4. La lumière flamboyante de la nuit

… qu’elle applique soigneusement sur sa lèvre supérieure. Komïo achève son maquillage en accentuant la grandeur de ses yeux bruns avec une couche généreuse de mascara. Après avoir attaché sa chevelure bleue en queue-de-cheval, elle ajoute ses bagues aux doigts, ses grands anneaux argentés aux oreilles et réajuste son septum. Son sweat à capuche préféré sur le dos, celui qui épouse sa silhouette voluptueuse jusqu’aux genoux, elle rabat sa capuche sur la tête, chausse ses baskets à plateforme et pulvérise quelques gouttes de parfum fruité dans son cou.

Satisfaite de son reflet dans le miroir, Komïo ouvre la fenêtre et passe de l’autre côté, sa petite taille facilitant la manœuvre. Le nuage noir de pollution qui enveloppe Turshali, cachant entièrement le ciel et la lumière naturelle, rend incapable le discernement entre le jour et la nuit. Pourtant, il est impossible de se tromper sur le moment de la journée. De 21 heures à minuit, Tempoks habille la ville et le Cosmosos d’une teinte cramoisie qui éblouit Komïo. Les heures rouges de Turshali colorent sa peau foncée avec des reflets écarlates contrastant avec le bleu de ses cheveux, ce qui accentue ses taches de rousseur similaires à une pluie d’étoiles filantes tombée sur son visage doux et affable.

Komïo jette un œil au vide en dessous d’elle, frissonnant à la fois de peur et d’excitation devant le décor qui s’offre à ses yeux. Les drones circulent entre les écrans géants, la foule s’agglutine dans les avenues qui se superposent, les immenses tours résidentielles se dressent si haut que le sol dont elles émergent s’avère invisible. La jeune fille, perchée au 77e étage, vérifie que personne ne la remarque. Une précaution inutile : depuis la rue, elle ressemble à une fourmi perdue dans un vaste océan de béton, de verres et de lumières pourpres. Quant aux maisons avoisinantes, personne n’a l’idée saugrenue de regarder par la fenêtre, car les paysages se révèlent bien plus beaux et intéressants dans le Cosmosos.

Komïo pose un pied sur la corniche, puis un deuxième, se colle contre le mur et avance prudemment. Elle arrive au niveau d’un jardin, à l’étage d’en dessous, où elle se cache derrière les arbustes. Elle se méfie surtout des gardes du corps qui veillent devant la porte d’entrée de leurs clients. La jeune fille s’empresse de descendre quelques mètres plus loin où une nouvelle corniche l’attend. Elle continue son parcours jusqu’à la terrasse d’une tour voisine, bondissant et agrippant la palissade avec facilité. Les sauts, c’est son moment préféré, surtout horco : aucun décor virtuel n’égale les sensations vertigineuses du vrai Turshali.

— La Haute Providence lance officiellement la saison 7 de Karma Arena, annonce un drone crieur qui passe à proximité. Achetez dès maintenant vos places pour la première partie sur la planète Karma Arena.

Komïo arpente son chemin habituel avec l’agilité d’un écureuil puis glisse le long d’un mât avant d’atterrir dans l’avenue principale, quelques niveaux plus bas, devant le mur tagué d’une flamme entourée de pointillés. Pendant qu’elle se faufile à travers les épaules et les coudes de la foule, son sweat réagit aux températures plus fraîches de la soirée et s’épaissit comme par magie.

— SEISM attaque une nouvelle fois le port de Turshali, répète le drone crieur qui survole le boulevard. Le phare vandalisé, de nombreux navires endommagés, des honnêtes Turs agressés ! Si vous suspectez quelqu’un d’y avoir participé, rendez-vous au centraxius le plus proche pour faire votre déposition. Jusqu’à 10 000 cyber-cash à gagner avec la prime Dénoncia !

