Kalan fut réveillé par des bruits de poings martelés contre sa porte. Popi répondit au malotru qui osait s’approcher du territoire par de petits aboiements menaçants. Il ne dut pas effrayer la personne car la porte s’entrouvrit.
— Kalan ? demanda la voix de Wakami.
Kalan grommela avant de répondre.
— Tu peux entrer, je me lève. Gentil Popi, c’est Wakami.
L’Hypnotique pénétra dans la pièce et le jeune chien entreprit d’inspecter les odeurs accrochées au bas de ses jambes.
— Tu dors comme une pierre, ma parole ! Holl et les autres nous attendent.
— Je ne suis pas vraiment au mieux de ma forme, soupira Kalan qui peinait à se lever.
Son corps le suppliait de rester dans son lit et son moral de se rendormir afin de fuir ses peurs concernant Nessan. Popi traversa la pièce pour gratter à la porte. Wakami alla lui ouvrir avant de poursuivre :
— Je vois. Enfin je ne vais pas t’attendre des heures non plus. Debout !
— Pourquoi te montres-tu parfois si désagréable ?
Wakami haussa les épaules :
— Drôle de questions, je ne me souviens pas m’être montré agréable une seule fois !
— Si, quand tu oublies d’être une enflure hautaine, tu es plutôt prévenant.
— Tu n’es pas avare en insultes, toi ! Je te rappelle que tu m’as traité de face-de-pin en premier !
— Uniquement dans ma tête et uniquement parce que tu t’étais moqué de ma taille, se justifia Kalan qui se rappelait parfaitement leur première rencontre.
— Peut-être. De toute manière, Holl m’a demandé de t’escorter à travers notre beau village et malheureusement pour toi, j’ai accepté. Bon, tu te lèves ?
Kalan s’étira et lança son coussin au visage de Wakami avant de sortir de son lit.
— Je me fais carrément agresser, quel honneur ! réagit l’Hypnotique.
— C’est parce que tu m’agaces dès le matin. Et ne te plains pas, c’est un coussin très doux et confortable.
Le jeune Sombre entreprit de s’habiller. En enfilant ses habits, il sentit que les laver ne serait pas de trop, un bain probablement non plus. À peine eut-il enfilé son haut que Wakami lui renvoya son coussin en pleine figure. Kalan le réceptionna et déclara avec un grand sourire :
— Tu vois ? C’est la chose la plus douce que tu m’aies balancée aujourd’hui !
Kalan pouffa face à l’Hypnotique qui sourit en secouant la tête. Au moins, embêter cet Elfe l’aidait à chasser ses idées noires.
— Tu as l’air plus sympa quand tu souris, confirma Kalan.
— Cela m’arrive plus souvent que tu n’as l’air de le croire.
— Tant mieux pour toi !
— Je ne comprends pas ce que cela peut te faire, je suis une enflure hautaine de toute manière.
— C’est une bonne question. Je crois qu’au fond, on se ressemble un peu.
— Alors là, je ne vois pas en quoi, s’esclaffa l’Hypnotique.
— Si tu savais ! En tout cas, j’arrive à te faire rire, ma matinée en devient un peu moins pourrie qu’au réveil.
Il ne laissa pas l’Hypnotique lui renvoyer une pique. Il siffla Popi et sortit de la chambre.
— On passe chercher Ahia au sanctuaire ? demanda Kalan.
— Elle est déjà partie. Elle m’a demandé de te faire savoir que Nessan était tranquille et bien soigné. Si tu n’y vois pas d’inconvénients, j’aimerais mieux qu’on aille d’abord voir Holl.
— Je suis étonné qu’Ahia ne soit pas venue vers moi directement, marmonna Kalan.
— Elle n’est pas partie il y a longtemps et elle voulait se trouver des vêtements. Je l’ai croisée à la sortie du sanctuaire avec Touma. Bon alors, ça te va de passer voir ton frère après la réunion avec Holl ?
— Oui, si Ahia pense que tout va bien, c’est bon pour moi. Tu vois que tu peux être prévenant.
— Je te demande simplement quand tu veux passer voir ton frère, ça n’a rien de prévenant.
— Tu parles !
