Quand Kjeld ouvrit les yeux. Il se trouvait dans une grande pièce ronde, les murs taillés dans la pierre semblaient si anciens que le poids de leur histoire opressait le mage. Le plafond était ouvert en son centre et la lumière timide de la lune s'y faufilait discrètement. Il était allongé sur une banquette de pierre froide. Il se redressa.Un silence profond régnait dans la pièce, à la fois apaisant et inquiétant.. Le mage entendait son coeur cogner dans son torse, le signe rassurant qu'il était toujours vivant. Au milieu de la pièce un grand cercle qui ressemblait à un portail de Trieste. Kjeld se leva et d'un pas prudent s'approcha. Le portail était plus grand que ceux qu'il avait déjà vu. Autour du cercle, dix petits orifices semblait attendre qu'on les comble. Un signe différent était gravé sous chaque trou. Le plus étrange était cette sphère qui brillait d'une lueur azurée. Sans bruit et lentement, elle roulait dans une étroite rigole dans un va et vient hypnotique.
— Autant d'emplacements que de portails mais seuls cinq fonctionnent sur les dix.
La voix de Hunilf le fit sursauter.
Kjeld fit volte-face et invectiva la vieille femme.
— Que m'avez vous fait? Où suis je?
— Nous vous avons juste endormi. Nous voulons vous aider.
— En m'insultant?
Hunilf parut décontenancée.
— Vous avez la mémoire courte. N'avez vous pas suggéré que je puisse être un mage des ombres.
La vieille femme secoua la tête.
— Je n'ai jamais dit une telle chose. Vous avez de l'ombre en vous, je l'ai ressenti mais je ne vous apprend rien n'est ce pas?
Kjeld demeura silencieux. Elle avait raison. Il sentait cette obscurité en lui.
— Mais nous savons tous les deux que les ombres sont ce que vous en faites. Elles ne vous définissent pas et ce n'est pas parce qu'elles sont là, prêtes à bondir hors de vous, que vous devez les laisser faire.
Le mage resta muet. Hunilf, d'une voix solennel, rompit le silence.
— Et pour répondre à votre deuxième question. Vous êtes devant le cercle de Triestre originel. Peu d'êtres l'ont vu.
— Comment fonctionne t-il?
La vieille femme sourit.
— Vous n'êtes pas un idiot. Vous le savez déjà. Dix orifices, dix portails, une bille.
— J'imagine que l'on insère la sphère dans le trou qui correspond au portail choisi.
Hunilf se passa la main dans les cheveux.
— La magie est parfois tellement simple mon ami.
— Quel est celui qui correspond à la Forêt des Larmes?
— Le premier. Vous paraissez pressé.
Selenn s'imposa dans son esprit.
— Une amie est en danger.
— A cause de vous n'est ce pas?
Kjeld inclina la tête en signe d'acquiescement.
— Alors ne perdez pas de temps à discuter avec moi.
Le mage saisit la petite sphère entre ses doigts. Une lègère vibration chatouilla sa main. Il s'approcha du premier orifice. Il hésita. Hunilf le sentit.
— Vous n'avez pas confiance en moi.
— Vos amis m'ont enlevé. Vous êtes apparu devant moi au moment où j'en avais le plus besoin. Je ne peux m'empêcher de penser à un piège.
Hunilf s'approcha de Kjeld et lui prit la main. Elle ferma les yeux.
— Voulez vous connaitre votre vrai nom?
Le coeur du mage s'emballa.
— De quoi parlez vous?
— Ne me mentez pas. Kjeld est le nom que vous avez choisi mais pas celui que vos parents vous ont donné. Voulez vous le connaitre?
Le mage souffla.
— Oui
La vieille femme lui chuchota à l'oreille comme un secret.
— Sinfen Lossa.
De violentes images l'assaillirent. Un grimoire. Des flammes. Des cris. Il tomba à genoux. Hunilf s'accroupit. Kjeld sentit les cheveux argentés de la Noxis effleurer son visage.
— Quoique vous ayez vu, vous êtes un homme bon Sinfen Lossa.
— Hunilf, j'ai fait des choses terribles. Je le sais.
— Non vous ne savez rien mais un jour prochain vous saurez et vous vous rappellerez des paroles de la vieille folle de Noxis. Relevez vous Sinfen et partez. Le temps vous est compté.
Le mage se releva et s'apprêta à parler.
— Comment avez vous....
Hunilf posa ses doigts sur la bouche de Sinfen.
— Ne perdez pas de temps à m'interroger. Certaines questions doivent rester sans réponse. Partez.
Sinfen glissa la sphère dans le premier trou. La lueur de la petite bille s'intensifia jusqu'à devenir aveuglante.
— Vous pouvez y aller maintenant.
Le mage sourit.
— Merci vieille folle de Noxis.
Les pieds de Sinfen se posèrent sur le cercle. Une vive lumière explosa et le silence revint un court instant.
Une silhouette chancelante de vieillesse pénétra dans la grande pièce et s'avança vers Hunilf. Elle posa sa main sur son épaule.
— Pourquoi lui avoir dit son vrai nom.
— La confiance père. J'ai sa confiance.
— Je ne vois que de l'ombre en lui.
— Parce que tu es vieux père, trop vieux pour voir la lumière.