Klaus était furieux ; cela commençait à bien faire cette manie de disparaître ! Comment avait-elle réussi à partir sans le réveiller ? Il se dirigea en trombes vers la porte d’entrée pour partir à sa poursuite et chercha les clefs de la maison sur le buffet. Un bout de papier s’y trouvait, avec un mot griffonné au stylo :
Je reviens pour le déjeuner. E.
Il leva les yeux au ciel ; si elle croyait qu’une ruse pareille allait réussir à lui faire gagner du temps, elle se trompait lourdement. Il dévala les marches du perron, et se mit en quête de sa piste, qui, comme toujours, était difficile à trouver ; mais il finissait par avoir de l’entraînement. Il se mit à courir en suivant la route qu’elle avait longée, et ne tarda pas à se rendre compte qu’elle s’était dirigée vers la bourgade voisine. Heureusement, Elkhart Lake ne ressemblait en rien en une grande métropole où Emma aurait pu facilement lui faire perdre sa trace : si ses souvenirs étaient bons et pas trop périmés, il devait y avoir, en tout et pour tout, une dizaine de rues. Pourtant, un malaise diffus lui faisait un nœud dans le ventre sans qu’il parvienne à en déterminer l’origine : il allait forcément la rattraper. Ce ne fut qu’en arrivant devant le panneau de bienvenue qu’il réalisa ce qui l’inquiétait : à Elkhart Lake se trouvait un lac. Elle lui avait déjà faussé compagnie grâce à un lac, il comptait désormais se méfier de la moindre flaque. L’envie de se mettre à courir lui fourmillait dans les jambes et au bout des doigts, mais il se raisonna tant bien que mal : il allait avoir besoin de toute son attention pour démêler les multiples effluves qui flottaient en ville.
Étrangement, les rues manquaient d’animation alors que la matinée était déjà bien avancée, si bien que suivre la piste d’Emma se révéla plutôt facile, ce qui le déconcerta un peu. Il passa devant plusieurs magasins fermés, ce qui l’interloqua encore plus, car la bourgade avait laissé dans son souvenir l’image d’une communauté certes petite mais dynamique, à l’opposé de la ville fantôme qu’il était en train de traverser. Il arriva à un carrefour qui semblait occuper une place centrale, avec, à un des coins, un bâtiment moderne dont l’axe de symétrie consistait en une pointe complètement vitrée. Les pas de sa proie le menaient dans cette direction, et il s’arrêta en avisant une sorte de tour juste à côté, surmontée d’une croix, qui abritait une cloche : c’était une église, il entendait un cantique résonner à l’intérieur. Il s’esclaffa intérieurement : on était dimanche, ce qui expliquait le calme qui régnait. Il fallait croire que vivre mille ans en tant que vampire avait fini par lui faire perdre la notion du temps en plus de lui faire tirer des conclusions surnaturelles à la moindre bizarrerie. Il resta un instant perplexe devant la porte de l’église, qu’Emma avait manifestement franchie : qu’est-ce qu’elle fichait dans une église ? Elle ne pensait tout de même pas qu’il ne pouvait pas y entrer ?
Il appuya sur la poignée de la porte et en enjamba le seuil ; il repéra tout de suite la jeune femme, assise sur un banc d’une allée latérale, attentive à ce que le prêtre racontait. Il se faufila rapidement à son côté. Elle l’accueillit d’un simple coup d’œil avant se se concentrer à nouveau sur le prêche ; si son apparition l’avait surprise, elle n’en laissait rien paraître. Il l’observa du coin de l’œil pendant un bon quart d’heure : elle semblait vraiment investie, connaissait les réponses rituelles et adoptait une attitude recueillie pendant les moments de silence ; lui-même se contentait de marmonner « Amen » avec un temps de retard, n’ayant pas assisté à une messe depuis… le XVIIIe siècle ? Il aurait pu être l’inspirateur de Marx quand celui-ci avait écrit que la religion était l’opium des peuples ! Il esquissa un sourire : il avait enfin trouvé un angle d’attaque pour asticoter sa proie. Il ne put s’empêcher de se pencher vers elle au moment de la communion pour lui glisser :
– Alors, tu peux te fier à mon odorat, ce vin ne s’est pas transformé en sang !