— Mais enfin, je suis juste un minimum poli ! s’écria Wakami.
Kalan lui envoya un sourire hilare. Il avait un plaisir étrange à taquiner ce fier Hypnotique, mais il choisit de ne pas en abuser.
— Plus sérieusement, merci d’avoir tout de suite réagi envers mon frère et d’avoir pris son état au sérieux.
— Je l’ai mené au sanctuaire, rien de plus. Ça me parait la moindre des choses.
— C’était important pour moi. À Réonde, on n’était pas considéré comme des individus dignes de ce nom… J’espère que tu réfléchiras à en faire plus, mais je ne te forcerai pas et le simple fait de l’avoir pris en charge m’a libéré d’un poids.
Wakami se tut, ne sachant que lui répondre. Il refuserait probablement de participer à la guérison de Nessan, pour une raison que Kalan ne comprenait pas. Il n’était pas Hypnotique et ne se permettait donc pas de le juger sur ce sujet.
Alors qu’ils traversaient les rues jusqu’à la bâtisse commune incrustée dans la falaise, les trois chiens qui les avaient accueillis à l’entrée du village trottinèrent vers eux avant d’encercler Popi pour le renifler. Le chiot se fit tout petit. Son malaise ne dura pas et bientôt il gambada derrière eux. Il s’immobilisa lorsque ceux-ci s’éloignèrent et regarda Kalan.
— Va Popi, va jouer ! l’encouragea-t-il.
Le chiot ne sembla pas comprendre mais Kalan insista en lui faisait de grands gestes en s’éloignant, insistant d’une voix encourageante. Il ne sut comment cela fonctionna, mais Popi finit par comprendre et s’en alla ventre à terre rejoindre ses nouveaux copains.
— La vie d’un chien semble bien simple, commenta Wakami en voyant la petite meute flâner dans le village.
— Pour ceux-ci, la vie a l’air belle. Mais Popi était censé passer la sienne attaché à une chaîne, battu et maltraité pour devenir agressif avec le moindre Elfe approchant l’Indigo qu’il surveillait.
— C’est terrible ! La cruauté n’a pas de limite. C’est toi et Nessan qui l’avez libéré ?
— Oui, quitte à se jeter dans ce bourbier, j’ai choisi de libérer ce chiot. Je pensais que ce serait ma seule réussite quand les gardes nous ont jetés dans nos cellules, mais finalement, Ahia est venue à notre secours.
— C’est une personne qui semble incroyable, murmura Wakami.
— Elle est géniale ! Et pas seulement parce que ses pouvoir sont étonnants ! Elle est franche, gentille, compréhensive et affirmée !
— Tu l’admires beaucoup.
— C’est normal, c’est ma meilleure amie.
— Vous avez de la chance de vous avoir. Et Nessan a de la chance aussi.
— Tu es la deuxième personne à me dire que Nessan est chanceux de m’avoir. Mais honnêtement, en ce moment j’ai de la peine à y croire.
— Je disais ça pour Ahia, pas pour toi ! s’esclaffa Wakami.
Kalan lui répondit d’une petite tape sur l’épaule, mais il finit par partager l’hilarité de l’Hypnotique. Il lui avait tendu le bâton pour se faire battre et cette boutade lui fit relativiser l’opinion défavorable qu’il avait de lui-même.
Ils finirent par rejoindre la salle de réunion où ils étaient les derniers à arriver. Les fenêtres étaient grandes ouvertes, laissant l’air matinal circuler dans la pièce. Les Elfes de la veille étaient au rendez-vous, à l’exception de Touma qui avait dû laisser Ahia après l’avoir conduite. Son amie, sous son apparence d’hybride, l’accueillit en se levant et s’écria :
— Kalan, regarde, j’ai des habits !
Celui-ci explosa de rire :
— Oui, je vois ! Déline et Géolde seraient fiers de toi.
— Qui est Déline ? s’étonna Epoline.
— Ma mère adoptive. Dans la Ceinture, on n’a aucune idée des codes de conduites des nobles de Réonde. Elle a donc un prénom qui se termine comme le tien, expliqua Ahia d’un grand sourire.
