Touma leur envoya un sourire compatissant pendant qu’ils prenaient place sur les sièges restant. Kalan se laissa tomber sur la chaise, la fatigue avait laissé une porte ouverte à sa migraine qui revenait s’installer.
— Bien, déclara Omèle. J’ai proposé que nous nous réunissions ici afin d’entendre le compte rendu de vos aventures. Kalan, tes amies se sont déjà présentées et se sont permises de le faire pour toi. Je suis enchantée. Tu es ici en sécurité à Mérin et les Allistes, ainsi que nous nommons les membres de l’Alliance, seront ravis de vous accueillir.
La vieille Cornide se tourna vers Touma avant de poursuivre :
— Ma brave, si tu veux bien commencer, comme tu es de la maison ce sera moins intimidant pour toi.
Celle-ci opina du chef avant de raconter comment elle avait rencontré Epo, Neko et les deux frères alors qu’elle était sur la piste de cet Essentiel. Elle raconta la bataille contre la Brigade et relata la puissance de Neko et Epo. La petite Hypnotique rougit lorsqu’il fut question de ses pouvoirs. Kalan se demanda ce que cachait ses voiles. Quand le récit de Touma prit fin, Kalan, Epo et Neko se regardèrent, murés dans le silence. Le jeune Sombre sourit amèrement :
— Vous m’êtes tombées dessus, vous avez fouillé mes souvenirs, Epo cache les marques de son pouvoir sous des voiles et vous attendez que je me livre en premier ? Je ne suis pas d’humeur, franchement.
L’assemblée le regarda avec de grands yeux, choqué par son ton peu avenant. Il était fatigué d’être aimable et nauséeux. Il haussa les épaules.
— Jeune Elfe, lui dit Omèle d’une voix douce. Saches que pour une jeune Hypnotique noble, c’est une tradition de camoufler ses marques, j’imagine donc que c’est le cas de votre camarade. Epo, ici, tu n’es pas obligée de dissimuler la moindre partie de ton corps, mais tu peux te couvrir comme cela te semble confortable.
Kalan se tut, gêné d’avoir été impoli, mais pas prêt à se jeter à l’eau en premier pour autant.
— Tout le monde ici a beaucoup à nous dire, déclara Holl. Epo, Neko, je vous accorde le bénéfice du doute, mais je sais d’où vous venez et vous ne pouvez pas cacher votre puissance à une personne comme moi. Kalan, je suis également mitigé, pourquoi cette Énergie que j’appelle l’Essentiel te suit-elle ?
— Tu parles encore de sa chienne ? soupira Wakami.
— Mais non enfin ! Son chien est resté auprès de son frère.
— Son autre chien je veux dire.
— Un autre chien ?
— Tu ne le Perçois pas ? s’étonna Wakami
Holl secoua négativement la tête et le cœur de Kalan se mit à battre la chamade. Wakami se leva et s’approcha en fronçant les sourcils. Kalan, sur la défensive se dressa entre lui en Ahia qui recula de quelques pas. L’Hypnotique était vraiment très près et les regardait les yeux plissés.
— Que fait-on ? demanda Kalan intérieurement
Ahia n’eut pas le temps de répondre que de grands coups à la porte les firent sursauter. Wakami sourit, triomphant.
— Je n’y crois pas ! Ce petit espace autour de ta conscience, c’est bien un lieu où tu échanges avec ta chienne ! Mais qui est ce drôle d’animal… Sa marque au front, me dit quelque chose…
Kalan ne savait pas comment se justifier. Wakami avait frappé mentalement contre les parois fictives du lieu mental qu’Ahia avait construit pour échanger même dans sa forme de louve. Il les avait bien eu ! Kalan ne voyait aucun moyen de se dédouaner. Holl se dressa derrière Wakami, l’air convaincu.
— C’est que… À vrai dire…, tenta d’avancer Kalan, perdu.
Les visages des Elfes en face de lui se liquéfièrent tous, à l’exception de Holl.
— Laisse Kal, j’avais de toute façon l’intention de me montrer un jour et de participer aux soins de Nessan, lui dit la voix rauque d’Ahia qui n’avait pas parlé depuis des jours.
Il se retourna vers son amie. Elle se tenait debout, dans sa forme originale, mi-Sombre, mi-Hypnotique. Il la trouvait belle et fière à regarder l’assemblée qui la dévisageait, abasourdie. Elle était seule, simple et nue face à un groupement d’Elfes qui n’avaient d’yeux que pour elle.
