7. De lointains souvenirs

Par tiyphe
Notes de l’auteur : MAJ faite le 17/06/2020 - Bonne (re) lecture :D
Ami·e·s dessinateur·rice·s si l'inspiration vous vient lors de ce chapitre de dessiner un saule pleureur avec Louise et Conan, n'hésitez pas ;P (Oui je fais des commandes comme ça, sans pression ahah !)

Louise

La Créatrice errait dans les couloirs du château. La situation s’était atténuée et la pression était redescendue dans les souterrains, alors Louise avait décidé de laisser Roan gérer son monde. Quant à elle, elle se devait d’informer ses propres conseillers de la conjoncture, chacun avait ses responsabilités. La jeune femme aurait préféré céder ce travail à Lucas, mais elle n’osait pas le lui demander après les paroles qu’elle avait eues envers lui dans la matinée.

Désormais, les pâleurs de l’Entre-Deux s’assombrissaient doucement comme chaque jour au même instant. Louise était restée si longtemps dans les galeries, qu’elle n’avait pu profiter davantage de la lumière et cela l’attrista un peu plus. Couverte du vaste manteau que lui avait confectionné le jeune Créateur, elle déambulait dans l’espoir de croiser le moins de personnes. Heureusement pour elle, à cette heure-là, peu d’Occupants circulaient dans le palais.

Ses pas la conduisirent devant le portrait de Jeanne. En bas des marches, Louise essaya de trouver du réconfort auprès de la grande femme. Elle prononça même une vieille prière, qu’elle savait vaine. Le départ de son amie remontait à un peu plus de vingt-huit mois, et pourtant la douleur était encore si vive. Observer cette silhouette peinte par son imagination accentuait sa tristesse. La Princesse se sentait abandonnée, seule, abattue. Faire le deuil de presque cinq cents ans de relation intense en à peine deux petites années relevait de l’impossible.

Jeanne avait été présente depuis ses premiers jours. Elle l’avait accompagnée, aidée, aimée. La femme aux cheveux noirs avait d’abord remplacé sa mère décédée jeune, puis Louise l’avait considérée comme sa grande sœur. Dotée d’un cœur immense, la trentenaire avait été une personne sur laquelle la cadette avait pu s’appuyer ou pleurer, toujours prête à l’épauler. Leur complicité s’était développée et détendue au fil du temps dans l’Entre-Deux. Elles étaient tout l’une pour l’autre. Comment Louise allait-elle faire sans sa moitié ? Elle se sentait brisée, amputée, effondrée.

Le regard gris clair de son amie ne pouvant plus être supportable, la Princesse décida d’emprunter les marches et de tourner le dos à son chagrin. Elle atteignit finalement sa chambre et referma la porte derrière elle en s’assurant de ne pas avoir été vue. Ses joues ruisselaient de larmes et son apparence était à des années de ce qu’elle aimait montrer d’elle. Si elle voulait se rendre auprès de ses conseillers, elle devait d’abord retrouver une certaine sérénité et pour le moment, elle n’en avait pas la moindre envie.

La pièce n’avait pas changé depuis la Grande Bataille et sa destruction. Une large couche occupait le mur de droite habillé de peintures de son époque. Au centre, une petite table basse faite en noisetier était entourée de deux paires de fauteuils cabriolets que la Créatrice ne prenait plus le temps d’admirer. En face d’elle s’étendait un long balcon donnant sur la cour du château. Louise revit Jeanne, assise sur la rambarde dorée, pétrifiée par plusieurs ombres qu’elle avait essayé de combattre. Et lorsque la lumière du matin s’était doucement levée, pensant pouvoir retrouver son amie à la chevelure de jais afin d’en finir avec Jacques, la Princesse l’avait observée, impuissante, tomber avant d’être elle-même ensevelie sous les décombres.

Secouant la tête pour chasser tous ces tristes souvenirs qui se bloquaient dans sa gorge, la jeune femme traversa le petit salon sans un regard pour son mobilier ou les œuvres exposées aux murs. Elle retira le trench-coat foncé, puis sa longue robe de satin déchirée qu’elle jeta à ses pieds. Un tic d’irritation la poussa à lancer un éclair ténu sur le tissu brillant au sol. Les haillons disparurent dans un petit nuage de fumée noire, ne laissant plus qu’une marque de brûlé sur le parquet en bouleau massif dont les nervures s’entrecroisaient.

Si Louise appréciait les beaux vêtements et les coiffures compliquées, c’était par envie d’apporter de nouvelles couleurs aux tons pâles de l’Entre-Deux, ce n’était jamais par obligation pour les autres, uniquement pour elle. Pourtant elle avait failli à ses valeurs en essayant de séduire un homme marié depuis trois cents ans. Ça ne lui ressemblait pas et elle se dégoûtait d’avoir eu rien que l’idée de le faire.

