Chapitre 14 : La vallée
Trahison (III)
— C’est demain ou jamais, Subor ! asséna Lajos d’un coup de poing sur la table. Le Général s’affiche publiquement contre nous, il fera rouvrir les écluses du barrage dès qu’il le pourra, ce qui mettra fin à nos espoirs.
Il s’interrompit alors qu’un serviteur apportait une bouteille de vin et trois verres avant de sortir sans un mot.
Face à Lajos, dans le petit salon des Volbar, Subor était affalé sur un immense fauteuil et le poids du monde semblait peser sur ses épaules. La disparition de ses fils l’avait comme vidé de toute volonté ; le héros de la Cité, d’ordinaire pragmatique et énergique, n’était plus que l’ombre de lui-même.
— Sont-ils seulement toujours en vie ? murmura l’administrateur Kegal entre deux gorgées d’alcool.
— L’unique moyen de s’en assurer, tu le connais, répliqua Lajos.
Chaque fois qu’il fermait les yeux, il se demandait où était passée sa fille et si elle respirait encore. Elle n’avait aucune raison de partir explorer le gouffre avec les deux gamins Kegal. Contrairement à eux, elle était intelligente. Raisonnable. Et pourtant, il ne l’avait pas vue depuis deux jours.
Les deux hommes se tournèrent vers la dernière occupante de la pièce. Assise sur une banquette en cuir près d’une fenêtre, Ateb scrutait le lointain à travers le carreau, comme si ses fils allaient apparaître subitement à l’horizon. Sentant sur elle les regards de Lajos et Subor, elle s’arracha à sa contemplation pour participer à la conversation.
— Tous les ports sont surveillés, soupira-t-elle. Sans exception. Ajoutons à ça la cinquantaine de gardes qui patrouillent en permanence devant la porte est pour contrôler les entrées et sorties… Fais-toi une raison, Lajos, nos enfants sont perdus.
Hors de lui, Lajos se leva et balança son verre à terre, qui s’éclata contre le sol de pierre dans un crissement aigu.
— Ce ne sont pas quelques soldats plantés sur les quais et à la sortie de la ville qui m’empêcheront d’aller trouver ma fille ! Je dispose deux cent vingt miliciens qui n’attendent qu’un ordre de ma part, et si je ne m’abuse vous pouvez en rassembler presque autant. Allons-y maintenant au lieu de tergiverser. Plus le temps passe et plus…
La gorge soudain nouée, il ne réussit pas à terminer sa phrase. À quoi bon ? De toute façon, il ne possédait aucune preuve que Mara se trouvait au fond du gouffre avec les fils Kegal.
Ateb lui lança un regard noir avant de vider son verre de vin d’une traite.
— Et que comptes-tu faire de tes deux cent vingt miliciens ? Provoquer une guerre civile ? Nedim fermera sans doute les yeux, mais le Général ne te laissera pas faire, et les autres administrateurs non plus, dit-elle.
— Qu’Ekvar rassemble la Garde tout entière s’il le souhaite ! Mais j’en doute. Il a d’autres chats à fouetter et les soldats ne lui sont pas tous aussi fidèles qu’il le prétend. Quant aux administrateurs, le jour où je me soucierai de leur avis sur quoi que ce soit n’est pas prêt d’arriver. Le Haut Conseil n’est qu’une vaste blague, de la poudre aux yeux pour faire croire au reste de la Cité qu’il existe un semblant d’égalité entre les quartiers. En réalité, vous savez aussi bien que moi que c’est nous qui dirigeons la ville. Donc nous descendrons à la porte est avec toutes nos forces et personne n’osera nous arrêter.
Visiblement convaincu par le discours de Lajos, Subor se leva de son fauteuil, une lueur nouvelle dans le regard. Ateb plissa les lèvres, mais finit par acquiescer à son tour.
— Retrouvons-nous demain à l’aube au niveau du pont qui relie nos quartiers, reprit Lajos. Transmettez nos intentions à votre capitaine de milice. Prévenez vos vassaux. Nous devons agir dans le plus grand secret, pour que les gardes n’aient pas l’occasion de nous voir venir et de s’organiser pour nous empêcher de passer.
