’elle ne pouvait plus bouger. Elle vacilla.

Den avait sorti son couteau et appliquant la lame sur la trachée de sa mère. Damassieu pressant dangereusement la détente, abaissant le chien de sécurité…

Judy ferma les paupières, prit une seconde pour faire la mise au point, calmer ce cœur affolé, une respiration chaotique, une angoisse grandissante. Elle ne se laisserait pas faire. Aster était maître de ses émotions, c’était ce qui l’avait fait triompher jusqu’ici. Elle ne se laisserait pas faire. Elle était sa fille, non ? S’il avait ces qualités, elle les avait aussi. S’il arrivait à faire plier le monde à sa volonté, alors elle pouvait le faire aussi. Elle ne céderait pas face à la peur. Elle s’éclaircit la gorge.

— Et s’il ne mentait pas, répondit-elle à Pierre. Qu’est-ce que ça voudrait dire, si c’était vrai ?

Pierre fronça les sourcils.

— Où est-ce que tu veux en venir ?

— Tu ne veux pas le dire, dit Judy, un nœud dans la gorge. Je vais te le dire : ça voudrait dire que ce qu’on croyait vrai depuis le début est faux. Ça voudrait dire que ce n’est pas aussi simple. Noir. Blanc. Ni même gris. Et c’est sur ça qu’Aster joue.

Elle prit une inspiration pour surmonter l’émotion qui la comprimait comme si la gravité avait augmenté.

— Ça voudrait dire qu’ils ne sont pas les méchants dans l’histoire. Et que ceux à qui on accordaient notre confiance ne sont pas les gentils.

Judy secoua la tête. C’était bon. Son cœur avait repris son battement habituel, doux tempo pressé. Les paroles de Mémé revenaient dans sa mémoire, réchauffant son cœur apeuré.

— Mais ce n’est pas vrai, conclut-elle. Ce n’est pas vrai. Pierre, j’ai compris ce qu’il veut faire. Il est né Connecté, jusqu’à ce que ma mère lui vole sa maîtrise du Feu.

Den et Damassieu scrutaient les moindres faits et gestes d’Aster pour mettre la menace à exécution.

— Il a menti aux Lombrics. Aux Chaussettes violettes. Il leur a dit qu’il voulait la grande Déconnexion, mais lui, il veut juste récupérer sa connexion.

— Non, Léonard, dit Aster alors que M. Olivertown levait les bras, s’apprêtant sûrement à invoquer la terre.

— Non ! hurla Judy.

Den brandit le couteau.

— Attendez ! Par pitié.

Elle courut vers les Lombrics. Les ombres autour de la cabane se réveillèrent. Plusieurs personnes encapuchonnées se précipitèrent à sa rencontre.

— Il vous ment ! Il n’a jamais voulu déconnecter toute la population ! Il veut récupérer sa Connexion. Celle qu’il a perdu à cause… à cause…

Deux hommes l’attrapèrent sans ménagement. Sa tête bascula violemment de l’arrière vers l’avant et sa phrase se termina en un râle rauque. Le buste de Valéria s’écrasa dans la boue. Son champ de vision était flou, mais Judy savait qu’elle ne se relèverait jamais, parce que le sang engloutissait les herbes et la boue.

Qu’est-ce qu’ils avaient fait ? M. Olivertown… Pourquoi n’avait-il pas écouté les menaces d’Aster ?

— Pourquoi vous ne voulez pas me croire ? sanglota-t-elle. Il m’a dit ce qu’il voulait. Pour qu’on ouvre le portail.

Son corps entier refusait à présent de suivre ses ordres. Mutinerie. Pas celle qu’elle aurait voulu.

Pas de maman. Plus jamais de maman. Jamais eu de maman.

— Lâchez-moi, hurla-t-elle.

Mais elle n’hurlait pas. Le son qui sortait de sa gorge n’était qu’un faible gargouillement. Ils la traînèrent dans la cabane et fermèrent la porte derrière eux. Alors qu’ils l’attachaient au tabouret où avait été attaché son père quelques minutes auparavant, elle put distinguer leurs visages. Un homme d’une quarantaine d’années, aux traits aussi acérés qu’il était taciturne et Damassieu. Son œil blanc la fixait comme s’il pouvait la voir, presque amusé. Ils serrèrent la corde sur ses poignets et ses chevilles d’un coup sec et coordonné. Elle retint son souffle pour ne pas crier.