— Je vous l’avais dit qu’il y avait quelque chose de particulier ! Que se passe-t-il ? demanda Holl.
— La chienne vient de se transformer en Elfe hybride, voilà ce qu’il s’est passé, mon cher, répondit Omèle d’une voix posée. Je suis vieille mais je n’avais jamais vu ça !
Epo bouche bée, se claqua la joue. Elle se leva et tendit sa cape à Ahia qui frissonnait.
— Tiens Ahia, mets ceci.
Elle s’enroula dans le vêtement et retourna s’assoir, remerciant la jeune Hypnotique. Epo lui sourit timidement. Elle avait apprécié la louve qui jouait aux bâtons avec elle et ne savait trop comment se comporter envers l’Elfe. Kalan tapota l’épaule de Wakami qui était resté pétrifié et l’invita à se poser autour de la table.
— Je me présente officiellement à vous, Omèle, Holl et Wakami que je ne connais pas. Je m’appelle Ahia. Je pense que vous avez beaucoup de questions, mais j’ai peu de réponses. Je vous propose d’en reparler demain, quand Kalan aura pu se reposer. Les épreuves qu’il a vécues et l’inquiétude que nous procure l’état de son frère nous ont épuisés, lui en particulier. Et je refuse de m’éloigner de Nessan ou Kalan pour l’instant, j’ai besoin de mes amis et ils ont besoin de moi.
— Les souvenirs que j’ai vu chez Kalan de la prison…, réfléchit Epo à voix haute. Ils étaient réels. Je ne comprenais rien et je pensais avoir été dupée.
— Je ne suis pas assez fort pour duper une Hypnotique, marmonna Kalan.
— Tu as vu juste Epo, j’ai aidé Kalan et Nessan à s’échapper de prison. Je suis la seule personne que je connaisse à être une Omnifaune, c’est le nom qu’on a choisi pour désigner mon appartenance à toutes les espèces animales. Je sais que je suis née comme vous me voyez, mes parents étant Sombre et Hypnotique. À part ça, je perçois les auras, ce qui n’est pas aussi fort que de Percevoir les Énergies comme c’est ton cas Holl, je me trompe ?
— C’est exact, je suis un Visionniste, je suis navré de ne pas m’être présenté correctement, admit-il.
— Tu oublies toutes tes manières quand il s’agit de l’Essentiel, lui fit remarquer Omèle.
— Je ne connais rien de ces histoires d’Essentiel non plus, poursuivit Ahia. J’ai des pouvoirs particuliers, mais c’est tout. Je ne suis forte pour aucun des trois dons des Elfes, en revanche je suis douée d’Empathie, ce que j’ai compris tardivement. Je perçois donc vos émotions de stupeur, fatigue et incompréhension très nettement. Et la gêne aussi, maintenant. Holl, je sens ton impatience. À nouveau, je te demande une journée de repos. Les nouvelles qu’on a reçues sur Nessan nous ont miné le moral, j’ai tout autant envie que Kalan d’avoir la paix.
Holl se rembrunit mais hocha la tête :
— Tu as raison jeune Omnifaune, je m’emporte quand il s’agit de toi alors que tu ne me connais pas. J’ai failli me faire contrôler par mon impatience et ton bien-être en aurait pâti, je te prie de m’excuser. Bien sûr, nous pourrons mettre nos savoirs en commun demain. Merci de nous avoir accordé ta confiance, nous n’aurions pas dû te pousser à te dévoiler.
Ahia sourit avant de poursuivre :
— Je comprends, Holl. Vous savez donc qu’on vient des prisons de Réonde. Avant ça, on a grandi dans la Ceinture. On a eu la chance de rencontrer Epo et Neko qui souhaitaient rejoindre l’Alliance. Ça me parait suffisant pour que vous vous fassiez une idée de notre parcours.
Les Allistes approuvèrent et se tournèrent ensuite vers Epo et Neko. La Sombre, fidèle à elle-même, se mura dans le silence. La jeune Hypnotique soupira et leva les bras. Elle commença à défaire ses rubans.
— Je n’ai jamais aimé les porter, mais ils me protègent du regard des autres et de leur jugement. Ahia s’étant mise à nu devant nous, révélant un secret intime, je suis prête à la suivre. J’ai fait confiance à la chienne, je le ferai pour l’Elfe.
