5. Roxane

    Engourdie par le froid d’un février balbutiant, le nez rouge, Violette pousse la lourde porte vitrée de la cafétéria. Dans un soupir de soulagement, elle s’assoit dans la chaise orange qu’elle a pris l’habitude d’occuper et entreprend de se dévêtir. Roxane de The Police retentit tranquillement dans la pièce, comme tous les matins, aux alentours de huit heures tapantes. Sortant son attirail de dessin, elle songe. Qui va entrer en premier aujourd’hui ? Voyons, considérant les températures, Claire n’encourra le risque d'attraper froid et n'aura de toute façon pas les tripes d'affronter le froid. Le verglas qui a bien failli avoir sa peau sur le chemin découragera probablement les bus ce qui exclut d’un coup Daniel, Amara, Nova et l’autre type qui traîne toujours dans le coin. Et Barnabé alors ? Nous sommes jeudi, il ne sera donc pas là avant au moins dix heures trente.

Violette souffle de frustration devant l’insolubilité du problème qu’elle s’est elle-même posé.

Dans un grognement caractéristique, elle écrase sa mine sur la feuille de papier rose et commence à gribouiller ce qui ressemble dangereusement à un dinosaure à roulettes.

Le débarquement en trombe d’Amara lui arrache un juron alors que la grande brune balance négligemment son sac sur la chaise voisine de la sienne.

«  Qu’est ce que c’est que c’te manie de m’interrompre constamment ? Vous vous êtes donnés le mot ? Avoue, vous en rêvez la nuit, c'est pas possible sinon une telle prompterie à m’emmerder.

– Bonjour à toi aussi, Violette. Désolée pour l’interruption musclée. Par contre, je suis à peu près certaine que “prompterie” ça n’existe pas.

– Maintenant si. Ta deuxième tête s’fait porter pâle aujourd’hui ? »

 

Amara plisse les yeux, le temps de décoder les propos toujours relativement nébuleux de Violette et, dans une grimace à peine voilée, se met à table.

«  Il a dormi chez lui. » Éludant le torrent de questions à venir d’un geste de la main, elle continue. « Tu as remarqué un comportement différent de la part de Claire avec lui, ces derniers temps ? Par exemple, si elle se montre plus… Affectueuse, audacieuse ? Ils ont l’air proches ? »

Au ton inhabituellement tremblant de sa voix, Violette sent que ses globes écarquillés ne constitueront pas une réponse acceptable. Ses yeux bleus se perdent soudain dans le vert du mur alors qu’elle formule les idées qu’elle a laborieusement collé les unes aux autres dans sa tête brune.

« J’imagine qu’il la considère comme une petite sœur ? T’as vu des trucs qui t’f’raient penser qu’elle veut plus ?»

L’air grave, Amara plante son regard dans celui de l’autre étudiante. Bien que peu assuré, il est acéré et transperce Violette comme une poutre de métal. Une pointe d’angoisse commence à gronder dans sa poitrine en entendant les paroles teintées de crainte qui s’échappent des lèvres pleines de son vis à vis.

« J’ai trouvé un mot caché dans son livre sur Alexandre le Grand. C’est une écriture de fille…

– C’est tout ? Et ça dit quoi ? sourcille-t-elle.

– C’est là le problème. »

Ricanement triste. Le silence n’a pas le temps de s’installer : la photo d’un morceau de papier bleu visiblement abîmé trône sur le téléphone posé au milieu de la petite table alors que Roxane retentit une nouvelle fois dans la cafétéria.

 

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Ewen
Posté le 02/09/2020
Wroooooxèèèèène

Petit commentaire critique sur les échanges entre tes persos : pour ma part je les lis avec un sourire en coin constant, vu le nombre de tournures/expressions/punchlines que tu sors. Donc ça c'est bien. ça donne aux dialogues un petit côté surréaliste très appréciable.
En revanche, c'est toujours une galère de retranscrire un parler oral aussi prononcé que celui de Violette… et pour le coup ça bute à la lecture. Au moins on repère direct que c'est elle qui parle, mais du même coup on plisse les yeux à chaque fois qu'elle ouvre la bouche ^^' Donc m'est avis que tu pourrais retirer deux ou trois « ' » de ses paroles. Voilou ;)
Mandragor
Posté le 01/10/2020
Noté, je vais voir ce que je peux arranger dans le bric à brac, si ça confusionne les gens à ce point je ne peux pas me permettre de l'ignorer ^^
Zig
Posté le 06/04/2020
Ah ! On commence à bien voir une trame qui se dessine, de plus en plus clairement !

Je ne répéterai pas tous les compliments faits avant (toujours les mêmes), par contre à deux reprises tu utilises un vocabulaire un peu "décalé", par rapport au reste du texte, et ça m'a fait bizarre.

Par exemple : "l’insolubilité du problème qu’elle s’est elle-même posé.", là, en plus, ça entraîne une lourdeur rythmique et phonique.

Tu as aussi le cas dans : " Avoue, vous en rêvez la nuit, c’pas possible sinon une telle prompterie à m’emmerder." le "prompterie fait très peu naturel dans un dialogue, et il induit une lourdeur sonore.

*attend la suite*
Mandragor
Posté le 01/10/2020
Merci pour ton commentaire ! Pour le vocabulaire de Violette, les mots décalés sont pensés pour bugger, après je vais voir si je ne peux pas alléger le bazar des apostrophes hasardeuses et des néologismes barbares !

La suite arrivera très bientôt, la gazinière repart !
Mandragor
Posté le 01/10/2020
J'espère qu'elle te plaira toujours autant !
Vous lisez