5 - Coup de vent

Elle avait tout balayé. Mes certitudes, mes doutes, mon avenir, mes amis, mes passions. Il ne restait plus rien. Elle n'était pas un coup de vent mais une tornade.

Elle était venue doucement, par un regard, puis un sourire. Insidieusement. Elle ne me faisait pas peur, elle me réconfortait trop pour ça. Elle m'a pris la main, doucement. Comme on accompagne un enfant. Parfois, elle s'éloignait, mais je revenais bien vite vers elle. Elle était trop précieuse pour que je l'abandonne.

Avec elle, je m'empiffrais de douceurs, devant un bon film, dans la cuisine, ou même juste comme ça. Parfois, ça m'arrivait de regretter d'être avec elle, parce qu'elle était compliquée, alors je réparais nos bêtises, puis m'éloignais le plus loin possible. Mais elle revenait toujours me chercher, me tirer par le bras. Et je cédais. Avec elle comme avec personne d'autre, j'étais en sécurité.

Un jour, je me suis évanouie pour elle. Pour, pas à cause. On m'a demandé si j'avais mangé. J'ai dit non, parce que j'étais furieuse contre elle. Ils ont appelé mes parents. Ils ont discuté.

J'ai attendu. Et attendu. J'avais fini de bouder, alors elle était revenue. J'ai dégusté quelques bonbons.

Quand mes parents sont enfin arrivés, ils m'ont emmenée voir le médecin. Ils ont discuté, encore. Sans moi.

J'ai attendu. Et attendu. Finalement, le médecin a voulu échanger quelques mots avec moi. Il m'a dit

HÔPITAL.

Il m'a dit 

TROUBLE ALIMENTAIRE.

Il m'a dit

ANOREXIE.

Pour la première fois, j'ai eu peur. Je ne pensais pas qu'elle pourrait me trahir un jour.

Elle avait tout balayé, il ne me restait plus rien. Coup de vent. Il me fallait tout recommencer. Sans elle.

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