Pour Edmond, la cohabitation avec Lucie se passait plutôt bien. Chacun était à sa place malgré l’étroitesse de la chambre ; leur collocation s’apparentait à une sorte de symbiose. Elle, elle retrouvait un peu de vie sociale, et reprenait des forces physiques et surtout mentales. Lui avait de la compagnie, et pensait de moins en moins à Anastasia.
La journée de cours avait été longue et fastidieuse ; deux interros et un premier gros partiel de génétique prévu pour la semaine d’après. Brinquebalant, Edmond rentrait chez lui, passa par habitude à côté du bâtiment rose de Lebisey, fit le tour du local à poubelle en total automatisme ; il salua les quelques élèves et voisins qui fumaient une cigarette en bas du bâtiment et qu’il connaissait. Il pénétra à l’interieur et ouvrit sa boite aux lettres. Un tas de publicités la remplissait ; supermarché, bricolage, tract religieuse ; rien de très intéressant. Il les prit une par une, les balançant au fur et à mesure dans la poubelle à côté. Quand il eut fini de « trier » ce courrier, il découvrit, tout en dessous de ce tas, une enveloppe, un peu jaunie, très moyenâgeuse. Cela l’intrigua. Il la regarda sous toutes les coutures à la lumière ambrée des vieux néons.
Le papier était épais, presque de luxe, et sentait la vieille armoire. Il n’y avait pas d’adresse dessus, pas d’expéditeur ; quelqu’un l’avait déposé de ses propres mains. L’enveloppe était scellée avec de la cire noire appuyée d’un sigle : U.E.S.H. Edmond décacheta, et sortit la lettre, qui était de même consistance. Il la déplia ; il n’y avait qu’une seule petite phrase au recto, de deux mots, pas moins, pas plus. Mais quand Edmond les lu, il devint livide, et son cœur s’arrêta.
Lucie, dans la chambre, regardait tranquillement la télévision, assise en tailleur sur le lit. Elle coiffait machinalement ses cheveux pour tenter de leur redonner un peu d’éclat, en attendant son retour. Secs et cassants, ils tombaient par poignées. Elle attrapa les cheveux morts sur le lit, et se dirigea vers la poubelle. C’est alors qu’elle entendit la poignée de porte s’enclencher, et la porte s’ouvrit.
Edmond apparu au perron de la porte, blanc comme un linge, la lettre à la main.
— Qu’est ce qu’il y a ? s’inquiéta Lucie de le voir si blafard.
Il lui montra le recto de la lettre d’une main tremblante. Il était juste écrit, en calligraphie et en gros : Nous savons, avec une main noire en symbole.
Lucie devint blanche elle aussi. Edmond avait été vu, et il allait avoir des ennuis. Ils avaient découvert son pouvoir ? Si c’était le cas !
Mais peut être pas ?
Elle réfléchissait rapidement à toutes les possibilités. Edmond était de plus en plus blême.
Lucie reprit plus rapidement son sang-froid que lui :
— Ils savent quoi ? lui demanda-t-elle.
Edmond sortit soudainement de sa torpeur, happé dans la réalité.
— Je ne sais pas, répondit-il, tremblant.
Il remarqua alors qu’il y avait un plus grand texte au verso de la lettre.
— Il y a… il y a quelque chose d’écrit.
Il s’assit à côté d’elle sur le lit, et commença à lire en stabilisant difficilement sa main.
Nous vous avons vu utiliser votre pouvoir pour sauver cette fille jeudi dernier. Rendez vous le 30 septembre à 20h, au port, dans la rue derrière le bar « Chez Perroni ».
Il n’y avait pas de signature, pas le moindre signe distinctif mis à part le cachet. Rien. Il baissa les bras, les posant sur ses cuisses, abasourdi, déboussolé.
— Qu’est ce que je dois faire ? demanda-t-il à Lucie.
— Je… Je ne sais pas Edmond, balbutia Lucie. Ils risquent de te contacter d’une façon où d’une autre. Enfin, je veux dire, ils savent où tu habites. Ils savent, (elle déglutit pour faire passer les mots suivants), ils savent que je suis là.