— Bien, bien, installez-vous, proposa Holl. Notre philosophe ne devrait pas tarder et il pourra vous narrer toute l’Histoire de l’Alliance. En attendant, j’espère que vous avez passé une bonne nuit et que…
Il fut interrompu par un Sombre un peu plus âgé que Kalan qui ouvrit bruyamment la porte. Les cheveux or décoiffés et des lunettes de travers, il regarda l’assemblée d’un œil fou. Kalan se demanda quelle mouche l’avait piquée quand il s’approcha de Nekoline.
— Tu es la Gardienne, est-ce exact ?
— Oui. Qu’est-ce que tu me veux ? répondit l’intéressée sur la défensive.
— Je… Je suis désolé. Quand j’ai appris que je devais vous rejoindre ici et que la Princesse et sa Gardienne étaient dans la salle, j’ai… Désolé, je recommence. Je m’appelle Ehiro et ma petite sœur avait été choisie pour intégrer Esli lors de la naissance de la fille du Roi. J’espérais que ce serait toi, mais tu ne lui ressembles en rien. Je sais comment vous êtes élevées à Esli. Est-ce que… Est-ce que tu te rappelles une jeune Oala ?
— Je suis navrée mais on n’avait pas le droit d’échanger nos prénoms et on a toute fini par l’oublier, expliqua Nekoline, gênée.
— Je… Je comprends. Mais peut-être te rappelles-tu une fille aux cheveux dorés dont les marques longeaient le nez comme ceci ? demanda-t-il en passant son doigt aux endroits indiqués.
— C’est possible… Je suis désolée, je ne m’en rappelle pas bien. Mais je crois que… elle n’était pas candidate pour le rituel final, exposa la Gardienne, au comble de la honte.
Kalan ne comprit pas son malaise, mais Ehiro s’affaissa. Il respira profondément avant de répondre :
— Je vois. J’ai fait le deuil de ma petite sœur il y a des années, mais apprendre sa mort de la bouche d’une de ses anciennes camarades, c’est un choc. Et une délivrance aussi, merci.
Un moment de silence oppressant tomba sur la salle. Nekoline serrait ses bras contre elle de manière crispée tandis qu’Epoline regardait Ehiro et sa Gardienne d’un air affolé.
— Bien ! déclara le Sombre décoiffé d’une voix pleine d’énergie. Navré pour cet interlude morbide. Gardienne, j’aimerais beaucoup que nous puissions prendre le temps d’échanger les rares souvenirs que tu gardes de ma sœur, si ton séjour à Esli ne t’est pas tabou. Ou simplement que nous discutions ensemble ! Je n’ai jamais été aussi proche d’elle qu’en te rencontrant !
— Je… Tu… Oui, bien sûr. Tu peux m’appeler Nekoline, conclut-elle timidement.
— C’est un magnifique prénom ! Bien, tout le monde, encore navré ! Pour ceux qui ne me connaisse pas, je suis Ehiro, philosophe de Mérin qui a exploré un grand nombre de bibliothèques et sauvé quantité de livres des flammes, je… Ouah, tu es sacrément spéciale toi ! continua-t-il en se tournant vers Ahia. Je n’avais jamais vu d’Elfe hybride. D’après mes livres, ce serait génétiquement impossible, mais c’est intéressant de voir que les écrits peuvent encore et toujours se tromper !
Cet Elfe allait être très difficile à suivre, surtout pour Kalan qui avait des difficultés à rester assis et concentré. Il n’avait jamais connu quelqu'un pouvant sauter d’un sujet à l’autre aussi facilement, qu’importe la sensibilité des propos. Ahia rougit et lui répondit timidement :
— Je me suis longtemps demandé si c’était possible. Je ne connais personne d’autre comme moi non plus. Dis-nous plutôt, qu’est-ce que ça veut dire être un philosophe ?