Elle leva les yeux au ciel en secouant la tête. Il balança d’un pied sur l’autre, un peu déçu : il avait espéré davantage de réaction.
La messe s’acheva enfin et il piétina d’impatience en regardant Emma qui prenait son temps pour faire une génuflexion et un signe de croix en quittant l’église. Dès qu’il se furent un peu éloignés de l’attroupement des paroissiens, Klaus lança d’un ton goguenard :
– Alors comme ça, madame est une grenouille de bénitier ?
Elle eut un haussement d’épaules affirmatif, et il se mit face à elle en marchant à reculons, pour être sûr de saisir la moindre de ses expressions.
– Et après tu m’accuses d’être rétrograde parce que j’utilise une voiture, alors que toi, tu crois en des trucs qui ont plus de deux mille ans ?!
Elle soutint son regard tout en souriant, sans répondre, et il renchérit :
– Qui de nous deux a une mentalité de vieux finalement ?
Un petit rire accentua le sourire de la jeune femme. Il s’immobilisa devant elle, un peu agacé, l’obligeant à faire de même :
– Daignerais-tu me partager la raison de ton hilarité ?
Elle marqua un petit silence, puis le contourna en lui donnant une petite tape sur l’épaule.
– C’est juste que c’est pas vraiment la première fois qu’on me fait ce genre de remarque.
Enfin une ouverture ! Il la rattrapa en deux enjambées et se mit à marcher à côtés d’elle d’un air nonchalant.
– Content de savoir que tu as des personnes sensées dans ton entourage ! Qui était-ce ?
Elle garda le silence
– Enfin, qui était-ce, je devrais sans doute demander qui étaient-ils : pas grand monde ne croit à ce genre de foutaises aujourd’hui !
– Ah bon ? fit-elle après une pause. Je n’avais pas l’impression d’être toute seule dans cette église… Et puis pour un vampire dont la mère était sorcière et le père loup-garou, j’avoue que je me demande comment tu peux être si sûr que Dieu n’existe pas !
Il réprima un froncement de sourcils, les lèvres serrées : elle savait définitivement beaucoup trop de choses sur lui !
– En tout cas cela explique que tu sois toujours célibataire : trouver quelqu’un d’intelligent et qui croit en Dieu doit relever du miracle !
– Ou alors j’ai décidé de consacrer ma vie au Seigneur, répliqua-t-elle.
Klaus resta un instant bouche bée : il avait du mal à imaginer Emma en bonne sœur, mais il n’arrivait pas à déterminer si elle plaisantait ou pas.
– Sérieusement ? finit-il pas demander en se replaçant devant elle pour lui faire face : cette éventualité contrevenait à tous ses plans pour Emma, il lui fallait tirer ça au clair.
Elle le regarda quelques secondes sans rien dire, semblant réfléchir à sa réponse.
– Si tu connaissais quelqu’un qui t’aime parfaitement et prêt à tout pour te sauver et te rendre heureux, ça te semblerait si aberrant de vouloir lui donner ta vie ?
Klaus se retrouva à nouveau incapable de répondre. Il serra les dents : elle esquivait toujours ses questions en essayant de détourner son attention, ça commençait à bien faire. Si elle croyait qu’elle pouvait le faire danser à sa guise, il allait vite la faire déchanter ! Il avait sans doute été trop patient et gentil jusque-là.
Ils s’étaient arrêtés de marcher, au bord de la route dans la forêt, face à face. Emma semblait avoir perçu son changement d’humeur : elle le regardait avec une attitude détachée, mais son rythme cardiaque était légèrement plus élevé.
