« Maître ? Mais vous êtes un sans-droit ! », m'exclamais-je. Ce soudain revirement de situation me laissa avec un goût amer. Pourquoi avait-il gardé cela pour lui ?
Semblant lire dans mes pensées, son sourire s'effaça. « Je suis désolé. Je ne pouvais te le dire plus tôt et risquer que tu ne me trahisse en présence des mauvaises personnes, même involontairement. Très peu de monde sait qui je suis vraiment et il est primordial que les choses demeurent ainsi. Il en va de ma vie. Je devais donc d'abord m'assurer que tu étais capable de garder le secret ».
Je le regardai fixement, comme si je le voyais pour la première fois.
« Allons-y, Alys. J'aimerais te mener rapidement à ta chambre. Il faut que tu sois reposée pour la journée qui t'attend ». Je ne répondis rien et le suivis en silence.
Nous quittâmes la porte des ombres pour nous élancer dans un long et terne couloir. Alors que nous avions traversé la moitié de ce dernier, une clameur de joie rompit la quiétude des échos réguliers de nos pas. « Will ! s’écria une mélodieuse voix d'enfant. Vous êtes rentré !
- Bonjour Louis, je suis heureux de te revoir. Tu sembles aller beaucoup mieux.
- Oui, je suis guéri maintenant ! »
Ce ne fut que lorsqu'il s’avança de quelques pas que je pus l’apercevoir plus distinctement. Le garçon n'était pas bien grand et ne devait pas avoir plus de dix ans. L'un des contours de ses yeux présentait une marque légèrement jaunâtre. Lorsqu’il me vit lui aussi, il posa la paume de sa main sur sa bouche. « Je te présente Alys, indiqua amicalement le commandant.
- B…Bonjour », m'accueillit-il avant de détaler comme un lapin.
Je regardai Will d’un air interrogatif mais il ne m'éclaira d'aucune explication.
Sans plus attendre, nous parvînmes dans un vaste vestibule d’où débouchèrent cinq autres couloirs. Au centre, une grande dalle colorée recouvrait le sol. Son inspection me fit étrangement tourner la tête. Lorsque je relevai les yeux, Will était déjà loin, prêt à tourner à l'angle de l'un des couloirs et visiblement peu soucieux de mes distractions. J’accélérai l'allure afin de le rattraper. Il marchait d’un pas étonnement soutenu, comme si les interminables journées de voyage ne l’avaient absolument pas fatigué. « Ta chambre se trouve tout au bout », indiqua-t-il simplement.
Le nouveau couloir était bien plus long que large et à chaque dizaine de pas se dressaient deux portes, chacune faisant face à son exacte jumelle. De nombreuses torches étaient suspendues aux murs, dominés par des fenêtres d'où émanaient de beaux rayons de lune.
Lorsque nous arrivâmes à destination, Will stoppa brusquement son pas. Captivée par mes pensées, je ne parvins que de justesse à ne pas me heurter à sa large stature. Il abaissa la poignée d'une porte qui s’ouvrit sans résistance. Pour mon plus grand bonheur, je n'y décelai ni loquet ni serrure.
Une jolie chambre me fut alors dévoilée. Elle n'était pas très grande mais pourvue de tout ce qu'il fallait pour s’y sentir chez soi. Un solide lit aux pieds intacts, une charmante petite armoire en bois sombre, une bassine d’eau claire et un vase de nuit en céramique posé à même le sol. J’étais ébahie par la fraîcheur du lieu et j'avais hâte de me plonger sous les couvertures. Je m’avançai d’un pas déterminé lorsque la main de Will me barra soudainement la route. « Avant que je ne te laisse te reposer, il me faut te dire deux ou trois choses importantes. Tout d’abord, il te sera formellement interdit de sortir de ta chambre après le souper. Si on te surprend à errer seule ou avec l'un de tes camarades, il y aura des sanctions. Je te conseille de ne plus mettre le nez dehors avant demain matin lorsque l'on viendra te chercher. Ensuite, dans ton armoire, tu trouveras de quoi t’habiller. Avant de quitter ta chambre, passe toi un peu d’eau sur le corps et le visage et endosse les vêtements que l’on t’a préparés. Tes camarades te guideront dans la salle d'entraînement. Ils voudront sans doute te poser des tas de questions mais tâche de ne pas traîner ».