— Intéressant, mais tu as raison, voilà déjà que je m’égare ! Ceux que vous appelez érudits d’habitude sont appelés ici philosophes, car nous chérissons le savoir et que nous ne voulons pas faire penser que nous ne sommes que des hommes. Omèle et Holl m’ont demandé de vous faire un court rapport de mes recherches sur l’Histoire de Linone et de l’Alliance. Je ferais en sorte d’être bref et de ne pas vous endormir. C’est un récit des plus intéressant qui est sûrement différent de ceux que vous aurez entendus jusqu’à présent. Avec de nombreux philosophes, nous l’avons tiré de quantité de livres prohibés, de narrations divergentes et de tous les textes récupérés malgré leurs caractères illégaux. Les recherches sont loin d’être finies et je ne vous exposerai que les éléments qui ont pu être confirmés à travers des écrits divers et variés. Bien. Au plus loin que remontent les traces, Sombres, Cornides et Coloris œuvraient pour le bien des uns et des autres.
— Désolé, mais qui sont les Coloris ? interrompit aussitôt Kalan.
— C’est le nom qui était donné autrefois aux Hypnotiques, expliqua Wakami. Tu auras peut-être remarqué que nous sommes les seuls à nous nommer par le biais de notre pouvoir et non par une distinction physique. Sombre comme votre peau, Cornide pour leurs cornes et Coloris faisait évidemment référence à la variété de couleurs que prennent nos cheveux et nos marques. Quand notre espèce n’était pas encore l’enflure hautaine qu’elle est aujourd’hui, obnubilée par son don, nous nous faisions donc appeler les Coloris.
Kalan eut un sourire amusé face à l’insulte choisie. Voilà qu’il découvrait carrément que les mots appris depuis l’enfance étaient subjectifs et lourds de sens.
— C’est exact, poursuivit Ehiro. D’ailleurs, ici, nous les appelons plus volontiers Coloris. Bref, je disais donc que Sombres, Cornides et Coloris œuvraient pour le bien commun. Cornides soignaient les corps, Sombres portaient, construisaient et protégeaient, Coloris prenaient soin de l’esprit et de la cohésion du groupe. C’était une vision des rôles un peu étroite ! Il est ridicule de penser que les races d’Elfes…
— Ehiro, l’interrompit Holl, sentant le philosophe s’emballer. Il est important pour l’Alliance que les tâches ne soient pas déterminées par les races, mais ne t’égare pas.
— Tu as raison, je ne dois pas perdre mon auditoire, se reprit-il. Notre Histoire dut traverser une obscure période, car il y a en tout cas plus de 200 ans, des Elfes sont devenus dominants en possédant différentes ressources, comme des terres. Cela se fit indépendamment de la race. Des rapports de pouvoir au sein d’une même région naquirent. Une Reine Coloris fut nommée pour coordonner les différents domaines et villages afin que chacun puisse vivre en paix et que les plus pauvres soient respectés. Les Coloris semblaient en effet détenir le pouvoir le plus adapté pour veiller à la bonne entente d’une large communauté. Des générations ont vécu ainsi avant qu’il devienne évident que les dominés ne vivaient pas dans des conditions décentes et que l’injustice ne leur saute aux yeux. L’Alliance se forma à la suite de ce constat afin de relier les Elfes, de recréer une alliance entre les membres du royaume. Comme le rôle de protection incombait à l’époque aux Sombres, la majeure partie des Allistes étaient de cette race. Leurs actions, en grande majorité pacifistes, firent évoluer de nombreux villages avant de se rendre à la Capitale. L’Alliance souhaitait discuter avec les Elfes qui dirigeaient le royaume de façon ouverte et sans recours à la violence. Cependant, les Allistes furent reçus arme au poing, malgré leur effectif supérieur à celui de la garde. Personne ne comprit cet accueil insensé.
Ehiro s’arrêta, le temps de prendre une longue inspiration. Kalan comprit que la suite de son récit lui était importante.
