Quand Ankha regagna le dortoir, elle tremblait et ne tenait plus debout. Elle s’assit avec précaution sur le lit et promena son regard sur les blessés endormis. Elle serra la mâchoire et tenta de faire partir la nausée. Mais rien à faire ; il allait en falloir bien plus pour lui faire oublier ce qu’elle avait fait cette nuit.
Elle ramena les jambes sous la couverture, grimaça. Elle avait mal absolument partout, les antidouleurs avaient fini de faire effet.
Bien. Maintenant, il fallait qu’elle trouve un moyen de se tirer d’ici. De l’hôpital, de Muresid. Elle avait compris une chose cette nuit ; la rébellion ne vivait pas ses derniers instants, elle était finie.
Et si les miliciens avaient pu la retrouver cette fois, ils pourraient très bien le faire encore. Et peut-être que la prochaine fois, elle n’aurait pas autant de chance.
De chance… Ha.
Demain, Kali avait dit qu’elle passerait. Peut-être qu’elle l’aiderait à filer. Demain. Oui, c’était un début de plan.
×
— J’ai vu avec le médecin. Ils sont pas très chauds pour te laisser partir.
Kali avait baissé la voix pour dire ça.
— Mais ils vont fermer les yeux. Ils font ça souvent.
Ankha acquiesça. Ce matin, ils avaient rajouté une dose d’antidouleurs. C’était parfait, elle ne sentait plus rien.
Passer la sécurité de l’hôpital fut facile. Sortir dans la rue aussi. S’éloigner du bâtiment encore plus. Peut-être que le milicien qui l’avait interrogée tenait sa parole et qu’on n’allait pas l’inquiéter.
— Il faut que je passe à l’appart, dit Ankha.
— Pour quoi faire ?
Ankha hésita. Qu’est-ce qu’elle pouvait dire à Kali ? Elle était l’une des rares personnes à qui elle faisait confiance. Mais après les infos qu’elle avait lâchées, cette confiance allait s’effriter.
— Tu quittes Muresid, raisonna Kali. Hum. Je m’y attendais.
— Pourquoi ? demanda Ankha en se crispant.
Était-il possible que sa trahison soit déjà remontée jusqu’à la rébellion ? Est-ce que des miliciens avaient pris d’assaut les planques qu’elle avait nommées ? Elle avait essayé de limiter les infos à celles qu’elle savait très peu utilisées. Et le milicien avait semblé s’en contenter. Peut-être qu’il ne voulait pas faire trop de zèle.
— Parce que c’est le bon moment, répondit simplement Kali. Ça sert à rien de rester dans le coin. Il faut se tirer, tout le monde sait ça.
— Tu vas partir aussi ? se risqua Ankha. Et Niven ?
— Sûrement, soupira Kali.
Elles furent assez rapidement devant son immeuble.
— Je t’attends là, dit Kali.
Ankha acquiesça et poussa la porte d’entrée. Quand elle se retrouva sur son palier, elle se figea quelques secondes devant la porte. Puis, elle la déverrouilla d’une pression d’index et entra.
Elle ne perdit pas de temps et entassa vite fait des affaires dans un sac. Puis elle le balança sur l’épaule et se dirigea vers la sortie. Elle ne put cependant pas retenir un dernier regard. Cet appart, ça avait été Glev. C’était là qu’ils pouvaient enfin arrêter de se cacher, c’était là qu’ils pouvaient ne plus avoir peur.
Mais c’était fini, ça. Glev était parti et des miliciens avaient fouillé l’appart. Ce n’était plus ni sûr ni protégé. Et c’était surtout désespérément vide.
Ankha remonta le sac sur son épaule et fit un pas vers la sortie.
×
— Ça en est où niveau rébellion ? demanda Ankha à Kali comme elles se remettaient en route.
— On a connu mieux. La milice s’en prend aux planques, arrête des rebelles.
— Et la gare ?
— Pas pire que d’habitude. Par contre…
Kali semblait hésiter.
— Il faut qu’on passe au QG avant.
