Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis leur arrivée dans le palais. Taleb avait laissé des antidouleurs en partant ; peut-être que c’était grâce à eux que Zora commençait se sentir mieux. C’était aussi grâce à ça qu’elle avait pu reprendre son travail.
Ça faisait des années qu’elle ne partait plus sur le terrain ; avec sa tête mise à prix, ce n’était pas vraiment le truc le plus intelligent. En revanche, elle avait développé un vaste réseau de rapporteurs à travers tout le pays. Ils lui dénichaient quantité d’informations que le gouvernement ne voulait pas voir filtrer. Ces contacts voulaient pour la plupart rester dans l’ombre ; alors, elle prêtait son nom à ce qu’ils voulaient dénoncer. Après tout, elle, elle n’avait plus rien à perdre.
À travers les interstices des planches clouées sur les fenêtres, Zora vit le ciel se teinter des couleurs du couchant. Une journée de plus où on n’avait pas réussi à l’abattre. C’était presque une victoire. Hourra.
La porte pivota et Niven rentra dans la pièce. Elle le vit s’approcher de la fenêtre et jeter un regard sur le parc.
— Comment t’as fini dans la rébellion ? demanda-t-elle.
Il se tourna vers elle, hésita. C’était la question qui fâchait.
— Ce n’est pas important, répondit-il.
— Comme tu veux.
Elle haussa les épaules et se laissa aller contre le mur.
— Ce n’est pas comme si j’allais raconter ça à qui que ce soit.
— Vous… tu es une journaliste.
Zora eut envie de rire face à cette réplique.
— Sauf qu’être journaliste, c’est un peu plus simple quand ta tête n’est pas mise à prix et que la moitié des barges de Fleter ne te court pas après.
Il détourna les yeux.
— Pourtant, tu es toujours une journaliste. J’ai souvent lu tes articles.
— Il faut bien faire quelque chose, soupira-t-elle. Ne crois pas que ça ne me plaisait pas au début. Au contraire, je n’aurais pas pu faire autre chose. Seulement, ce n’est pas tellement la bonne époque pour être journaliste à Fleter.
Il resta pensif un moment.
— C’est la bonne époque pour rien à Fleter.
— Si jeune et si plein de désillusions, dit-elle avec un sourire. Mais je vois ce que tu veux dire. C’est une période de merde. Ils ont tout fichu par terre et n’ont pas encore eu l’occasion de mettre autre chose à la place. Du coup, ça mouline dans la semoule.
Elle tomba dans un silence songeur.
— C’est con que ça ait tourné comme ça. Cette révolution aurait pu donner quelque chose de bon.
— Vraiment ? Ils ont quand même massacré des centaines de…
— Bien sûr qu’ils l’ont fait. T’as déjà vu une révolution qui se fait dans la joie et la bonne humeur ? Ce n’est pas tant ce changement de gouvernement qui me donne des boutons. C’est plutôt la manière dont ils dirigent maintenant. Regarde Fleter, la moitié des villes tombe en ruines et ils ont tué les trois quarts des industries locales. C’est pitoyable. Mais je ne pense pas quiconque aurait fait mieux à leur place. D’ailleurs, vous, avec votre petite rébellion, je ne pense pas que vous fassiez grand bien au pays non plus.
— On fait au moins quelque chose.
Il dit ça avec un air étrange, comme s’il doutait de cette phrase apprise par cœur.
— Vous faites quoi à part leur chatouiller un peu les nerfs ? Ils s’en fichent d’avoir quelques rebelles. Au contraire, ça les amuse et ça vous occupe. Peut-être même qu’ils encouragent le mouvement.
— Comment ça ?
— Tu t’es jamais demandé pourquoi vous n’étiez pas encore tous en taule ? Ne doute pas un seul instant de leur puissance, pas un seul ! S’ils le voulaient, tous les rebelles de Fleter pourriraient au fond d’un trou. Mais vous êtes toujours là, à monter vos petites stratégies, à faire vos petites missions.
— Peut-être que la rébellion n’est pas aussi facile à tomber.
— Peut-être. Ou alors, vous ne représentez pas une si grande menace.
×
Rester dans des planques, Zora savait faire. Mais rester sans connaître la suite, c’était plus compliqué. Et ici, elle tournait en rond.
— On va avoir de la visite, dit soudain Niven.
— On nous a retrouvés ?
— Non, sourit-il, pas ce genre de visite. La rébellion nous envoie du renfort pour la suite de l’opération.
— Pourquoi ?