— Je suis une louve à vrai dire, mais je te remercie. J’ai confiance en toi aussi.
Epo sourit puis s’arma de courage pour faire tomber ses voiles. Kalan se retint d’avoir l’air trop surpris. Le front d’Epoline était entièrement couvert d’un bleu clair, se mêlant à la ligne de ses sourcils. La marque se prolongeait à hauteur de ses pommettes. Seul Wakami ne put retenir un mouvement de surprise.
— Je… Je suis un monstre, expliqua la jeune Hypnotique. La marque se poursuit sous tout mon cuir chevelu. La Brigade de Linone nous a retrouvé afin de nous escorter jusqu’à Réonde. Mon histoire est longue mais je… Je m’appelle Epoline et voici ma Gardienne, Nekoline.
Wakami et Touma jurèrent, surpris. Holl fit la moue tandis qu’Omèle, malgré son sourire crispé, posa une main rassurante sur celle d’Epoline. Kalan, ne comprenant pas leur surprise, les interrogea sur l’importance de son prénom. Wakami répondit d’un ton amusé :
— Il n’y a qu’un Sombre de la Ceinture pour ne pas savoir qu’autour de Réonde et chez les nobles, personne n’a le droit d’avoir un prénom qui finit en line pour une fille. Ces marques sont réservées aux membres de la famille royale ! Je ne comprends pas comment une Gardienne a pu avoir un tel prénom… Un prénom déjà, c’est étonnant.
— Mais alors, tu es…, commença Kalan.
— Je suis la princesse Epoline, fille du Roi Panamone. Et c’est moi qui ai nommé ma Gardienne comme si elle était une sœur.
— Eh bien, si je m’attendais à ça ! s’étonna Kalan. Attends, tu as nommé ta jument Tourmaline aussi !
— C’est bien remarqué ! sourit Epoline en triturant ses rubans. Nous étions obligés de donner un nom de pierre précieuse à nos montures, alors j’ai choisi Tourmaline et mon père n’a pas pu protester. Pour Nekoline, il ignore qu’elle a un prénom.
— Navré de vous interrompre, mais le nom de ton cheval ne m’intéresse pas. Comment nous as-tu connus ? Que fais-tu ici ? Tu es venue pour ton père ? demanda Wakami.
Kalan était agacé par son ton, mais il comprit la légitimité de son inquiétude en voyant le front plissé de Touma.
— Jamais ! se défendit Epoline. Je… Quand j’ai appris l’existence de l’Alliance, mal vue par le Conseil, j’ai pensé que vous pouviez m’aider. J’ai eu la chance de repérer l’un de vos groupes, dans le faubourg des couturiers et j’ai… J’ai forcé l’esprit de l’un d’entre eux pour découvrir ou vous vous cachiez, admit-elle honteusement.
— C’était donc toi ? s’étonnèrent les Allistes autour de la table.
Kalan avait été informé par Nessan que la troupe rebelle qu’il avait vue à Réonde s’était enfuie à cause d’une intrusion hypnotique. De leur côté, les Elfes de l’Alliance avaient dû avertir leurs camarades de l’incident.
— Drôle de manière d’entrer en contact, marmonna Wakami.
— Je suis vraiment désolée d’avoir employé ces moyens, poursuivit Epoline. Je suis venue vous aider et essayer de comprendre. Je suis au centre d’un plan du Conseil que je ne saisis pas et… Mes pouvoirs me font peur.
Wakami serra les poings encore plus fort sur la table. Il se leva et en fit le tour, rejoignant Epoline. Kalan s’inquiéta de ce qu’il comptait faire, tout comme Nekoline qui se retrouva d’un bond sur ses pieds. Pourtant, Wakami ne fit que s’accroupir vers la jeune Hypnotique et la regarda dans les yeux.
— Princesse, quelle ironie que nous nous rencontrions dans ces circonstances. Tu viens de m’enlever une épine du pied, bien que j’en aie encore une grande quantité plantée. Je ne suis dorénavant plus l’Hypnotique le plus puissant du royaume. Et de loin ! Ma marque s’arrête au sommet de mon crâne. J’espère que tu es sincère et que tu trouveras des gens pour t’aider ici. Cependant, je m’inquiète. Qui nous dit que le Roi n’enverra pas un convoi te chercher chez nous ?