Edmond réfléchit quelques secondes, il se leva d’un bond, et fit les cents pas dans sa chambre, le regard vide. Il s’arrêtait, faisait des gestes avec ses bras, mettait son doigt sur sa bouche pour réfléchir.
Ils savent où j’habite, je dois surement être surveillé…
Il se maudit d’avoir utilisé son pouvoir, puis reposa les yeux sur Lucie.
Non, tu as fait ce que tu avais à faire.
Lucie s’inquiéta pour lui, la folie s’emblant s’emparer de sa tête. Il s’arrêta d’un coup, regarda sa montre, et prit une décision qui ne lui plaisait guère :
— Il est 18h, c’est dans 2h, dit-il. Je vais y aller.
Le visage de Lucie se décomposa. Elle ne voulait pas. Il continua sans s’en apercevoir :
— Tu as raison, s’ils savent où j’habite, ils me trouveront tôt où tard. Et toi aussi. Je suis dans l’impasse. Je vais voir en bas si je trouve un tuyau de métal, et je vais aller au rendez-vous.
Lucie n’eut pas le temps de protester qu’il avait déjà tourné les talons, et fermé la porte derrière lui.
Edmond descendit, fouilla dans les déchets des travaux de rénovations des bâtiments ; il eut du mal à trouver son bonheur, mais en fouillant, au bout de vingt minutes, il trouva un tuyau assez petit pour être caché dans sa manche. Les gens passaient à côté de lui, hilares ou interrogateurs.
Il remonta dans la chambre, et laissa son téléphone à Lucie, à qui il demanda de rester enfermée. Elle n’eut toujours pas le temps de protester ni de donner son avis. En lui tendant le téléphone, il lui dit :
— Si jamais je ne reviens pas avant minuit, appelle la police.
Et il partit tout aussi vite. Lucie était morte d’inquiétude par rapport à cette décision. Des larmes commençaient à monter, mais elle ne voyait guère d’autres solutions. Elle recroquevilla ses jambes contre son buste. Elle aurait aimé tout de même qu’ils en discutent. Le téléphone serré dans sa main gauche, elle regarda déjà l’heure.
Edmond prit sa voiture pour se rapprocher du lieu de rendez-vous. Se garant sur le port, il finit le trajet à pied, au son des battements de son coeur. Il faisait sombre ce soir là, la Lune était cachée derrière des nuages épais. Au fur et à mesure qu’il se rapprochait du lieu de rendez-vous, sa gorge s’asséchait tandis que ses mains s’humidifiaient. Les rues étaient désertes, et le sol sentait le bitume mouillé.
Arrivant proche du lieu, il contourna le bar, et se retrouva dans la rue du rendez vous. Il sortit son tuyau de fer qu’il avait caché dans sa manche, le tint fermement dans la main, et avança à pas feutrés dans la rue. Après quelques derniers mètres effectués dans le silence, il y était. Mais il n’y avait personne. Il fit un tour sur lui-même, vérifiant l’heure. Des poubelles s’entassaient dans l’arrière cour du bar. Une vieille Renault 19 usée jusqu’à l’os, rouillée et cabossée, était, semble-t-il, garée ici depuis plusieurs mois. Toujours personne. Il entendit un bruit soudain ; il se retourna, son cœur fit un bond. Un chat ! Un chat qui venait de sauter sur la poubelle. Edmond posa sa main gauche sur sa poitrine, des sueurs froides perlant dans son dos. Puis soudain, quelque chose heurta violemment son tuyau par derrière, ce qui le fit le lâcher dans un bruit de ferraille. Il se retourna de nouveau, et fut au même instant d’un coup de pied propulsé à terre, sur le dos, sonné. La personne se plaça au dessus de lui alors qu’il essayait de comprendre ce qui venait de lui arriver, l’immobilisant de son poids. L’inconnu plaça en douceur un couteau blanc sous la gorge, dont le tranchant aiguisé à l’extrême lui piqua la peau. En pleine transe, Edmond tenta d’ouvrir les yeux afin de visualiser l’agresseur qui le maintenait à terre, avec une force hors du commun.
