5 — Le Commissariat

Par Rouky

L’Affaire “Victor Ravène”

 

La pluie battait les vitres du commissariat d’Ossenoir, ruisselant le long des vitres opaques. Il était deux heures du matin. Le vieux chauffage ronronnait dans un coin, et la cafetière, aussi ancienne que l’immeuble, déversait un nectar noir amer dans les tasses.

Albert, moustache grisonnante, mains calleuses et regard fatigué, tournait les pages d’un rapport quand la porte d’entrée grinça.

— Une visite ? à cette heure-ci ? marmonna Marcel.

Lucien, jeune recrue, jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Un homme entrait. Vêtements anciens, veste de laine à revers usés, souliers éraflés. Il avait les cheveux plaqués et un regard de marbre.

— Bonsoir, dit-il d’une voix lente. Je viens me rendre.

Marcel leva un sourcil.

— Pourquoi donc ?

— Pour meurtres. Six, pour être exact. Deux jeunes femmes étranglées, un libraire empoisonné, un gendarme poignardé, et deux enfants noyés dans la fontaine de la Grand-Place.

Marcel et Lucien échangèrent un regard interloqués. Devaient-ils croire ce visiteur ? Albert, lui, s’était figé. Ces mots, cette voix... il les avait déjà entendus.

— Comment vous appelez-vous ? demanda-t-il.

— Victor Ravène.

Silence.

Lucien ricana nerveusement.

— Non mais attendez, c’est une blague ? Ravène, c’est le tueur de 1965 ! Celui qui...

— ...a été tué dans sa cellule, complèta Albert, blême.

L’homme acquiesça.

— C’est exact. J’ai été tué ici, dans la cellule numéro trois. Mon co-détenu m’a fracassé le crâne contre les barreaux. Il était trop fort, je n’ai rien pu faire. Ce fut lent, douloureux. Je m’en souviens parfaitement. Quant à la suite... à vrai dire, je ne sais plus trop. Le feu. Le froid. Et puis une porte. Et on m’a relâché. Simplement.

Il sourit. Un sourire sec, presque satisfait.

— Et maintenant, je suis rentré chez moi.

Marcel blêmit à son tour. Albert, lui, attrapa la clef de la cellule numéro trois.

— Enfermez-le, ordonna-il. Je veux vérifier quelque chose dans les archives.

Ils enfermèrent Ravène. Il s’installa sans un mot sur le lit en fer. Albert et Lucien dévalèrent les escaliers jusqu’aux archives. Le dossier, jauni, reposait dans un tiroir poussiéreux. Tout y était : les victimes, les mots exacts de l’aveu, les photos, l’autopsie de Ravène. Fracture du crâne. Morsures sur les bras. Date de mort : 4 décembre 1965.

— Il a décrit ses crimes mot pour mot, souffla Albert. Personne ne connaissait les détails.

— Peut-être un descendant ? Un fan de l’affaire ?

Albert secoua la tête.

— Il portait la même veste. Il a les mêmes yeux. J’était présent, Lucien. En 1965. Je l’ai vu. Il n’y a aucun doute.

Ils remontèrent. Marcel les attendait, livide.

— Il n’est plus là, dit-il.

— Comment ça ? Demanda Albert.

— La cellule était vide. Plus personne. Juste une mare de sang, tiède encore. Et sur le mur, griffonné avec un ongle ou autre chose...

Ils entrèrent.

La cellule était effectivement vide.

Sur le mur, une phrase sanglante : "Je reviendrai"

Le sang coulait encore le long des lettres.

Albert se figea.

Il savait.

Il savait que quelqu'un lirait ce dossier, un jour, et que le nom de Ravène franchirait encore une fois la barrière du silence.

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Elda Bauda
Posté le 21/09/2025
C'est toujours intense et mystérieux! Ca donne envie aussi d'en avoir plus, tout un roman! L'ambiance décrite avec quelques détails qui nous y plonge directement j'aime beaucoup ce genre d'ecriture.
Rouky
Posté le 21/09/2025
Salut ! ^^

Pour les histoires d'Ossenoir je voulais vraiment une écriture qui se charge de donner les détails les plus importants, mais qui reste fluide dans son ensemble ^^
Scribilix
Posté le 04/08/2025
Eh bha. Ils doivent en avoir du boulot au commissariat dans cette ville. Sinon l'écriture est toujours fluide et le rendu sympa. Peut-etre que j'aurais rajouté brievement une ligne pour décrire Marcel (ou bien je l'aurai enlevé). Il apparait subitement sans explication.
A la prochaine dans un autre batiment de ta ville ^^
Rouky
Posté le 05/08/2025
C'était l'une de mes nouvelles préférées à écrire ^^
Disons qu'il était là surtout pour garder Ravène et remplir un peu le commissariat ah ah !
Merci, et à bientôt ^^

PS : évite de passer par le théâtre, il n'est pas très bien réputé ;-)
Talharr
Posté le 26/06/2025
C'est peut être ma préférée.
Courte mais efficace, des petits frissons quand ils racontent l'histoire du meurtrier et sa disparition quand ils remontent.
Et le "Je reviendrais", brrrrrr
j'espère qu'on en saura plus :)
Rouky
Posté le 27/06/2025
Salut ! ^^

C'était aussi ma préférée à écrire ! L'ambiance spooky d'un commissariat la nuit, avec l'ajout d'un meurtrier venu d'une autre époque, c'était intriguant et angoissant à écrire !

Je te dis certainement à bientôt pour la suite ! ^^
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