Komïo emprunte une succession de rues tordues, descendant des escaliers abrupts et des allées en colimaçon. Une odeur de friture titille ses narines, signe qu’elle arrive bientôt à destination. Elle traverse le boulevard où des fast-foods s’empilent les uns au-dessus des autres, prend à gauche, puis à droite, atteignant le lieu du rendez-vous où se presse déjà une interminable file d’attente. Une musique des Dark Rainbow s’échappe d’une radio posée sur le comptoir du stand de beignets de poisson. Jank et Mieneta se balancent distraitement sur son rythme pop et électro, le regard plongé dans le menu du jour. L’un pointe du doigt un plat sur l’écran tandis que l’autre hoche la tête avec approbation. Komïo les salue joyeusement. Jank et Mieneta l’accueillent en chœur avec un « Hey K ! Comment ça va ? ».

Jank, qui dépasse toute la bande d’une tête, a ramené en deux chignons symétriques ses fins cheveux blonds aux pointes teintées en rose. À la vue de Komïo, le bleu de ses yeux pétille autant que le blush pailleté qui rehausse ses joues pâles. Mieneta, un garçon trapu à la chevelure bicolore et vêtu de son éternel bomber délavé, cogne énergiquement son poing contre celui de Komïo. Face aux compliments de son amie sur son nouveau fard à paupières, Mieneta fait mine d’être flatté avec une moue malicieuse qui révèle la fossette de sa joue gauche. Avec leur maquillage, leurs cheveux et leurs tenues colorées, c’est un groupe de jeunes classiques, à la mode extravagante de Turshali.

— On t’attendait pour commander, précise Jank.

— Oh merci, répond Komïo dans un sourire gourmand. J’hésite entre…

— Des ubk fish and chips sauce roquefort ou des acras de morue crème verte ? demande Mieneta avec un air taquin.

— C’est mon éternel dilemme, oui.

Iels s’esclaffent en se positionnant dans la file d’attente. Comme toutes les échoppes aux alentours, le stand de beignets de poisson se révèle particulièrement exigu. Les deux gérants, coincés derrière le comptoir et l’imprimante 4D, travaillent dans un capharnaüm épouvantable. La radio allumée tente de masquer le ronronnement infernal de la machine, mais cela ne fait qu’ajouter un autre élément cacophonique à l’ensemble. L’imprimante, infatigable, fabrique à la chaîne toute une ribambelle de cubes alimentaires. Malgré leur couleur chimique évoquant celui des bonbons, les ubk peuvent avoir le goût et la texture d’une viande qui ne provient d’aucun animal — très utile étant donné que le Big Drowning a éradiqué 90 % des espèces, de légumes qui n’ont jamais été cultivés et de plats cuisinés. Grâce à cette technologie, la nourriture se stocke facilement en grandes quantités tout en évitant l’agriculture et les élevages, une véritable aubaine pour Turshali qui manque déjà cruellement d’espace.

— Des acras de morue sauce verte et un Algocola s’il vous plaît, hurle Komïo pour couvrir le bruit de la machine dont chaque impression sonne comme le décollage d’un avion.

Le gérant hoche la tête. Il se tourne vers les ubk panés déjà imprimés, les dépose dans une poêle chaude et les cuit en les faisant sauter avec habilité. Leur odeur alléchante embaume l’air. Elle se mêle à celle des autres mets dans un tourbillon de senteurs irrésistibles pour des papilles déjà affamées. Le gérant place ensuite les ubk cuits dans un cornet enroulé d’une serviette en papier avant d’y verser généreusement un coulis aux herbes et aux épices. Puis, il se tourne vers le distributeur à ulb, caché derrière l’imprimante 4D. Il appuie sur l’un des nombreux boutons. La machine lâche une sphère gélatineuse marron aux reflets cuivrés. Komïo ressent le goût pétillant d’Algocola rien qu’en la regardant.

— Merci beaucoup, s’exclame la jeune fille en interceptant avec ravissement sa délicieuse commande.

