Midas - Extrait du Journal de bord
Cette monotonie m’use. Comment l’esprit peut-il être aussi fatigué alors que le corps transpire de vitalité ? J’imagine que cela est dû à l’ennui.
J’ai vécu bien plus que n’importe qui sur cette terre. Je suis telle une coquille vide. Une baignoire qu’on essaye vainement de remplir alors qu’on a oublié de boucher la bonde. Je me pose davantage de questions aussi, existentielles pour la plupart, philosophique parfois, théologique, aussi. Et plus je me pose de questions, plus les réponses m’échappent.
Je crois que je fais une dépression. Je ne peux me raccrocher à personne. Je suis seul depuis trop longtemps. J’ai rencontré tellement de gens que leur nom et leur visage m’échappent. Je ne me souviens plus. De toute façon, je ne veux pas me souvenir. J’ai toujours redouté les fins. Celle des autres, et la mienne, plus que tout.
Aujourd’hui, ma fin me semble plus sucrée, plus douce. J’ai presque envie de croquer dedans. Je veux savourer cette fin, comme on savoure un excellent dessert après un très mauvais repas. Voilà mon nouvel objectif. Ce qui va me remotiver avant de finir en beauté. Je vais préparer mon chef-d'œuvre comme personne. Je vais prendre le temps qu’il faudra pour ne pas me décevoir et je finirai avec un bouquet final aussi fracassant que la chute d’un ogre.
Je suis déjà sur ma faim.
꧁*。゚༻❀༺ *。゚꧂
5 : Cours de botanique
Presque tous les cours rassemblaient des élèves de spécialisation différente exceptés pour les cours de contrôle des éléments qui permettait justement la maîtrise de sa spécialisation.
Cette organisation favorisait la mixité et la bonne entente des élèves de tribus différentes. Pourtant, cela n’empêcha pas quelques querelles entre la Vulcaine Agate et la non spécialisée, Ëlie. Au contraire, chaque nouvelle confrontation exacerbait leur animosité mutuelle.
Ce matin-là, la classe était rassemblée dans la serre tropicale. L’air y était humide et étouffant. En attendant la professeure, les élèves discutaient bruyamment, certains chahutaient et d’autres admiraient les nouvelles espèces tropicales qui avaient été plantées pendant la pause estivale.
Madame Potaron, professeure de botanique, fit entrer sa carrure gigantesque dans la petite porte de la serre. Cette demi-géante aux oreilles pointues était aussi grande qu’elle était douce, du moins, avec les plantes. Son gigantisme anormal n’entachait en rien la dextérité et la délicatesse dont elle faisait preuve pour soigner sa collection végétale. De plus, sa carrure lui permettait de soulever d'énormes pots de fleurs ce qui était bien pratique dans sa profession.
Évidemment, Madame Potaron était une Tellurique, une spécialiste de la Terre. Ses facultés la prédisposaient à exceller dans son domaine d’étude.
Son autorité naturelle fit taire instantanément la classe et elle débuta immédiatement la leçon du jour.
- Aujourd'hui, nous allons étudier la Parisette Flora. C'est une fleur très sensible qui demande de l'attention toutes les 6h la première semaine de sa croissance. J'ai déposé devant vous une pousse de cette fleur par personne. Votre projet est de lui faire atteindre le stade de plante adulte qui représente une croissance de 28 jours. Ainsi, toutes les 6h, jour et nuit, un binôme devra venir pour s'occuper de toutes les plantes. Je viendrai moi-même contrôler si le travail est correctement effectué. Une même note sera attribuée par binôme et comptera pour un quart de votre moyenne dans cette matière pour ce trimestre. Alors, soyez rigoureux !