C’était une femme, aux cheveux bruns, portant un masque noir et blanc qui lui recouvrait les yeux. Elle avait une mèche de cheveux courbe qui revenait sur son masque et cachait en partie son œil droit. Elle esquissa un demi-sourire.
— Bonjour dit-elle. Sa voix était douce et suave.
— Qu’est ce… Qu’est ce que vous me voulez ? paniqua-t-il.
Allait-il mourir ? Il avait tant de choses à faire ! Et ses parents ! Et Charlotte ! Et Lucie ! Il espérait qu’elle prévienne la police.
La fille appuya la lame sur sa gorge, et il en ressentit la netteté. Au moindre mouvement brusque de l’un où l’autre, son cou pouvait finir en deux.
— Chut, murmura la femme, c’est moi qui pose les questions. Sa voix était toujours douce, mais autoritaire. Où étais-tu jeudi soir dernier ?
La lame et la pression du corps qu’exerçait la femme l’empêchait de respirer. Il lança dans un maigre souffle :
— Chez moi… mentit-il, en regrettant tout de suite d’avoir dit cela.
Elle était accroupie sur lui, son visage se rapprochant du sien ; avec ses cuisses puissantes, elle s’agrippa au dessus de ses hanches, diminuant encore plus la respiration d’Edmond, augmentant drastiquement son malaise. Elle était pratiquement collée à lui, et il ressentait chacune de ses aspérités, son souffle chaud sur son visage.
— Ne me mens pas, j’étais là, j’observais, j’ai tout vu. Et je déteste les menteurs. Alors, où étais-tu ?
Des picotements roulaient le long de sa colonne vertébrale. La panique suintait en lui, et pour tenter d’enlever son mal être, il craqua :
— J’ai secouru une fille qui allait se faire molester par trois types !
C’était en partie la vérité. Mais la femme cherchait autre chose.
— Bien mieux comme réponse, répondit-elle. Mais ce n’est pas vraiment cela qui m’intéresse. Comment as-tu réussi à les mettre K.O. ?
— Je suis champion de… Il regretta de nouveau très rapidement son mensonge.
La fille s’appuya de tout son poids sur lui, son entrecuisse agissant comme une pince au niveau de la ceinture, sa main gauche vint derrière la tête d’Edmond, qu’elle rapprocha d’elle ; ses lèvres étaient à seulement quelques centimètres de lui, et son couteau s’enfonçait doucement dans sa peau.
— La vérité, demanda-t-elle. Toute la vérité.
Pour pouvoir quitter son emprise, il déballa alors tout :
— J’ai… Je les ai battus grâce à un tuyau en métal !
Il marqua une courte pause, et continua dans une voix plus calme, plus explicative, mais sanglotante :
— Depuis quelques temps, j’arrive à sortir des ondes dès que je touche un tuyau en métal, je ne sais pas ce qui m’arrive ! Je ne sais pas.
— Fascinant… dit-elle de sa voix feutrée et condescendante. Et la fille, qu’est ce qu’elle est devenue ?
— Elle, elle est chez moi, répondit-il, à l’abri!
— Tu la protèges. C’est très bien.
Voyant que la femme ne le laissait pas partir, il demanda, les larmes lui coulant le long des joues.
— Vous, vous allez me tuer ? La gorge nouée, sa tête tournait ; il était prêt à mourir. La femme rigola :
— Aujourd’hui ? Non.
Elle retira son couteau qu’elle rangea dans son fourreau au niveau de sa ceinture, se leva avec souplesse en passant une jambe au dessus de la tête du pauvre Edmond. Se retrouvant debout dos à lui, elle se retourna avec grâce, le regarda et lui sourit.
— Non, par contre je peux t’offrir une bière, dit-elle avec une voix bien plus amicale.
Il fut pris de cours. Il ne comprenait pas.
— Qu..qu… Quoi ? dit-il abasourdi.
Elle retira son masque. Il l’avait déjà vu quelque part. Brune, les yeux marron, elle semblait n’avoir pas plus de 19 ans. Athlétique et plutôt jolie. Oui, c’était… C’était… La fille du bar, en couple avec la jolie rousse, la professeure de Serge.
