Il était accoudé à la rambarde, les yeux se perdant dans la gigue joyeuse des feuilles mortes, en bas. Leur teint délicieusement orangé, leur tournoiement mi-frivole mi-élégant leur donnaient un air de mannequins précieuses, insolentes. Sa tresse fouettait doucement son dos, rebondissant légèrement. Je n’osais pas m’approcher, de peur de déranger, de bousculer quelque chose de crucial.
— Le plus vieux des enfants…, marmonna-t-il enfin, brisant le silence.
Il hochait la tête, d’un air grave. L’air semblait vibrer autour de lui, presque bourdonner. Je ne savais pas quoi dire…
Et l’homme le sentit. Il haussa un sourcil.
— Ne cherche pas à être quelqu’un d’autre, Noé. Jamais.
Il continua à fixer les feuilles, dansant telles les étincelles d’un jeune feu de camp.
J’esquissai un pas en avant :
— Mais alors… qui êtes-vous, vraiment ?
Il s’arrêta dans sa contemplation, se tourna vers moi, m’adressa un regard mi-satisfait mi-fatigué. Les mots qui suivirent furent lourds, retentissants dans leur calme apparent.
— Je ne suis qu’un errant. Qu’un hasardeux. Je ne suis que vague, flux et reflux. Marée. Je ne suis que tambour, qu’une onde de choc. Rien qu’une caresse. Je suis irrégulier, amoureux. Violent.
Il déglutit.
— Je ne suis qu’homme. Aussi, finalement.
Ses cheveux s’étaient gorgés de vent. Sa voix s’était faite délicate, caressante. Seul ce « qu’homme » avait sonné nu, brut, vulnérable.
— Je m’éteins, Noé Solian. Lentement, mais je m’éteins. Je me disperse en volutes informes. Faibles. Bientôt ne restera de moi que le souvenir fugace d’une écharpe. D’une écharpe claquant au vent.
Il se tut, longtemps.
Le rythme est calme mais intense, avec un jolie contraste entre toute la poésie et le réalisme de "Je ne suis qu'un homme". Je sais pas mais je trouve que ça fait vraiment le noyau de ce chapitre, ça brise toute la légèreté (dans le bon sens du terme, c'est très bien fait), pour revenir au fardeau d'être humain. C'est même un peu triste...
Très jolie chapitre, je passerai bientôt au suivant ! ^^
Merci beaucoup et je vais passer chez toi maintenant
Timothée