Une fois tout le monde servi — des beignets de cabillaud sauce tartare pour Jank et du saumon frit sauce chili pour Mieneta, le trio se cale dans leur coin habituel. Dans ce renfoncement, où l’on peut observer l’échoppe d’un côté et l’effervescence de la ville de l’autre, le tumulte du stand se transforme en lointain bourdonnement. Assis les pieds dans le vide, le groupe savoure ses ubk avec des soupirs de contentement, contemplant la rue animée en contrebas. Les écrans des cybphones et des cybwatchs illuminent les visages de la foule tandis que les enseignes des piles de magasins clignotent frénétiquement dans les airs pour attirer l’attention des passants pressés, lançant des mélodies et des slogans inaudibles qui créent une musique de fond survitaminée.

— Je suis tellement contente, s’exclame Komïo avec enthousiasme. On va enfin regarder KARMA ARENA ensemble, quoi !

— Ça va être génial, renchérit Mieneta en gobant un ubk saumon frit.

— La dernière fois, on avait quoi ? se souvient Jank. 10 ans ? Et surtout, on ne se connaissait même pas.

— Mon père était comme un fou en rentrant à la maison. Je crois qu’il était encore plus content que moi.

— Depuis le temps qu’il la côtoie, il doit avoir hâte que l’on dézingue Noya Nkata.

Le trio éclate de rire, même si Mieneta s’empresse d’ajouter :

— Chuut, je vous l’ai déjà dit, il ne faut pas que ça se sache que mon père travaille aux côtés de The Red Rift !

— Oui, pardon M, s’excuse Komïo en croquant dans un acra. Ch’est quoi vos pronochtics alors ? Vous misez sur qui ?

— Lenzek et Lozentu Hoam sont légendaires. Ils ont remporté la saison précédente, je suis sûre qu’ils iront en finale.

— C’est clair ! acquiesce Mieneta. J’attends de voir l’interview des autres jowers, mais je mise sur eux aussi. Vous imaginez, une finale avec eux et Zufia Somento ? N’est-ce pas, K ?

— Zufia va gagner, assure Komïo en rougissant.

— À mon avis, ces skins seront super sexy...

— J’économise déjà mes cyber-cash, ajoute Komïo en riant.

Le trio s’esclaffe de nouveau. La jeune fille, de la sauce verte partout autour de la bouche, s’essuie avec la serviette tout en observant l’un des ascenseurs de la ville qui monte d’une rue à l’autre. La cabine de verre s’ouvre sur l’avenue en contrebas, déversant une marée humaine qu’il semblait improbable de contenir dans un espace si exigu. Une nouvelle masse de passagers entrent à leur tour. Les portes se ferment difficilement avec tous les corps pressés contre elles. L’ascenseur s’élève à nouveau puis disparaît de la vue de Komïo.

— Vous pensez que The Red Rift va aller loin ? s’interroge Jank en tripotant l’un de ses chignons blonds.

— Je ne pense pas, répond Mieneta. Plein de collègues de mon père disent qu’elle va mourir la première.

— Ch’en chuis chûre aussi, renchérit Komïo la bouche pleine.

En bonne patriote, la jeune fille déteste Noya Nkata, SEISM et tous leurs adhérents qui menacent le peu de confort que les habitants de Turshali s’échinent à construire. Et tout ça pour quoi ? Pour la liberté, soi-disant. Bien sûr ! Les membres de SEISM sont des égoïstes, juste bons à s’entre-tuer « pour que la vermine s’élimine d’elle-même ».

— Ne confondez pas les heures roses et les heures indigo, gronde Jank. Même si vous la détestez, Noya Nkata nous offrira un beau spectacle. C’est une combattante hors pair dans la vraie vie, alors là, elle risque d’être incroyable

Ses camarades opinent du chef sans grande conviction. Komïo pince son ulb avec les dents, déchire la membrane et en avale une gorgée, grimaçant quand les bulles d’agocola lui chatouillent le nez.

— Le Protexius recrute, chantonne le drone crieur qui passe au-dessus de leurs têtes. Devenez les héroïnes et les héros de Turshali, aidez les honnêtes Turs, neutralisez les terroristes, soyez au service de la Justice !

Le trio termine son repas, le ventre plein, le goût délicieux de leurs ubk encore présent sur la langue. Jank, au milieu de ses deux amis, encadre Komïo et Mieneta de ses bras, iels posent chacun.e leur tête sur ses épaules. Dans la rue en contrebas, comme devant le stand de beignets de poisson, le flot de personnes ne s’arrête jamais.

