L’homme avançait à travers la rue, s’éloignant inexorablement, ses pas claquant doucement sur les pavés.
On ne pouvait rêver plus belle journée: le soleil brillait,sans violence; les rares nuages ne paraissaient que des moutons dociles, crémeux. Ne soufflait qu’un murmure discret, un chuchotis continu.
Mais l’homme se retirait, progressivement. Et il me semblait le voir de plus en plus flou, brouillé. Je ne l’entendais plus. Rien que du silence.
Lorsqu’il avait eu l’impression de m’avoir dit tout ce qu’il fallait, il s’était levé, avait posé sa tasse de thé encore pleine. Avait remarqué: « Tiens donc, il se fait tard » d’un ton détaché. Il m’avait salué simplement, silencieusement, comme si je le reverrais le lendemain. Et il avait descendu l’escalier. Marche après marche, précautionneusement. Arrivé en bas il avait relâché sa respiration, presque un soupir résigné. Un courant d’air froid s’était faufilé jusqu’à moi. M’avait mordu, réveillé.
Il était sorti dans la rue.
L’homme avançait, dans ce silence intolérable d’un crépuscule trop calme. Alors je me levai, ouvris un tiroir. Toujours là, rutilant, d’un gris métallique et froid. Mon harmonica. Je le glissai à ma bouche, l’enserrai de mes doigts, soufflai.
Une mélodie, triste et maladroite, s’échappa.
L’homme se retourna, m’adressa une légère révérence, dénoua son écharpe, l’accrocha à une branche noueuse du chêne, tout au bout de la rue. Il la noua amoureusement: on aurait dit un père, confiant mais inquiet tout de même, laissant son enfant avant une très longue colonie de vacances. Ceci fait, il la fixa un court instant, son regard glissa vers moi. Je continuais de jouer, faiblement. Il hocha la tête, se retourna. Avança. Et il me sembla le voir se diluer dans l’air, se désagréger un peu plus à chaque pas.
Il ne resta dans la rue qu’un léger souffle frais, vite chassé par l’odeur infecte de gaz d’échappement d’un motard accélérant juste devant chez moi. Et cette écharpe, cette longue écharpe qui m’appelait discrètement.
Je brisai la musique. Essuyai une larme. Je n’étais pas surpris, peut-être pas même triste. Il m’avait averti, pourtant:
« Ce sera effrayant »
Je crois que c'est mon chapitre préféré jusque là ! Tout est si poétique, les phrases sont musicales, agréables à lire. Je trouve qu'il y a un certain parallèle entre le début "L’homme avançait à travers la rue, s’éloignant inexorablement" et un peu plus tard avec "L’homme avançait, dans ce silence intolérable", que j'apprécie beaucoup !
Petite remarque sur "comme si je le reverrais le lendemain", est-ce qu'il ne faudrait pas changer la conjugaison de "revoir" ? Là je fais appel à de lointains souvenirs mais il me semble que les "si n'aiment pas les ré", mais peut-être que pour cette phrase là c'est différent. Si je me trompe et que c'est correct corrige moi, comme ça je saurai ce qu'il en est ^^
A bientôt !
C'est
Merci pour les compliments ça fait plaisir!
Pour le « re
*Reverrait je crois que c’est un futur du passé donc conditionnel. Je crois donc que c’est juste…
Merci encore pour ton temps!