Ils se séparèrent peu de temps après, une fois les détails de l’opération mis au point. Quand la porte du salon se referma derrière ses invités, Lajos s’écroula dans son fauteuil, épuisé. La colère et l’alcool avaient réussi à lui prodiguer la force de plaider sa cause auprès des Kegal, mais à présent qu’il se retrouvait seul, l’absence de sa fille pesait plus lourdement sur ses épaules. Il se servit un dernier verre de vin, se rendit dans sa chambre et s’effondra sur son immense lit sans même retirer ses vêtements.
La nuit fut agitée. Il dormit mal, se réveillant en sursaut au moindre bruit. Il se répétait que ses hommes étaient loyaux et prêts à donner leur vie pour lui, contrairement aux gardes de la Cité qui ne prendraient jamais le risque de mourir pour les beaux yeux de Nedim. Et de toute façon, le Gouverneur avait démissionné, alors pour qui les soldats se battraient-ils ? Pour Ekvar, un vieillard obstiné et névrosé ? Finalement, peu avant l’aube, ses cogitations eurent raison de son sommeil et il se leva de son lit. Il serait plus utile avec ses miliciens qu’à tourner entre ses draps.
Dans la pénombre du couloir du premier étage, la vue de sa fille qui s’avançait vers lui l’arrêta net dans son élan. Elle portait une longue robe de velours et ses cheveux étaient relevés en un chignon compliqué. Son cœur se tordit dans sa poitrine à la pensée que Mara n’avait pas suivi les fils Kegal dans leur folie et que sa disparition pouvait s’expliquer simplement grâce à un amant. Mais quand elle s’approcha et posa sur lui ses yeux bleus étonnés, il grimaça de dégoût, tourna la tête et ne répondit pas à son salut. Même habillée comme sa fille, même coiffée comme sa fille, la femme de son fils ressemblait toujours à une meunière. Qu’est-ce qu’elle avait à déambuler dans la maison au petit jour ? Il avait cru son mariage avec Dami acceptable, parce qu’elle était amie avec l’héritière des Kegal et qu’elle pouvait permettre une alliance entre leurs deux familles. Aujourd’hui, il regrettait sa décision, car il était persuadé que c’était à cause de cela que Mara était partie. Si seulement sa fille avait eu le bon sens d’épouser Bann Kegal comme il le lui avait suggéré… Toute cette histoire de gouffre serait peut-être déjà derrière eux.
Dans la pénombre du petit matin, l’administrateur se rendit jusqu’au bâtiment de la milice, situé près du Fleuve. Là, il fut accueilli par le capitaine, un homme d’âge mûr aux traits fins, flanqué d’une mince moustache grise. Il était accompagné de deux miliciens habillés en civil, qui s’empressèrent de rapporter leurs observations à Lajos.
— Il y a trois gardes et un chef de garde au niveau du port Volbar. Ils sont restés ici toute la nuit et n’ont pas encore été relevés, donc autant vous dire qu’ils dorment debout. Nous sommes descendus jusqu’à la porte est et avons croisé seulement trois patrouilles en chemin. Rien d’anormal.
— Rien d’anormal ! s’exclama Lajos. Comme s’il fallait accepter de voir des soldats plantés sur nos quais !
Devant les regards craintifs de ses interlocuteurs, il leva les yeux au ciel et leur fit signe de poursuivre.
— En arrivant à la porte est, les bateaux sont intégralement fouillés. Nous avons compté deux officiers, cinq chefs de garde et une cinquantaine de soldats.
— Une compagnie au complet, marmonna l’administrateur. C’est ce qu’Ateb disait. C’est tout ?
— C’est tout, assurèrent ses hommes.