— Ils l’ont décidé comme ça.
— Et ça ne te dérange pas ? De tout faire sans savoir pourquoi ? Ça doit être frustrant à la longue, non ? D’obéir à des ordres et de rester dans le brouillard.
— Il n’y a pas tellement d’autre solution. Pour que la rébellion reste debout, il ne faut pas que ce genre d’infos s’ébruite.
— Non, d’accord. Mais techniquement, toi, ils te font confiance ? Sinon, ils ne t’auraient pas confié de me surveiller. En toute logique, ils ont même dû te faire vérifier. Donc ils pourraient t’en dire plus, histoire que tu n’aies pas l’impression de faire tout ça pour rien.
— Ils ont leurs raisons, répondit-il.
Zora en resta bouche bée. Une confiance aussi aveugle, c’était admirable. Ou stupide, au choix. Elle avait toujours trouvé ça bizarre comme qualité chez tous les rebelles qu’elle avait côtoyés. Ils ne s’interrogeaient pas sur le bien-fondé des ordres qu’ils recevaient, ils se contentaient de les exécuter, point. Par contre, ils se montraient très critiques envers le gouvernement et ses méthodes, c’était à la limite du fanatisme.
Bien sûr, elle savait que tous ceux qui avaient rejoint la rébellion l’avaient fait pour une raison. Beaucoup avaient vu leur vie détruite par ce gouvernement, beaucoup avaient souffert. Du coup, ils s’étaient trouvé un ennemi. Mais cet ennemi était si puissant qu’il pouvait être rassurant de se cacher derrière la rébellion. C’était rassurant de recevoir des ordres et de se dire que si on les exécutait correctement, on allait aider à faire tomber ceux de là-haut. On contribuait ainsi à quelque chose de plus grand. Et ça, ça pouvait sans doute pardonner d’être tenu dans le secret.
— Je n’aurais pas pu faire ce que vous faites, dit Zora avec un haussement d’épaules. J’ai besoin de savoir.
— Le savoir peut être dangereux.
C’est qu’il avait du répondant, ce petit rebelle. Bien sûr que le savoir pouvait être dangereux, elle en était la preuve vivante. Enfin, « vivante » aussi longtemps qu’elle ne se ferait pas prendre.
— Bon et qui c’est qu’ils nous envoient en renfort ? On peut lui faire confiance ?
— Oui. J’ai déjà travaillé avec elle.
— Elle ?
Il acquiesça et elle vit au fond de ses yeux qu’il pensait chaque mot. Il faisait vraiment confiance à cette rebelle qui allait arriver.
Très bien, il ne restait plus qu’à voir de quoi elle était capable. De toute façon, Zora n’avait plus grand-chose à perdre.
×
La rebelle venait d’arriver. Zora la jaugea rapidement et finit par conclure qu’ils les prenaient vraiment de plus en plus jeunes. Celle-là, elle devait être tout juste sortie des bancs de l’école. Forcément, plus ils étaient jeunes, plus ils étaient naïfs et plus ils étaient faciles à recruter.
Elle dut cependant revoir un peu son jugement en croisant son regard.
Elle la vit échanger quelques mots avec Niven avant de se tourner vers elle.
— On en a appris un peu plus sur le contrat, dit-elle.
Elle ne s’embarrassait pas de préambules, c’était appréciable.
— On sait qu’il y a une vingtaine de mercenaires sur le coup. Ils ont tous reçu des infos assez détaillées. De qui, on sait pas encore.
— Une vingtaine ? Tiens donc, ironisa Zora, je suis vraiment devenue quelqu’un.
— Quelqu’un de gênant. Le but dans l’immédiat, c’est de quitter Muresid.
— Quoi ?
Zora regarda la rebelle dans les yeux pour tenter de comprendre le raisonnement derrière tout ça.
— Pourquoi ?
— Tous les mercenaires sont sur la capitale, intervint Niven. Ils cherchent le moindre indice, ils te pistent. T’as bien vu ce qui s’est passé dans l’autre planque.
— Qu’est-ce qui s’est passé là-bas ? demanda la rebelle dans un froncement de sourcils.
Apparemment, la communication entre rebelles était à revoir.
— On a dû prendre abri dans une planque et un chasseur de primes nous est tombé dessus.
— Et… ?
— Et dans l’immédiat, ce n’est pas notre souci.
— T’as pu voir son visage ?
— Non.
Zora vit la rebelle détourner le regard vers la fenêtre, pensive.
— Je ne quitterai pas Muresid.