— Comment me retrouverait-il ? Le chemin jusqu’à Mérin est compliqué.
— Parce qu’Esli pourrait avoir un Visionniste avec eux, expliqua Holl. Toute une tourelle d’Esli nous reste inconnue et j’ai fini par penser qu’un de mes semblables pouvait y être retenu. De plus, après avoir entendu vos récits, je commence à penser qu’il pourrait s’agir du Cornide laissé derrière vous. Il est rare qu’un Elfe de cette race accompagne les Brigades. Tu n’as pas vu ses yeux Touma ?
— Non, un bandage les cachait. J’aurais dû vérifier, pesta-t-elle, mais je ne pensais pas qu’Esli enverrait un Visionniste sur le terrain pour s’en prendre à une bande de jeunes Elfes… J’ignorais que Neko et Epo n’étaient pas n’importe quelles jeunes Elfes. Pourquoi ne m’as-tu rien dit sur leur provenance, Holl ? Tu es capable de me contacter mentalement sur une longue distance !
— C’était une erreur de ma part…
— Holl, tes capacités de réflexions quand l’Essentielle est impliquée sont désastreuses, commenta Omèle. Cependant, s’il s’agissait d’une expédition pour ramener leur Princesse, peut-être la garde avait-elle prévu de se battre contre des ravisseurs et d’employer les dons de Soin d’un Cornide ?
— Esli est très confiante dans sa supériorité, mais en pensant qu’une Gardienne avait été maitrisée, la présence d’un Cornide se justifie, opina Wakami.
— Si une Gardienne avait été maitrisée, Esli aurait envoyé un bataillon pour récupérer la fille du Roi, rien que par respect auprès de sa Majesté, contredit Holl, l’air défait. Non, j’ai été stupide…
— Je ne saisis pas toutes vos réflexions, déclara Nekoline. En revanche, les gardes avaient l’air surpris de devoir se battre, mais pas de nous trouver libres comme l’air. Et Holl a raison, si j’étais tombée face à un adversaire, Esli aurait dû envoyer son armée pour avoir la moindre chance.
Kalan pensa que l’arrogance de cette Sombre n’avait d’égale que sa dextérité au combat. Les Allistes semblèrent perdu dans leur réflexion quand Touma, l’air gênée, marmonna :
— Un jeune Cornide pour une expédition qui n’était pas censée voir de blessés… Rien n’assure que c’était bien lui, mais je pense avoir laissé un ennemi de taille derrière nous, libre de nous repérer.
Holl opina et poursuivit :
— Rien ne garantit que sa capture aurait été une bonne stratégie. Cependant, à cause de mon manque de transparence, par peur de faire s’éloigner L’Essen– Ahia, je veux dire, j’ai empêché mes camarades de prendre la meilleure décision.
Il soupira profondément avant de reprendre :
— Nous n’avons jamais craint la présence d’un Visionniste car nous sommes éloignés d’Esli. Moi-même, je dois me concentrer pleinement sur la ville guerrière pour la Percevoir, malgré que j’en connaisse finement la situation et la localisation. En revanche, si ce Cornide sait où la Princesse se dirige, il pourra plus facilement nous retrouver. D’autant que ton Énergie, Epoline, se remarque même à bonne distance pour un Visionniste.
— Je… Je suis désolée, reconnut celle-ci, livide.
— Tu ne pourrais pas camoufler ta présence ? Comme tu l’as fait quand nous traversions des villages comme Ruke ? demanda sa Gardienne.
— Comment ça ? demanda Holl.
— Je… Je fais en sorte que les Elfes qui nous entourent ne veuillent pas regarder dans notre direction et ne s’intéressent pas à nous. Tout le monde détourne le regard et oublie notre présence. C’est une sorte de suggestion très forte.
— Une suggestion qui te fait passer inaperçue ? demanda Wakami. Un effet aussi puissant sans même franchir de barrières mentales ? J’ignorais que c’était possible, j’aimerais beaucoup l’apprendre.
— Je doute que tu saches te rendre discret, pouffa Touma.
Wakami lui répondit par une grimace.
— Peux-tu nous montrer ce que cela donne, Epoline ? demanda Holl.