Avant que je ne puisse lui poser de questions supplémentaires, il me salua et fit demi-tour. Je demeurai quelques instants sur le palier à le regarder s'éloigner.
Une fois seule dans ma nouvelle chambre, je retirai la tunique pâle, dont m'avaient affublée les deux femmes antipathiques des bains, et l’abandonnai en boule au-dessus de l’armoire. Puis, je me faufilai dans mon lit et lâchai un soupir de bien-être. J'espérais qu'il fut moelleux et mon intuition ne s’était pas trompée.
Durant cette première nuit dans l’aile des ombres, je rêvai de grandes batailles à l’épée. J’étais un chevalier renommé et tout le monde tremblait devant moi. Les ménestrels chantaient mes louanges et ma beauté. J’étais la femme que tous les damoiseaux voulaient épouser et lorsque je parvins enfin à choisir le compagnon idéal, une peur intense s’empara de moi. J'ouvris les yeux et tombai hors du lit. J'avais le souffle coupé, comme si quelqu'un ou quelque chose tentait de m'ôter la respiration. Dans ma tête, il résonna alors une étrange phrase : « Les femmes ne deviennent pas chevalier ».
Finalement, comme le bruit de l'averse qui cesse tout doucement de tomber, mon asphyxie et l'étrange voix disparurent. Je me mis debout et arpentai en vain la chambre, à la recherche d'un coupable.
Dans les pièces voisines, un sacré remue-ménage s'ensuivit. Des portes s'ouvrirent et se refermèrent, des armoires claquèrent et, enfin, des saluts et des pas retentirent dans le couloir avant de ne plus être que de simples murmures à mes oreilles. Ce fut les sourcils froncés par l'incompréhension que je me préparerai moi aussi. Je frissonnai au contact glacial de l'eau claire sur ma peau et décidai de couper court à ma toilette. Rapidement, les bruits émanant des pièces voisines se firent plus rares. J’ouvris mon armoire et endossai à la hâte une grande tunique anthracite. Je nouai ensuite un ruban autour de mes hanches et enfilai des chausses légères et des bottes brunes. Lorsque je sortis enfin, le couloir était désert. Je m’élançai à la poursuite des jeunes gens que j'avais entendus à travers les murs et tombai sur six ou sept garçons, habillés des mêmes étoffes grises que moi. Je m’infiltrai parmi eux en adoptant leur allure. Si peu d'entre eux me remarquèrent au début, je sentis très vite le poids de leurs regards interrogateurs et oppressants. Un jeune homme s'approcha de moi d'un air pensif. Il était à peine plus grand que moi et devait avoir à peu près mon âge. Ses cheveux étaient bruns et je lui devinais de petites boucles récalcitrantes. « Que fait donc une jeune femme dans un endroit pareil ? Je m’appelle Rippel et toi ?
- Alys, lui répondis-je en tentant de ne pas trahir mon inquiétude.
- Tu as un très joli nom. »
Après ce court échange, absolument tous les garçons me regardèrent. Certains souhaitaient en apprendre davantage alors que d'autres me jaugeaient de la tête aux pieds. Cet excès d'attention me mis très mal à l'aise. Je devins alors hermétique à tout ce qui m'entourait et me contentai d'avancer, le regard rivé vers l'avant.
Lorsque nous arrivâmes dans le grand vestibule, nous prîmes la première à droite. Ce nouveau couloir était différent de celui qui conduisait aux chambres. Il donnait une impression plus chaleureuse et ne menait qu’à de très rares et massives portes de couleur pastelle. Plus loin, nous entrâmes enfin dans une immense pièce ovale, très peu fournie. Seules quatre chandeliers et l’une ou l’autre armoire en chêne étaient disposés près de ses murs. Will se tenait au centre, au côté d’un homme que je n'avais jamais vu. A mon apparition, le visage de ce dernier se mua en une expression d'intense étonnement. Ses yeux se posèrent avec insistance sur moi et ne me quittèrent plus. Mon groupe s'installa auprès d'une série d'autres garçons déjà agenouillés par terre. Lorsque ce fut à mon tour de prendre place, l’homme se détourna enfin et demanda, avec agacement, où se trouvait un certain Lothrin. Ce ne fut qu’après quelques minutes qu’un tout jeune enfant nous rejoignit en courant. Il s’était si mal vêtu qu'il se prit les pieds dans ses chausses et tomba sur le sol, la tête la première. Il se releva avec peine, les yeux brillants. « Tu sais ce que cela signifie, n’est-ce pas ? », lui demanda l’homme, sans aucune compassion. Le petit secoua la tête de haut en bas et vint s’asseoir sans un bruit.
