44 - Retour à l'entrainement

Le lendemain, Liem est assis devant l'écran dans la salle d'analyse, et repasse les parties d'un air distrait. À côté de lui, Blinks ne dit rien, mais pédale sur son vélo d'appartement. Ils regardent en silence les images de leur dernière défaite. L'adversaire a pris une composition aussi tardive que la leur, et il ne s'est rien passé pendant plus de trente minutes. Avant qu'un seul combat d'équipe ne décide de l'issue du match. Classés troisièmes de leur poule, les Harmony Rising sont éliminés. 

Le tournoi s'étalait sur deux week-ends, et ce match était de toute façon leur dernier. L'atmosphère dans le train était maussade. Katy était abattue, Jiya semblait pensive, Blinks avait maugréé pendant tout le trajet qu'il devait bien y avoir une solution et qu'il ne comprenait pas pourquoi ils ne l'avaient pas trouvée. Mais c'était la réaction de Marie qui avait le plus secoué Liem. Elle alternait entre les phases de rage et l'incompréhension. Les regards qu'elle jetait à Liem pour obtenir une explication de ce qu'il se passait étaient évocateurs. Mais le jeune homme ne pouvait pas lui fournir de réponse satisfaisante pour le moment.

Tiens, quand on parle de la louve. Il se tourne alors qu'elle arrive. Elle a toujours le visage fermé. Il n'est pas allé courir ce matin, et le regard qu'elle lui jette contient une question muette. Il décide d'éluder alors qu'il la voit se diriger vers la salle de jeu.

– Tu pars t'entraîner ? »

Marie hoche la tête. 

– Visiblement, j'ai encore beaucoup à apprendre, et pas mal de choses à améliorer. »

– Marie, tu as bien joué ce week-end. », répond-il calmement.

– Si bien jouer amène à ce résultat, alors clairement pas assez ! »

Liem soupire intérieurement. Il n'est pas en état de débattre ce matin. Il a ressassé les parties toute la nuit, a dormi à peine quatre heures. L'aspirine commence à peine à faire effet. Il secoue la tête.

– Est-ce que tu peux t'entraîner sur Calista dans ce cas ? »

Elle s'arrête à l'entrée de la pièce. Elle le scrute. Toujours autant de questions dans son regard. Mais elle n'en formule aucune. Elle hoche la tête et repart. Liem soupire, et retourne son regard vers l'écran.

– Elle n'a pas remarqué, n'est-ce pas ? »

Malgré le ton de Blinks, laisse clairement entendre que ce n'est pas une question. Liem prend une grande inspiration avant de répondre : 

– Non. Quoi que je dise, elle est persuadée que c'est de sa faute. »

– En même temps, c'est subtil. Jiya l'a remarqué, je crois. Pas sûr pour Katy. Passage à vide ? »

– J'aimerais te répondre que ce n'est que ça. Mais je crois que le problème va plus loin. »

– Hum. »

Blinks laisse passer un moment. On n'entend plus que le bruit de son vélo d'appartement, avant qu'il ne reprenne, d'un air pensif :

– Bonne idée Calista. Tu crois que ça va suffire ? »

Liem rit intérieurement. Bien sûr que non, ça ne suffira pas. Pas sur le long terme. Pas quand les adverses comprendront pourquoi elle joue ce héros. Ça fait plusieurs semaines qu'il voit le problème arriver, mais il y a d'autres soucis plus importants à corriger. Alors, il a baissé la tête et supposé que ça ne se remarquerait pas tout de suite. Mais ce week-end, ils ont joué des équipes qui représentent des vrais rivaux pour la Ligue française. Une rencontre qui est arrivée un peu tôt pour qu'ils finalisent leur entraînement. Il leur reste trois mois avant le début des ligues régionales, un an avant les qualifications pour la Ligue française. Mais il doute de pouvoir arriver jusque là.

– Tu sais », reprend Blinks comme il n'obtient pas de réponse, « je ne pense pas que garder ça pour toi soit une bonne solution. Tu dois en parler. Je ne crois pas que ce soit aussi grave que tu le prétends. Tu es sous le coup de l'émotion. Et tu dois finir par le dire à Marie rapidement, parce que, si tu la laisses dans l'ignorance trop longtemps c'est d'elle qu'elle va douter. Et quand elle saura pourquoi, elle ne te le pardonnera jamais. »

– Je ne pensais pas que ça arriverait si vite », répond Liem. 

– T'inquiète. Tu finiras par ne pas être seul. »

C'est justement pour ça que je m'inquiète, andouille.