4. Cette famille d'accueil

Par Dédé

Chez la famille de Vic et Luc

1er mars 2018

 

La journée est bientôt terminée.

Nous n’avons pas encore dîné. Je suis épuisé. Par chance, les parents de Vic et de Luc ont accepté de nous héberger avec grand plaisir. Ils sont très gentils.

Je sais qu’on va être bien ici, avec Mo.

Je n’avais jamais vu un appartement avec autant de pièces. Il est situé au premier étage d’un immeuble proche du centre-ville et du parc dans lequel aura lieu le festival.

Ash et Val, les parents, nous ont expliqué qu’ils recevaient régulièrement de la famille chez eux. C’est pour cette raison qu’ils ont besoin d’une ou deux chambre d’amis, en plus du canapé pour accueillir tout le monde. Par chance pour mon frère et moi, ces chambres ne sont pas occupées avant la mi-mars.

Ils ont proposé de nous faire visiter un peu la ville.

On s’est promenés dans des rues très colorées. On a bu un café dans un bar très sympa. Les serveurs en patins à roulette, une déco très septième art, un magicien se promenant de table en table…

L’artiste s’est arrêté à la nôtre après que nous ayons passé commande. Il nous a proposé de nous montrer un petit tour. En grand fan de ces trucs-là, j’ai accepté sans demander l’avis des autres. Gamins, on était très adeptes de magie, avec Mo.

Le magicien a sorti son jeu de cartes. Il nous les a montrées une par une pour nous prouver que toutes les cartes étaient dans le jeu. Il a divisé le tas en deux. Il a donné une moitié à Mo et l’autre à Vic. Chacun a mélangé les cartes de son tas avant de les rendre au magicien. Ensuite, il m’a demandé d’en choisir une au hasard et de bien la regarder.

Le dix de pique. Facile à retenir.

J’ai dû cacher la carte entre mes mains, en serrant le plus fort possible, face retournée. Je me suis exécuté tout en ressentant un léger frisson. Sans connaître son truc, j’ai su qu’il allait m’avoir.

Après avoir demandé aux parents de Vic et de Luc d’inspecter ses deux mains afin de vérifier que rien n’y était dissimulé, le professionnel de magie a tapoté les miennes : deux fois au-dessus, deux fois en-dessous. Elles sont toujours serrées l’une contre l’autre. Il a soufflé dessus sans même me toucher une seule fois.

Il a regardé en deux secondes son tas de cartes qu’il n’a pas touché depuis le mélange de Mo et de Vic. C’est là qu’il a annoncé qu’il n’y avait aucune carte entre mes mains.

Pourtant, je sais ce que j’ai vu.

J’avais le dix de pique entre mes mains serrées, j’en étais sûr. Le magicien m’a soutenu que non. J’ai vérifié et, en effet, il n’y avait plus rien.

Personne n’a rien compris. Nous avons tous adoré à l’unanimité le retournement de situation.

Avant de partir en nous souhaitant une bonne soirée, l’artiste a demandé à Luc de vérifier le paquet de cartes. Le dix de pique était bien dans le paquet.

Il n’y avait qu’un dix de pique dans le jeu. Il était impossible pour le magicien de prendre la carte entre mes mains sans que je m’en aperçoive. J’ignore comment il s’est débrouillé mais j’ai adoré !

On en a discuté pendant une dizaine de minutes. Chacun notre tour, on a essayé de trouver la faille de son tour, une explication logique, une diversion tellement discrète qu’elle est passée inaperçue aux yeux de tous. Je me suis même demandé si je n’avais pas donné la carte sans m’en rendre compte…

L’arrivée de nos boissons a mis fin à la discussion.

La serveuse me tend gentiment ma bière à l’ortie. Luc a voulu prendre la même chose que moi. Ses parents ont refusé dans la seconde qui a suivi. Il s’est donc rabattu sur un soda à la menthe. Mo, Vic et Val récupèrent leur café à la cannelle.

Ash, lui, ne voulait rien prendre au départ mais s’est laissé tenter par un kombucha, un thé à partir de champignons. La texture était un peu étrange au visuel. Je n’avais jamais entendu parler d’un tel thé. J’aime le fait d’être déjà dépaysé, dès le premier jour de notre voyage.

Val s’est montrée très curieuse concernant notre venue à Tétrisse.

Je crois qu’elle nous envie un peu. Elle m’a confié avoir très peu voyagé. Ash, par contre, a l’air plus casanier. Il a déjà dissuadé Luc de faire comme nous. Plusieurs fois. Il a souligné que voyager à l’aveugle peut être dangereux, qu’on ne sait jamais sur qui l’on tombe sur les routes.

Je trouve ça un peu anxiogène comme philosophie mais je respecte tout à fait son point de vue. Je ne me permettrai pas de le contredire.

Personnellement, je n’y vois que des avantages, à ce périple. C’est mon côté optimiste qui ressort.

J’espère seulement que Mo, en écoutant Ash, n’a pas eu l’idée de faire demi-tour. Je ne voudrais pas qu’il se dégonfle pour le regretter ensuite. Lui qui en rêve depuis si longtemps...