Les yeux noirs de la jeune fille revinrent aussitôt vers les siens.
— Non ?
— Non. Ailleurs, je vais servir à quoi ? À rien. C’est ici que je peux faire quelque chose.
— Qu’est-ce que tu ferais de plus ici qu’ailleurs à Fleter ?
— Ici, j’ai mes contacts. Beaucoup ne veulent pas passer par les espaces virtuels pour me communiquer des données, ils préfèrent me les transmettre en personne. Si vous m’enterrez dans un trou à la campagne profonde, je ne servirai vraiment à rien. Et ça, je suis sûre que la rébellion ne le veut pas.
— Peut-être que la rébellion veut te garder en vie, dit Niven.
— C’est ça. Ce n’est pas ma survie qui l’intéresse, c’est ma présence.
— On devrait quand même…
— C’est non, trancha Zora. Je ne quitterai pas Muresid. Si la rébellion veut me garder de son côté, elle acceptera.
×
Roulée en boule, les yeux fermés, Zora écoutait le silence du palais abandonné. Quelques rafales de vent percutaient de temps en temps les planches des fenêtres, tentaient de les arracher, renonçaient, recommençaient. Zora n’était plus habituée à vivre à la surface. Ces six derniers mois, elle les avait passés dans une planque souterraine.
La nuit avait fini par arriver et malgré sa fatigue, elle n’arrivait pas à se laisser emporter par Morphée. Peut-être parce que la fatigue était seulement nerveuse. Peut-être parce qu’elle s’y était déjà habituée. Ça faisait plus de vingt ans qu’elle devait se cacher, être sur le qui-vive. Il fallait toujours être prêt à déguerpir. Et jamais, il ne fallait créer d’attaches.
Niven était parti un peu plus tôt faire le tour du palais, il lui avait semblé entendre du bruit. La rebelle, Ankha, était restée pour veiller sur elle. Mais tout ça, Zora ne le supportait plus. Elle en avait marre d’être le souci de quelqu’un. Elle voulait récupérer sa vie, elle voulait que personne n’ait à se soucier d’elle. En tout cas, pas dans ce sens.
Elle entendit la porte s’ouvrir, des pas. Puis, on la referma en tentant de faire le moins de bruit possible. Elle entendit Niven dire que tout était tranquille. Elle entendit Ankha lui répondre par un silence.
— Qu’est-ce qui s’est passé après ton départ ? demanda finalement la rebelle à voix si basse que Zora l’entendit à peine.
— Rien de particulier. Je suis rentré, j’ai eu un interrogatoire.
— Ils ont pas posé de soucis ?
— Pas tant que ça. Après Catinis, c’était presque reposant.
Le silence tomba un moment avant que Niven ne reprenne.
— Ton rapport a sûrement aidé.
Nouveau silence.
— Et toi ? demanda-t-il. T’étais vraiment en sale état quand je suis parti.
— J’ai survécu. Mais Kali a eu beaucoup de boulot. Elle m’a donné de tes nouvelles il y a peu.
— On… hésita Niven. On s’est retrouvés sur quelques missions ensemble.
— Elle est où maintenant ?
— Ici. Elle a repris son travail dans un hôpital de la rébellion.
Zora essayait de ne pas bouger. C’était une occasion en or d’en apprendre plus sur ces deux petits rebelles.
— Et Catinis ? demanda Niven.
— Quoi, Catinis ?
— T’y es revenue ?
Cette fois, le silence se fit beaucoup plus long. Zora en vint même à penser qu’Ankha n’allait pas répondre.
Si elle comprenait bien, ils avaient fait une mission il y a peu et ça n’avait pas tourné très bien.
— Je suis revenue sur la corniche. Tu sais, celle où… Enfin…
— Ah.
— T’as dû m’en vouloir pour la mission, dit soudain Ankha.
— Tu n’as fait que ton boulot. Tu n’avais pas tellement le choix.
Zora manqua de s’esclaffer, mais ça aurait fait mauvais genre. C’était bien une discussion de rebelles, ça. Comment pouvait-on être borné à ce point ?
— Le choix, je l’avais un peu. Ils auraient très bien pu envoyer quelqu’un d’autre à ma place ou changer ta vérification. Mais je voulais tellement y revenir.
C’était donc ça, la vérification ! La mission qui avait foiré, c’était la vérification de Niven. Il n’avait vraiment pas eu de bol. En général, c’était assez bien sécurisé, ce genre de conneries.