– On ne rentre pas ? s’enquit-elle finalement.
Mais Klaus l’entendit à peine : le ronronnement d’un moteur et le roulement des pneus sur le bitume qui se rapprochaient, le battement de quatre cœurs qui propulsaient du sang dans les veines de leurs propriétaires, et le son d’une voix enfantine qui riait saturaient ses oreilles et son cerveau. Fixant Emma qui se tenait toujours devant lui, il vit le véhicule apparaître au coin du virage derrière elle, s’approcher puis ralentir un peu à leur abord. Ses lèvres s’étirèrent sur ses dents. Emma cilla. Le conducteur ouvrit des yeux horrifiés. Sa femme hurla. La grand-mère serra son petit-fils contre elle. L’arôme du sang se mêla à celui des larmes et de la peur en un cocktail exquis qui culmina dans le silence des vies arrachées une à une.
Klaus se redressa, enjamba le gamin en essuyant avec son pouce le sang qui avait coulé du coin de ses lèvres puis reporta son attention sur Emma. Elle n’avait pas bougé, figée et les yeux écarquillés fixés sur les cadavres artistiquement disposés autour de la carcasse de la voiture. Il s’approcha et se pencha pour lui murmurer à l’oreille :
– Il me semble que Dieu n’a pas fait grand-chose pour sauver ceux-là…
Elle eut un mouvement de recul et il l’attrapa par la mâchoire. Elle se tendit mais ne tenta pas de se débattre.
– Donc j’aimerais bien que tu arrêtes de tourner autour du pot et qu’on passe aux choses sérieuses, crois-moi, il vaut mieux ne pas me chercher.
Elle soutint son regard.
– Ne serait-ce pas plutôt toi qui me cherches ? [1]
Elle n’avait toujours pas peur. Il intensifia sa pression sur ses joues, à la limite de lui briser les os de la mâchoire.
– Tu n’as pas l’air de comprendre : je suis Klaus Mickaelson, le vampire le plus puissant et le plus cruel qui ait foulé cette terre. Personne ne m’échappe et j’obtiens tout ce que je veux.
– Cela ne sert à rien de me menacer, je sais que tu ne me feras rien puisque tu as besoin de moi vivante.
Klaus sentit un rire monter dans sa gorge et lui étirer les lèvres.
– Crois-moi, tu pourrais bientôt regretter que je te laisse en vie…
Elle demeura imperturbable. Klaus haussa les sourcils, puis resserra sa prise d’un coup sec, sentant les os se briser sous ses doigts. Emma poussa un hurlement de douleur et tomba à terre quand il la lâcha. Il la regarda trembler et se tortiller à ses pieds, chaque mouvement de tête arrachant un râle à la jeune femme, puis il s’accroupit lentement à ses côtés. Avec un sourire, il écarta une mèche de son visage tordu par la souffrance et baigné de sang.
– Qu’est-ce que tu en penses maintenant ?
Elle rouvrit les yeux et s’immobilisa, le souffle court, faisant visiblement d’immenses efforts pour se maîtriser et ne pas se laisser submerger par la douleur. Klaus patienta quelques instants, puis se mordit le poignet pour lui faire boire son sang : elle ne semblait certes pas encore prête à coopérer, mais elle devrait cesser de le prendre à la légère désormais, et il ne pouvait pas se permettre de la laisser perdre trop de sang. La prochaine fois, il choisirait une blessure qui ne mettait pas sa vie en danger, ce serait plus efficace. Il attendit que son sang fasse effet et guérisse la blessure.