— Étonnement docile, commenta-t-il.

— Pourquoi vous ne voulez pas me croire ?

— Parce que tu mens, répondit l’autre homme, avec un rire moqueur.

— Je mens et… Aster ne ment pas ? s’exaspéra Judy. Il ne fait que ça depuis le début. Il a menti à toute l’Océotanie en se faisant élire ministre de Creux. Il m’a dit que, si l’on ouvrait le portail et qu’on trouvait les Esprits, alors on pourrait rendre à tous les Déconnectés une connexion. Ce n’est pas ce qu’il vous a dit à vous, si ?

— Tais-toi, dit l’autre homme.

Damassieu se planta devant elle, la surplombant de toute sa hauteur, pour lui montrer à quel point elle n’était rien, à quel point elle comptait peu dans la balance. Elle ferait ce qu’ils voudraient qu’elle fasse, mais ensuite ? Ensuite, oui, elle ne serait véritablement plus rien. Sans s’en rendre compte, elle s’était recroquevillée, ses cuisses s’enfonçant dans l’assise du tabouret, ses poignets se griffant sur la corde. Le sang pulsait sous les liens qu’elle ne pouvait pas desserrer.

— Bien. Ne bouge pas.

Il sourit face à son propre humour.

— Je reviens dès qu’on en aura fini avec ces éléments perturbateurs. Oleksa, surveille-la.

Il ferma les portes une à une derrière lui de telle façon qu’elle ne puisse rien apercevoir de l’extérieur. De temps à autres, des coups retentissaient, une salve de bruits nets et précis, et les murs de la cabane tremblaient.

Judy baissa le menton vers le sol, si poussiéreux qu’on ne distinguait plus les fissures entre les lattes du parquet. L’image de la gorge ouverte de Valéria s’imposa dans son esprit. Le sang, la chair à vif, tout ce qui devait rester caché, tout ce qui n’aurait jamais dû voir le ciel, et les yeux de sa mère qui se fixaient vers un horizon pour ne plus jamais s’en détacher. Judy n’avait jamais vu le visage de la mort d’aussi près. Elle aurait aimé ressentir quelque chose. Être dévastée. Ressentir une tristesse sans limite. Tout ce qu’elle ressentait était d’un vide abyssal, un espace immense dans son âme, immobile.

Sa mère. Envolée avant d’avoir pu la connaître. Il ne subsisterait finalement ce en quoi elle avait toujours cru, une image, le personnage d’une fiction qu’elle avait inventé. Au moins, maintenant, elle aurait un visage dans ses pensées et le fantôme de sa voix.

Elle n’arrivait même pas à haïr ceux qui l’avait tué. À qui en vouloir alors qu’ils étaient tous coupables ? Non, elle en voulait à M. Olivertown.

Oleska la surveillait, traits plissés. Contre lui, elle n’avait aucun pouvoir. Il n’avait pas de connexion. Elle ne pouvait pas l’ôter de tout ce qu’il avait, parce que sa connexion n’était pas tout ce qu’il possédait. Il n’avait pas de connexion, lui, il avait une arme dans sa poche, une stratégie.

Soudain les portes se rouvrirent, soufflant dans l’air moisi un vent iodé et chargé de cris. Damassieu revint, accompagné d’un autre Lombric, toute petit mais sec et affûté comme un canif, et d’une silhouette immense emprisonnée par leur poigne ferme, les bras maintenus dans le dos. C’était Pierre.

Ils le ligotèrent à son tour sur un autre tabouret à l’autre bout de la cuisine, assez loin de Judy pour qu’ils ne puissent fomenter de plan d’évasion. Cela fait, Damassieu ressortit aussitôt. Maintenant, ils étaient deux à les surveiller. Ils prenaient toutes les précautions nécessaires, réduisant leurs chances d’évasion un peu plus à chaque minute qui passait. Chaque minute était l’aveu de la défaite progressive des Chaussettes violettes. Bientôt, ils seraient à la merci d’Aster.

Pierre était si courbé, la nuque tirée à son maximum vers le bas et l’avant, vers le parquet, qu’on aurait dit qu’il allait se briser. Judy donnerait beaucoup pour savoir ce qu’il se passait dans sa tête. S’il était lui aussi sur le point de céder au désespoir. Elle espérait qu’il n’en était pas là. Elle avait besoin de quelqu’un pour croire à sa place.