— Le dernier épisode de Chassé Trouvé est absolument dingue, déclare Mieneta.

— Ne me dis rien, je n’ai pas envie de savoir !

— En tout cas, déjà 4 épisodes que Woul Anista survit… C’est rare, d’habitude, tout le monde meurt dès le premier épisode.

— Oui, il n’a que 15 ans, mais il est super fort ! Il réussit trop bien à se cacher… je vais être triste quand il sera éliminé.

— Moi aussi, avoue Komïo. Puis, bon, il a juste piraté les datas de La Ferme de Turshali. Ça serait bien un cybkill où les jowers se font corriger, mais pas exécuter.

Sans aucune pitié pour les terroristes de SEISM, la jeune fille pardonne volontiers aux délinquants plus jeunes qu’elle. Komïo se rappelle encore de sa montée d’angoisse quand la Haute Providence officialisa les exécutions pour enfants alors qu’elle avait 8 ans. Assise avec ses parents devant la télévision, elle s’imagina faire une bêtise malgré elle et se retrouver sur l’échafaud.

— Et ça s’appellerait comment ? la taquine Jank. Un cybnokill ?

— T’es bête !

Le trio parle avec enthousiasme de son dernier escape game virtuel — le cinquantième ensemble tout de même, puis de la fête de la Majorité de Jank qui avance à grands pas. Leurs voix enjouées et leurs éclats de rire ponctuent le brouhaha environnant de notes joyeuses.

Quelques instants plus tard, les lumières de Tempoks passent du rouge au rose, caressant leur visage et leurs vêtements d’une teinte fuchsia. Une mélodie au carillon résonne dans toute la cité, masquant la cacophonie permanente de Turshali pendant quelques secondes. Il est minuit, le début des heures roses. Le trio se lève, jette ses déchets dans une poubelle vørtek et s’enlace chaleureusement avant de se quitter. Komïo a déjà hâte de les retrouver. La jeune fille rabat la capuche de son sweat sur ses boucles bleues puis retourne sur ses pas, empruntant les rues bondées et labyrinthiques de la ville.

— Devenir Sakris, martèle un drone crieur, c’est un don de soi pour offrir de l’amour et de l’espace pour les générations à venir. Soyez le futur, soyez Sakri !

Elle passe devant le mur tagué d’une flamme entourée de pointillés, gravit les marches d’un escalier biscornu puis saute sur la corniche d’un bâtiment qu’elle escalade en s’aidant des balcons et des bords de fenêtres jusqu’à atteindre celle de sa chambre. Une fois à l’intérieur, elle rabat la vitre d’un coup sec. Le tumulte de Turshali s’arrête aussitôt.

Dans le calme absolu de sa chambre, elle entend seulement le son de sa respiration et de son cœur qui bat la chamade. Débordante d’euphorie après cette magnifique soirée, Komïo retire ses baskets, ses bijoux, détache ses cheveux, enfile son pyjama et s’endort en rêvant des fesses de Zufia Somento…

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Éclat
Posté le 22/05/2024
Bonjour, bonsoir Marylin Redwyn. J'espère sincèrement que tu vas bien et que tu passes une agréable journée.

Ce quatrième chapitre de Karma Arena est toujours aussi généreux en quantité de matière et bien écrit. J'espère ne pas être trop longue dans mes remarques et mon avis qui vont suivre, auquel cas j'en serai vraiment désolée…


J'ai donc adoré d'emblée le début de ce chapitre, avec Komio qui se prépare et se fait belle en se maquillant, revêtant ses plus beaux habits à la fois informels et sophistiqués, et ou l'on apprend surtout des informations sur son physique, utiles selon moi pour encore mieux se la représenter. Je retiens également l'existence d'un mot dont j'ignorais totalement la présence jusqu'à aujourd'hui : Le septum.


