Angoisses
— Parfois, je m’interroge sur la vie. Sur tous ces univers qui tournent un peu partout et qui ne se doutent pas une seconde de notre existence.
— Ya quoi à s’interroger ?
— Eh bien… Plein de choses. Comment ça fait de vivre en sachant qu’on va mourir ? Qu’est-ce qu’on s’imagine sur l’après ?
— Ça doit être chiant. Fais pas cette tête, Max. Mais déjà que je trouve qu’être ici, là, c’est vraiment chiant. Alors, en bas, pouah !
— Pourtant, t’es descendue plein de fois. Tu devrais savoir. Jen, tu m’écoutes ?
— Ouais, ouais, je t’écoute. Descendre là-bas, c’est loin d’être aussi cool qu’on le dit. Surtout que quand on nous envoie en mission, c’est qu’un général, un truc a merdé et qu’il faut soit tout remettre à zéro, soit… Nah, en fait, ya que ça. Quand on descend, c’est pour leur en mettre plein la gueule. Et après ça, la réincarnation, ça devient plus vraiment leur souci.
— Mais c’est affreux.
— Mouais, chais pas.
— Tu t’es jamais posée la question.
— Nope. Provoquer l’apocalypse, c’est le seul moment de mon boulot où je m’amuse un peu.
— Et toutes ces formes de vie qui meurent ?
— Leurs âmes reviennent chez nous, non ? Et elles repartent dans le circuit. Moi, j’pense qu’il y a que du bon.
— Quand même. Ça met du temps à recréer une forme physique et tout.
— Longtemps, longtemps. C’est quand même très relatif. Les formes de vie, elles vivent peu, hein. Quelques décennies et après, pouf, plus rien.
— C’est triste.
— C’est comme ça.
— Jen ?
— Quoi ?
— Et pour nous ?
— Quoi, pour nous ?
— Comment ça marche pour nous ? On n’a pas d’âme, nous ?
— Comment tu veux que je le sache ? On est là, c’est tout.
— Mais à un moment donné, on ne l’était pas. Par exemple, je sais que certains sont plus anciens que d’autres. C’est qu’ils sont venus avant, non ?
— Sûrement.
— Et certains qui étaient là à un moment donné ne le sont plus. C’est qu’ils sont partis ailleurs, pas vrai ?
— Tu veux en venir où ? Max, ça sert à rien de s’interroger sur ça.
— Oui, mais je ne peux pas m’en empêcher. C’est quand même… je ne sais pas. Disons que ça me travaille.
— Qu’est-ce que ça change qu’on soit là ou pas ? Qu’on ait pas existé un jour ou qu’on n’existera plus un autre ?
— Ça change que j’aimerais bien savoir ce qui va m’arriver une fois que je ne serai plus là. Si je vais disparaitre. Ou s’il existe une sorte de réincarnation pour nous autres. Ça te travaille jamais, toi ?
— Jamais.
— Alors que ton travail consiste à détruire les formes de vie en bas ?
— Yep. C’est pas ça qui m’empêche de dormir la nuit.
— De… dormir ?
— Ah, nah, c’est juste une expression de chez eux. La nuit, ils dorment… Comment t’expliquer ça ? Ils ferment les yeux et ils voient des images.
— Quelles images ?
— Oh, ça peut être tout et n’importe quoi. Certains racontent même qu’ils peuvent se souvenir de leurs vies passées.
— Comment ils pourraient ? Toutes les âmes sont nettoyées.
— Si tu veux mon avis, ils se la racontent. Personne peut se rappeler de sa vie d’avant.
Merci pour ce petit moment de douceur et de triste mélancolie.
Le questionnement de Max me touche particulièrement parce que je me pose parfois cette question : qu'est-ce que je serai après la mort, est-ce que je vais tout simplement cesser d'exister, ou est-ce qu'il y a quelque chose ? Du coup l'echo est bon pour tout type de personne, ceux qui sont terre à terre n'en font peu de cas comme Jen !
Une tite coquillette :
"Surtout que quand on nous envoie en mission, c’est qu’un général, un truc a merdé et qu’il faut soit tout remettre à zéro, soit…" : EN général