Emma le regardait. Elle paraissait presque amusée. Pensait-elle qu’elle avait gagné parce qu’il lui avait donné son sang ? Ce n’était que partie remise, et il comptait bien la surveiller pour l’empêcher de se transformer en vampire : il avait fait une fois l’erreur avec Katerina, on ne l’y reprendrait plus. Il lui renvoya donc un sourire goguenard. Elle eut tout à coup un haut-le-cœur, et vomit une gerbe de sang. Klaus resta un instant stupéfait. Puis elle se remit à vomir du sang, mais cette fois sans interruption, le corps agité de spasmes. Que se passait-il ? La blessure à la mâchoire n’avait pas évolué, elle aurait déjà dû être guérie ! Pourquoi son sang ne faisait-il pas effet ? Pourquoi son état empirait-il ? Il la saisit par les épaules.
– Que se passe-t-il ? lui cria-t-il.
Elle haussa un sourcil, puis il la sentit glisser lentement dans l’inconscience, alors qu’elle continuait de vomir et de cracher du sang. Il était en train de la perdre ! Pourquoi son sang ne marchait-il pas ? Une voiture s’arrêta en crissant des pneus. Klaus avisa le conducteur qui courait vers lui en demandant ce qui se passait, et il se jeta sur lui pour lui briser le bras et lui faire ingérer son sang : la fracture disparut. Ce n’était donc pas son sang qui posait problème.
Il s’ébroua, et planta son regard dans celui de l’homme effrayé :
– Amène-nous le plus vite possible à l’hôpital le plus proche !
En un clin d’œil, il se trouvait dans la voiture avec Emma, écoutant avec anxiété son rythme cardiaque qui diminuait à chaque seconde. Comment était-ce possible ? Elle ne pouvait pas mourir, merde ! Il pressa le chauffeur d’accélérer, serrant la jeune femme contre lui pour la protéger des secousses et embardées du véhicule ; s’il avait su où était l’hôpital, il aurait pu y parvenir tellement plus tôt ! Enfin, ils arrivèrent ; Klaus bondit du véhicule encore en marche et se précipita vers l’entrée des urgences, où le personnel soignant l’entoura immédiatement pour prendre Emma en charge. Il inventa rapidement les circonstances de son état, puis on le fit patienter longtemps dans une salle d’attente. Il écouta à travers les murs tout ce qui se faisait et se disait autour d’elle et quand un médecin vint finalement le trouver pour le tenir au courant, il savait déjà tout : une multiple fracture de la mâchoire, accompagnée d’un empoisonnement du sang à la cause inconnue. Aucun antibiotique n’avait fait effet, mais l’intervention chirurgicale était réussie et la transfusion semblait fonctionner ; toutefois, son état demeurait incertain.
La fin de la journée et la nuit s’écoulèrent dans les doutes et les interrogations. Il n’avait jamais été confronté ni même entendu parler d’un cas de rejet du sang de vampire, mais il risquait de perdre sa meilleure piste vers une Sosie depuis cinq siècles à cause de cela. Il avait chargé Joshua d’enquêter à ce sujet, mais cela risquait de prendre du temps. À ce mystère s’ajoutait la question de savoir si Emma était au courant de sa condition. Comme elle semblait en savoir beaucoup sur les vampires, il était vraisemblable qu’elle ait déjà constaté l’inefficacité du sang de vampire sur elle, mais cela signifiait qu’elle avait pris le risque de le provoquer en sachant qu’elle mettait sa vie en danger. Soit elle avait sous-estimé ce dont il était capable, soit elle avait une raison particulière d’agir ainsi ; il doutait de la première hypothèse, car Emma était intelligente et bien informée, mais il ne trouvait aucune autre explication. Pourquoi lui faire comprendre que le sang de vampire ne fonctionnait pas sur elle ?
Au matin, Emma avait repris connaissance, ce qui étonna tout le personnel médical. Elle avisa Klaus du coin de l’œil sans ciller et demeura très calme toute la journée, sans doute sous l’effet persistant des anesthésiants de l’opération de la veille ; de toute façon, sa mâchoire était immobilisée, l’empêchant de parler, si bien que Klaus en vint à se demander si elle n’avait pas fait exprès : il ne pouvait rien lui demander dans son état.