La Princesse hocha la tête et s’exécuta. Tout le monde eut l’envie irrésistible de regarder ailleurs et la présence de la Princesse devint comme accessoire dans l’esprit de Kalan. Seul Holl continua à la regarder. Il était difficile de savoir ce que le Visionniste vivait mais celui-ci poursuivit :
— Cela n’a aucun effet sur moi. Puis-je t’aider à apporter quelques modifications qui pourraient nous sauver de tous ces ennuis ?
Il se concentra et Kalan comprit qu’il projetait son esprit à la rencontre de celui d’Epoline. Cela dura longtemps pour toutes les personnes comme lui qui ne pouvait garder leur esprit que bien à l’intérieur de leur boite crânienne. Petit à petit, il ne leur fut plus compliqué de prêter attention à la jeune Hypnotique. Puis, après ce qui parut une éternité pour Kalan, Holl et Epoline sourirent.
— Voilà, c’est fait ! déclara le Visionniste.
— Qu’as-tu fait ? demanda Wakami, perplexe, bien qu’il ait semblé concentré mentalement sur l’action de son aîné.
— Nous avons modifié sa suggestion. Un travail de coopération remarquable, les capacités de cette enfant sont magnifiques !
— Tu pourrais préciser ? s’impatienta l’Hypnotique.
— Nous avons déplacé son ordre, il ne porte plus sur vos sens communs mais sur ma Perception. J’ai donc de la peine à la Percevoir, il faudra que tu le prennes en compte, Epoline. Un travail qu’elle ne peut réaliser seule et que j’aurais été incapable de mettre en place. Nous avons en quelques sortes verrouillé ce subterfuge afin qu’il se maintienne dans le temps. Cela lui coutera un peu d’Énergie mais au vu de sa réserve, il n’y a pas de risque.
— Je te remercie infiniment Holl, s’écria Epoline. Je ne sais pas comment montrer ma gratitude. J’ai failli vous mettre en danger !
— Je crois que tu viens même de nous offrir un peu de répit. Le Visionniste d’Esli mettra bien plus de temps que prévu à repérer notre village.
— Il le cherche ?
— Je pense que oui, pour diverses raisons. Comme Ahia l’a demandé, je vous invite à aller vous reposer. Nous pourrons rediscuter de tout cela demain et échanger tous nos savoirs, qu’ils viennent d’une Omnifaune, d’un Ceinturiote, du palais ou de Mérin, proposa Holl.
— C’est la première fois que je te vois garder ton sang-froid alors qu’il s’agit de l’Essentielle, ironisa Wakami en se redressant. Mais tant mieux, j’ai bien besoin d’être seul, admit-il en se relevant.
— J’aimerais que tu sois présent demain, Wakami. Si tu pouvais également guider les personnes qui en ont besoin, ce serait aimable, proposa Holl.
— Et où va loger tout ce beau monde ?
— Le chalet des Muguets est libre, il y a quatre chambres, tu pourrais les y installer ?
— Je m’en charge, proposa Touma avant que Wakami ne râle sous la contrainte. Je serais ravie de les accompagner, assura-t-elle en envoyant un clin d’œil à l’Hypnotique.
— Merci, Touma, poursuivit Omèle. Si vous le souhaitez, nous faisons chaque matin des séances de méditation commune avant de commencer notre journée. Je vous y invite, mais si vous avez besoin de dormir, écoutez vos corps. Vous aurez le temps de vous acclimater aux habitudes du village, assura la vieille Cornide.
Kalan la remercia avant de se tourner vers Touma :
— On peut passer au sanctuaire avant ? J’aimerais voir Nessan et prendre Popi, s’il est d’accord de bouger du lit.
— Est-ce que Popi est un vrai chien au moins ? nargua Wakami.
Ahia lui répondit avec douceur :
— Je suis une vraie louve, comme une vraie Sombre ou Hypnotique, mais je comprends ta question. Popi est un chien, rien d’autre. Kalan, je pourrais dormir avec Ness cette nuit si ça te rassure.
— C’est à toi de choisir où tu veux dormir.
— J’admets que ça me rassurerait. Tu vas t’en sortir sans moi ? demanda-t-elle d’un sourire goguenard.
— Si je peux prendre Popi dans ma chambre, ça ira, il me ménage plus que toi ! répondit-il en prenant sa meilleure amie sous son épaule.
Wakami les regarda en coin et secoua la tête.