— Les Grands Occupants attendront, ronchonna-t-elle alors qu’elle ne se sentait encore moins de se présenter devant son conseil.

Elle se dirigea donc vers une pièce adjacente dont l’ouverture était dissimulée par une conséquente tapisserie qu’elle avait elle-même tissée à la main. Cette cachette intime n’avait jamais autant servi que ces deux dernières années. Souvent épuisée mentalement, Louise s’y réfugiait pendant des heures, manquant à ses obligations de dirigeante et de Créatrice.

Le parterre était recouvert de grandes plaques d’ardoise sombres et lisses. Les parois arrondies de la salle se voyaient vêtues de ce même schiste empilé sur l’épaisseur représentant des motifs de rosaces complexes. L’entrée débouchait sur quelques marches qui s’enfonçaient dans un important bassin occupant la quasi-totalité de la galerie. Des vitraux laissaient passer des rayons de lumière colorés qui se fondaient dans l’eau translucide et se répercutaient sur la roche sombre faisant apparaître des formes scintillantes. Ces dernières, plus faibles à l’approche de l’obscurité, se mouvaient au gré des ondes provoquées par la cascade perpétuelle qui jaillissait du mur.

Louise trempa ses orteils, testant la température ; parfaite. À chaque bribe de son épiderme qui entrait en contact avec ce liquide limpide, elle ressentait un frisson de plaisir, de bonheur. Cette eau semblait la laver de tout ce qui lui pesait sur le cœur et sur le dos. La jeune femme avait relevé sa longue chevelure brune en un chignon serré qu’aurait jalousé Jeanne. Un sourire triste apparut sur son visage tandis qu’elle tirait elle-même quelques mèches de sa coiffure en s’enfonçant dans la piscine.

Après plusieurs longueurs qui finirent de la détendre physiquement, Louise se posa dans un siège taillé dans la roche. Il formait une baignoire où son corps était entièrement submergé à l’exception de son visage, dont les joues reprenaient doucement leurs couleurs après l’effort. Ses yeux verts se perdirent sur un plafond aussi rocailleux que le reste. Voulant oublier les horreurs auxquelles elle avait assisté, elle se laissa aller à la mélancolie qui l’emporta vers de lointains souvenirs tandis qu’elle plongeait la tête sous l’eau.

Elle venait d’avoir six ans. Elle se trouvait avec ses parents au bord d’un lac près de leurs terres. Jeanne les avait accompagnés et avait installé un drap sous le saule pleureur pour le déjeuner. Les longues branches-lianes de l’arbre leur permettaient de se protéger des rayons ardents du mois d’août tout en ayant une large vue sur l’étang. En ce temps-là, le Marquis Enguerrand de Buzouges et sa femme Emiliane étaient un couple heureux et épanoui. L’arrivée de Louise avait accru leur bonheur et ils avaient souhaité passer le plus de temps possible avec leur petite princesse dont les grands yeux verts tels deux émeraude leur faisaient oublier tous ses caprices.

Ce jour-là, une femme et un garçon à la tignasse blonde avaient partagé leur pique-nique estival. Emiliane avait chaleureusement présenté à Louise la Comtesse Joséphine Bergnac et son fils Conan. La fillette s’était alors empressée d’effectuer une respectueuse courbette devant sa tante et son cousin qu’elle rencontrait pour la première fois, provoquant l’allégresse des plus grands. Les deux enfants s’étaient très vite entendus malgré leurs cinq années de différence. Ils avaient joué près du lac, nourrissant les canards et les cygnes peu farouches sous l’œil attentif des adultes et de Jeanne. Les sœurs avaient convenu avec un sourire qu’elles se retrouveraient plus souvent pour les enfants.

Louise avait donc été invitée dans la grande demeure du Comte Bergnac, tout comme Conan l’avait été au marquisat de Buzouges. En deux ans, ils étaient devenus inséparables, jusqu’à la mort d’Emiliane. La peste avait fait des ravages dans la région et la trop bonne Marquise en avait été victime alors qu’elle essayait de venir en aide aux malades.

Au bout de son apnée, Louise sortit une tête dégoulinante de gouttes mêlées à ses larmes. Après toutes ces années, elle sentait toujours un vide au fond d’elle. Sa mère lui manquait intensément et elle ne la reverrait sûrement jamais puisque l’Entre-Deux fut créé douze années plus tard. Jeanne lui avait répété tant de fois qu’Emiliane serait fière d’elle et de ce qu’elle était devenue. Si seulement la grande femme était présente pour le lui rappeler encore et encore, peut-être se sentirait-elle mieux dans sa baignoire.