Le médecin autorisa sa sortie trois jours plus tard, en raison de son évolution quasiment parfaite, tout en recommandant le plus grand repos. Au moment de quitter l’hôpital, il demanda même l’autorisation de faire des tests plus poussés sur des échantillons sanguins du fait de ce rétablissement étonnant après son mystérieux empoisonnement. Emma interrogea Klaus du regard : c’était une bonne occasion d’enquêter sur les propriétés de son sang, et il donna son accord et leur adresse afin d’être tenus au courant.
Ils reprirent leur routine devant la télévision, ponctuée par les visites de contrôle régulières à l’hôpital : Emma n’était pas en mesure de faire grand-chose, et communiquait par signes avec lui. Elle était toujours aussi calme, et Klaus ne savait qu’en penser. Son objectif avait été de lui mettre un bon coup de pression pour la rendre plus docile, mais elle ne le craignait pas plus qu’avant ; ou alors elle le cachait extrêmement bien. De fait, elle avait acquis un avantage non négligeable, puisqu’il était limité dans ses menaces de violence : sans possibilité de la soigner avec son sang, il ne pouvait prendre le risque de la tuer ou d’attirer l’attention. Il aurait pourtant juré que sa démonstration de force avait ébranlé la jeune femme d’une manière ou d’une autre : elle avait vraiment eu l’air choqué quand il avait massacré la famille, mais rien n’en transparaissait plus dans son attitude. Il la regarda tandis qu’elle sirotait sa soupe avec une paille, concentrée sur la série coréenne à l’écran. Cela n’avait aucun sens : comment pouvait-elle être aussi détendue à ses côtés, alors qu’elle avait été en état de choc devant ce qu’il était capable de faire? Les anesthésiants et anti-douleurs ne devaient plus faire effet depuis déjà plusieurs jours. Comment parvenait-elle à demeurer aussi indéchiffrable alors qu’elle éclatait de rire au moindre gag et versait une larme à chaque moment émouvant à la télévision ? Et son pouvoir d’hypnose qui ne fonctionnait toujours pas sur elle !
Un nouveau dimanche arriva, et Emma lui fit comprendre qu’elle voulait retourner à l’église, où il l’accompagna en traînant les pieds : il avait songé à lui faire du chantage, mais après réflexion, exiger d’elle qu’elle couche avec un inconnu sous peine de l’empêcher d’aller à la messe ressemblait vraiment à un aveu de faiblesse si c’était tout ce qu’il pouvait faire. Mais s’il ne pouvait pas la contrôler d’une façon ou d’une autre, tout cela risquait de ne pas servir à grand-chose. Peut-être allait-il devoir penser à une stratégie alternative : la laisser vivre sa vie tout en la surveillant de loin pourrait valoir le coup, ne serait-ce que pour en apprendre davantage sur elle. Il attendit que la messe s’achève, observant à nouveau l’investissement de la jeune femme ; elle resta même plusieurs minutes après la fin de l’office, recueillie, alors que l’assemblée quittait l’église. Quand ils sortirent à leur tour, la plupart des fidèles s’étaient déjà dispersés ; Klaus repéra du coin de l’œil une dame qui, les avisant, se dirigea vers eux pour les aborder. Mais Emma était déjà en train de traverser la rue et il dut allonger le pas pour la rattraper, laissant la paroissienne en plan.
Klaus s’arrêta tout à coup, les sourcils levés : Emma venait d’éviter soigneusement toute interaction avec les autres fidèles. Il commença à sourire : il la tenait ! Il la rejoignit en quelques enjambées pour lui ouvrir la voiture et se mit au volant avec un petit rire de satisfaction. Elle lui lança un regard perplexe en mettant sa ceinture, tandis qu’il démarrait.
– Tu sais, depuis quelques jours, je me demandait pourquoi tu m’avais laissé mettre ta vie en danger, alors qu’il te suffisait de me prévenir que le sang de vampire ne fonctionnait pas sur toi…
Elle resta impassible, le regard fixé sur la route.