« Comme vous l’avez remarqué, Will est de retour et nous amène une nouvelle recrue. Allons, lève-toi ! cracha-t-il soudain dans ma direction. Je lui obéis, avec un très mauvais pressentiment. Comment t’appelles-tu et d'où viens-tu ?
- Alys, monsieur, lui répondis-je. Je viens de Catzo.
- Approche-toi. »
Je m’avançai, sous une quinzaine de pairs d'yeux hébétés. « Montre nous ce que tu sais faire, continua-t-il sans attendre que je ne l’aie déjà rejoint.
- Je ne... » commençais-je.
Il me regarda d’un air hautain. Je le vis ouvrir la bouche mais ce fut Will qui prit la parole : « Elle ne maîtrise pas très bien ses capacités. Je pense qu’il vaudrait mieux commencer par lui apprendre à contenir son énergie avant de risquer qu’elle n'abîme nos murs. Elle a passé avec succès le test du roi Lim et j'ai eu le privilège de la voir se défendre face à un Orial adulte.
- Tu impressionnes donc ce bon vieux Will, répondit l'inconnu en se tournant vers moi. Il me tarde de te voir à l’œuvre. »
Toute supériorité quitta ses traits pour se mouvoir en un intérêt vicieux. Quelque chose en moi m'intima la plus grande prudence le concernant.
« Retourne t’asseoir », termina-t-il. Je m’exécutai avec joie. Lorsque je revins vers mes nouveaux camarades, un visage féminin attira mon attention. Ses yeux étaient doux et ses lèvres très fines. Je n’étais donc pas la seule fille.
De retour à ma place, l'homme reprit la parole : « J'ai bien envie d’entraîner les plus âgés ce matin. Je te laisse les petits.
- Merci Khalem, mais je préférerais m'assurer des progrès des plus grands, si tu n'y vois pas d'inconvénients bien sûr. J'ai hâte de voir s'ils ont pris du galon pendant mon absence ».
Son interlocuteur perdit son sourire et se redressa pour paraître plus grand. « Très bien, capitula-t-il, mais je reste dans la salle ovale. Tu devras trouver un autre endroit pour tes enfantillages.
- Nous irons dans la clairière. Je crois que le temps s'annonce clément aujourd'hui », répondit simplement Will.
Cinq garçons se levèrent et le commandant me fit signe de les accompagner. Parmi eux, je reconnus le jeune homme aux cheveux bouclés.
Lorsque nous fûmes tous les sept sortis de la salle, Will emmena notre groupe devant une toute petite porte. Il l’ouvrit avec une clef violette qui pendait librement sur le mur. Nous la traversâmes un à un et nous enfonçâmes dans un passage étroit. Contre toute attente, cet étrange couloir nous mena à l’air libre. Le temps était doux et beau pour la saison. Je reconnus le chant d'un artimus à bec jaune et me délectai du bruit des feuilles qui dansaient au rythme du vent.
Après moins d'une demie lieue de marche, alors que nous longions un petit bosquet aux tons orangers, Will nous invita à nous asseoir. Sans attendre, nous nous plaçâmes en demi-cercle autour de lui. Le commandant farfouilla ensuite dans sa besace et lança de beaux fruits mûrs à chacun. Beaucoup n’attendirent pas que tout le monde fût servi pour commencer à manger. Cela sembla l'amuser.
« Je suis heureux de vous revoir après ces quelques mois d’absence, commença-t-il. J’aimerais assister à vos progrès et offrir un aperçu inoubliable de vos pouvoirs à Alys ». Tout le monde se retourna vers moi ; mon cœur manqua un battement.
