« Tous les au revoir ne font pas mal, certains sont une délivrance. »
INCONNUE...
Le réveil est dur.
Quand j'ouvre les yeux, c'est pour les poser directement sur la porte. Je me rappelle très bien où je suis ce matin et ce qu'il s'est passé pour que j'en arrive là. Tout ceci a occupé mon esprit durant toute la nuit.
Je ferme les yeux de nouveau en soupirant doucement. La seule chose qui me rassure ne le devrait pas.
C'est la porte.
Elle est fermée à clé, même si c'est de l'extérieur, ça fait un point commun avec ma chambre à la maison. Depuis les passages fréquents de mon père en pleine nuit il y a quelques années, j'avais décidé que plus personne n'entrerait quand j'y serais.
Ma vessie affreusement douloureuse la veille me brûle de l'intérieur. C'est une des nombreuses raisons pour lesquelles j'ai très peu et mal dormi.
Je me redresse lentement et mon regard se perd un instant sur les draps. Ils sont d'un rose pâle accueillant, et étrangement, ils sentent bon. Ce n'est pas vraiment ce à quoi on s'attend quand on se fait enlever et enfermer dans une chambre sans eau, ni nourriture... ni toilettes.
Mon attention dévie rapidement de nouveau sur la porte. J'entends du raffut dans la pièce d'à côté, là où se trouve le salon où je les ai tous découvert hier.
Il faut absolument que je sorte d'ici.
Mes pieds me conduisent non sans mal jusqu'à la sortie alors que je suis un peu pliée en deux. Le bas de mon ventre m'empêche carrément de me tenir droite.
Je compte tambouriner sur la porte pour qu'on me laisse sortir, mais mon instinct me tourne plutôt vers la poignée que j'actionne sans grandes attentes.
Je hausse les sourcils de surprise en voyant que la porte s'ouvre. Je glisse ma tête dans l'entrebâillement pour être sûre qu'il n'y a aucun piège, mais le couloir est désert. Juste des voix masculines comblent le silence.
Ils m'ont ouvert pour que je puisse sortir ce matin.
Les sourcils froncés, je marche en direction des voix. Je ne comprends pas ce qu'il se passe. S'il ne fallait pas que je sorte à ce point, pourquoi m'ouvrir et me laisser sortir maintenant comme si de rien n'était?
Je prends mon courage à deux mains et inspire profondément pendant que je suis encore cachée dans le couloir. Je ne dois pas me laisser faire, quand bien même ce sont cinq garçons qui font au moins deux fois ma taille chacun. Peut-être que s'ils voient que je ne suis pas commode, ils me demanderont d'eux même de partir d'ici? Je rêve sûrement, mais s'ils comptent me garder captive ici je n'ai plus rien à perdre.
Un pas de plus et je me retrouve dans l'entrée d'une grande pièce à vivre moderne et joliment décorée, aux murs en pierre, qui sert de salon et de cuisine ouverte. Hier je n'ai pas eu le temps de faire attention à ces détails. La propreté impeccable de ce lieu me saute aux yeux directement. Du moins, celle du salon. Mais personne ne daigne faire attention à moi.
Les sourcils froncés, je m'éclaircis la gorge pour me faire remarquer, et toutes les paires d'yeux réunies autour du comptoir de la cuisine se posent sur moi. Bien que j'ai fortement envie de disparaître sous leurs regards, je me redresse en me forçant à les regarder tour à tour. Je ne dois pas perdre la face. Pas maintenant.
– Vous m'avez enlevée pour que je sois votre boniche, c'est ça? demandé-je froidement en fixant le nombre de paquets de gâteaux ouverts sur la table, et leurs miettes. Et ne comptez pas sur moi pour être votre esclave sexuelle, ça non plus je fais pas.
Mon regard les sonde, et l'un d'eux se lève. Celui qui a des bras bien trop gros pour que je puisse être sereine après avoir parler de cette façon s'approche de moi. Je me souviens très bien qu'il comptait me regarder prendre ma douche hier et d'un geste je l'oblige à s'arrêter.