Cependant, je me permets une légère remarque : sa description physique, avec ses cheveux bleus en queue de cheval , son percing au niveau du nez, ses grandes bagues sur les phalanges ainsi que ses anneaux argentés aux oreilles ne correspond pas du tout à la Komio que l'on voit sur ta couverture… Évidemment, ce n'est pas un drame, mais pour un soucis de bonne représentation de ton personnage principal, je te conseillerais de peut-être d'en régénérer une.
En tout cas, l'habillement de Komio, à la fois informel et décontracté, dans un style streeweare il me semble ( sweat à capuche très ample qui lui arrive jusqu'au genoux ) et travaillé ( l'accessoirisassion, le parfum, les chaussures à plateforme qui viennent lui apporter de la hauteur, j'imagine) , nous en dit beaucoup sur sa personnalité et, je pense, le style vestimentaire en vogue à Turshali.


S'ensuit une scène d'escalade parsemée de jolies descriptions (« Les drones circulent entre les écrans géants, la foule s’agglutine dans les avenues qui se superposent, les immenses tours résidentielles se dressent si haut que le sol dont elles émergent s’avère invisible. » ) de descente, de remontage et de vastes sauts parmi des immeubles mornes et gigantesques, qui est agréable par sa vivacité galvanisante et la mise en valeur des mouvements de Komio, qui doit disposer d'une grande agilité pour valdinguer gaiement aussi facilement dans les cimes de Turshali…



Je ne pense pas qu'il y ait de symbolique particulière dans le fait qu'elle réside au 77ᵉ étage d'un immeuble… ( enfin si, c'est un nombre particulièrement puissant en numérologie, mais je ne vois pas de rapport en tout cas avec la culture geek/science-fiction…) Ais-je bien raison ?


Toujours dans la seconde scène, j'ai adoré ce passage : « Quant aux maisons avoisinantes, personne n’a l’idée saugrenue de regarder par la fenêtre, car les paysages se révèlent bien plus beaux et intéressants dans le Cosmosos.»
Je la trouve très sympathique, même si je pense qu'elle mériterait tout de même quelques légers arrangements syntaxiques ( concordance ou usage des temps), et surtout extrêmement parlante de l'univers dans lequel évoluent Noya et Komio : plus irréaliste encore avec la réalité virtuelle, qui engloutit les esprits au point où leur propre réalité leur semble assez fade, sans couleurs…
Mais comme le dit bien Komio, aucun décor virtuel ne pourrait égaler les sensation vertigineuses des sauts d'immeubles en immeubles , horco. Et selon moi, il est vrai que des immeubles n'ont souvent pas grand-chose d'intéressant à relever au niveau esthétique.


Dans ce chapitre, j'au recensé également beaucoup de mystère, tu es vraiment douée pour nous allécher de nouvelles lectures et d'idées d'en savoir plus. Par exemple avec le moment où Komio atterrit sur une corniche surveillée par des gardes du corps devant l'entrée de " leur client" , ou dans ce passage : « devant le mur tagué d’une flamme entourée de pointillés ». Est-ce que cette flamme peinturlurée sur un mur pourrait représenter une autre organisation, plus ou moins similaire à SEISM, ou au contraire ennemie avec elle ? Ou alors, est-ce que cela pourrait être une branche de surveillance du gouvernement, un peu comme la CIA pour les États-Unis ?


Avec les drones crieurs, qui fouinent et hurlent leur slogan propagandistes à grand renfort d'accumulation et de discours extrémistes ( «Devenir Sakris, martèle un drone crieur, c’est un don de soi pour offrir de l’amour et de l’espace pour les générations à venir. Soyez le futur, soyez Sakri ! » ) un peu partout dans le ciel noir pollué de Turshali, le gouvernement insémine sa doctrine autoritaire d'une manière très directe à la population. Elle n'est plus seulement soumise quotidiennement aux affiches agressives et aux média mensongers… Même ses oreilles sont ciblées en boucle en permanence dès qu'elle sort de chez-elle…
Cette stratégie de propagande toujours plus agressive pourrait bien, je pense, être utilisée dans nos dictatures actuelles, c'est une bonne trouvaille de ta part.


