Alors qu'ils marchent côte à côte dans la lueur sombre des rues désertes, Layla ne peut s'empêcher de se rapprocher instinctivement d'Ahmad. Une vague d'appréhension la saisit. La soirée est froide, et malgré l'air vif, elle se sent étrangement en sécurité, une chaleur douce à ses côtés. Mais une peur persistante s'installe dans son esprit, se mêlant à la gratitude qu'elle ressent pour lui. Elle ne peut s'empêcher de se sentir coupable, consciente de la manière dont elle a perturbé son équilibre, en apportant un fardeau supplémentaire à un cœur déjà lourd de responsabilités. "Je... je suis désolée," dit-elle dans un souffle à peine audible, ses mots glissant comme un frisson entre ses lèvres tremblantes. "Je ne voulais pas te surcharger, tu as déjà beaucoup de choses à faire." Une larme au coin de l'œil, son cœur bat fort dans sa poitrine, et instinctivement, elle pose sa main sur son abaya, comme pour s'ancrer, calmer une émotion trop vive. La tristesse envahit son esprit à mesure qu'elle réalise combien Ahmad a déjà tant à porter sans qu'elle ne vienne en rajouter, même un peu... Ahmad tourne légèrement la tête vers elle, une lueur d'empathie dans les yeux. "Ne t'en fais pas," répondit-il d'une voix douce, pleine de compréhension. "Et puis tu as comblé de joie ma mère et ma sœur." Prenant un air rêveur, il poursuit. "Quelle journée... Et dire qu'on ne s'était jamais vraiment parlé avant aujourd'hui..." Il réfléchit un instant, comme s'il mesurait l'évolution rapide de leur lien. Puis, comme une étoile filante traversant la nuit, il laisse éclore des mots pleins de poésie, une improvisation du cœur.
"Dans le silence nocturne, la journée se clôture,
Qui pourtant, si chargé, m'a semblé moins dur.
Ce fil si discret, tissé dans la nuit claire,
Vaut plus que cent aveux criés à la lumière."
La beauté de ces vers touche Layla en plein cœur. Elle lève les yeux vers lui, son regard empli de tendresse et d'admiration. Une larme, solitaire, s'échappe de ses paupières, mais cette fois, c'est une larme de bonheur, de gratitude, et non de tristesse. Les mots d'Ahmad ont fait fondre quelque chose de glacé en elle. "Merci pour... tout," murmure-t-elle, la voix tremblante d'émotion. "Pour ta gentillesse, ta poésie... pour m'avoir permis d'entrer dans ta vie, ne serait-ce qu'un instant." Elle hésite, puis se rapproche doucement de lui, sa main effleurant la sienne, qu'elle enveloppe tendrement. "Je... je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve," dit-elle à voix basse. "Mais... j'aimerais être là pour toi... Pour ta famille. Si... si tu me le permets." Ahmad rougit légèrement, timide sous la chaleur de sa main dans la sienne. Quelque chose de nouveau émerge en lui, un sentiment qu'il ne s'est jamais permis, ni même envisagé... "Merci à toi...", répond-il, un sourire timide aux lèvres. Puis, s'ouvrant sincèrement à lui-même. "Merci de m'avoir vu, de me faire sentir exister." Il désire lui dire ces mots, mais une peur timide l'en empêche. Puis, comme s'il cherchait une échappatoire à l'intensité de l'instant. "J'aimerais aussi... te le permettre...", murmure-t-il enfin, même si, ironiquement, il sait que la réalité de sa vie rend toute relation sérieuse compliquée. Il change rapidement de sujet, comme pour détourner son esprit de la tension qui monte. "Ne tardons pas, il se fait tard." Layla hoche la tête, un sourire discret illuminant ses lèvres alors qu'elle accepte sa réponse sans insister. Elle comprend qu'il tente de protéger son cœur, de ne pas lui faire de promesses qu'il ne pourrait tenir, et cela la touche d'autant plus. Elle savoure cet instant. La douceur de sa main dans la sienne, le bonheur simple d'être à ses côtés. Alors qu'ils arrivent enfin près de sa maison, Layla ralentit, une vague de nervosité envahissant son cœur. Elle se tourne vers lui, les yeux emplis de questions silencieuses, se demandant ce qui va suivre. "Je... je suis arrivée," murmure-t-elle, la voix frêle. "Merci... merci de m'avoir raccompagnée. Je... je ne sais pas quoi dire..." Ahmad la regarde longuement, puis un sourire sincère se dessine sur ses lèvres. Cette marche nocturne lui a révélé, presque égoïstement, qu'il pouvait rêver. Il récite une dernière poésie, comme une douce conclusion à leur moment partagé.