— Je n’en reviens pas d’avoir vu l’Essentielle dans tes souvenirs et de ne pas avoir pu la reconnaitre. Bref. Je me rentre, j’ai eu assez d’interactions pour aujourd’hui, lança-t-il avant de sortir de la pièce.
— Il est impossible ! soupira Touma, une fois qu’il fut loin. C’est le seul du village à avoir insisté pour se bâtir un chalet minuscule et moins confortable pour être un peu à l’écart des habitations. Pourtant il est dans toutes les histoires ! Je ne comprends pas qu’on puisse être à la fois aussi associable et se mêler de toutes les problématiques du royaume !
— Il est introverti et se montre plutôt agaçant, mais il est bon, affirma Holl. Je crois surtout qu’il en a gros sur le cœur.
Touma baissa les yeux, la mine triste.
— Quand arrêtera-t-il de porter les malheurs du monde sur ses épaules ? marmonna-t-elle. Bien ! poursuivit-elle en relevant la tête. Allons voir Nessan avant de vous montrer votre logement. Kalan, j’ai pris tes affaires avec moi, l’informa-t-elle en montrant les fontes qu’elle souleva sur ses épaules.
Arrivés au sanctuaire, Epoline et sa Gardienne restèrent à l’extérieur. Calib veillait sur Nessan qui dormait toujours profondément, Kalan ne resta donc pas longtemps. Ahia quitta sa cape pour sauter sur le lit en prenant une forme de chat. Elle avait des poils magnifiques et ébouriffés, entièrement noirs, à l’exception de sa marque argentée au front. Elle se roula en boule dans le creux du cou de Nessan. Kalan laissa son amie et son frère l’esprit tranquille, sous la surveillance de Calib et de son équipe de soin. Touma embrassa son mari choqué par l’apparence et la transformation d’Ahia. Elle lui expliqua brièvement la situation avant de quitter le sanctuaire et d’entraîner Epoline, Nekoline et Kalan jusqu’au chalet des Muguets. Au grand soulagement du jeune Sombre, il n’était pas très éloigné du sanctuaire.
— Il y a quatre logements libres, expliqua Touma. À l’étage, il y a deux grandes pièces, chacune avec deux lits séparés par une petite cloison. Au rez-de-chaussée, les deux petites chambres n’ont qu’un seul lit. Il y a une petite cuisine en commun, mais nous mangeons souvent à la bâtisse commune. Nous n’avons pas de verrous extérieurs, rien n’est jamais volé à Mérin, personne ne possède plus que son voisin. Choisissez librement l’habitation qui vous convient.
— Je veux bien une pièce qui donne sur l’extérieur pour que Popi puisse facilement sortir, demanda Kalan.
Il choisit donc une petite chambre avec une porte donnant sur l’arrière du chalet. Il sentit son cœur se serrer en pensant qu’il n’aurait pas besoin de deux lits : Nessan ne repartagerait pas sa vie avant au moins une année, si tout allait bien. Popi lui offrit un peu de réconfort en reniflant les quatre coins de la chambre et en se couchant de tout son long sur le sol. Malgré son âge, il prenait beaucoup de place en s’étirant, le chiot étant paré à devenir un molosse.
— Tu as choisi cette chambre ? Epoline et Nekoline se sont mises ensemble à l’étage, l’informa Touma en s’approchant. Elle le prit par les épaules et poursuivit : Holl t’a peut-être paru un peu excentrique et tête en l’air, mais c’est un Hypnotique hautement doué. Il n’est pas seul à posséder un grand pouvoir, même si on pourrait être amené à l’oublier en côtoyant des Wakami ou des Epoline. Il y a plusieurs Elfes doués en Hypnose au sanctuaire et tous auront à cœur de sauver Nessan.
— Je… J’espère que tu as raison Touma, merci. C’est la première fois que je dors sans Ness de toute ma vie.
— Et tu le fais dans un lieu inconnu, dans des circonstances difficiles. Tu n’es plus seul avec ces fardeaux, Kalan. Et je ne parle pas uniquement de Popi qui partage ta chambre, poursuivit-elle en souriant.
— Tu as raison, je suis soulagé de t’avoir retrouvée. Je ne saurais jamais comment te remercier pour tout ce que tu nous as apporté, admit Kalan, les larmes aux yeux.
— Ta gratitude suffit à mon bonheur, tout comme le fait de vous savoir en sécurité près de nous, affirma-t-elle.