« Egon, aurais-tu l'obligeance de commencer ? » Un premier garçon se leva, bien que le terme d'homme aurait été plus approprié. Il était grand et possédait une carrure et des épaules singulièrement larges. Sa peau était sombre comme l’ébène et ses cheveux parfaitement noirs. Chaque ligne de son visage était impeccablement dessinée et je me surpris à le regarder un peu trop fixement. Constatant rapidement mon erreur, je me promis de ne plus jamais recommencer.
Will se leva, s’installa près de nous et invita Egon à prendre place au centre de l’arc de cercle. Lorsqu’il fut à l’endroit indiqué, il se tourna vers moi et ses yeux changèrent de couleur. De sombres, ils devinrent rouges grenats. Il leva ensuite les bras vers le ciel et d'éblouissantes flammes jaillirent de ses mains. L’environnement se réchauffa en une fraction de seconde. Le jeune homme était d'un calme invraisemblable compte tenu de ses étranges capacités. Soudain, il fit tourner ses flammes tout autour de notre groupe, tels des serpents affamés, et une gueule de loup en prit la tête. Elle me regarda intensément avant de s'élancer vers moi à toute vitesse. Lorsqu'elle ne se trouva plus qu’à quelques pas de moi, elle s’éteignit comme par enchantement. Les flammes disparurent et la chaleur s'envola. Un frisson me parcourut tout le corps.
Egon courba l’échine et fut applaudi. Il me regarda quelques instants de ses yeux à nouveau sombres. Puis, il retourna s'asseoir.
« Magnifique ! s’exclama Will, des étoiles plein les yeux, quelle maîtrise ». Egon acquiesça humblement sans prononcer un seul mot. « Continuons avec les incendiaires si vous le voulez bien, reprit-il sur un ton espiègle. Cloud ? » Un autre garçon se mis debout. Il était bien moins haut qu’Egon mais possédait une carrure tout à fait respectable. Ses cheveux étaient blonds et son teint plutôt pâle. Je ne lui donnais pas plus de quatorze ans.
Debout, au centre de notre demi-cercle, Cloud prit un certain temps à commencer. Il joignit finalement ses paumes l’une contre l’autre et, d’un geste sec, les dirigea dans la direction opposée à nous. De petites flammes naquirent du bout de ses doigts avant de se muer en fouets étincelants et de claquer à un rythme rapide contre le sol. L’intensité qu'il semblait devoir mettre dans ses gestes faisait trembler tout le bas de son corps. La puissance des flammes s’atténua rapidement jusqu’à l'épuisement. Il se retourna ensuite vers nous, juste à temps pour nous dévoiler ses pupilles rouges pastelles. Il se courba en deux et fut lui aussi applaudi. « Bravo Cloud, sourit Will. La présence d'Alys t'a déstabilisé, me semble-t-il. Mais tu as su contrôler tes flammes. C’est bien ».
Le jeune Cloud revint s’asseoir l'air maussade.
De mon côté, il m'était impossible de mettre des mots sur ce que je ressentais. Excitée et terrifiée à la fois, je ne devais mon calme apparent qu'au fait de ne plus être en capacité de bouger. Étais-je vraiment de la même race que ces garçons ?
Ne me laissant pas le loisir de me reprendre, Will prononça le nom de Rippel. Le jeune homme se leva d’un bond et m’offrit un splendide sourire avant de se mettre en position et de se concentrer. Ses cheveux se dressèrent légèrement au dessus de sa tête et ses yeux marron prirent une intense coloration bleue. Il nous présenta sa main droite et tendit la paume de son autre main vers le ciel. Des centaines de flocons de neige s’en élevèrent avant de se transformer en plumes d'oiseaux. Lorsqu’elles touchèrent le sol, les plumes libérèrent de magnifiques fragments de lumière. Alors que je contemplais son œuvre, le ciel s’assombrit et le vent se leva. Une pluie diluvienne se déversa sur notre troupe. Rippel claqua des doigts et elle cessa instantanément. De sa main droite toujours tendue, il généra ensuite une sorte de tourbillon qui me souleva légèrement du sol. Puis, d’un geste parfaitement maîtrisé, il abaissa la main et me fit doucement redescendre. Malgré son salut triomphant, Rippel fut le premier à ne pas être applaudi. « J’aurais peut-être dû commencer par toi », plaisanta Will de bon cœur. Egon leva les mains au ciel et je me sentis revigorée par la chaleur. « Dis-moi, commença Will en s'adressant à Rippel, les flocons sont nouveaux, n’est-ce-pas ?