– Parce qu’il n’était vraiment pas nécessaire d’en arriver là pour me faire comprendre que tu n’avais pas peur de moi et que je ne pouvais pas te faire de mal. Donc une question demeurait : pourquoi aller si loin ?
Il laissa planer un silence. De toute façon, sa mâchoire en convalescence l’empêchait de répondre.
– Oui, pourquoi aller si loin ? Pourquoi cette démonstration spectaculaire ? De quoi cherchais-tu à détourner mon attention ?
A l’intersection, il ne prit pas la direction de la maison, mais continua tout droit sur plusieurs centaines de mètres avant de prendre une petite route qui serpentait dans la forêt. Il s’arrêta devant un portail de bois surmonté d’un panneau qui indiquait « Camp de vacances pour jeunes ». Derrière le portail, on distinguait une groupes d’enfants et d’adolescents qui pique-niquaient sur l’herbe, à l’ombre des arbres. Klaus éteignit le moteur. Emma avait bien été horrifiée par ce qu’il avait infligé à la famille ce jour-là. Mais elle n’avait pas eu peur pour elle-même ; elle craignait ce qu’il pouvait faire à d’autres pour la faire céder.
– C’était pourtant simple : comment une petite femme catholique, vertueuse et charitable pourrait-elle supporter de voir des innocents souffrir à cause d’elle ?
Il la regarda en souriant, triomphant : il n’avait même pas besoin de trouver quelqu’un qui lui était cher pour la menacer, la première personne venue suffisait.
Klaus décrocha sa ceinture, ouvrit la portière et s’approcha du portail d’un pas nonchalant.
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[1] En version originale, le dialogue serait plutôt :
– … You don’t wanna get on my bad side.
– Because you have a good side ?
La lecture est toujours tres agreable, et les evenements inattendus. Emma devoile sa foi et la compassion qu'elle eprouve pour les possibles victimes de Klaus, ce qui va donner au vampire une arme pour la controler.
On devine qu'elle s'est montree au debut, a l'aeroport, pour le detourner de la petite fille qu'il voulait enlever. Elle s'est sacrifiee, en quelque sorte - tres biblique!
En lisant ce chapitre, j'avoue que j'etais un peu frustree de ne toujours pas comprendre mieux l' enjeu qu'elle represente. Grace a elle, on en sait un peu plus sur Klaus et ses parents, mais les quelques allusions sur les projets pour obtenir une Sosie sont toujours tres obscurs... Ca donne un peu l'impression d'etre avec des amis qui se mettent a parler d'un sujet qu'on ne connait pas et qui ne vous disent rien qui vous permettrait de suivre...
En d'autres termes, j'aimerais en savoir plus !
Petites remarques en passant :
Elle lui avait déjà faussé compagnie grâce à un lac, il comptait désormais se méfier de la moindre flaque. > ca m'a bien amuse!
Parfaite la description de la petite ville americaine le dimanche matin ! Evidemment, toute petite ville de cette taille aux USA compte plusieurs eglises, une catholique, une lutherienne, une presbyterienne, une baptiste, une evangelique non-denominational... (je m'egare...) Souvent les unes a cote des autres dans la rue principale. La, je pense que c'est l'eglise catholique ? (pretre, reponses rituelles....) Et je viens de voir que c'est ainsi que Klaus decrit Emma a la fin du chapitre.
J'ai aussitot imagine que l'arrivee de Klaus provoquerait quelques remous (du genre eau benite qui se met a bouillonner...) mais non, il integre les lieux avec discretion.