Lorsque les miliciens Kegal traversèrent le pont qui faisait office de frontière avec le quartier Volbar, l’aube pointait à l’horizon. Depuis le deuxième étage du bâtiment de sa milice, Lajos admira la troupe disciplinée passer devant la fenêtre dans leurs beaux uniformes. Si les Kegal ne connaissaient rien à la mode, il fallait reconnaître que leurs soldats étaient convenablement habillés. Les casques argentés, soigneusement polis, reflétaient les premières lueurs du soleil et leur forme arrondie protégeait les combattants du sommet de la tête jusqu’aux épaules. Chacun portait la même armure de cuir souple et sous celle-ci une chemise dont la couleur variait selon le grade. Les officiers affichaient du orange, du rouge, du pourpre, tandis que les simples soldats revêtaient du bleu ou du vert. Près de deux cents hommes défilèrent ainsi dans les rues du quartier Volbar, sous le regard médusé des passants. Pour éviter un vent de panique, Lajos avait dû au préalable envoyer quelques-uns de ses conseillers rassurer les habitants.
Derrière les miliciens Kegal marchaient les Nott et les Quadri, qui avaient longé la muraille pour parvenir ici. Par chance, du quartier Quadri, à l’ouest, jusqu’à leur destination, le pont-muraille situé dans le quartier Cewim au nord-est de la ville, les Kegal, les Volbar et leurs vassaux formaient un chemin continu ; ils n’auraient pas à traverser d’autres quartiers et risquer de se faire arrêter. De la frontière sud, leurs voisins et vassaux Panod étaient déjà arrivés sur la place principale du quartier Volbar depuis un moment.
— Allons-y, lança Lajos au capitaine de sa milice qui se tenait à ses côtés dans l’attente d’un ordre de sa part.
Son interlocuteur hocha le menton et ils se rendirent ensemble dans la cour du bâtiment. Ils saluèrent d’un signe Subor et Ateb Kegal, avant de s’avancer à la tête de leurs hommes. Lajos grimaça quand il comprit que les administrateurs des autres quartiers n’avaient pas pris la peine de se déplacer, mais après tout la vie de leurs propres enfants ne pesait pas dans la balance. Tandis qu’ils progressaient, tenant les rênes de la main droite, le poing gauche posé sur la hanche, Lajos regardait vers l’est, vers le soleil levant, vers le pont-muraille qui leur permettrait de quitter la ville. Galvanisé par les quelque neuf cents hommes autour de lui, il se sentait invincible.
La troupe traversa le quartier Viswen dont les miliciens patientaient au niveau du pont qui constituait la frontière avec le quartier Cewim. Ils enjambèrent lentement le Fleuve, l’étroitesse du pont n’offrant pas la possibilité de marcher à plus de cinq de front. Sur la rive droite se trouvaient les miliciens Cewim et leurs voisins Baxig, deux quartiers sous la coupe des Kegal ; mais pas la moindre trace des derniers vassaux des Volbar, les Vixtog, les Hocas et les Lomin. Là, Ateb et Subor se frayèrent un passage pour rejoindre Lajos en tête du groupe. D’un commun accord, ils décidèrent continuer sans les retardataires, dont le chemin était moins dégagé et qui auraient plus de mal à se rendre jusqu’ici discrètement, et de partir rapidement vers le pont-muraille. Ils avaient plus de mille hommes à leurs côtés, ce serait bien suffisant pour effrayer quiconque souhaiterait leur opposer une résistance.
Comme prévu, une cinquantaine de gardes se trouvaient devant la porte est. Les trois administrateurs firent arrêter leurs miliciens à une centaine de pas de la muraille et attendirent, mais les gardes n’engagèrent pas la conversation et restèrent à leurs postes en les ignorant. Finalement, Ateb s’avança vers eux, immédiatement suivie par Lajos et Subor.
— Soldats, lança-t-elle à la cantonade, soyez raisonnable et vous aurez tous la vie sauve.
L’officier le plus gradé leva vers eux un visage fermé sur lequel passa furtivement un léger rictus. Il balaya leur troupe du regard et haussa les sourcils.