— Mais… Mais tu es…
— Oui, on s’est déjà croisé dit-elle. Je me suis dis la même chose quand j’ai enfin vu ta tête ce soir. Elle regarda aux alentours, puis le fixa de nouveau.
— Bon, on ne va pas rester la nuit dans cette rue, il fait froid et ça ne sent pas très bon. Tu viens ?
Elle s’approcha de lui et lui tendit la main. Il était toujours perturbé, mais un énorme soulagement se dispensait dans ses veines, lui permettant de reprendre une respiration de plus en plus normale. La sensation de la lame sur son cou était toujours présente, et il passa machinalement sa main. La peau était tout de même irritée, mais sa mort probable venait de s’envoler. Les émotions se chamboulaient dans sa tête. La jeune femme avait piqué sa curiosité. Avait-elle des réponses ? Enlevant ses dernières hésitations, il tendit sa main et elle le releva avec aisance.
Dans un silence interrogatif, Edmond suivait le déhanchement de la jeune femme. Il ne fallut que quelques pas pour atteindre le bar au bout de la rue ; un bar miteux, crasseux, qui s’appelait « Chez Peronni ». La jeune femme tourna le regard vers lui pour s’assurer qu’il la suivait, puis ouvrit avec vigueur la vieille porte en bois, dans le son des clochettes. A peine fut-elle entrée dans le bar complètement vide qu’elle alpagua le barman d’une main :
— Jean-Yves, une embuscade s’il te plait et… Tu prends quoi toi ? demanda-t-elle.
— Une… une blanche, dit-il timidement.
— Et une blanche pour le jeune homme.
Le barman fit oui de la tête, occupée à nettoyer des verres. C’était un homme âgé, aux cheveux blanc mi- long et gras, à la dégaine crasseuse. Il portait une chemise à carreaux rouge et une veste en jean par-dessus. Rose se dirigea vers la table la plus proche dont le bois était couvert de rayures et de trous, et s’assit avec légèreté sur une des banquettes recouverte d’un cuir craquelé. Edmond s’adossa avec lenteur en face de Rose, occupée à deviner un semblant de vie derrière les carreaux sales et rayés au travers desquels on ne voyait pas grand-chose. A la lumière jaune des lustres, il observa plus longuement le visage de son assaillante. Ses yeux noisette étaient en amande, surplombés par des sourcils épais, et un nez droit et fin. Quelques rares taches de rousseurs perlaient sur son visage. Posant son masque sur la table, elle tapotait de sa main gauche le bois scarifié. Attendant qu’Edmond se cale bien dans son siège, elle entama la conversation avec un sympathie.
— Je m’appelle Rose dit-elle, et toi ?
— Ed… Edmond, balbutia-t-il. Il était toujours blême.
— Edmond ? Vraiment ?
— Oui, soupira-t-il après cette énième remarque sur son prénom ; c’était le prénom de mon grand père. Ma petite sœur à le prénom de ma grand-mère, mais elle a eu plus de chance : Charlotte.
Rose eut un sourire sincère en entendant ce prénom. Edmond continua :
— Tu peux m’appeler Eddy si tu préfères.
— On va faire comme ça répondit-elle, toujours sourire. Je vais t’expliquer ce qui t’arrive, te poser quelques questions, et après tu pourras m’en poser autant que tu veux. Ça te va ?
— Oui dit-il. Se relaxant un peu, son corps s’enfonça un peu plus dans la banquette. Les picotements semblaient glisser de sa trachée.
Rose s’affala sur la banquette sans grande classe, pliant les jambes contre elle. Elle lui déclara tout naturellement :
— Tu as reçu un don Eddy.
— Un don ?
— Ton pouvoir. Peux-tu me décrire comment cela s’est passé ?
Edmond regarda Rose avec toujours une pointe de méfiance. Mais il se lança :
— J’ai… Un soir que je me promenais dit-il, j’ai vu une étoile filante tomber près de moi… Et quand je l’ai touché, j’ai eu un trou noir et le lendemain, j’étais capable de faire ça : je prends un tuyau de fer dans mes mains, je sens comme une chaleur, et quand je relâche la pression, une onde en sort.