Dans Karma Arena, le futur et les nouvelles technologies s'impriment et se remarquent jusque dans les vêtements, dont la fibre se modifie instantanément en fonction de la température, ou encore dans les boissons avec les Algocola. ( qui existent déjà non ? Il me semble en effet que tu t'es appuyée sur une technologie actuelle pour créer cette boisson…)
De même pour le métissage culturel qu'on retrouve dans la nourriture, avec les les ubk fish and chips sauce roquefort ou le saumon frit sauce chili. C'est un choix pertinent de ta part, d'autant plus que l'alimentation est souvent porteuse d'une culture très forte ( ramen au Japon, pot-au-feu en France par exemple )



« SEISM attaque une nouvelle fois le port de Turshali, répète le drone crieur qui survole le boulevard. Le phare vandalisé, de nombreux navires endommagés, des honnêtes Turs agressés ! Si vous suspectez quelqu’un d’y avoir participé, rendez-vous au centraxius le plus proche pour faire votre déposition. Jusqu’à 10 000 cyber-cash à gagner avec la prime Dénoncia ! »



C'est vraiment terrible l'univers de Karma Arena soit perverti au point de mettre en place des primes en récompense aux actes les plus honteux et méprisables, comme la dénonciation par exemple… Même si dans ce contexte, j'imagine que les Turs sont convaincus.es qu'il s'agit d'une chose juste et honorable, ce qui démontrerait bien l'efficacité renversante de la propagande du gouvernement. De plus, je trouve intéressant de noter que au sujet de SEISM, il n'a même pas besoin de mentir ou débiter de fausses informations, puisqu'il s'agit réellement d'une organisation qui prône la violence, plus ou moins extrême pour arriver à ses fins… En revanche, je ne pense pas vraiment qu'il s'agisse d'un groupe terroriste… Pour moi plutôt libertaire.


J'ai aussi remarqué la présence d'un certain détachement sympathique, et assez cinématographique, entre les informations données dans le texte et dans l'environnement, et les non-réponses de Komio… En revanche, puisque c'est du point de vue externe, on ne peut en même temps pas vraiment savoir ce qu'elle pourrait en penser véritablement…


« À la vue de Komïo, le bleu de ses yeux pétille autant que le blush pailleté qui rehausse ses joues pâles. Mieneta, un garçon trapu à la chevelure bicolore et vêtu de son éternel bomber délavé, cogne énergiquement son poing contre celui de Komïo. Face aux compliments de son amie sur son nouveau fard à paupières, Mieneta fait mine d’être flatté avec une moue malicieuse qui révèle la fossette de sa joue gauche. Avec leur maquillage, leurs cheveux et leurs tenues colorées, c’est un groupe de jeunes classiques, à la mode extravagante de Turshali. »




C'est excellent de ta part, je trouve, de faire des personnages, même secondaires, qui se maquillent, portent des vêtements richement colorés, et cetera et cetera.
Un futur perverti, faux et appâté par le gain, certes, mais résolument moderne dans ton approche, avec des personnages du genre. De même avec le fantastique et pratique usage du pronom "iels", même s'il me semble que Komio est une femme cisgenre, et que Jank et Mieneta sont également des hommes cisgenres…
Mais puisque ce pronom est neutre et plus inclusif que les autres par définition , je trouve que c'est toujours une bonne idée de l'utiliser, même lorsqu'on ne parle pas nécessairement de personnes intersexes qui souhaitent définir leur genre de manière plus ou moins brumeuse, non-binaires, à l'identité du genre floue, et bien d'autres évidemment, et cetera et cetera





« Malgré leur couleur chimique évoquant celui des bonbons, les ubk peuvent avoir le goût et la texture d’une viande qui ne provient d’aucun animal »
Je te remercie pour cette clarification sur le principe des ubk, qui m'est particulièrement utile, étant donné que leur définition, bien que certainement donnée un peu plus tôt dans Karma Arena m'avait quelque peu échappée…


On en apprend un peu plus sur l'univers de Karma Arena, en plus de s'interroger sur sa signification plus exacte avec l'évocation ( peut-être pas la première?) du Big Drowing, qui a éradiqué dans le passé 90% des espèces, mais sans qu'on sache vraiment s'il s'agit des espèces humaines, animales ou végétales… J'imagine qu'il s'agissait d'une quelconque catastrophe naturelle du type d'un tsunami, puisque tu indiques dans ton résumé que Turshali est engloutie dans l'eau.