— Quoi ?
— Taleb veut te parler.
— Taleb ?
Ankha aurait largement préféré filer sans avoir à lui parler. Il était la première personne qu’elle avait rencontrée en rentrant dans la rébellion et tout son entraînement, c’était lui qui s’en était chargé. Puis, ils avaient été envoyés pour quelques missions ensemble. Elle ne l’avait pas vu depuis l’épisode du palais.
Depuis Zora.
— Qu’est-ce qu’il me veut ?
Kali haussa les épaules.
— On me met pas au courant de ce genre de choses.
×
Le QG faisait partie des endroits qu’Ankha n’avait pas révélés. Elle savait qu’il y avait beaucoup trop de monde ici, tout le temps.
Si les soldats y faisaient une descente, ça allait être un carnage.
Kali l’abandonna devant une porte. Ankha inspira profondément et tourna la poignée. Taleb était là.
Elle croisa les bras sur la poitrine et lui lança un regard expectatif.
— Que me vaut l’honneur ? grinça-t-elle.
— Tu ne répondais plus.
— J’avais mes raisons.
— Je n’en doute pas. Mais ce n’est pas pour ça que t’es là.
Ankha se mordit l’intérieur de la joue.
— Tu sais, on ne va pas te traîner de force ni rien dans le genre. On n’a besoin que de ceux qui croient ce pour quoi ils se battent.
Elle préféra ne rien répondre.
— C’est ton choix, après tout. Cela dit, malgré ce qu’en pense la majorité, on n’est pas les terribles manipulateurs pour lesquels on voudrait nous faire passer.
— Et la journaliste ? siffla Ankha sans pouvoir se retenir.
Elle vit Taleb soupirer.
— La journaliste, c’était une erreur.
— Ah donc, t’admets carrément que c’était la rébellion. T’essaies même pas de maquiller la chose.
— Je pense qu’à présent, il n’y a plus rien à cacher.
— Vous m’avez envoyée la protéger. Et à côté de ça, vous avez envoyé des tueurs pour la descendre. Mais t’as raison, c’est parfaitement normal.
— Bien sûr que ce n’est pas normal, Ankha. Mais tu voulais qu’on fasse quoi ? La rébellion serait déjà morte à l’heure actuelle si on n’avait rien fait.
— Putain, Taleb. On était censés faire tomber les connards de là-haut, pas devenir comme eux !
Il haussa les épaules et Ankha eut envie de lui balancer son poing dans la gueule.
— C’est de Meero que je voulais te parler.
Là, ce fut Ankha qui ressentit le coup de poing dans les dents. Ça, c’était sûrement la dernière chose à laquelle elle s’attendait et elle n’arrivait pas à calmer son cœur.
— Eh bien ?
— Tu sais bien sûr que c’était lui sur la vidéo.
Elle grimaça et ne s’abaissa pas à répondre.
— C’était vous qu’il fuyait, pas vrai ? demanda-t-elle à la place. Il avait découvert la vérité et il aurait pas fait de vieux os en sachant ça.
Taleb haussa de nouveau les épaules avec une nonchalance qui fit grincer Ankha des dents.
— Le fait est qu’il a fini par se faire attraper par les autres, dit-il. Et il ne nous a pas vraiment aidés.
— Et ? Tu veux quoi de moi ?
— Savoir ce qui lui est arrivé.
— Aucune idée.
Elle le vit pincer les lèvres et réalisa une chose. Donner les planques de la rébellion à la milice, ça avait été facile. Mais parler de Meero à la rébellion, c’était au-dessus de ses forces. C’était aussi simple que ça.
— Ankha, on sait très bien que vous étiez ensemble là-bas, à Zebulis.
— Grand bien t’en fasse.
— Du coup, j’en déduis que vous avez été pris tous les deux.
— T’avais vraiment besoin de m’avoir là pour partir dans tes petites déductions ?
— Ankha, c’est important.
— Tu vois, c’est là que tu te plantes. En quoi est-ce que ça serait important pour vous de savoir ce qui lui est arrivé ? Pour le trouver et le tuer ? Je vais t’épargner beaucoup de travail. Il est mort.