Rose prenait mentalement des notes, écoutant attentivement, et n’avait pas l’air étonnée du moins du monde. Au contraire, elle semblait déjà connaître l’histoire.
— Tu ressens une fatigue ? Des picotements ? Des crampes ?
— Oui… oui ! dit-il, comme soulagé. A chaque fois que je l’utilise.
Rose fit un mouvement de tête.
— Au cas où tu te poses la question, c’est normal. Tu n’as rien à craindre.
A ses paroles, le visage d’Edmond reprit quelques couleurs le rendant un peu plus vivant. Rose continua :
— La météorite, elle était de quelle couleur ?
— Jaune, avec des flammes bleues, quand elle est tombée, puis en refroidissant, elle était devenue grise, et avait quelques reflets chromés.
— Tu l’as récupéré ? demanda-t-elle.
— Ma sœur oui.
— Bien.
Il se rendit soudain compte du danger que pouvait être ce météore.
— Elle… elle ne craint rien ?
Rose fit non de la tête.
— Rien du tout. Les météores n’agissent qu’une fois. Il t’a modifié toi, il est désactivé.
Modifié.
Ce mot fit frissonner Edmond.
— Mo… modifié ? Qu’est ce qu’il m’arrive à la fin ? Pourquoi je suis capable de faire ça ?
Rose le fixa d’un regard rassurant. Pédagogue, sa voix se fit maternelle :
— Le météore a modifié ton code génétique. Il t’a octroyé ce don. Tu as développé de nouvelles capacités suprahumaines.
Edmond déglutit.
— Su… suprahumaines ? Mais…
Ils furent interrompus par Jean-Yves qui apporta les boissons, et Edmond se tut, de peur de se faire entendre. Rose rigola.
— Tu n’as rien à craindre de lui ! Si je t’ai emmené là, c’est qu’il a connaissance de l’existence de gens comme nous.
Il se figea, fixant d’un regard éberlué son interlocutrice :
— Des gens comme nous… Son regard s’illumina. Je ne suis donc pas tout seul ?
— Non, bien sur que non ! On est plusieurs à avoir un don.
Elle dit cela le plus naturellement possible, comme si c’était la norme.
— Tu veux dire que des héros comme BlackFire et le Mirmillion existent ?
Rose étouffa un rire en entendant cela, s’étouffant légèrement avec sa boisson qu’elle venait d’entamer. Elle se contenta de répondre :
— Oui, cela existe.
— Mais, mais, j’en ai jamais entendu parler !
Rose haussa les épaules, pas étonnée le moins du monde.
— On est tout de même peu par rapport au reste de la population. Et dans les bandes dessinées, les héros sont visibles parce qu’ils ont des pouvoirs phénoménaux et combattent des méchants hors normes. Pour nous, cela reste bien plus nuancé. Oh bien sûr, parfois, cela dépasse tout de même l’entendement. Il y a eu quelques super-héros connus, mais ils sont tous tombés dans l’oubli où la légende urbaine.
Edmond avait du mal à y croire, mais cela élucidait certainement des évènements inexplicables. Il était avide de savoir.
— Mais ce n’est pas un peu dangereux, si beaucoup de personne peuvent avoir des pouvoirs ?
Les lèvres trempées dans son verre, Rose avala quelques gorgées, et lança un grand soupir de satisfaction avant de répondre.
— Non, fort heureusement dit-elle, la dernière vraie pluie de météores date de 1938, et une petite est survenue il y a dix ans, avec seulement une personne touchée par un don ; peu arrivent jusqu’à la terre, et peu sont trouvés. Cependant, il semblerait que quelques-uns soit tombés récemment, et tu te trouvais au bon endroit au bon moment.
Il y eut un nouveau silence, le temps qu’Edmond digère ces nouvelles informations et prenne une lampée du liquide houblé. Sa curiosité débordait :
— Est-ce qu’il y a plusieurs types de pouvoir ?
— Il y a plutôt différents types de météores, dit-elle, remettant des mèches de cheveux derrières ses oreilles, qui te donnent un pouvoir qui sera différent suivant ton sexe et ta condition physique. En général, chez les hommes ils sont défensifs, et chez les femmes, offensifs. Mais cela ne concerne pas que les pouvoirs donnés par les météores.