Mais où donc était passé Nathanaël ? Lui, il aurait su rallumer l’espoir. Judy ferma les yeux et fit remonter les souvenirs un à un. Les souvenirs d’espoir et d’espoir accompli. Quand un sourire avait engendré la joie, et n’avait pas seulement masqué la lassitude.

BAM.

Oleska et l’autre homme se figèrent. Pierre releva brusquement la tête.

Une porte venait de s’ouvrir. Sans doute celle lui permettait d’entrer. Oleska s’avança lentement vers la porte qui fermait encore la cuisine, son arme à billes brandit devant lui. L’autre homme tapit derrière lui, un coutelas dans le poing. Quelques secondes plus tard, elle s’ouvrit à la volée, et un épais voile de fumée envahit toute la pièce. Oleska tira dans le tas. Une flammèche illumina le nuage gris se transformant en courant électrique crépitant. Derrière la porte béante, le feu rongeait les poutres et les planches du sol.

Une casserole vola droit dans la tête d’Oleska. Son pistolet tomba avec un bruit mat et tout son corps le suivit. Kateline émergea de la fumée, un foulard sur le nez, la casserole au bout du bras.

— Tu bouges pas, dit-elle à l’homme au coutelas.

Il se jeta sur elle. Elle frappa dans le poing armé de l’homme avec la casserole comme si elle jouait au tennis. L’homme hurla. La dague valdingua sous la table, près du pied attaché de Judy.

— Espèce de…

Il sortit de son étui un pistolet à rouages – l’un des premiers modèles – d’un geste tremblant. Kateline forma une boule de feu dans le creux de sa main.

— Tu ferais mieux de poser cette arme, dit-elle.

Soudain, une pierre perça le nuage de fumée et heurta l’homme en plein dans le front. Il tomba comme Oleksa, peut-être raide mort. L’impact avait creusé une plaie dans son front, et le sang commença à couler avec le débit d’une rivière.

— Lunaé, siffla Kateline entre ses dents.

— Il allait te tuer, fit la voix de la mentore.

Sa silhouette athlétique émergea du brouillard. Elle laissa retomber le col de son pull qui couvrait sa bouche. Elle n’avait pas perdu son énergie et la mort de l’homme ne semblait pas l’affecter.

— Le feu ne va pas nous attendre. Vite.

Lunaé attrapa le couteau et commença à couper la corde qui enserrait les mains de Judy.

— Eustache s’est comporté comme un inconscient, marmonna-t-elle, entre deux respirations essoufflées.

Elle libéra ses poignets et s’accroupit pour trancher les liens à ses chevilles. Kateline cramait la corde d’une flammèche bleue et contrôlée. Pierre fermait les yeux, fort. Il avait sûrement peur de se faire brûler.

— S’il ne nous avait pas laissé partir, Aster les auraient tués, répondit Judy.

Les pattes d’oie sur la peau parcheminée de Lunaé se creusèrent.

— Il n’aurait pas dû vous laisser partir avec Hélène. Léonard l’avait prévenu. Mais Eustache n’accepte toujours pas.

Lunaé secoua la tête.

— N’accepte toujours pas quoi ?

Lunaé effaça la question d’un geste de la main pressé.

— Il faut partir. Dépêchez-vous. Il faut partir loin d’ici. Les Lombrics sont trop nombreux.

Elle secoua à nouveau la tête. Judy connaissait cette tête. La tristesse. Celle qu’on fait quand on se résigne à l’irréversible.

— La fenêtre, commanda-t-elle. Écartez-vous.

Elle brisa les carreaux recouverts de toile d’araignée d’un coup de pied brutal.

— Kateline ?

— Attendez, dit Kateline.

Elle s’éloignait, vers le Lombric qu’elle avait assommé. Judy se concentra sur le mouvement de ses lèvres alors que Kateline s’accroupissait et chuchotait à l’oreille d’Oleska.

— Ce qu’elle a dit. C’est vrai. Aster ment. À toi de choisir dans quel camp tu joues.

La paupière et la lèvre supérieur d’Oleska tressautèrent. Kateline était le courant d’air froid qui faisait grommeler dans les maisons, et qui s’en allait sans qu’on puisse en saisir l’origine.

Kateline se releva. Une œillade vers Judy effarée. Aster mentait aux Lombrics. Mais, avec les Lombrics contre lui, comment comptait-il mener son plan à bien ?