- Exact, répondit fièrement ce dernier.
- Tu continues inlassablement de m’impressionner, mon garçon. »
Rippel retourna s’asseoir, l'air un peu trop altier à mon goût.
« Il ne reste plus que vous deux, reprit Will. Lequel souhaite commencer ?
- Moi », répondit l’un d’eux avec impatience.
Le jeune homme était grand et particulièrement mince. Son visage fin et creusé lui donnait un air orgueilleux. En d'autres circonstances, j'aurais pu le trouver trop fragile pour représenter une quelconque menace mais son assurance m'intima l'ordre de ne pas le sous-estimer pour autant. Je ne bougeai plus, attendant impatiemment qu’il nous montre lui aussi ce dont il était capable. Will l’invita à commencer avec plus de sérieux que lors des trois premières prestations. Les yeux du garçon étaient initialement bleus et ses cheveux châtains. Debout, raide comme une tour, il ferma ses paupières, m'empêchant de découvrir la seconde nature qu'allaient prendre ses iris. Il ralentit sa respiration et relâcha les muscles de son visage. Soudain, d'étranges murmures se manifestèrent à mes oreilles. Il s'agissait d'une successions de mots indistincts qui se mélangeaient dans une cacophonie de plus en plus désagréable. Couvrir mes oreilles n'eut aucun effet car les voix semblaient venir de l'intérieur de ma propre tête. Bientôt, les mots se changèrent en grondements, puis en cris. Je les sentis me caresser la peau et les cheveux comme s’ils prenaient forme humaine. Le temps sembla soudain s’être arrêté. Seul lui et moi continuions de bouger. Ce fut à ce moment que le garçon ouvrit les yeux, me dévoilant leur nouvelle pigmentation, jaune comme le Soleil. Il s'exprima ensuite d’une voix grave et distordue, sans avoir besoin d'ouvrir la bouche : « Je vois clair à l'intérieur de toi et je sais désormais que la mort sera ton salut ». Enfin, il répétât inlassablement mon nom, tel l'écho qui se répand entre deux montagnes. Je tombai à genoux dans l’herbe, luttant de toute mes forces contre son intrusion dans ma tête. Il m'était de plus en plus difficile de rester encrée dans la réalité. Le temps reprit soudainement sa course et une voix d'apparence plus humaine m'appela. C'était Will, mais il semblait entouré de brouillard. Il tenta de me mettre debout. Mes jambes, beaucoup trop faibles, cédèrent sous mon poids et je m'écroulai par terre.
« Alys ! Est-ce que ça va ? », s'enquit Will en m'attrapant fermement par les épaules. Il me fit m'asseoir mais n'essaya pas tout de suite de me remettre sur mes jambes.
- Certaines personnes sont plus sensibles que d’autres à mon don, répondit le garçon dont les yeux jaunes s'étaient déjà dissipés.
- Silence, Taurin ! Quand je voudrai connaître ton avis, je te le ferai savoir ! Je pense que l’on va s’arrêter ici pour ce matin. Gildric, je suis désolé, reprit-il en s'adressant au dernier jeune homme de la bande. J'observerai tes progrès une prochaine fois.
- Cela ne fait rien ».
Après s'être assuré que j'étais bel et bien revenue à moi, Will me mit debout et m'aida à rejoindre le château.
Nous eûmes besoin d'environ une heure pour atteindre l'aile des ombres. Lorsque nous fûmes à l'intérieur, toute émotion semblait m’avoir quittée. Je marchais lourdement, soutenue par le bras puissant de Will, alors que mon esprit aspirait à se réanimer.
Will prit la parole et invita tout le monde à rejoindre Khalem dans la salle d'entraînement. Lorsque les jeunes soldats nous quittèrent, le commandant se retourna d'un air soucieux vers moi.
« Je vais te conduire à ta chambre », entendis-je avant de m'emmurer à nouveau dans ma tête.