— Parce que… parce qu’il y a d’autres façons d’avoir des pouvoirs ?
— Oui bien sûr, dit-elle calmement. Tu as déjà entendu parler de pyromancie, ou pyrokinésie ?
— Des pyromanciers ? s’exclama-t-il. Comme… comme BlackFire ? Vraiment ? Mais c’est trop cool ! Ils peuvent produire du feu à volonté ?
— C’est un peu plus compliqué que ça, et que ce qu’il y a dans le film, mais oui, répondit-elle, en gros, oui. Un pouvoir qui demande beaucoup de maîtrise. Eux font partis d’une population ; une mutation génétique qui se transmet, mais qui ne s’applique que chez les femmes. Malheureusement, ce peuple est voué à disparaître prochainement.
— Tu… tu en connais ?
Les yeux de Rose brillèrent comme une flamme.
— Oui, j’en ai côtoyé plus d’une. Leur disparition est une abomination.
Rose soupira profondément.
— Tout ça pour te dire que ça peut dépasser ton imagination. Pour en revenir à toi, je pense que tu as touché un météore que l’on qualifie « d’électrique », bien que notre classement demande une mise au point. Et comme tu es le premier garçon à en toucher un, nous ne connaissons pas vraiment l’étendue de tes pouvoirs.
Electrique.
Cela sonnait bien. Thor, Zeus, Indra, des légendes appréciables. Des dieux… ou des humains ?
Il y eut encore une nouvelle pause, où Edmond but une grande gorgée de bière, réfléchissant à ces déclarations, le regard vide, fixé sur la table. Sa fascination bousculait des tas de questions dans sa tête.
— Et toi alors, demanda-t-il, qu’est ce que tu peux faire ?
Elle ne dit pas un mot, et pour toute réponse, ressortit son couteau, qu’elle plaça au creux de sa main, se fit une profonde entaille qui obligea Edmond à détourner le regard pour ne pas avoir de haut le cœur, puis elle retourna sa main pour que le sang coule sur la table, mais rien ne coula.
Elle ne saigne pas !
A l’ouverture de la paume de sa main, pas la moindre égratignure n’était visible. Il ouvrit de grands yeux :
— Tu… Tu régénères ? s’exclama-t-il.
— Oui dit-elle calmement. Je suis un peu comme un Highlander, où plutôt, ils sont comme moi. Je ne vieillis pas, je suis immunisée aux maladies, aux poisons, il me faut d’énorme quantité d’alcool et de drogue pour me faire un quelconque effet. Et je n’ai aucun cycle. Je suis comme figée dans le temps.
— Cycle ? demanda-t-il intrigué.
— Menstruel, dit-elle le plus naturellement du monde.
Il s’empourpra.
— Ah, figée dans le temps… Cela veut dire aussi que le seul truc qui pourrait te tuer, ce serait que l’on te coupe la tête ?
Elle rigola.
— Je ne peux pas te dire, je n’ai jamais testé. Mais je pense que oui, dans ce cas, je mourrais.
Il finit sa bière, toujours en ayant le regard dans le vide. Son cerveau était en pleine ébullition.
C’est incroyable… Je dois rêver.
— Au fait, demanda Rose, la fille ?
— Lucie ? Elle est bien chez moi, je ne t’ai pas menti, répondit-il.
Rose en était satisfaite.
— Pourquoi l’as tu aidé ? Tu la connaissais ?
— Non… Non, au début je ne faisais que suivre ces trois gars. L’un d’entre eux a… abusé, peut-être, en tout cas à certainement fait souffrir une personne qui m’est chère.
— D’accord, répondit Rose en tapotant la table. C’est stupide, mais ça me plait, sourit-elle.
Les yeux de Rose fixaient le liquide pratiquement terminé à l’intérieur du verre. Le profil d’Edmond lui plaisait en tout point. Entrainé, il ferait un partenaire parfait.
— Ecoute, Eddy, tu te doutes que si j’ai demandé à te rencontrer, ce n’est pas par hasard, dit-elle. J’ai quelque chose à te proposer.