Si besoin, je le motiverai à nouveau.

C’est qu’il a réussi à m’enthousiasmer avec son histoire de festival !

Ça a l’air tellement perché que j’ai hâte d’y être !

Je suis persuadé qu’on fera une belle équipe, lui et moi ! Durant le championnat et durant l’intégralité du voyage.

En attendant, je vais demander à Val et Ash s’ils n’ont pas besoin d’aide en cuisine. Mo s’est déjà proposé pour la vaisselle.

C’est la moindre des choses de participer aux activités ménagères en contre-partie du gîte et du couvert.

 

Ju.

 

***

 

En cuisine, Val enfile son tablier et balaie du regard son plan de travail.

Elle est si concentrée qu’elle ne voit pas Ju s’approcher discrètement, de peur qu’elle ne sursaute. Elle a malgré tout un petit mouvement de surprise en le voyant dans son champ de vision.

— Je ne vous avais pas vu, excusez-moi, dit-elle avec une main sur son cœur qui a dû rater un battement.

— C’est moi qui devrais m’excuser… Je suis confus… Je ne voulais pas vous faire peur. Simplement voir si vous aviez besoin d’aide pour la cuisine. Je suis actuellement en apprentissage dans un restaurant et… je dois avouer que j’adorerais vous aider. Je n’aime pas me sentir inutile.

Val accepte avec joie. Elle lui donne un tablier ainsi qu’un tas de pommes à éplucher. Elle attache ses longs cheveux bruns en une grande natte pour éviter toute gêne.

Ju s’empare de l’économe et s’active en prenant soin de mettre les épluchures de côté.

— D’après une émission culinaire que je regarde avec beaucoup d’attention chaque semaine, il y a moyen d’en faire des chips en étant un minimum audacieux, dit-il en désignant les épluchures de pommes.

— Nous devons regarder la même émission, constate Val en échangeant avec lui un regard complice.

Ju aime beaucoup discuter tout en cuisinant et trouver des astuces pour éviter tout gaspillage.

Discuter, c’est sa manière à lui de se concentrer tout en faisant connaissance avec ses collègues de travail. Il aime aussi énormément les échanges d’anecdotes de travail en fin de journée avec Jen, sa petite amie.

— On peut les passer au four ou les infuser dans des tisanes. Je vous laisse décider, suggère Ju.

Val n’hésite pas longtemps alors qu’elle s’apprête à déposer des escalopes milanaises sur une poêle déjà chaude :

— Essayons les chips ! Ça risque de surprendre les autres. Mo, je ne sais pas… Mais Vic, Luc et Ash vont vraiment être surpris. Ils n’ont pas l’habitude.

Ju aimerait confirmer que son frère s’apprête à découvrir une nouvelle variété de chips, ou même qu’il appréciera la surprise. La vérité, c’est que Ju n’en sait rien.

Il essaie de ne pas trop s’en attrister.

— Si ce n’est pas trop vous demander, il faudra éplucher quelques légumes supplémentaires pour votre frère. J’ignorais qu’il était végétarien…

Ju manque d’en faire tomber son économe. Ne pas savoir si Mo a déjà mangé des chips d’épluchures de pommes est une chose. Ignorer qu’il est végétarien est un peu plus difficile à digérer.

— Si j’avais su, j’aurais fait un menu différent, déplore la cuisinière.

Face à Val, il essaie de faire bonne figure. Depuis le début, ils donnent l’image de deux frères aventuriers et complices. Il craint de perdre en crédibilité et de passer pour un mauvais frère s’il admet ne pas être au courant du régime particulier de son frère.

— Pour me rattraper, je lui ai proposé une salade de carottes râpées avec des dés de betterave.

Cuisiner spécialement pour Mo sera peut-être une manière comme une autre de se rapprocher de lui.

De bon cœur, il s’affaire tout de même à l’épluchage des carottes, mettant de côté la meurtrissure de son cœur.

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_HP_
Posté le 30/05/2020
Ohh c'est quoi cette dernière phrase toute triste !! :'(
Eh eh le kombucha... La conversation de l'autre jour t'as inspiré ? 😄😜
Sinon ben j'ai rien à dire en fait, mais je veux pas ne rien dire alors je trouve quelque chose 😝😂
En tout cas c'est un joli projet, que j'ai plaisir à lire et si toi tu prends plaisir à l'écrire c'est top ! <3
A très vite ! :3
Dédé
Posté le 30/05/2020
Je suis content que tu prennes plaisir à lire car j'ai réfléchi ce matin… et c'est vrai que par rapport à ce que j'écris d'habitude, ça peut surprendre. On n'a pas de rebondissements de folie, c'est assez calme et il ne faudrait pas que ce soit plat…

Oui, j'improvisais totalement cette scène et en boisson, j'avais repensé au kombucha mais j'avais oublié le nom… xD C'est bien aussi de découvrir de nouvelles choses.

Merci pour ta fidélité de lecture, HP ! :D
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