Niven ne répondit pas, ce fut Ankha qui conclut cette discussion.
— Je suis désolée.
×
La nuit est longue quand le sommeil n’est pas au rendez-vous. Et quand Zora en eut marre, elle se redressa. Elle jeta un coup d’œil à sa montre et regarda alentour. Ankha avait été emportée par le sommeil, Niven avait pris son tour de garde.
En la voyant bouger, il se tourna vers elle. Elle ne pouvait pas bien voir son expression sous le chiche éclairage de deux lanternes. Mais finalement, il se leva et s’approcha d’elle, puis s’assit à même le sol en face d’elle.
— Pourquoi tu continues à publier ? demanda-t-il à voix basse.
— Parce que si je ne le fais pas, j’ai peur que personne ne le fasse.
— Il doit bien y avoir d’autres journalistes à Fleter.
— Il y en a. Mais pour beaucoup, ils préfèrent faire dans le léchage de bottes.
— Donc quoi, t’es la seule à dire la vérité ?
Elle ne releva pas le petit grain amusé de sa voix. Bien sûr, de l’extérieur, ça devait sembler bien cliché.
— Pas la seule. Mais on peut nous compter sur les doigts d’une main.
Il se tut, pensif.
— Tu crois que c’est tentant comme boulot ? demanda-t-elle. On a beau parler de vocation, quand ta vie est menacée, tu revois tes priorités.
— Et donc, pourquoi tu continues à publier ? Si t’arrêtais, ils se calmeraient et il n’y aurait pas un mercenaire sous chaque buisson pour essayer de te tuer.
— Je crois qu’il est un peu tard pour ça. Toi et tes petits copains avez bien pris soin de me mettre sur le devant de la scène. Ce n’est pas tellement mes articles qui gênent maintenant. C’est moi. Et contre ça, il n’y a pas grand-chose comme solution. À part une balle dans la tête.
Niven la regarda un long moment, pensif.
— C’est con qu’on en soit arrivés là.
×
Rencontrer le matin après une nuit blanche laissait un sentiment étrange. Comme si on était déconnecté du monde, que lui continuait à tourner alors que nous, on l’avait quitté. Ce fut cette impression qu’éprouva Zora à l’aube de ce jour nouveau.
Elle commençait à en avoir marre de cette pièce pour unique décor. Peut-être que d’ici quelques jours, on la laisserait se dégourdir un peu les jambes. En attendant, elle sortit son portable et lança les différents espaces virtuels.
Retrouver tout ça lui détendit les nerfs. Ici, elle savait quoi faire. Elle maîtrisait son environnement. Pas comme dans le monde réel où des mercenaires étaient à ses trousses. Elle rouvrit l’article sur lequel elle travaillait.
Quelques corrections et relectures plus tard, elle l’envoya sur le réseau. L’article en lui-même allait se faire censurer très vite. Mais elle comptait sur les relais, les copies que les gens allaient en faire. Arrivé à un certain nombre d’itérations, il serait impossible de le faire disparaître.
Puis, elle releva les yeux sur Niven et Ankha qui étaient en grande discussion. Ils devaient planifier la suite des événements. Ils devaient chercher comment la garder un peu en vie.
Zora était fatiguée de penser à tout ça. Elle était fatiguée depuis trop longtemps déjà. Parfois, elle se surprenait même à penser que ça ne serait pas si mal si un de ces mercenaires lui mettait enfin la main dessus.
Ce n’était pas comme si elle envisageait le suicide ni rien, mais une balle dans la tête, ça devait être rapide et pas trop douloureux, non ?
Finalement, Niven sortit de la pièce. Zora vit Ankha sortir avec lui, échanger quelques paroles, puis rentrer. Elle lui jeta un coup d’œil et sourit brièvement.
— Je peux te poser une question ? demanda-t-elle.
— Fais donc.
— Pourquoi tu quittes pas tout ça ?
— Je l’ai déjà dit. Mes contacts sont à Muresid.
— C’est pas ce que je voulais dire. Ça vaut vraiment le coup de continuer à publier ? T’as des mercenaires à tes trousses. Si tu quittais Fleter…
— Parce que tu crois qu’on peut quitter Fleter comme ça ? Les frontières sont trop bien gardées pour tenter quoi que ce soit.
— Quoi, sur les milliers de kilomètres de frontière, il n’y a pas un trou dans le grillage ?
— Un trou, peut-être, mais il faut encore pouvoir le trouver.
— La rébellion pourrait…
— La rébellion ? Ankha, quelle est à ton avis la puissance de la rébellion ?