– Toi le pervers, tu ne m'approches pas.
Je me mords l'intérieur de la joue. Leur facilité à pouvoir me faire du mal me reviens soudainement en tête. Ils sont cinq, je suis seule. Je ne devrais même pas oser les défier.
L'un d'eux rigole doucement à ma remarque, et je fronce les sourcils malgré moi. Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle à ce que je dis. Bon nombre de femmes sont forcées de se plier aux désirs des hommes.
– Pas besoin, on sait faire, merci, me répond le pervers, sans doute en référence au ménage.
Il reste planté en face de moi, mais comme je le lui ai demandé, ou plutôt ordonné, il ne s'approche pas. Je prends quelques secondes pour l'observer d'un peu plus près. Il a le crâne rasé, et une petite boucle d'oreille orne son lobe. Son visage est marqué d'une fatigue chronique, ses cernes ont l'air d'avoir creusé sa peau, mais sa froideur le rend intimidant.
Il ouvre de nouveau la bouche, me laissant figée sur place.
– Viens t'asseoir, on a besoin de parler.
– Il faut d'abord que je passe aux toilettes.
Je leur jette un regard noir pour leur faire comprendre que je n'ai pu les utiliser depuis des heures. Le message semble être compris puisque personne ne me répond, sauf pour m'indiquer où je pourrais les trouver.
Quand je les rejoins de nouveau, les cinq types se dirigent vers le canapé du salon. Ils sont rapidement suivis par le chien, sur lequel je pose toute mon attention.
Monsieur crâne rasé se tourne subitement en remarquant que je ne le suis pas et son ton change radicalement pour se faire plus virulent.
– Bouge-toi, j'ai pas toute la journée.
Je préfère m'exécuter, mais je ne presse pas le pas pour ne pas leur faire comprendre qu'ils font croître une peur en moi. Je m'efforce de me concentrer sur le chien qui tourne autour de mes jambes comme pour me faire la fête. Du bout des doigts je caresse ses poils avant de venir m'installer comme demandé.
J'espère que je vais avoir toutes les réponses à mes questions.
D'ailleurs, je ne me questionne pas plus longtemps, car mes ravisseurs s'installent et m'entourent.
La tatoué s'approche aussi. Je le suis naturellement des yeux et il vient se positionner sur un fauteuil à côté de moi, près des autres, sans dire un mot.
– Vous allez finir par me dire ce que je fais là?
Je pince fortement mes lèvres au ton que j'emploie. J'y suis peut-être allé un peu fort, mais l'angoisse me fait parler et j'ai vraiment besoin de réponses. Je n'ai pas envie de passer une nouvelle nuit à me poser mille et unes questions, s'il faut que j'en passe une nouvelle ici.
Mon attention est toujours fixée sur le brun tatoué. Je peux distinguer un sourire se former sur ses lèvres, sûrement en réponse à mon manque de patience, et je détourne mon regard autre part. Il me trouble, mais pas de la même façon que les quatre autres. Je n'aime pas du tout ça.
– On a eu la "chance", commence le type au crâne rasé en mimant les guillemets d'un air désintéressé, de réceptionner quelque chose qui te concerne.
Plongeant son regard dans le mien dans une tentative de m'intimider, ce qui marche bien et que j'ai du mal à accepter, il sort un papier de la poche de son jean délavé.
Je fixe ce dernier. La curiosité s'empare de tout mon être et la seule chose que je veux, c'est savoir ce qu'il y a écrit dessus. Cette chose qui me concerne moi. Pourquoi cette simple feuille blanche justifie de se faire taser en plein milieu de la nuit et enlevée dans une voiture.
Il prend appui sur la chaise sur laquelle il se trouve et se penche en avant en me tendant la feuille. Ses pupilles me fixent toujours autant, et je soutiens son regard une minute avant de me saisir de ce qui m'intéresse. Je peux voir qu'elle a été négligée, pliée plusieurs fois et glissée dans de nombreuses poches.