– Administratrice Kegal. Je suis un homme raisonnable, aussi j’espère que vous en ferez autant. Laissez-moi donc vous répéter les ordres du Haut Conseil, puisque vous semblez les avoir oubliés.
— Nous comptons visiter les champs de l’Est pour faire l’état des lieux de cultures avant les moissons, coupa Lajos. Accompagnés de notre escorte. Quel ordre du Haut Conseil enfreignons-nous ?
L’officier soupira d’un air las, comme s’il disputait un enfant désobéissant.
— Ne sont autorisés à sortir de l’enceinte de la Cité que les groupes de paysans qui réalisent les tâches agricoles essentielles, récita-t-il d’une voix monocorde. Vous n’êtes ni paysans ni là pour réaliser des tâches essentielles. Maintenant, faites demi-tour et dispersez cette troupe. Coopérez et il ne vous arrivera rien.
Il ne leur arriverait rien ? Lajos resta un instant bouche bée devant l’impertinence de l’homme qui osait leur tenir tête. À cinquante contre plus de mille, comment pouvait-il croire que leur petit nombre pouvait rivaliser avec les milices Kegal et Volbar conjointes ? Il sentit l’énervement monter en lui, pris d’une furieuse envie de faire ravaler ses paroles à cet impertinent. Puis il remarqua les sourires en coin sur les visages des gardes et sa colère se dissipa soudain, remplacée par un mauvais pressentiment. Il examina chacun des hommes qui lui faisaient face. Il n’en connaissait aucun. Pas un de ces soldats ne venait du quartier Volbar, alors que sur une cinquantaine il aurait dû y en avoir au moins un ou deux. Lajos plissa le front, soupçonnant qu’il en était de même pour le quartier Kegal. C’était comme si ces hommes avaient été spécialement choisis pour leur résister.
À ce moment-là, Ateb rapprocha sa monture de la sienne et se pencha vers lui.
— Lajos, il se passe quelque chose, murmura-t-elle. Regarde ces navires qui descendent du Fleuve !
L’administrateur tourna la tête. Une quinzaine d’embarcations s’avançaient à vive allure dans leur direction, leurs mâts ornés de voiles triangulaires rouge et blanc gonflées par la brise matinale. Presque toute la flotte des bâtisseurs. En lieu et place de leur chargement habituel de pierres et de bois, les bateaux transportaient des dizaines d’hommes. La milice Letra occupait les deux vaisseaux de tête ; derrière, celles de ses vassaux Lumis, Zoff et Pundir. Plus loin encore, les soldats des quartiers Tosnir, Oridys, Gahit ou Wrynd, dans un mélange disparate d’uniformes colorés. Comment avaient-ils pu arriver si vite ? Les gardes de la porte est n’avaient pas bougé de leur poste, et même s’ils avaient certainement eu le temps de voir venir leur groupe de mille personnes, réquisitionner autant de navires et de miliciens de quartiers différents ne se faisait pas en un claquement de doigts. Lajos, Ateb et Subor étaient-ils si prévisibles que les autres administrateurs avaient deviné leurs intentions ? Non, il refusait d’y croire. Alors comment ?
— Quinze embarcations, au moins soixante-dix soldats par bateau, ils sont aussi nombreux que nous, commenta Ateb. Il faut les refouler avant qu’ils ne sortent du port !
Ils donnèrent l’ordre à leurs hommes de se ranger le long du Fleuve afin d’empêcher leurs opposants de quitter leurs navires. Pendant un long moment, les deux camps se regardèrent, les uns sur l’eau, les autres sur la terre ferme. Puis une pluie de flèches commença à s’abattre sur les miliciens Kegal et Volbar. Sous l’assaut qui tombait du ciel, ces derniers reculèrent pour essayer de se mettre hors de portée des archers, laissant la possibilité aux embarcations d’amarrer.