— Elle est partout et…
— Non, elle ne l’est pas. La rébellion, à l’heure actuelle, est très réduite. Le gouvernement la laisse un peu vivoter. Mais un coup de vent et elle va s’effondrer.
Zora vit la rebelle froncer les sourcils. Bien sûr, on allait passer par une phase de déni. Elle ne lui laissa pas le temps de répliquer.
— L’autre raison pour laquelle la rébellion ne m’a pas fait quitter le pays, c’est parce qu’elle ne le veut pas. Quel intérêt j’aurais de l’autre côté des barbelés ? Ici, je représente quelque chose, je la représente. Là-bas, je ne représenterai plus rien. Et ça, ça pourrait être le coup de trop.
— Mais alors, tout ça, c’est…
— … un sursis. Rien de plus. La rébellion sait qu’un jour ou l’autre, je me ferai flinguer. Alors, elle essaie de me garder un peu en vie, histoire que je serve mon but. Mais tout ce manège commence à être usé jusqu’à la corde.
Ankha détourna le regard et fronça les sourcils. Ce qu’elle entendait ne lui plaisait pas. Mais il y avait autre chose. Autre chose que Zora n’arrivait pas à saisir.
— Je voulais te demander… hésita la rebelle.
Zora ne dit rien, elle ne voulait pas la couper dans son élan.
— Au moment de la révolution, il y a sept ans… t’étais déjà journaliste. J’ai lu tes articles. Est-ce que…
Elle butait sur ses mots et Zora se demandait où elle voulait en venir.
— Les massacres qu’il y a eu. Eminas… Catinis. Ils ont jamais vraiment dit ce qui s’était passé. Tu…
— Ils ont dit que c’était les impérialistes.
— Mais…
— Mais tu ne le crois pas, pas vrai ? Pourquoi ?
— Ils ont tellement menti depuis.
— C’est vrai. Et je crois qu’on n’aura jamais de version vérifiée. Est-ce que ces explosions, c’était les soldats qui voulaient se débarrasser des impérialistes ? Ou les impérialistes qui se sont retrouvés sans autre issue ? Les deux théories se valent.
— T’as bien une idée ?
Ankha demanda ça avec hésitation, comme si elle ne voulait pas vraiment entendre la réponse, comme si elle la redoutait.
— J’en ai une. Pour moi, c’est vraiment un coup des impérialistes. Les attentats ont eu lieu presque simultanément dans ces villes. À chaque fois, c’était un lieu public. Un marché pour Catinis, une place pour Eminas. Le nouveau gouvernement ne serait pas allé jusqu’à de telles extrémités. Il venait de faire sa révolution, le peuple était au contraire de son côté. Exploser des civils, ça n’avait aucun intérêt, vraiment.
— Mais si c’est le cas…
Ankha laissa mourir sa phrase. Elle semblait si perdue tout à coup. Une fillette qui découvre que le monde qu’elle s’est construit n’était qu’une illusion. Tout ce temps à se dire que le gouvernement était responsable des attentats pour finalement découvrir qu’il n’y était pour rien… La journaliste l’observa attentivement. Qu’est-ce qui se passait dans la tête de quelqu’un qui voyait ses idéaux s’ébranler ?
Zora s’éclaircit la gorge.
— Mais ça, c’était alors, poursuivit-elle. Depuis, le gouvernement nous a montré de quoi il était capable. Ça fait sept ans qu’on vit sous une dictature militaire. Peut-être qu’ils n’étaient pas mauvais au départ. Peut-être qu’ils ne le sont pas maintenant non plus. Mais une chose est sûre, ils sont en train de tuer Fleter.
Ankha acquiesça vaguement. Zora, elle, ressentait un profond dégoût pour tout le système. Ce système qui avait créé cette rébellion, ce système qui avait mis dans la tête de ces enfants qu’ils se battaient pour une cause juste.
Elle savait qu’Ankha et Niven seraient prêts à donner leur vie pour la sienne.
Et elle trouvait que c’était dommage.
Au passage, ça fait plaisir de voir Ankha et Niven enfin réuni. J'ai eu "peur" que Niven lui partage déjà des indices sur l'identité du mercenaire, le timing de cette découverte n'est pas encore venue, et c'est pour le mieux !
Au plaisir de lire la suite
Et du coup ça me fait douter... Si les rebelles sont si facile à éliminer... Si l'état est si puissant... Pourquoi les laisser vivre ? Quel est le but de tout ça ?