34- Confidences

Julien avait filé directement chez lui, sans prêter aucune once d’attention à son téléphone qui ne cessait de vibrer dans sa poche. Tout en maintenant son sac en bandoulière d’une main, il ne cessait de plier et de déplier les doigts de l’autre; la gauche. Celle qui avait touché, non… Celle qui avait caressé ces douces plumes duveteuses. Légères, soyeuses, parfaites à ses yeux, d’une couleur qui l’obsédait depuis. Ce souvenir le berça jusqu’à son arrivée dans son appartement, il s’enferma à double tour et jeta son sac au sol négligemment. Ce qui ne lui ressemblait pas, tout comme le fait de s’être emporté envers son meilleur ami qui au fond ne le méritait pas. En poussant un soupir, il se laissa tomber contre le dossier de son fauteuil de bureau et déverrouilla l’écran de son smartphone. Trois messages de Sam’, inquiet de l’avoir vu partir aussi précipitamment et aussi grossièrement. Il s’inquiétait sincèrement, tout en lui formulant des excuses si son comportement avait pu le blesser d’une quelconque façon et le réconfortait dans son amitié pleine et sincère. Une vague de soulagement le traversa, ses doigts habiles entreprirent de lui répondre en toute vitesse.

Julien, 13h07 : Sam’, merci. Je t’expliquerai, pas aujourd’hui. C’est moi qui dois m’excuser de mon odieux comportement. Tu n’as rien fait. Je me suis laissé submerger. Bref. On se voit toujours demain soir au bowling ? Si tu es ok…

Quelques secondes plus tard, son écran s’illumina brièvement, éclairant son sourire allégé. Le poids qui obstruait sa poitrine s’en alla aussitôt à la lecture des mots de son meilleur ami.

Sam’, 13h08 : T’inquiètes mon Juju’ ! J’attends avec grande impatience le jour de rencontrer cette personne qui arrive à te chambouler comme ça ! Grave ! À demain ! Et rêves bien de tu-sais-qui (:

Julien eut un petit rire, qui écrasa le silence de la pièce. Si Samuel le surnommait encore « mon Juju’ » c’est qu’il lui avait bel et bien pardonné, et oublié, son accès de colère. Il s’adossa au fond de son fauteuil, puis se frotta les yeux non par fatigue mais comme pour y voir plus clair. Pourquoi avait-il réagi aussi stupidement ? Après tout, il lui paraissait normal que Sam’ soit aussi curieux. Lui, le grand solitaire presque associable qui ne jurait jusqu’alors que par la seule compagnie des livres et des jeux vidéo. Une vague de chaleur familière l’extirpa de ses questionnements intérieurs, tandis qu’il ne put retenir un sourire bien plus grand et bienheureux.

Salut.

Une autre caresse de chaleur le recouvrit, en réponse. Tomas était là, et soudain tout lui sembla bien plus clair, bien plus serein, bien plus beau. Fort de sa présence, il s’en nourrit ardemment afin de retrouver motivation et énergie pour attaquer ses révisions de l’après-midi. Quelques heures plus tard, le travail accompli, l’étudiant alla se promener dans les bois voisins. Tandis qu’il marchait, en tentant tant bien que mal d’éviter des racines qui cherchaient à tout prix de le faire tomber, une question le taraudait plus que n’importe quelle autre. Aussi, il se risqua  à la formuler en pensée.

Tomas ? Je me demandais : pourquoi j’ai une telle poisse légendaire qui me colle les fesses ?

La vague de chaleur au creux de son cœur se réveilla à nouveau, signe que son ange gardien revenait vers lui après l’avoir laissé travailler seul. Guilleret de le sentir à nouveau, Julien espérait le voir pour qu’il puisse répondre à sa question. Mais… Face à ce souhait, Tomas lui expliqua alors en des murmures à son oreille que lorsqu’il descendait sur Terre, cela lui demandait beaucoup plus de pouvoir que de juste se manifester par ses vagues de chaleurs ou par sa simple voix. Et depuis la veille, il avait besoin de se ressourcer plus longtemps avant de pouvoir revenir sous une forme plus entière. Une pointe de déception tomba au fond de son estomac. Déception que Tomas perçut, puisqu’il lui renvoya une autre caresse fougueuse sur sa peau. Puis, tous deux reprirent leur échange silencieux tandis que Julien se baladait d’un pas tranquille.

Pour ta malchance, sache que je mène l'enquête.

Tu as donc une double fonction : ange gardien et enquêteur ? 

Son rire, léger et mélodieux, ondula dans ses oreilles. Julien sentit sa peau chauffer en réaction, et feint de s'éventer le visage comme souffrant tout à coup du soleil automnal. Tomas n'était pas dupe, ayant accès à toutes ses pensées et toutes ses émotions. Il poursuivit la discussion dans sa tête sans souligner cet embarras, qu'il trouvait adorable à souhait.

Tout est lié à toi, et au fait de te guider comme il se doit. J'ai bien étudié ton dossier ainsi que l'intégralité de ce chemin vers lequel je te pousse, pour le salut de ton âme. Et, nul part, il n'est spécifié que tu es censé subir une telle malchance. C'est donc anormal. J'ai commencé d’autres recherches ailleurs, pour savoir si des entités pouvaient être à l'origine de ce phénomène. Je dois en revanche être bien plus discret, bien plus prudent car…

Car ? 

Julien s'arrêta de marcher, l'air concentré sur les paroles de son ange gardien. Ce dernier semblait retenir son souffle, avant de lui susurrer quelques mots. Quelques mots qui vinrent s’ancrer en lui, se graver dans son cœur qui s’emballait. Leur discussion s'était arrêtée là-dessus, l'ange l’informa devoir se ressourcer et revenir dès que possible. Le jeune homme rentra, complètement seul, chez lui. Seul sur sa route, seul dans sa tête; et se rendait compte que cette présence réconfortante lui manquait cruellement. Toutefois, en allant se mettre au lit, les quelques mots de Tomas continuaient de vibrer dans son esprit. Ce qui lui apportait un certain réconfort. Il s'endormit rapidement, les propos de son ange gardien hantant ses pensées.

Car, Julien, je suis très attaché à toi. Au-delà de ce qu'il m’est autorisé. Je ne suis pas censé ressentir ce que je ressens. Pour autant, j'aime profondément comme mon âme vibre avec la tienne.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez