4 - Eiden

Par Assalys
Notes de l’auteur : Et voilà le chapitre 4 qui est assez dense ! Je prends tous les avis et je remercie les personnes qui prennent le temps de le faire **
( P-S : le groupe mentionné par Minuit est une référence à Linkin Park, un groupe qu'elle adorerait si elle avait l'occasion de l'écouter)

Pas un jour ne passe sans que l'impression de risquer ma vie ne vienne m'agripper : pas un jour où je me sens en sécurité, pas un jour où je ne me demande pas comment je vais faire pour survivre. Et pourtant, la première impression que je dégage c'est celle d'un inconscient qui ne réalise pas dans quel piège il se fourre. Mon regard passe sur Minuit, au moins elle m’a lâché avec cette affaire, mais il y a quelque chose de blessant à la voir me considérer comme quelqu'un qui n'a aucun sens des réalités. Cela dit, elle n'a pas tort sur un point : Mathia s'est trompée.

Comment peut-elle m'avoir choisi autrement ? Que ce soit juste une mission de reconnaissance ou non n'y change rien. Assis dans le wagon, une sorte de boîte de fer percé de fenêtre et empli de longs sièges qui ressemblent à des canapés, le tout aménagé pour devenir le moyen de transport idéal, je griffone nerveusement ma feuille, reproduisant ce que je vois. Une sorte de petit salon catapulté dans une machine hautement technologique qui lévite sans la moindre difficulté, se dirigeant d'elle-même. Ce qui pullule dans les rues des villes influentes, mais que je ne m'attendais pas à trouver dans les mains des Monarques Pourpres. Et je dois éliminer leur meneuse...

"T'es regardant sur la musique ? Intervient Minuit, arrêtant l'espace de quelques secondes de faire les cent pas.

- Pas spécialement.”, j’'hasarde.

A ma grande surprise, un sourire radieux échappe à l'étrange personnage qui se retourne vers le boîtier de musique et s'empresse d'en sélectionner sur l'écran face à elle. Aussitôt, une mélodie aussi rythmée que vibrante de colère s'échappe faisant briller les yeux de Minuit qui finit par s'asseoir, ponctuant la musique de petits mouvements de pieds. Mon attention se tourne vers mon dessin jusqu'à je surprenne quelques petits d'oeils appuyés de la part de la combattante.

"J'aime bien, je commente avec un petit sourire hésitant.

- Ah ouais ? Je veux dire, ouais, c'est sûr, si t'as de bons goûts, tu peux qu' aimer ! Et puis y a un de ces rythmes ! Et ce côté révolté ! Bon ils peuvent pas trop critiquer Ystafel, mais dans l' fond tu le sens qu'ils le pensent. C'est un de mes groupes préférés "Lost in the Echo". C'est une des langues oubliées d'Atharat, mais ça veut dire "perdu dans l'écho". Attends, attends ! Si tu aimes bien, faut que je te mette ma chanson préférée !" s'enthousiasme l'Elseker, radieuse.

Ravie et comme si elle ne m'avait pas envoyé une nuée de piques la journée précédente, elle s'empresse de partir dans une pluie d'explications sur pourquoi ce groupe dépasse le commun des mortels. 

***

"Eeet histoire de compléter une panoplie du citoyen ordinaire, un bracelet ID et une broche." pépie Minuit, me tendant un fin bracelet noir et une puce grise de forme circulaire avant de compléter, me jaugeant du regard. "Némésis a fait du putain de bon travail. Mais lui répéte pas ça, elle est d'jà imbuvable..."

Mal à l'aise, j'acquiesce, avisant de ma nouvelle apparence : le jais de mes cheveux a laissé place à une chevelure flamboyante, soulignée par deux yeux verts vifs, bien plus humains que ceux d'argent. 

"C'est tellement perturbant, j'ai l'impression d'être quelqu'un d'autre. Comme si celui dans le reflet n'était pas moi mais que je contrôlais son corps.

- Mouais, je vois ce que tu veux dire. J'avoue que j'ai pas ce genre d'emmerdes avec mon apparence humaine mais je comprends. Je crois. Puis Némésis a aucune pédagogie, elle te transforme et puis démerdes toi avec ça, ça craint."

Surprenant un petit regard en biais de ma part, elle secoue la tête et reprend, sourcils froncés.

"C'pas comparable. Moi, mon pouvoir me permet pas de modifier le physique des gens à la demande : on s'en tamponne de ma pédagogie. 

- Hm et justement, c'est quoi ton pouvoir ?

- Celui de nous sortir des pires situations. Pour le dire autrement, si c'est la merde là-bas, tu prends pas de risque et tu me laisses gérer." 

Assurée, la combattante conclut d'un petit sourire arrogant avant d'ouvrir les portes du Wagon qui dévoile une forêt à proximité de Veritas, la ville cible. Le reste du trajet vers celle-ci se déroule sans encombre, bien que l'atmosphère demeure pesante faute au silence. Laissant couler sa personnalité amicale et passionnée, Minuit en dévoile une bien plus déterminée, quoique plus désagréable. 

Alors que nous arrivons dans la ville, je finis de configurer le bracelet ID, fasciné par sa fluidité. La montre projette différents écrans affichant les informations importantes, comme mon identité temporaire ainsi que l'argent que je possède sur mon compte - que je suppose soit inexistant, soit obtenu illégalement, le tout agrémenté de précisions gadgets tel mon nombre de pas ou encore, le rythme de mon coeur et même les lectures, séries ou film qui pourraient m'intéresser. Très rapidement, le gadget m'indique  être connecté à ma broche. Je me souviens que celle-ci crée un lien avec l'internet, donc, permet d'avoir accès à toutes les connaissances publiques en un clin d'œil. Dire que c’est la première fois que je porte des objets d'une si grande importance et pourtant devenus si anodins dans le quotidien des gens. Tandis que j'avance à côté de l'Elseker, mon regard se perd dans la foule. 

Véritable cocktail de couleurs, de lumière et de technologie, Véritas se révèle fascinante et seul l'impression de risquer ma vie à chacun de mes pas me permet de garder la tête froide, de me détacher de cette admiration. Pourtant, entre les larges buildings agremmentés de mutliples paneaux publicitaires, les drones vrombissants dans tous les sens, les wagons qui se déplacent lentement, les humains qui courent à gauche et à droite, les imposantes allées d'un noir élégant, la ville dégage quelque chose qui lui est propre. Comme un monde à part, répondant à des normes inédites. Je surprends plusieurs personnes le regard perdu dans le vide là où d'autres discutent tout seul. Quant à une dernière partie, la plus grande, des données apparaissent devant mes yeux. Stupéfait, je prends du temps à comprendre que cela s'explique grâce à ma broche mais plus étonnant encore, que toutes ses informations demeurent accessibles aux autres par choix. La majorité des citoyens dévoilent leur identité à des inconnus... Sans la moindre crainte. Eux n'ont jamais dû connaître la peur que sa véritable nature soit dévoilée : à cette pensée, je ressens un pincement au cœur. Oui, ce monde est différent du mien, le premier se montre acceuillant, le mien, hostile. Que cela me serve de rappel, les humains évoluent à part des Elsekers.

"Hé...

- Agathe, me coupe Minuit avec un petit regard en biais. 

- Hm, oui, Agathe. Donc, pourquoi certaines personnes parlent toute seule ?

- Parce qu'elles parlent à Angèle ? Hasarde-elle, perplexe face à ma question.

- La fameuse IA ?" 

Alors que "Agathe" hoche la tête, confirmant ma supposition, je jette un regard nouveau aux concernés. Ils semblent plus que enthousiastes, pris dans une discussion passionante. J'hésite, puis reprend à voix haute.

" Angèle ?

- Bonjour ! Que puis-je faire pour vous ?" S'enquiert une voix mélodieuse. 

Je détaille l'hologramme qui flotte à ma droite, déstabilisé par son apparition soudaine. La jeune femme parait si réelle que l'espace de quelques secondes, je me demande si je ne vais pas la bousculer par mégarde. Puis, je me rappelle de sa condition : elle n'existe pas vraiment, il s'agit juste d'un programme très complet. Assez pour lui donner des expressions humaines, des intonations qui sonnent juste et ce qui s'approche d'un caractère. Et pourtant, elle ressemble à une mage avec ses longs cheveux blancs et ses yeux myosotis qui se fixent sur moi avec curiosité. Difficile d'imager qu'Ystafel l'ait créé en s'inspirant des Elsekers. 

- Simple question : pourquoi tu as cette apparence ? Cela ne fait pas un peu trop... Mage ?

- Je comprends votre question :  elle est très pertinente. Il a été décidé que je ne devais pas ressembler trop aux humains pour que ceux-ci ne me considèrent pas comme réelle. Cela explique mon apparence fantaisiste. Je vous assure cependant que mes créateurs ne souhaitaient pas trahir Ystafel et qu'ils savent que les Elsekers sont des créatures inférieures. Je peux prendre une autre apparence si vous préférez, j'ai une multitudes d'avatars et... Est ce que vous allez bien ?

- Oui, oui, c'est rien. Tu peux me tutoyer tu sais.

- Navrée pour la gêne occasionnée." reprends l'IA, affable.

Je secoue la tête. Pour elle, je reste une créature inférieure.  Non pas parce qu'elle l'a décidé, mais simplement parce qu'elle a été codée ainsi. Au moins, ici, difficile d'oublier ce que la société pense de moi. 

Une main passe alors devant mon visage, juste avant que Minuit n'attaque verbalement.

"Quand t'auras fini de faire joujou avec la technologie, tu penseras à ouvrir les yeux ?

- Mais j'ouvre les yeux !

- Ben voyons." Persifle-t-elle, fourrant dans sa bouche une sucrerie. "Dans ce cas, t'as remarqué qu'on était arrivé ?"

Avisant de mon air penaud, elle arcque un sourcil, puis hausse les épaules, me faisant signe de la suivre. Nous nous avançons donc vers un bar à la devanture éclairée sur lequel je peux lire Le Bacchus : un nom curieux pour le lieu et qui ne m'évoque rien. En revanche, l'intérieur du bâtiment s'avère être exactement comme je l'imaginais, animé, coloré, hypnotisant. Face à l'entrée se tient une large table bordée de tabourets derrière laquelle s'affaire un homme, tandis qu'une myriade de pupitres jonche la grande pièce. Alors que les serveurs - ou plutôt les serveuses-s'occupent des clients dans un bourdonnement sonore. Plus d'une personne profite de leur boisson, lévitant à quelques mètres du sol qui se compose de carrés aux couleurs changeantes. Si quelques humains restent assis, accoudés sur de confortables fauteuils, j'en surprends d'autres à être suspendus dans les airs, marchant avec une nonchalance presque insolente. Parmi eux, un adolescent aux cheveux d'un blanc éclatant tend la main vers une méduse aux couleurs irisées qui voltige paresseusement puis se brise en une multitudes d'éclats vibrants avant de se reformer, prenant la forme d'une colombe. A l'instar d'autres hologrammes, elle tourbillonne dans le bar, donnant une allure irréel au lieu et happant mon attention dès les premiers instants.

"On s'pose là !" décide Minuit avant d'appuyer pour que le menu se projette. Faisant défiler les différentes boissons, elle s'arrête sur l'une d'entre elle et laisse échapper un rictus. "Regarde moi ça : les larmes de Vanadhey. J'te jure, paiens jusqu'à ce que ça touche à l'alcool. Fais moi le plaisir de pas en prendre où tu risques de pas marcher droit."

- Mais ce n'est pas... Interdit ? Je croyais qu'on avait pas le droit de vénérer Va- Enfin, de la vénérer.

- T'inquiètes pas trop pour c'que tu dis, tant que tu as le minimum de discrétion, ça passe. Je suppose que les larmes d'Ystafel, ça sonnait moins bien. Dommage parce que j'en prendrais souvent, je parie que c'est très doux. 

- Je pensais qu'on ne pouvait même pas la mentionner. C'est pas un peu contradictoire ?

- Totalement. Tu viens de définir Ystafel. Ils veulent protéger leur citoyens, mais ça dépend des quels, ils souhaitent laisser la liberté, mais tu verras jamais un papillon parce que c'est trop symbolique et des conneries dans le genre. Quoi d'autre ? Ah oui, ils ne sont pas violents, ne forcent à rien maiiis si tu dénonces un Elseker, t'as un paquet de frics et privilèges." soupire l'éclaireuse avant de tourner sa tête vers moi. "Tu as repéré quelque chose ?

- Un ado. Je sais pas, il nous a jeté des regards à plusieurs reprises et il ne lâche pas du regard la nouvelle cliente."

L'expression de Minuit s'éclaire et alors qu'elle me demande de garder un oeil sur lui, elle appuie pour commander un diabolo grenadine pour elle et une sorte de thé épicé pour moi. En un éclair, une serveuse à la discussion fuyante nous apporte les boissons avant de s'éclipser. Maintenant, je me rends compte que l'atmosphère est étrange. Ce n'est pas tant les innovations qui attire mon attention, ni les hologrammes colorés qui valsent dans la pièce, ni les drones qui s'empressent de nettoyer la moindre poussière, ni encore l'étrange objet qui permet de maintenir les différentes plateaux entre-eux, créant une haute-tour admirablement stable ; non, ce qui me happe, c'est cette atmosphère qui sonne faux, partagée entre murmures et regards suspicieux. Si les serveuses se montrent très discrètes, offrant des sourires factices à tout va, le barman garde un oeil aiguisé sur ses clients avec une lueur qui me met à l'aise, là où les clients échangent soit des rires sonores, soit des paroles à voix basse. Mais le plus intriguant reste la jeune femme aux cheveux noués par un ruban rouge et dont les yeux vers inspectent les environs avec nervosité, tandis qu'elle s'adresse au barman. Et bien sûr, l'étrange garçon aux cheveux blanc la suit des yeux. 

"Qu'est ce qu'on fait ?" Je demande à Minuit.

"Bah, on va poser des questions. Notamment à l'autre là, j'parie qu'il sait des trucs.

- Je croyais qu'on devait être discrets.

- Et récupérer des informations. Tu penses qu'en restant assis autour d'une table on les aura ou tu joues juste au con ?

- Tu es toujours aussi désagréable ?

- Directe. Le bon mot c'est directe et oui. Mais si t'arrives à faire quelque chose d'utile dans les heures à venir, je promets de faire un effort."

Prenant sur moi pour ne pas trahir mon manque de conviction, j'hoche la tête et emboîte son pas, lui laissant l'initiative de la parole. Elle se révèle étonnement douée et abat la méfiance de l'adolescent qui se présente sous le nom de Cassian et m'apprend que Bacchus est une référence à un dieu inventé pour la littérature. Puis, après un échange de banalité, l'Elseker attaque.

- Au fait, tu viens souvent dans ce bar ?

- Régulièrement. Vous en revanche vous êtes nouveaux. 

- Ouais, entre autres, admet Minuit.

- Et vous cherchez quelque chose ?

Je me fige : si sa phrase est une question, son ton tient définitivement de l'affirmation. Loin de se laisser déstabiliser par les propos de Cassian, Minuit hoche la tête avant de corriger.

"Quelqu'un. Plusieurs en fait.

- Agathe..." Je l'avertis, mais elle ne me jette même pas un regard.

" Vous êtes des chasseurs ? 

- Pas vraiment. Enfin, ça dépend du point de vue. Tu as vu des personnes suspectes ?

- Ecoutez, je ne veux pas d'ennuis. Je suis juste un étudiant en histoire contemporaine, rien d'autre.

- T'es un habitué du bar et tu regardes certaines personnes avec insistance, ça m'suffit. Tu veux pas d'emmerdes, nous non plus, autant aller droit au but nan ?" ponctue la jeune fille avant de marquer une pause et de reprendre, un discret sourire aux lèvres. "Etudiant en histoire contemporaine hein ? Alors si je te montre ça, ça t'aides à voir de quel côté on se range ?"

Interloqués, Cassian et moi glissons tous les deux un regard vers ce que montre Minuit : une délicate bague ornée d'une pierre violette aux couleurs étrangement ternes. Si ça ne m'évoque rien, le jeune homme blêmit et lève les yeux vers son interlocutrice, encore plus intimidé qu'il ne l'était avant.

- C'est la larme de Minuit ? Mais si tu l'as... Alors tu es elle ?

- Elle ?" J'interviens. L'autre Elseker se tourne vers moi et me dévisage, sourcils froncés, comme si elle réfléchit à ce qu'elle peut me dire. Finalement, elle secoue négativement la tête et reprend à l'attention de l'étudiant.

" Ouais. Et comme je te l'ai dis, on cherche pas d'emmerdes non plus, alors si t'as des infos...

- Attends. Pourquoi me l'avoir révélé ? Je peux vous dénoncer à tout moment et gagner le pactole.

- Depuis combien de temps tu attends de parler de ce que tu vois ? Si t'es encore là, c'est que t'espères changer les choses. Ben coup d'bol, c'est le moment que t'as tant attendu."

Un silence accueille les propos de Minuit et je me surprends à admirer la manière dont elle a cerné la personne face à elle. Ce qui semble à première vue un impressionnant coup de poker se révèle bien plus contrôlé que je l'imaginais : preuve en est, Cassian finit par céder.

"Très bien. J'ai commencé à remarquer qu'il y avait quelque chose de bizarre quand j'ai vu que certains clients étaient particulièrement nerveux, comme s'ils cachaient quelque chose. Alors un jour j'ai écouté leur conversation et l'homme a voulu réserver une chambre. Je me suis dis que j'avais juste été parano pour rien. Et puis le même manège s'est répété encore et encore, jusqu'à ce que je vérifie si les chambres étaient disponibles. Elles ne le sont jamais sur leur site, elles le sont toujours quand on le demande directement. J'imagine peut-être des choses mais je me dis que si je souhaitais cacher quelqu'un... C'est ce que je ferais."

Alors qu'il baisse les yeux, une étrange étincelle s'allume dans le regard de Minuit qui laisse échapper un sourire venimeux.

"Oh oui, ça, c'est suspicieux. Bon et bien, il ne nous reste plus qu'à prendre une chambre à notre tour.

- Vous allez vraiment changer les choses ? J'ai eu une amie qui était... Qui était comme vous avant de disparaitre pour de bon. C’est sans doute trop tard pour elle, mais pour d’autres, c’est peut-être le bon moment.”

- Je le jure. Et s'il faut crever pour ça, alors je le ferais." réponds l'Elseker sans hésitation tandis que je me dérobe. Elle reprend, désignant sa bague. "C'est mon devoir non ?"

***

"Au fait, c'est quoi cette histoire de bague et de devoir ?

- Tu connais les De Brina ? A ta tête, j'en déduis que non. Ben, quand t'auras fais des recherches, on en reparlera, en attendant, on se concentre dans les fouilles de la chambre."

Sans me laisser le temps d'insister, Minuit se tourne et commence à inspecter notre chambre. Cassian ne s'était pas trompé, elle était bel et bien disponible. Tout comme la femme avant nous en a trouvé une sans la moindre difficulté. En attendant, je ne pensais pas que l'Elseker prendrait une suite pour nous deux, quand bien même j'en comprends la logique. Si ça tourne mal, je peux compter sur elle. 

Ressassant ce qui s'est passé, je promène mon regard sur la pièce avant de frémir. Par Vanadhey. La dernière fois que cela m'était arrivé, c'est quand un objet avait été imprégné de la peur de quelqu'un. J'hésite, puis m'approche, me penche, tombe nez à nez face à une peluche, la prend et me fige aussitôt, assailli par une terreur pure, intense, un monstre sauvage qui se déchaine dans ma tête et m'impose une nuées d'images qui constituent une scène.

Et, plongé dans ce souvenir, je deviens quelqu'un d'autre. 

Elle a peur, elle ne sait pas où elle est, alors elle s’accroche à sa peluche, fermement. Elle n'est qu'une petite fille qui ne comprend pas les problèmes d'adultes et pourquoi il faut fuire tout le monde. Surtout les personnes qui portent un uniforme de gris et de bleu. Ce sont des méchantes personnes, dit maman.

Maman lui dit aussi que tout va bien maintenant, son papa hoche la tête. Et elle, elle ne sait pas. La petite mage a un mauvais pressentiment.

Et quand on toque, elle sent son coeur exploser. Tu sens ton coeur exploser.

Papa ouvre, il finit avec un pistolet sur la tempe.

Maman recule, elle a peur. Alors tu sers le doudou, très fort.

Papa est immobilisé, mis au sol. Maman bégaie des mots, elle ne comprend pas. Toi non plus. Ces gens ne sont pas gentils et on t'avait dit que tout allait bien. Mais ça, c’est bien ?

Tu as peur. 

Maman s’avance. Maman ne devrait pas s’avancer. Elle continue de bégayer, elle bute sur chaque mot et elle demande qu’on t’épargnes.

Tu ne sais pas ce que ça veut dire épargner, mais c’est un mot qui te fait très peur. 

Un homme se tourne et tu sais qu’il est très méchant. Il beugle un “Putain ! Ferme la ! Toi et ta gamine…”

Tu as les larmes aux yeux, mais tu sais que ce qu’il a fait n’est pas bien.

“Maman… Il a dit un gros mot.”

Elle se tourne vers toi. Elle s’avance vers toi. L’homme la frappe avec son pistolet.

Maman tombe devant toi et tu hurles. 

Ton père essaie de se relever, mais il est plaqué au sol. Maman elle se redresse, des flammes apparaissent dans ses paumes et elle fonce vers l’homme.

Il lève le pistolet. Il appuie. Il y a un grand bruit. 

Maman ne bouge plus. Maman. 

Le mot se répète en toi. : Maman. Maman. Maman.

Maman...

Tu ne bouges plus. 

Le temps s’arrête.

L’homme dit des choses, l’autre peste. Mais tu ne sais pas, tu ne sais plus, il n’y a que cette douleur, que cette absence, parce que maman ne bouge plus, maman, maman ne respire plus. Qu’est ce qu’ils ont fait à maman ?

L’homme t'attrape.

Tu pleures, tu crois. Maman n’est plus là, papa hurle.

L’homme t'attrape. Tu lâches le doudou.

Et il n’y a que le vide. L’absence. Ton cœur qui cogne, cogne, cogne. Et ce mot. Ce mot qui comble le vide et qui le crée.

Maman.

Maman.

Maman...

"Eiden ? Hé ! Qu'est ce qui se passe ?" 

Tremblant, je reprends conscience. Combien de temps s'est écoulé ? Non. Non, ce n'est pas le vrai problème. Je regarde la peluche dans ma main, la peluche de cette petite fille qui a vu sa mère mourir devant ses yeux et...Oh par Vanadhey, les soldats. Il y avait des soldats, des hommes qui sont venus réquisitionner les Elsekers dans cette chambre. Que la déesse créatrice nous vienne en aide, ce bar n'a rien de pro-Elseker.

" Eiden ? Respires, tu es en sécurité ici." reprend Minuit, me dévisageant avec inquiétude. "Tu veux que j’aille chercher de l'eau ?

- C'est un piège.

- Quoi ?

- Cette chambre, ce bar, c'est un piège. Ils ne veulent aider personne, ils servent juste d'antenne, de relais, de ce que tu veux pour Ystafel. Il y avait une famille avec une gamine avant nous. Et..."

Je ferme les yeux face à la terreur qui monte en moi : la mienne où celle de cette pauvre petite fille ?

" Quand la mère les a attaqué, ils l'ont tué. Devant sa fille et son mari. Minuit, on est tombés en plein dans leur traquenard. Et l'autre cliente aussi."

Alors que celle-ci s'apprête à me répondre, quelqu'un toque à la porte. La combattante se fige puis m'adresse un signe pour que je reste là, avant d'aller ouvrir  et de tomber nez à nez face à des hommes armés jusqu'aux dents.

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Zlaw
Posté le 15/06/2022
Hello Assalys !


Je suis une lectrice erratique, mais me revoilà par là ! =D

J'espère que tu ne m'en voudras pas trop de grouper mes impressions sur ces deux derniers chapitres (3 et 4) ; je les ai lus d'une traite, tout simplement.

Mon ressenti global va sans doute paraître étrange, mais j'ai parfois l'impression que tu écris cette histoire à quatre mains. Je vais essayer de m'expliquer de mon mieux. ^^

Certains passages me paraissent comme qui dirait précipités. De toute évidence, tu connais très (très) bien ton monde et tes personnages. Je pense d'ailleurs que c'est le point le plus fort de ton récit. C'est une excellente chose, car sans ça, rien de bien ne peut ressortir, je pense. En mon humble opinion, au diable les envolées lyriques s'il n'y a pas un peu de substance derrière. Hélas, la contrepartie d'une telle maîtrise, c'est que par moment, ça conduit à des passages un peu rapides sur les choses. En vérité, je pense que toute personne qui écrit avec un peu d'ampleur passe par là : cette impression de se traîner alors que non, pour un lecteur qui n'est pas dans notre tête, ce serait plutôt utile de le faire. ^^ Je comprends qu'un personnage ne s'étale pas sur un fait qui lui est acquis, ce serait une façon maladroite de faire de l'exposition, mais je pense tout de même qu'il est possible de se poser, élaborer un peu, ou même juste souffler pour laisser le temps à l'information de se frayer un chemin dans l'esprit du lecteur, sans pour autant tomber dans des longueurs non naturelles. Parfois (pas toujours, en plus, j'insiste bien), ça manque un petit chouïa ici. Ça me paraît vrai pour des points de mythologie, mais à la limite, ceux-ci sont plus acceptables ; la mythologie peut s'expliquer au fur et à mesure par bribes. C'est un poil plus gênant (pour moi, en tous cas), quand il est question du caractère d'un personnage. Je ne suis pas une de ces puristes du "show don't tell", très loin s'en faut, parce que je suis suffisamment raisonnable pour me rendre compte qu'on ne peut pas illustrer strictement tous les points de caractère d'un individu. Néanmoins, on a parfois l'impression de se faire gaver comme une oie par les personnalités de certains personnages. Mathia était un premier exemple, Minuit en est un autre. Leurs personnalités sont à mon avis largement suffisamment fortes pour s'imposer d'elles-mêmes. Pourquoi en remettre à ce point une couche ? Là, j'ai un peu la sensation que "tu en as rajouté", si je puis dire. Attention, ça ne les rend pas moins vibrantes, c'est juste la façon de les amener qui prend de court. Après, je peux aussi admettre que c'est un dosage très difficile que l'équilibre entre trop et pas assez. Quand on commence à jongler avec les personnages, on cherche à les marquer pour que les lecteurs ne les oublient pas. C'est un jeu risqué auquel je ne prétends pas avoir une solution universelle, désolée. xD

Et j'en arrive donc à ce qui me donne l'impression que deux personnes écrivent cette histoire : parallèlement à ces passages "rapides" (toute proportion gardée, hein), il y a aussi des scènes parfaitement dosées et rythmées. La scène de la vision d'Eiden en est un très bon exemple. J'ai aussi bien accroché à la description qu'il donne de la ville ultra-moderne dans laquelle il débarque. J'ignore ce qui te fait t'attarder sur certains points et pas d'autres, mais en tous cas, ces deux-là ont sonné juste à mes yeux. La scène d'entraînement avec Mathia un peu moins, et idem avec l'interrogatoire du type dans le bar. Ils tombent sur lui directement, et il balance toutes les infos qu'il détient plutôt facilement, alors que le climat de crainte et de clandestinité est par ailleurs très appuyé par tous les personnages jusqu'ici. Sans doute n'est-ce pas un moment suffisamment important pour y passer plusieurs chapitres, mais quand même, ça paraît rapide. La scène de la musique de Minuit dans le transport, je la mets sous le compte de cette volonté d'insister sur son tempérament.

Enfin, je serais malhonnête si je ne remontais pas qu'il y a quand même un nombre certain de fautes d'accord voire carrément de frappe dans les mots qui se glissent dans ton récit. Et pour quelqu'un d'un peu voire beaucoup psychorigide comme moi, ça fait tiquer toutes les 5-10 lignes. C'est un peu dommage, parce que j'insiste sur le fait que tu as très clairement une bonne maîtrise de ton univers, et c'est ce qui me fait suivre un récit en règle générale. Je ne sais pas quel outil de traitement de texte tu utilises, mais indépendamment de ça, une bonne relecture dédiée soit par toi-même soit pas un tiers-parti devrait aider à facilement faire descendre le compteur (qui n'est soyons honnête jamais à zéro, même dans des livres publiés ^^).

Voilà pour moi pour cette fois. J'espère que rien de ce que j'ai dit ici ne te paraît trop rêche, car ce n'est absolument pas mon intention de te miner ! Bien au contraire, quand je n'accroche pas du tout à un texte, je ne commente pas. Et je ne crois pas à juste balancer quelques lignes vagues et purement subjectives en guise de commentaire, parce qu'autant ça peut faire plaisir sur le moment, autant je ne trouve pas que ça ait grande valeur sur le long terme. Ma conclusion ce sera de souhaiter que tu continues à t'accrocher à ta corde rouge que je devine solide, et pour moi le reste va suivre. Il est vrai aussi que c'est le début de l'histoire, donc il y a aussi un temps d'adaptation à avoir. ;-)


À bientôt sans doute !
Zlaw
Assalys
Posté le 19/06/2022
Coucou !
Merci pour ton retour (et très jolie pp au passage !)

Je ne suis pas surprise de ton retour, comme j'ai l'habitude d'écrire mais que je n'ai pas l'habitude d'écrire des livres, le rythme est une des choses que j'ai le plus de mal à gérer xD.
Cela dit ça me fait plaisir de lire qu'on ressent que l'univers est complet, c'est un des points qui me semble le plus important dans mon écriture.

En tout cas, je prends bonne note ! C'est vrai que je me rends pas trop compte d'à quel point l'univers des Monarques est clair en tant que lecteur.

Pour ce qui est des personnages, je vais essayer de mettre plus de subtilité même si j'ai plus tendance à insister sur un point pour nuancer après. Cela caractérise le personnage très vite (Mathia est excentrique, Minuit directe, Eiden fuyant...) même s'il faut avoir une bonne maitrise. Je vais faire attention à ça à l'avenir et je retravaillerais cette partie (ces parties) par la suite !

Pour les fautes, oui je m'en suis rendue compte. En fait, il semblerait que mon logiciel ne note pas les fautes donc dans le feu de l'action, je ne m'en rends pas compte. Cela dit, elles devraient être plus rares dans les chapitres à venir puisque j'utilise justement word/google doc pour traquer les fautes. Et je vais pas tarder à relire pour éliminer les fautes qui trainent dans les derniers chapitres !

En tout cas, merci beaucoup pour ton retour qui me fait très plaisir. Je me doute que mon texte/histoire n'est pas parfaite et c'est justement pour ça que je préfère publier plutôt que de travailler dans mon coin. D'autant que pour le coup, ton retour est très complet et me permet d'avoir une très bonne vision d'ensemble sur ce qui marche et ce qui ne marche pas !

Bonne soirée à toi et encore merci pour ton commentaire !
Edouard PArle
Posté le 01/05/2022
Coucou !
J'ai beaucoup aimé ce chapitre, l'histoire est de plus en plus intéressante. J'attends la suite avec impatience (= Je t'ai envoyé un retour complet par discord.
A bientôt !
Assalys
Posté le 19/06/2022
Coucou !
Je pensais avoir répondu ici, mb o.o
Merci à toi pour le retour en tout cas !
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