Il posa sa bière.
— Demandé ? s’amusa-t-il. C’est un bien grand mot. Mais je t’écoute.
— Voilà, moi je suis à la recherche de quelqu’un pour un travail, non rémunéré, mais de quelqu’un qui a un don comme toi, et comme moi. Un travail qui peut être dangereux, et qui concerne une entité qui nous est partiellement inconnue et qui est potentiellement dangereuse. Je t’entrainerai, je t’apprendrais notre « métier ». Je pense que tu as un sacré potentiel, et j’aime bien, même si je ne te connais pas encore, ta façon d’être.
Elle sortit alors un papier de la poche de sa combinaison en lycra, sur lequel était écrite une adresse.
— Si jamais cela t’intéresse, rejoins moi un mardi où un jeudi soir après 19h à cette adresse.
Elle lui tendit le petit bout de papier, qu’il attrapa du bout des doigts, et garda ainsi quelques secondes. Il réfléchit, dubitatif.
— C’est illégal ? demanda-t-il.
— Qu’est ce qui ne l’est pas de nos jours ? Mais pour te rassurer, c’est pour le bien de la communauté.
— Et si je refuse ?
— Dans ce cas, tant pis, je serais obligé de t’éliminer, dit-elle en lui faisant un clin d’œil. Finissant sa boisson d’une dernière longue gorgée, elle se leva pour repartir.
— Réfléchit bien, ajouta-t-elle, mais pas trop longtemps. J’ai besoin de toi rapidement. Tu peux même ramener la fille. Elle sera en sécurité, je te promets. On pourra même l’aider.
Elle récupéra son masque avec ses doigts fins, se dirigea vers la porte et lui jeta un dernier regard. Il était resté assis ; il avait encore beaucoup de questions, mais la moitié qu’il n’osait pas poser. Alors il se contenta d’une banalité qui le trottait :
— Au fait, par simple curiosité, quel âge as-tu ?
Elle sourit, laissant apparaître de belles dents blanches.
— Tu me donnes combien ? demanda-t-elle.
— 19 ans.
Elle rougit un peu.
— Ecoute, on va faire comme ça : moi je t’appelle Eddy, et tu n’as qu’à faire comme si j’avais bel et bien 19 ans.
Elle ouvrit la porte, remit son masque et sortit félinement du bar.
Edmond rentra, digérant l’étrange conversation qu’il venait d’avoir. A peine eut-il ouvert la porte que Lucie lui sauta dans les bras. Elle le serra si fort qu’il commença à étouffer.
— J’ai eu si peur que tu ne reviennes jamais… Ça a été ? Qui c’était alors, et pourquoi ?
— Assis toi, dit-il d’une voix calme.
Il lui expliqua en détail sa soirée, et sa rencontre avec Rose, jusqu’à sa dernière proposition. Après qu’elle eut observé minutieusement son cou (trois fois), il demanda :
— Tu penses qu’on devrait y aller ?
— Eddy… dit-elle calmement. Tu as réussi à me sauver avec ce don que tu as. Sans toi, je ne sais pas dans quel état je serais aujourd’hui. Si cette Rose peut t’aider, je n’y vois que du bien. Tu en sauveras peut-être des milliers d’autres comme moi.
— Tu veux qu’on y aille ensemble alors ?
— Oui, ça vaut le coup d’essayer, acquiesça-t-elle.
Le sommeil fut difficile à trouver pour Edmond ; quel était vraiment son don ? Qui était Rose ? Qu’est ce qu’il ne savait pas ? Son futur brumeux nourrit une insomnie d’angoisse, et il ne put s’endormir qu’au son des soupirs apaisés de Lucie, tranquillement endormie par terre.
Ah, mais j'adore Rose !
Présente là moi ! Elle est tellement....c'est quoi le mot déjà ?
Cool, elle est cool ! J'adore sa façon de parlé, d'agir bref je l'adore.
Bonjoir! (comme ça on a les deux)
Ah ah, merci!
J'ai pensé Rose comme Batman.
Et Batman il défonce des gueules. Rose elle déboîte tout.
Content qu'elle te plaise!