Klaus utilise les humains autour de lui comme des gourmandises ou ici des objets pour faire peur. Sa desinvolture nous permet de rester dans un registre leger, mais la destruction de cette famille (typique image americaine de la famille parfaite, bien vu!) montre que nous allons vers un registre plus sombre.
toi qui me chercheS >
Comment parvenait-elle à demeurer aussi indéchiffrable alors qu’elle éclatait de rire au moindre gag > comment peut-elle eclater de rire avec sa machoire en retablissement qui ne lui permet pas de se nourrir autrement qu'avec une paille?
il avait songé à lui faire du chantage, mais après réflexion, exiger d’elle qu’elle couche avec un inconnu sous peine de l’empêcher d’aller à la messe ressemblait vraiment à un aveu de faiblesse > j'ai un peu de mal a comprendre le pourquoi de choisir ce moyen de chantage? L'inconnu, est-ce lui? Puisqu'il semble qu'il veuille que Emma ait un enfant, cela lui vient-il a l'esprit parce que ce serait le moyen d'y parvenir?
En tout cas, la relation entre les deux est toujours captivante, et je me demande bien ce qu'il va faire dans ce camp de vacances... et ce qui en resultera. En d'autres termes : vite la suite ! :-)
Merci pour ton loooong commentaire qui fait chaud au coeur tout en pointant les petits problèmes à pointer :)
Tu as tout à fait compris qu'un des principaux buts du chapitre était de montrer le côté sombre de Klaus, qui est quand même censé être un grand méchant, donc j'espère que le message est passé malgré le ton désinvolte la plupart du temps (je trouve ça difficile d'écrire les moments graves/sérieux/durs... sans jeu de mot ^^)
Merci de me noter que tu as besoin de plus d'informations sur les motivations de Klaus, c'est une des choses un peu délicates à gérer étant donné que je travaille avec un matériau préexistant que je connais par coeur, donc le dosage est compliqué pour donner assez d'infos de manière subtile et naturelle; du coup beaucoup de précisions à ce sujet arrivent dans le sujet suivant, pour que les enjeux soient clairement posés.
Pour le fait qu'elle éclate de rire malgré sa machoire, je pense que j'imaginais que Klaus s'appuie aussi sur son observation du comportement d'Emma avant qu'elle soit blessée, et que, même blessée, elle rit d'une manière ou d'une autre à travers (je viens d'essayer de rire sans bouger la mâchoire haha, c'est possible de pouffer); mais tu as eu raison de me le signaler, faudra peut-être que je reformule ;)
Pour la question du chantage, peut-être que ce n'est pas clair: en fait, le but de Klaus, c'est qu'Emma ait des enfants vu qu'une Sosie est susceptible d'apparaître dans sa descendance, et Klaus s'en fout de avec qui elle a des enfants, donc le 1er venu lui irait (et non ça peut pas être avec lui, les vampires ne peuvent pas avoir d'enfants). Et pour le choix du moyen de chantage, à ce moment-là, la seule chose auquelle Emma tient à sa connaissance est sa foi, d'où le fait que c'est son seul moyen de pression/chantage à ce moment-là. Mais je me dis que peut-être que ce passage est pas super utile... à voir!
Merci pour tes petits compliments que les choses qui font vraiment effet de réel (l'église, la famille américaine) ça fait plaisir de voir que je ne tombe pas à côté! :D
La suite est en cours de rédaction! A tès bientôt et encore merci!!!!
Ici, pour une lectrice comme moi globalement pas tres au courant du monde des vampires, ce serait bien d'en savoir un petit peu plus a chaque chapitre concernant ce qui est le coeur de l'histoire jusqu'a present : qu'est-ce qu'une Sosie? Pourquoi est-ce si important pour Klaus, qui est deja tres puissant et ne semble pas avoir de predateur? Il est quand meme dans un projet a long terme : faire en sorte qu'Emma ait des enfants et qu'ils grandissent un peu, quand meme, ca prend des annees! Pourquoi est-ce si urgent?
C'est important de permettre a des ignares dans mon genre d'avoir progressivement acces aux enjeux de l'histoire sinon on reste a la peripherie et on risque de se sentir exclu !
En tout cas, c'est comme ca que je le percois. Just my opinion!