"Sous la lueur paisible d'un soir apaisé,
Ma main dans la tienne, le silence suffisait.
Je n'attendais rien, pourtant j'ai tout trouvé,
Un instant simple, dont je n'aurai pu rêver."
Ils se regardent en silence, ne faisant plus qu'un, comme deux âmes suspendues dans l'instant. Un souffle imperceptible semble suspendre l'air autour d'eux. Le monde a ralenti, les bruits de la nuit se perdent dans la douceur de leurs gestes, et même le vent semble retenir son souffle. Le silence n'est pas seulement celui de la conversation interrompue. C'est une pause, presque irréelle, entre deux mondes, celui du quotidien qui les attend, et celui qu'ils ont partagé dans l'intimité de la rue déserte. Layla, dans l'intensité de cet instant, sent chaque battement de son cœur en elle comme un écho, une mélodie fragile qu'elle ne veut rompre. Le simple contact de ses doigts effleurant ceux d'Ahmad semble porter toute la promesse d'un autre monde, un monde qu'elle n'ose peut-être pas encore appeler sien, mais qu'elle aspire à connaître. Mais... ce beau silence, n’est que le silence avant la tempête. Un bruit, suivi d'une silhouette surgit, comme un éclat dans l'obscurité, brisant la magie fragile de l’instant. "Layla ? Où étais-tu passée ? Nous nous sommes inquiétées, ton père et moi..." La mère de Layla, stupéfaite par la présence d'Ahmad, se fige avant que sa voix n'éclate, chargée de colère. "Que signifie tout cela, Layla ? Tu rentres tard, et avec un garçon ? C'est comme ça que tu agis, loin de nos regards ? En secret ?" La voix de sa mère se brise dans une montée d'émotion, et Layla se sent soudainement envahie par une vague de honte. Se tournant vers sa mère, elle lâche à contrecoeur la main d'Ahmad, le visage pâle. Les mots se bloquent dans sa gorge tandis qu'elle tente de se défendre. "Maman, non, ce n'est pas ce que tu crois..." sanglote-t-elle, les larmes aux yeux. "Il... il ne s'est rien passé." Elle jette un coup d'œil furtif à Ahmad, voyant la gêne sur son visage. Une douleur sourde s'empare de son cœur. "Je... je suis désolée," murmure-t-elle, une larme roulant sur sa joue. Sans attendre de réponse, elle se tourne vers sa mère, baissant la tête, prête à affronter les conséquences de ses actes. Ahmad, mal à l'aise, détourne le regard avant de s'éclipser silencieusement dans la nuit, le cœur lourd de chagrin. Layla reste immobile, les yeux rivés sur Ahmad qui s'éloigne dans l'obscurité, une douleur aiguë transperçant son cœur. Elle se tourne vers sa mère, le visage noyé de larmes, attendant son jugement. La honte, le regret, la culpabilité... tout cela se mélangent en elle. "Maman...," dit-elle, la voix brisée. "Je... je suis désolée. Je ne voulais pas te décevoir. Je... je pensais juste..." Elle s'interrompt, réalisant à quel point ses excuses sonnent creux, impuissantes à effacer la douleur qu'elle vient de causer, la honte qu'elle vient d'apporter à sa famille. Un sanglot, pris au piège dans sa gorge, s'échappe. Elle baisse la tête, le cœur en lambeaux. Elle accepte la sentence silencieuse, comme on accepte l'évidence. Elle a péché, péché par espoir. Espéré un amour qui, peut-être, ne lui est pas permis...
Hâte d'en apprendre plus sur Layla et son environnement familial. J'espère que ses parents ne vont pas être trop durs avec elle.
Que j'aime tes comparaisons :) Un fil, une bulle prête à éclater, c'est tellement bien dit, et bien analysé aussi.
L'évolution de Layla est plus structurée que celle d'Ahmad, plus stéréotypée aussi peut-être, car plus dure à écrire pour moi en tant qu'homme.
Et oui, ces deux jeunes tourtereaux viennent d'une autre époque, que les moins de cent ans ne peuvent pas connaître x)
Merci infiniment pour la force que tu apportes à chacun de tes commentaires pertinents 🫶
La réponse pour l'environnement familial et les parents de Layla... la suite dans les prochains épisodes 😎 (technique marketing apprise directement de Nora ;p)
Merci encore et à très vite !
En tout cas, ton empathie pour Layla me touche :) et le temps que tu prends pour poster un commentaire également.
Je te souhaite une bonne lecture.