Elle l’embrassa sur la joue et l’invita à se reposer.
— J’avais oublié ta migraine ! s’exclama-t-elle. Il faut que tu en parles à Holl demain ! Je ne peux que soulager la douleur, mais il devrait pouvoir l’annuler. Dire que je n’y ai plus pensé… Ton amie Ahia m’a bien surprise et je n’ai plus réussi à aligner de pensées cohérentes depuis.
Elle appliqua une main sur son front et la magie du Soin s’opéra. La douleur sembla couler hors de son crâne. Le délice de simplement vivre sans douleur envahit Kalan. Il remercia Touma, déjà somnolent du contrecoup de cette journée et remarqua que le soleil était pratiquement couché. Il dénicha une miche de pain dans les fontes que Touma lui avait ramenée et s’affala sur le lit.
— J’allais te proposer de venir manger à la grande salle où nous sommes plusieurs à partager le repas, mais je pense que tu ne seras plus éveillé, sourit la Cornide.
Kalan grogna pour toute réponse. Il eut à peine conscience que Touma lui caressait les cheveux avant de s’éclipser. Il ne fut réveillé qu’une fois durant la nuit par Popi qui désirait se soulager à l’extérieur. Il remarqua qu’il s’était endormi encore tout habillé et en travers de son lit. Quand le chiot rentra et s’installa dans le lit, Kalan se dévêtit et se roula dans les couvertures. Entourant Popi d’un bras, il se rendormit aussitôt.
Chapitre charnière, les masques tombent et ça fait plaisir. Dans ma lecture, j'ai été prise d'un sentiment de sécurité, et en même temps l'énergie rebelle est là aussi. On se sent face en présence de nombreuses personnes engagées, et ce qui est intéressant c'est que, même si je pense qu'elles ont un objectif commun, elles ont des problématiques et des enjeux bien différents les uns des autres. C'est ce qui rend la scène si intéressante à mes yeux.
J'ai aimé en particulier les deux moments de "mise à nu". Comme j'avais pu te le dire à la fin du T1 je crois, j'aurais aimé que Kalan découvre Ahia un peu plus tôt, seul, histoire qu'on ait plus le temps de détailler sa réaction face à elle (surtout qu'ici, c'est le dernier à la voir!). Ça pourrait faire une scène forte et intime. Ici, il y a un côté solennel et intense, et j'ai aimé que Kalan la trouve "belle et fière".
Pour le dévoilement de Epo maintenant : j'ai beaucoup aimé la réaction de Wakami. Face à elle, je l'ai trouvé humble et reconnaissant, plus enclin à montrer ses zones de fragilité ; je trouverais ça beau que ce soit la seule à avoir ce "pouvoir" sur lui.
Il.y a un moment qui a été difficile à comprendre pour moi, c'est le dialogue sur "l'autre chien" que Holl ne perçoit pas. En relisant plusieurs fois, j'ai fini par déduire que Holl perçoit Ahia mais pas en tant que chien ou loup. Il ressent juste un "truc" qu'il appelle l'Essentiel et qui suit Kalan, mais sans connaître sa forme?
"— Est-ce que Popi est un vrai chien au moins ? nargua Wakami."
-> ça m'a bien fait rire !
Sur la forme maintenant, j'ai trouvé ça fluide, les dialogues sont bien équilibrés. Tu pourrais éventuellement te permettre d'épurer quelques tirades, pour laisser un poil plus de sous-entendu (je pense par exemple à des phrases comme "Ahia s’étant mise à nu devant nous, révélant un secret intime, je suis prête à la suivre."). Tes personnages sont suffisamment bien construits pour qu'on puisse percevoir leurs intentions et leurs motivations.
"— Je suis la princesse Epoline, fille du Roi Panamone. Et c’est moi qui ai nommé ma Gardienne comme si elle était une sœur."
-> "comme une soeur" ?
A bientôt !
Et pour le chien effectivement holl ne perçoit pas ahia comme une espèce déjà connue ! Il y a confusion quand il la désigne et que Wakami remarque un chien, alors holl croit qu’il parle de popi qui se tient juste à côté ! C’est quand ahia et le chiot se sépare que la couverture tombe ; mais je vais réfléchir pour que ce soit plus évident ^^
Merci beaucoup en tout cas ! J’espère que ces rebelles te plairont ;)