Une fois entre mes mains, elle accapare toute mon attention et je commence à lire les mots écrits de façon manuscrite.
Je reconnais immédiatement l'écriture et une boule d'angoisse commence à se former dans mon estomac tandis que je retiens mon souffle. La même boule qui m'habitait quand il me touchait.
Au fil de ma lecture, mes sourcils se froncent un peu plus et ma salive devient difficile à avaler. Je relis depuis le début pour être sûre d'avoir bien compris, faisant une totale abstraction des cinq paires d'yeux posées sur moi. Ils connaissent déjà ce papier, et le fait d'être la seule qui ne soit pas au courant en plus d'être la principale concernée me met mal à l'aise.
Mes yeux s'écarquillent quand je réalise que j'avais bien lu la première fois.
Je deviens probablement livide en comprenant de quoi il s'agit. Je suis persuadée de sentir les battements de mon cœur ralentir.
Je cligne des yeux plusieurs fois, une façon de m'ancrer dans la réalité, bien que ce bout de papier me parait tout sauf réel. J'ose espérer que c'est une mauvaise farce.
Je suis incapable de m'empêcher de poser à nouveau les yeux sur certains mots.
« Ma fille »
« Tuer »
« La faire taire »
« 50 000€ »
Je me laisse lentement tomber en arrière jusqu'à ce que mon dos se pose contre le dossier du canapé. J'entrouvre les lèvres mais ma voix ne sort pas, encore sous le choc de la nouvelle.
Je sers fortement mon poing, chose que j'ai l'habitude de faire sous l'emprise du stress.
– Et donc ça c'est une chance?, je murmure doucement dans un soupir après avoir pris sur moi, encore choquée de ce que je viens d'assimiler.
– Disons que cette lettre ne nous était pas adressée, mais que par chance elle n'est pas tombé dans les mains du tueur à gages.
Je reconnais la voix du tatoué. Je ne peux décrocher mes yeux de la feuille blanche où se trouvent les mots écrits de la main de mon père.
Par fierté, je me ressaisis et plie délicatement la feuille entre mes doigts. J'ai envie de hurler, de pleurer, de casser quelque chose, mais je puise dans toutes mes forces pour garder mon sang-froid devant eux. Je n'ai pas le droit de craquer maintenant.
J'ai l'impression que mon âme m'a quitté. Comme si j'étais à l'extérieur de mon corps. Vidée.
– On avait toutes les informations te concernant, alors on a décidé d'agir et de t'attraper avant lui.
M'attraper. Comme si j'étais une proie.
– Pourquoi?, lâché-je soudainement. Vous avez forcément un intérêt à faire ça. Lequel?
Je me redresse et les regarde chacun leur tour. Après ce que je viens d'apprendre, ils ne m'intimident presque plus. J'ai l'impression de ne plus rien avoir à perdre désormais.
– Je pense que le type qui a écrit ça est un fils de pute, c'est sûrement le seul à avoir un intérêt dans cette histoire, annonce le tatoué en plongeant ses prunelles dans les miennes, les coudes posés sur ses cuisses.
Il sait très bien de quoi il parle. Il a compris de qui vient cette lettre.
Je déglutis en pensant à mon père. Je sais quel type d'homme il est, je sais qu'il est mauvais, qu'il m'a fait du mal et qu'il mérite de payer pour ça. Mais jamais, Ô grand jamais, je n'aurais imaginé qu'il serait capable d'une telle chose.
– Est-ce que je peux avoir un verre d'eau, demandé-je, ou plutôt, j'ordonne, d'un ton las, les yeux perdus dans le vide.
Un grand métisse m'apporte ce que je demande et le pose sur la petite table de salon qui se trouve entre nous. Je lève les yeux vers lui et le remercie d'un signe de tête. J'ai besoin d'encaisser le coup.
J'apporte le verre à mes lèvres et le bois d'un coup. Malheureusement, l'eau ne me rassérène pas.
– Pourquoi il veut tant te voir disparaître?