Lajos n’en revenait pas : ils leur tiraient dessus sans sommation ! Alors qu’ils n’avaient encore rien effectué de répréhensible ! Rassembler une grande quantité d’hommes armés et faire le tour de leurs quartiers était certainement suspect, mais pas au point de donner la charge si rapidement ! L’administrateur jeta un coup d’œil à Subor ; la colère et l’offense se lisaient sur son visage. Ils n’avaient plus le choix à présent, puisque le camp d’en face avait lancé les hostilités, ils allaient devoir se battre.
Des deux côtés, les lances et les épées se mêlaient furieusement et des soldats tombaient quand soudain une corne sonna. Lajos leva la tête vers le sud-ouest pour découvrir avec soulagement les centaines de miliciens Lomin, Hocas et Vixtog qui les rejoignaient enfin. Son réconfort ne dura pas, car aussitôt les nouveaux venus se mirent à les repousser vers la muraille.
— Nous avons été trahis ! s’exclama Lajos à l’attention de Subor et Ateb, hors de lui.
Voilà donc comment les autres administrateurs avaient eu vent de leurs projets si facilement ! Vélina avait dû les retourner contre lui en leur faisant des promesses qu’elle n’avait pas les moyens de tenir. La rage de Lajos était telle qu’il parvenait difficilement à respirer ; sa poitrine se soulevait et s’abaissait à un rythme douloureux ; sa bouche tordue en un rictus amer éructait des insultes qui n’atteignaient pas les oreilles de leurs destinataires, bien trop loin pour entendre ses paroles.
— Traîtres ! hurla-t-il. Vous n’êtes qu’une bande d’opportunistes sans âme et vous suivez une mégère qui ne fera que vous mener à la déchéance !
Peu à peu, la milice Volbar reculait vers la muraille est. À l’ouest, les quais de la rive droite se trouvaient à présent aux mains de leurs assaillants ; par le sud, les traîtres les coinçaient et les empêchaient de s’échapper. L’ennemi était maintenant bien plus nombreux qu’eux. Pour espérer battre en retraite vers leurs quartiers, ils devaient traverser à nouveau le pont, mais une centaine des hommes qui étaient arrivés en bateau avaient accosté sur la rive gauche et en contrôlaient l’accès.
Ils étaient pris au piège.
Subor et Ateb, les armes à la main, se tenaient au milieu de leurs soldats, fiers et inconscients, comme si leur bravoure pouvait changer quelque chose à l’issue de cette bataille. Eux aussi subissaient de lourdes pertes ; leur formation ne ressemblait plus à une ligne combative, mais à un grand cercle de défense dont les administrateurs étaient le centre. Les hommes se cachaient derrière leurs boucliers plus qu’ils ne se battaient.
Des bruits de sabots se firent alors entendre. Les époux Letra, entourés d’autres dirigeants de quartier, s’avançaient à cheval parmi la foule, le poing levé pour donner l’ordre à leurs miliciens de s’écarter et stopper l’offensive. Ils arrêtèrent leurs montures à quelques pas de Lajos, Subor et Ateb ; tout autour, les combats avaient cessé et chacun retenait son souffle.
Les lèvres pincées, le visage dur, Vélina s’adressa à eux d’un ton menaçant.
— Rendez-vous immédiatement ou vos hommes seront tous tués.
Les Kegal, l’air hagard, regardèrent autour d’eux pour contempler l’amère évidence : tout était perdu. Leurs miliciens ne tenaient plus sur leurs jambes. Sans dire un mot, ils firent tomber leurs armes au sol. Aussitôt après, tous leurs soldats les imitèrent.
— Cela vaut aussi pour toi, Lajos, siffla Vélina en direction de l’administrateur Volbar. Je crois que vous avez assez de morts sur la conscience pour aujourd’hui.
Lajos aurait voulu répliquer que pour éviter ce massacre, il aurait suffi de les laisser passer ; que c’était de leur faute à eux, qui les avaient empêchés de quitter la ville, si tant d’hommes avaient été blessés. Mais il ne trouva même pas la force de lui rétorquer un mot. Impuissant, défait et sans recours, il lâcha à son tour son épée qui alla s’écraser lourdement sur le sol.