— On peut y aller.

Kateline passa devant eux et s’engouffra par la fenêtre cassée, malgré les pointes acérées du verre ébréché. Judy s’empressa de la suivre, hésita devant le verre, tira du talon dans les pointes les plus grandes, et enfin passa ses jambes, se faisant la plus petite possible. Un bout de verre l’égratigna le dos. Elle atterrit dans la fange à quatre pattes. Son poignet craqua. Elle le ramena vers son cœur et essaya de le bouger. Serra les dents. Jura en comprenant qu’elle avait peut-être une entorse.

Elle n’avait pas le temps de se préoccuper de son poignet.

— Kateline, ne t’enfuis pas comme ça. Attends-moi !

— Chut, dit-elle, en se pressant contre le mur de la cabane. Tu ne voudrais pas retourner sur ce tabouret, hein ?

Judy secoua la tête.

— Qu’est-ce qu’il a prévu de faire ?

— Mon père, tu veux dire ?

Judy ne pris même pas la peine d’hocher la tête.

— Il ne va pas rendre à l’Océotanie la Connexion universelle, si ?

— Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c’est qu’il veut retrouver la sienne. Ça, c’est sûr.

L’ombre de Pierre se projeta sur le visage de Kateline, puis celle de Lunaé sur l’herbe à côté.

— Les Chaussettes violettes perdent du terrain. Bientôt, on sera maté. Morts, vifs ou faits prisonniers.

Lunaé analysait la situation, son visage habituellement jovial plissé par le souci.

— Où est Nathanaël ? demanda Pierre.

Judy pouvait presque percevoir l’inquiétude dans son ton.

— Il nous attend pour partir. À la montgolfière. La nôtre. Celle avec laquelle nous sommes arrivés. Prêt à décoller à tout moment.

Pierre hocha la tête.

Lunaé leur indiqua le Sud d’où ils étaient arrivés, avec Mémé, masqué pour l’instant par la charpente de la masure. Judy risqua un coup d’œil derrière le mur. Quelques marécages plus loin, les Lombrics tiraient sur les corps, enfonçaient des lames dans les chairs. La terre volait, l’eau s’hérissait de pic de glace, le feu embrasait les herbes sèches, et le vent soufflait de manière désordonnée.

Les Lombrics étaient de redoutables combattants. Au corps à corps, des Connectés comme eux n’avaient aucune chance.

— Donc…, dit Judy. On s’enfuit.

— C’est le principe, acquiesça Lunaé.

Lunaé passa sa tête, comme Judy l’avait fait, derrière le coin de la maison où ils étaient cachés. Judy fut prise d’un rire incontrôlable.

— On ne peut pas fuir.

Lunaé se retourna, soupira.

— On peut s’enfuir. C’est possible. On va passer par les marais les plus profonds, en se cachant derrière les buttes. Ils ne nous verront pas tout de suite. Quand l’alerte aura été déclenchée, c’est pour ça qu’il ne faut pas traîner. Damassieu finira par ramener ses petites fesses boueuses là où il vous a laissés… et découvrir que vous n’y êtes plus. Quand ils nous auront vus, je vous protégerai. Vous n’aurez qu’à courir le plus vite que vous pouvez, droit vers la rangée de pins, à onze heures en prenant la cabane comme référence. La montgolfière est garée juste derrière. Nathanaël vous attend.

— Ce n’est pas ce que je veux dire, contredit Judy. On ne peut pas s’enfuir. Le problème ne changera pas, où qu’on aille. On reviendra nous chercher. Ils reviendront pour nous tuer. On ne peut pas fuir, vous comprenez ? Ce n’est que reporter le problème au futur.

Le regard de Lunaé changea quand elle comprit que Judy n’allait pas suivre ses consignes. Un regard où la noirceur flottait. Elle jeta un coup d’œil nerveux, presque imperceptible vers son poignet. Elle n’avait même pas de montre. Mais Judy n’avait pas besoin que le geste soit explicite pour comprendre ce qui taraudait l’esprit de Lunaé : le temps pressait.

Des gémissements leur parvinrent depuis la fenêtre cassée. Les murs frémirent à nouveau. Damassieu venait de découvrir Oleska, allongé par terre quelque part entre la vie et la mort, et l’autre Lombric, l’inconnu, mort, certainement.

Avait-elle vraiment le choix de ne pas fuir ?

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