C'est encore le type au crâne rasé qui m'a tendu la feuille qui me pose des questions, et je n'ai franchement pas le cœur à répondre à un interrogatoire.
– On partage un secret, tous les deux. Il sait que si je parle, il est fini.
Je garde un ton plat, plus que bouleversée par la nouvelle. Je me demande où ils ont trouvé cette lettre, pourquoi mon père a fait une telle demande par écrit plutôt que par téléphone ou en personne comme dans les films, mais je ne me sens pas capable d'entendre les réponses tout de suite.
Je n'ai pas envie de rester avec cinq types que je ne connais pas.
Je me lève brusquement après avoir reposé mon verre d'eau.
– Désolée mais j'ai besoin d'être un peu seule, là.
Je les contourne et je marche machinalement jusqu'à la chambre dans laquelle j'ai passé la nuit pour retrouver ma meilleure alliée dans ce genre de moment: la solitude.
Je ferme lentement la porte derrière moi et fixe le lit. Je dois avoir l'air misérable, je ne tiens plus sur mes jambes, je veux m'effondrer. Je me sens totalement anéantie.
J'ai besoin de réaliser et d'encaisser les choses.
Ce qui m'est arrivé hier n'est rien comparé à ce qu'il y a sur cette lettre.
C'est aujourd'hui que ma vie bascule à tout jamais.
Mon père a voulu engager un homme pour me tuer.
Pour me faire taire.
Pour que je ne révèle pas toutes les choses horribles qu'il a pu me faire alors que je n'étais qu'une enfant.
Et aujourd'hui, plus que tout, j'ai envie de tout balancer.
Je m'écroule sur le lit et explose enfin.
Le visage enfoncé dans le coussin et les mains plaquées sur ma bouche pour ne pas faire de bruit, mes sanglots me serrent le bas du ventre et m'empêchent de respirer.
Je n'ai plus rien.
Tout ceci est ma faute. J'aurai dû parler depuis bien longtemps et porter plainte contre lui, mais je n'en ai jamais eu le cran à cause de ses menaces.
L'oreiller finit rapidement par être trempé de larmes et je m'en saisis pour le mettre de côté, m'écroulant sur le matelas.
Un long soupir quitte mes lèvres et je ferme les yeux, abattue.
Je suis une fille pathétique à me mettre dans un tel état. Je déteste ça.
La poignée de la porte s'abaisse dans un bruit peu perceptible et je redresse immédiatement la tête. Je m'apprête à hurler que l'on me laisse seule, de peur que quiconque me voit dans cet état, mais seule une grosse boule de poil se fraie un chemin à l'intérieur avant que la porte ne se referme.
Je reste là, surprise, suivant le chien des yeux lorsqu'il s'approche de moi et se hisse sur le lit.
Je me redresse alors qu'il sent mon odeur, et glisse mes doigts dans son doux pelage noir et blanc. Alors qu'il lève la tête et que sa truffe entre en contact avec mon nez, je fonds de nouveau en larmes.
Je m'en veux de lui arracher un couinement de surprise, mais je finis par le serrer contre moi, acceptant d'extérioriser toute la tristesse que je ressens depuis des années.
Je sens le chien s'asseoir face à moi, il ne bouge pas, il me laisse simplement le garder dans mes bras, tout contre mon cœur.
Il est le soutien que je n'ai jamais eu mais dont j'ai toujours rêvé, et pour une fois, j'en profite et j'assume toute ma faiblesse.
Est ce qu’il manque un mot ou c’est moi qui bug ? ^^
En tout cas bon chapitre on en apprend plus sur la protagoniste !
merci beaucoup :)
- J'ai l'impression que mon âme m'a quitté. --> m'a quittée (elle a quitté qui ? Elle-même, donc accord)
- J'aurai dû parler depuis bien longtemps et porter plainte contre lui, mais je n'en ai jamais eu le cran à cause de ses menaces. J'aurai --> J'aurais (c'est du conditionnel passé)
Alors voilà voilà, comme toujours hâte de lire la suite <3
la suite arrive demain<3