Les petites plantes présentaient une tige verticale et deux petites feuilles qui auraient pu être des bras. En guise de tête, elle avait un gros bourgeon encore fermé. Madame Potaron poursuivie :
- C'est une plante qui a besoin d'énormément d'eau, mais qui est facilement sujette à la moisissure au stade de jeune plante. C’est pourquoi nous allons commencer par les rempoter avec un mélange de sable et de terre pour drainer au maximum le milieu. Puis vous vous occuperez de l’arroser et de la sécher, car si elle n'est pas parfaitement essuyée, elle pourrit en quelques heures. Vous devez l'arroser toutes les 6h et essuyer entièrement feuilles, tiges et bourgeon, avec le matériel que je vous ai mis à disposition. Pour le prochain cours, vous me rédigerez un demi-parchemin sur les particularités de cette espèce. Allez-y, vous pouvez commencer.
Les élèves entreprirent de rempoter les plantes avec un mélange adéquat de sable et de terreaux. Ëlie arrosa généreusement sa pousse. Puis essuya délicatement l'eau qui s’était déposée sur le végétal avec un pinceau dur qu’elle essuyait régulièrement dans un chiffon.
Agate avait une plante une peu plus grande que les autres et qui comportait déjà 4 feuilles. Elle occupait l'établi face à Iris et Ëlie. Avec son air le plus hautain, Agate lança :
- Il y a comme un air de ressemblance entre toi et ta plante Fredo, tellement faible, à peine née et déjà mal barré dans la vie.
Les plantes des autres élèves étaient similaires à celle d’Ëlie, mais Agate prenait un plaisir malsain à provoquer sans cesse sa camarade. Pourtant, la cible de ces provocations ne se montra pas le moins du monde touchée. Elle continua son travail en maudissant intérieurement le béotisme de son bourreau, jusqu'à ce qu'un hoquet de stupeur stoppât sa concentration. Ëlie suspendit son geste, et leva ses yeux dépourvus de surprise.
Agate venait de casser une des feuilles de sa plante avec son pinceau. Madame Potaron accourue pour étudier les dégâts :
- Par la magie des fées, qu’avez-vous donc fait ! Votre plante est aussi sèche qu’une sirène dans le désert. Comment avez-vous pu oublier de l’arroser ?
Par son talent de naissance, la professeure réussit à insuffler assez de force à la pousse pour épargner ses jours. Elle arrosa généreusement la plante et prit le pinceau d'Agate pour lui montrer les bons gestes.
Agate, l’expression hagarde s’évertuait à rattraper les dégâts.
Le cours se termina à l'heure du repas. Un planning des binômes pour l'entretien des plantes avait été distribué par Madame Potaron à la sortie du cours.
Ëlie se dirigea avec Iris vers la cafétéria tout en lisant le planning à voix haute.
- Le premier binôme est Agate et Mirabella pour ce soir, à 21h.
Mirabella est une Tellurique, une spécialiste de la Terre. Madame Potaron avait dû penser que créer des binômes entre un Tellurique et un autre spécialiste pourrait éviter le genre d’incident que nous avait glorieusement démontré Agate lors du cours. Elle continua sa lecture :
- Madame Potaron s'occupe du créneau de 3h du matin. Je suis la prochaine, pour 9h demain matin avec Persi.
Persi était lui aussi un Tellurique ce qui confirmait la théorie d'un Tellurique par binôme.
Les deux filles se dirigèrent vers le réfectoire pour déjeuner. Elles passèrent par le hall où se trouvaient tous les casiers ainsi que quelques élèves occupaient à se moquer d’un pauvre étudiant couvert de feuille et autres déchets. Elles traversèrent le couloir en longeant les murs pour ne pas glisser sur les immondices. Iris pinça sont joli nez en trompette et dit :
- Ça sent le troll par ici ! Mais qu’ont-ils mis dans son casier, ce n’est vraiment pas sympa pour lui!
- Tout à fait d’accord avec toi, répondit son amie, de vraies ordures !
Bien que satisfaite par cette petite distraction, le reste de la journée s'écoula incroyablement lentement pour Ëlie. Elle n’appréciait pas de rester enfermée et était d’autant plus impatiente que la soirée commence pour retrouver quelques amis et faire du sport.