Le silence retomba sur l’espace confiné. Ankha sentait une telle rage battre dans ses tempes qu’elle voyait des taches noires danser devant ses yeux. Ils lui filaient la gerbe, tous, milice ou rébellion.
Elle se releva, elle avait besoin d’air frais. Mais elle sentit les doigts de Taleb lui saisir le poignet pour la retenir.
— Attends.
— Quoi ? T’as appris ce que tu voulais, non ?
— Ankha, tu sais qui il était, pas vrai ?
— C’est difficile de passer à côté avec cette vidéo qui tourne partout.
— Et… ?
— Et quoi ?
— Et tu continues de le protéger ?
— Le protéger ? Réveille-toi, bordel. C’est pas comme s’il restait grand-chose à protéger.
— Donc tu sais qu’il n’était pas un rebelle.
— Vu vos petits manèges, c’était tant mieux.
— Ankha, tu…
— Si t’as rien d’autre à me dire, je vais y aller. Et vous serez gentils de m’oublier.
Sans attendre qu’il la retienne, elle poussa la porte et sortit de la pièce exiguë. Elle jeta un rapide regard autour d’elle. Les rebelles filaient dans tous les sens. Ils devaient être en train de déserter les lieux, de détruire les documents compromettants. Qu’ils s’amusent.
×
Le train venait de quitter Muresid. Ankha se cala contre la vitre et perdit son regard dans le paysage qui devenait de plus en plus sauvage. Elle avait réussi, elle avait quitté Muresid. Elle avait tout quitté. Et elle était terrifiée.
Pendant un moment, elle s’était dit qu’elle allait retrouver Haisen, peut-être lui annoncer la mort de leur frère. Ça aurait été bien de le revoir après toutes ces années, rassurant. Peut-être que la rancune qu’il y avait eu entre eux, ils arriveraient à la dépasser. C’est alors qu’elle avait réalisé que ce plan n’allait jamais marcher. Il n’avait pas laissé d’adresse et elle ne pouvait pas se permettre de le chercher. Son signalement circulait. Alors, elle avait rangé cette idée au placard.
Et puis, elle avait appris que Teisi, la femme de Glev, avait été arrêtée. Elle avait vu ça sur les canaux de la rébellion. Elle avait été arrêtée et envoyée dans un camp. Ça ne disait rien sur leur fils. Ankha espérait qu’il avait pu rester avec le père de Teisi, elle ne voulait pas qu’il atterrisse dans un centre.
Elle était bel et bien seule.
Elle ne savait pas ce qu’elle allait faire, elle ne savait pas comment elle allait vivre. Elle ne savait pas si elle avait eu raison de garder le bébé. Elle savait pour sûr que ça allait être compliqué, affreusement compliqué. Mais elle ne pouvait pas s’en débarrasser, pas après ce qu’elle avait vécu ces derniers jours, pas après ce qu’elle avait compris.
Au fur et à mesure que les arbres défilaient derrière la vitre, elle sentait ses yeux lui piquer de plus en plus fort, elle sentait sa gorge se serrer. Mais elle se sentait aussi incroyablement libre, comme jamais elle ne l’avait été. Elle avait réussi à survivre et elle comptait bien continuer sur cette voie.
Comme le soleil déclinait en se couchant, elle ferma les yeux et laissa leurs rayons courir sur sa peau. Elle laissa le train l’emmener à Catinis.
Et faut penser à faire du sport, manger sainement et surtout pas de stress hein XD
Bon ankha la lionne a montré les crics. Ca fait du bien de la voir reprendre du poil de la bête !!
Plus sérieusement j'adore qu'elle soit enceinte, quand je l'ai lu j'étais en mode "hiiiiiii" je sais pas pourquoi ça me fait cet effet... IRL les enfants je peux pas les saquer x)
Ouais chui très constructive aujourd'hui, et pour achever ce commentaire en toute constructivité, je te fais un bisou.
Nah.