5e jour

Notes de l’auteur : Ecrire un texte où des émotions contraires et contrastées entrent en jeu

Tom était bien assis dans son siège bleu foncé, le même bleu que celui de son personnage préféré dans son dessin animé du moment. Ça l’avait rassuré. En plus il était côté hublot, ça ressemblait à un bon début. L’accompagnatrice lui avait promis qu’elle repasserait le voir avant le début du vol. Elle s’était présentée, et elle s’appelait Martha. Elle était sa première Martha, il ne savait donc pas encore si il appréciait les Martha. Ce qui avait surtout plu à Tom c’était le fait, qu’elle sentait le même parfum que sa maîtresse de l’année dernière. Ça l’avait aidé à la croire et à lui faire confiance. Depuis le hublot il essayait de voir ses grands parents dans le terminal, même si c’était évidemment impossible.

- Je te fais la promesse du petit doigt Tom, que nous ne quitterons l’aéroport que lorsque l’avion ne sera plus visible dans le ciel.

Grand-père lui avait fait son regard sérieux en lui tendant le petit doigt. Alors Tom savait que si il regardait le terminal c’était comme si il regardait vers ses grands-parents.

Il était rentré dans les premiers dans l’avion. Alors pendant qu’il touchait les lignes de coutures d’un bleu plus clair sur son siège, pour vérifier que tout était en ordre de ce côté-là aussi, il regardait arriver les autres passagers. Les adultes, ceux qui voyageaient à plusieurs, et sans collier en plastique autour du cou.

- Tout va bien Tom ?

Martha était bien revenue. Elle avait attendu que le voisin de Tom se soit bien installé.

- Oui, merci Madame.

- Tu peux m’appeler Martha. Si tu as besoin de quoique ce soit tu m’appelles, il te suffit d’appuyer sur le bouton orange au-dessus de ta tête. D’accord ?

Tom se leva pour tester si il était assez grand pour le fameux bouton. Et hocha la tête vers Martha, pour faire comme ferait un adulte.

- Super alors je te dis à tout à l’heure. Je vais faire les consignes de vol, si tu es attentif je te ferai un clin d’œil secret au moment des gilets de sauvetages !

Martha partie, Tom se cala le dos dans le fond de son siège. Elle avait bien dit « gilets de sauvetages » ? Ces deux mots ensemble ne faisait pas bon ménage ensemble. Ça lui à certains épisodes de son dessin animé où les petits chiens partaient sauver tout ce qui bougeait autour de leur plage. Et Tom avait toujours détesté ces épisodes où il fallait sauver des gens qui flottaient en plein milieu de l’océan. C’était toujours trop intense pour lui, parfois même il devait se cacher les yeux, ou partir attraper son doudou. Et chaque fois il était question de « gilets de sauvetage ». Le petit garçon commença à respirer un peu plus fort, et à regarder vers le hublot et le terminal de façon plus intense encore. Ses yeux s’écarquillaient, il aurait aimé débloquer là tout de suite un super-pouvoir qui lui donnerait la possibilité d’apercevoir ses grands-parents à travers les murs du bâtiment.

- Première fois que tu prends l’avion petit ?

Son voisin de droite était un adulte de type « papa de Brian ». Il les connaissait bien les adultes comme ça. Brian avait été son meilleur ami pendant deux ans, il avait passé beaucoup d’après-midi chez lui à faire mille et unes choses dans sa grande salle de jeux. Ça avait été des grands moments, mais Tom avait toujours détesté la partie après le goûter, où arrivait le père de son ami. Le papa de Brian avait la fâcheuse tendance à gâcher l’ambiance, la mère de son ami qui avait été gaie jusque-là devenait toute silencieuse, et Brian se redressait sur sa chaise. Ce genre de personne il les connaissait bien et il savait qu’ils disaient toujours à dire des trucs nuls, et n’essayait jamais de se mettre à la place des enfants.

- Tu verras c’est super ! Tu n’as qu’à t’imaginer que tu es dans un vaisseau spatial.

Voilà, maintenant Tom s’agrippait à son siège de tous ses ongles.

- Monsieur, je ne dois pas parler à des inconnus. Et j’ai peur de l’espace.

- Comment ça ? Mais c’est génial l’espace ! Un petit garçon comme toi, ça doit adorer l’espace. Moi à ton âge, je trouvais ça super l’espace, j’avais même fait une fusée dans mon jardin avec mon grand frère.

Tom ne répondit pas. Il savait que, avec les adultes comme le papa de Brian, il suffisait de les regarder bizarrement et d’arrêter de parler tout net pour les mettre mal à l’aise. C’est d’ailleurs à cause de ça qu’ils ne se voyaient plus avec Brian, et aussi un peu parce que son ami avait eu la fâcheuse idée de commencer à s’inspirer de son père. Il avait été triste au début, mais cela avait eu l’avantage pour lui qu’il avait été débarrassé totalement de cette personne. Et ça ne rata pas non plus cette fois.