Le passage de la rencontre entre Komio et ses amis, ainsi que la commande à l'échoppe des fritures m'a été particulièrement plaisante, savoureuse à lire, en raison de son dynamisme et son burlesque, apportés notamment par la scène du tapage qui règne dans la boutique, entre radio à demi étouffée et imprimante alimentaire bruyante et indiscrète, le tout baignant dans un bazar monstrueux et une odeur de friture agréablement puante et accrocheuse. J'adore vraiment cette image, ce décor, avec Komio qui hurle au fond pour se faire correctement entendre !





(...) lançant des mélodies et des slogans inaudibles qui créent une musique de fond survitaminée. »

De même, j'aime beaucoup cette tournure de phrase, surtout avec la «musique de fond survitaminée. »
Ici, tu fais un habile retour avec les aliments et ubk alléchants, tout en accentuant la description sonore, en créant une métaphore originale et, selon moi, très bien faite.





Avec l'ouverture du dialogue, où Komio et ses confrères sont si heureux de voir des gens prétendument criminels endurcis se massacrer entre eux dans une sorte de téléréalité aussi malsaine qu'horriblement voyeuse fait, je trouve, un peu froid dans le dos… Surtout quand on apprend qu'iels l'avaient visionné pour la première fois à dix ans ; j'imagine que le sang n'était pas censuré au montage… De plus , cela montre bien à quel point on habitue rapidement les gens à Turshali à devenir voyeurs et insensible à la violence, en plus, je pense, de les encourager indirectement à la compétition, aussi meurtrière et dévoratrice soit-elle… Par exemple, avec le père de Minieta, qui semblait bizarrement encore plus impatient que son fils de voir l'émission dans laquelle Noya participe, ou encore avec la présence d'autres émissions de télé similaires, j'imagine, à Karma Arena ! ( Chassé Trouvé, Woul Anista )


Si j'ai bien compris, le père de Mineta travaillait donc anciennement pour Noya… Mais que d'intrigue ! Pourquoi devrait-il donc lui en vouloir à ce point pour désirer sa mort ( quoique cela soit peut-être plus banal dans ton univers …) , et pourquoi l'a-t-il quittée?



J'ai remarqué au cours de ma lecture une très belle expression : «Ne confondez pas les heures roses et les heures indigo », aussi inventive qu'aisément compréhensible pour nous, de surcroît.



Je me permets de souligner quelques coquilles que j'ai décelées dans ce chapitre, en allant comme à mon habitude toujours dans le détail :


cette phrase est peut-être à reformuler, même si elle est toujours agréable à lire, notamment au niveau de la ponctuation : Les heures rouges de Turshali colorent sa peau foncée avec des reflets écarlates contrastant avec le bleu de ses cheveux, ce qui accentue ses taches de rousseur similaires à une pluie d’étoiles filantes tombée sur son visage doux et affable.

«dans un vaste océan de béton, de verres» : y a-t-il vraiment plusieurs verres dans cette scène ?



« Quant aux maisons avoisinantes, personne n’a l’idée saugrenue de regarder par la fenêtre, car les paysages se révèlent bien plus beaux et intéressants dans le Cosmosos." J'aurai plutôt mis le verbe avoir au conditionnel, à moins qu'il s'agisse toujours bien du registre de la description… »


« Komïo arpente son chemin habituel avec l’agilité d’un écureuil puis glisse le long d’un mât »
Insertion sympathique du vocabulaire marin et naval… Pourrait cependant, je pense, faire grincer les dents des puristes ! »


Après une très belle description poétique de Turshali en train de basculer dans les heures roses, ce chapitre aussi inquiétant que naïf, dynamique et alléchant se clôt à merveille de manière aussi inattendue qu'agréablement rafraîchissante, avec Komio qui rêve des fesses de Zufia Somento…
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