— Ce fut la première fois que le pouvoir des Coloris fut détourné, poursuivit le philosophe. Ce qui devait être une discussion tourna en combat et les Allistes subirent la face obscure de l’Hypnose. Les gardes usèrent de leur don non plus pour guérir et apaiser les esprits mais pour dominer et manipuler. Au sein des murs du palais, une élite de Coloris qu’on nommait “Hypnotiques” s’était formée et leur pouvoir démentiel terrassa l’esprit des Allistes qui ne connaissaient rien de cette capacité infâme et ne savaient s’en défendre. La Reine de l’époque, Dame Paline, déclara l’Alliance “traitresse du royaume” et condamna à mort tous les membres qui furent capturés. Comme la majorité était des Sombres, le Conseil qui siégeait alors au Palais décida de retourner la situation et décrétèrent les Hypnotiques supérieurs aux Sombres. Ainsi, au fil des générations, les Coloris prirent le nom et les prestiges réservés aux Hypnotiques. L’utilisation perfide de leurs pouvoir se propagea également, au point que les facultés apaisantes de l’Hypnose furent pratiquement oubliées. Un certain nombre d’Allistes qui ne se trouvaient pas à la Capitale le jour de l’assaut purent s’enfuir et décidèrent de vivre en dehors du royaume, dans les montagnes. Là, le groupe survivant créa une société à l’image qui lui plut. C’est de cette manière que naquit notre village, Mérin. Dégoutés, les Elfes qui vivaient là avaient décidé de rompre les liens avec leur ancien royaume. Cependant, les membres qui rejoignaient Mérin souhaitaient changer ce royaume injuste que bon nombre d’Elfes cherchaient à fuir, sans le pouvoir. Cette question resta en suspens jusqu’à ce qu’un Visionniste, Maître Holl ici présent, ne comprenne sur quoi notre village était bâti. Nous sommes en effet voisins d’une prodigieuse source d’Indigo : un Méridien. L’Indigo est un produit recherché par les dirigeants de Linone, mais c’est avant tout la source de la vie. Il nourrit les sols, les plantes et donc tout le vivant indirectement. En apprenant le danger, l’Alliance a mis tout en œuvre pour détourner Esli de ses recherches, Holl sachant ce que nos adversaires convoitaient. Les Allistes se sont mis à espionner et saboter les plans de Linone. Et lorsque la guerre contre la Zone a éclaté, l’armée a montré jusqu’où elle était prête à aller, non pas pour une famine, mais bel et bien pour un Méridien. Un Méridien qui est aujourd’hui pratiquement épuisée en Indigo, ce qui réveille nos inquiétudes. La suite de l’Histoire, nous l’écrivons maintenant…
Cette déclaration fit frissonner Kalan, mais Ehiro ne sembla pas s’en rendre compte car il ajouta joyeusement :
— J’ai résumé de mon mieux, je suis plutôt fier de moi !
Epoline, Nekoline, Ahia et Kalan restèrent sans voix, déboussolés par cette nouvelle vision de l’Histoire. La prise de pouvoir des Hypnotiques, le destin de la Zone, celui de Mérin… Une foule d’informations se créaient un chemin au travers de leurs connaissances actuelles du monde. Kalan serra les poings. La Zone avait été déclarée ennemie du royaume sous prétexte de famine, mais sa seule faute avait été d’être bâtie sur un Méridien. Toute cette cruauté pour extraire de l’Indigo au profit des Elfes qui dominaient le royaume. Il pensa à son oncle qu’il n’avait jamais connu et qui était probablement mort de la main des gardes. Sa mère et sa grand-mère seraient dévastées d’apprendre quel sort lui avait été réservé. Une autre idée émergea tout à coup en lui :
— Mais alors… On est en danger ici ? demanda-t-il, lui qui désirait égoïstement trouver paix et repos à Mérin.
— Pas plus qu’ailleurs, pour être honnête, poursuivit Ehiro. Nous ne sommes pas la seule source d’Indigo et nous sommes loin d’Esli.
— Et le pouvoir d’Epoline lui permettant de détourner l’attention de sa présence s’est avéré un atout précieux, ajouta Holl. Sincèrement, nous ne sommes en sécurité nulle part, les dégâts infligés par l’extraction d’Indigo affecteront bientôt le royaume plus largement et des famines sont à prévoir. Je crains également que des guerres internes éclatent. De nombreux habitants de Linone vivent dans la précarité, la colère de voir leurs enfants vivre dans ce monde les gagnera tôt ou tard. Ici, nous sommes au moins entre Elfes parés à affronter cette situation grâce à l’entraide.
Personne n’ajouta rien à ce propos, réalisant le sort réservé au royaume.