« Les gosses de nos jours » marmonna son voisin avant de plonger dans son smartphone. Tom vérifia d’un coup d’œil qu’il l’avait bien mis en mode avion. Une fois rassuré sur ce point, et certain que ‘le papa de Brian’ ne l’embêterait plus, il attrapa son sac à dos que Martha l’avait aidé à mettre sous son siège. Dedans il y avait tout ce qu’il fallait, Grand-mère avait vérifié sa liste au moins trois fois, Tom l’avait aidé pour la deuxième vérification. Comme il avait adoré son début de vacances avec ses grands-parents. Ils étaient si calmes et gentils avec lui. Sa mère lui disait souvent qu’il avait de la chance, parce qu’elle n’avait pas eu droit à cette version sympathique quand elle avait grandi avec eux. Ça faisait beaucoup rire Tom quand elle lui racontait toutes les fois où elle avait été punie dans sa chambre, parce que pour lui c’était aussi difficile à croire que les contes de fées que lui lisait grand-mère tous les soirs.  

 - « Mais grand-mère les ogres ça ne peut pas exister.

- « Oh ils peuvent exister, mais sous des formes moins faciles à repérer. C’est pour ça que les histoires sont si importantes, comme ça tu as au moins quelques indices. Au cas où ! »

Tom sourit en repensant à la bataille de chatouilles et de grognements qui avait suivi. Pour continuer à sourire, il attrapa l’enveloppe qui était dans la pochette avant de son sac. Cette enveloppe lui avait été donnée par ses parents juste au moment où ils étaient partis en voiture après leur petit bout de vacances avec lui chez ses grands-parents. Tom détestait toujours ces moments-là, même si il adorait rester là-bas.

Ses parents lui avaient fait un gros câlin et lui avait tendu l’enveloppe. Quand il l’avait ouverte, et qu’il avait lu le message, il avait cru que sa tête allait exploser de joie. Et là juste de la toucher ça lui faisait comme un feu d’artifices dans le ventre. Tom ne prenait pas l’avion pour retourner chez lui cette fois. Ses parents lui avaient préparé une surprise, il allait dans un aéroport qu’il ne connaissait pas et où ils viendraient le chercher pour ensuite aller à Disneyworld. A chaque fois qu’il y pensait il avait toujours du mal à se retenir de crier en se tenant les joues et à courir partout, comme le petit garçon dans le film de Noël dont il avait vu des extraits.

Soudain Tom entendit des voix parler dans les micros de l’avion. Il reposa son sac sous son siège, l’enveloppe bien rangée, et chercha Martha des yeux. En retouchant le tissu du siège, il repensa aux mots « gilets de sauvetage », tout d’un coup l’habitacle de l’avion lui parut, plus petit, plus sombre. Et le « papa de Brian » lui semblait être bien trop prêt de lui.

Pendant tout le temps que dura les consignes de sécurité, Tom écouta très attentivement attentivement, il avait déjà pris l’avion avec ses parents, et chaque fois tout s’était bien passé. Il essaya de se rappeler toutes les fois où il avait bien atterri, il pensa à la façon dont ses parents allaient l’accueillir à l’aéroport, et il réussit à respirer un peu plus facilement. Martha lui fit bien le clin d’œil qu’elle lui avait promis. Un bon point pour les Marthas. Quand elle vint le voir, elle avait encore son gilet de sauvetage autour du cou.

- Coucou Tom, alors tu as pu voir mon clin d’œil ?

Elle l’appelait toujours par son prénom, jamais « petit », ou « bonhomme » ou autre surnom débile, et ça rajoutait des bons points pour les prochaines Marthas qu’il croiserait.

- Ah mince, dire que je croyais que c’était pour moi.

- Monsieur, votre ceinture est mal attachée vous devriez faire attention, ou vous risqueriez de vous cogner au siège d’en face. Pour toi Tom c’est parfait, je pars lancer le service des boissons avec les collègues, tu as droit à une boisson offerte je te laisse y réfléchir !

L’hôtesse de l’air avait réussi à faire deux choses en même temps, fermer le clapet de son voisin, et lui donner à réfléchir à quelque chose d’autre pendant que l’avion était en train de bouger. Tom réussit même à vivre le décollage sans problème pendant qu’il comparait dans sa tête les avantages de pouvoir prendre le soda qu’il voulait, surtout que ça lui arrivait rarement sous la surveillance de ses parents. Ils étaient déjà au-dessus des nuages quand il pu enfin commander à Martha cette boisson bannie par ses parents qu’il n’avait pas pu boire depuis 2 ans au moins.

C’était un vol court et enfin arriva le moment de l’atterrissage, il détestait ce moment et il avait cette fois sorti et son doudou et son enveloppe de son sac à dos pour traverser cette épreuve. Il avait les mains un peu moites, mais il savait que son fidèle compagnon s’en fichait, et que l’enveloppe tiendrait le coup. La magie de la promesse à l’intérieur devait surement la protéger de tout.

Quand enfin Martha le conduisit à ses parents, il pu enfin se laisser aller à pleurer un bon coup.

- Et ben alors mon chéri, ça ne s’est pas bien passé? lui demanda sa mère en frottant le dos du petit garçon qui sanglotait dans son cou.

- Oh si, si. Martha a été super, c’est juste que j’ai eu vraiment peur tout seul dans l’avion, et je suis si heureux de pouvoir aller à Disney, que mon cœur a un peu de mal à faire le tri, alors j’en fais sortir un petit peu !

 

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