La jeune Créatrice préféra rabattre ses sentiments sur ce drame du passé qui était bien moins douloureux que celui qui impliquait l’absence de son amie. Elle se souvint que ça avait tout de même été difficile de comprendre dans un premier temps puis d’accepter par la suite les conséquences de cette perte. Son père, qui n’avait eu d’yeux que pour son épouse pendant si longtemps, s’était enfermé dans son chagrin, délaissant sa fille adorée. La petite avait grandi loin de lui et sa route n’avait pas tout de suite recroisé celle de Conan. Heureusement que Jeanne avait été là pour la consoler et la choyer.

C’était à ses 15 ans qu’elle avait commencé à s’inquiéter de sa future vie de femme conditionnée par son époque. Un soir, lors d’un repas qu’Enguerrand s’était décidé à partager avec elle, Louise lui avait fait part de ses ambitions. Un grand sourire aux lèvres, elle lui avait dit vouloir faire partie de la cour de France et séduire un prince ou peut-être même un futur roi. Son père, le visage fatigué et fermé, avait contesté impassiblement :

— Les hommes de la cour sont prétentieux et mal élevés. Je refuse de les laisser t’approcher. Tu es de toute façon trop jeune pour être mariée.

Sur ce monumental mensonge, la discussion était close. L’adolescente avait réitéré sa requête, proposant même un Vicomte comme époux, mais le Marquis n’avait pas cédé, jusqu’à lui interdire de voir des garçons, quel que fût son titre de noblesse. Louise avait découvert par la suite en surprenant une conversation que les raisons de son père n’étaient pas bien plus compliquées que cela. L’homme refusait de payer une dot, quelle que fût la somme, pour sa fille.

Le chignon défait en raison du poids de ses longs cheveux mouillés, Louise sortit de son siège. Elle s’enfonça de nouveau dans le bassin et de ses pieds donna une impulsion sur la paroi de schiste, s’élançant en ondulations sous l’eau. Une lueur électrique dansa dans ses yeux alors qu’elle repensait au sentiment d’injustice qu’elle avait ressenti à ce moment-là.

Elle avait d’abord imaginé que dans une irrationalité du deuil, Enguerrand n’avait pas voulu que sa petite princesse chérie endure la même douleur que lui avait éprouvée en perdant sa femme. Mais cet échange qu’elle avait intercepté avait été loin de lui confirmer cette supposition. Presque cinq cents ans plus tard, avec beaucoup de recul, Louise remerciait finalement son père dans son bassin d’eau clair. Au moins n’avait elle pas coulé dans un mariage certainement sans amour et qui aurait bridé et opprimé son indépendance.

Par la suite, chaque sortie en ville, lors des fêtes d’anniversaire ou des bals de la région, un garde avait surveillé la jeune fille afin de mettre en pratique l’interdit du Marquis. Il avait effrayé les gentilshommes qui osaient approcher de trop près la Princesse. Elle n’avait pu avoir de simples rapports amicaux avec eux sans qu’une ombre dans son dos les fasse fuir.

Une fois, elle avait demandé à Jeanne de la remplacer au marché pendant qu’elle flânait ailleurs. Mais le stratagème n’avait pas fonctionné à cause de la différence de taille entre les deux femmes. Le soldat avait retrouvé Louise dans une auberge, les lèvres collées à celles du fils du forgeron. Le pauvre enfant avait dû payer cet affront de sa main.

Louise s’était plainte auprès de son père, mais Enguerrand n’avait fait que balayer ses propos d’un geste avant de s’enfermer une fois de plus dans son bureau et sa solitude. Elle avait essayé de le supplier, de l’implorer, mais le jeune garçon s’était retrouvé avec un moignon sur la place publique. Le message avait été clair ; personne n’avait le droit d’approcher la descendante du Marquis.

Alors Louise avait dû trouver des occupations. À son époque, ce n’était pas évident pour une femme de bonne famille de pouvoir faire autre chose que d’être une épouse et une mère. Puisqu’on lui avait enlevé ces fonctions-là, l’adolescente s’était servie de son éducation pour s’en approprier d’autres. Elle avait entraîné Jeanne avec elle et avait commencé par lui apprendre à lire et écrire. Puis elles s’étaient enfermées dans la bibliothèque où Enguerrand n’allait plus.

Le Marquis ne possédait pas beaucoup d’œuvres littéraires, peu intéressé par l’art. Louise avait retrouvé les contes et nouvelles que sa mère et elle dévoraient lorsqu’elle était petite. Mais sa curiosité dépassait les poèmes romantiques de ses parents ou les histoires satiriques d’hommes moralisateurs, elle souhaitait apprendre plus que ce que lui enseignait son percepteur. La jeune fille avait finalement déniché les documents politiques d’Enguerrand et s’était amusée à comprendre leurs significations.

Avec l’aide de Jeanne, la Princesse avait acheté des ouvrages en ville. La servante faisait passer les commandes pour le Marquis et elle revenait les bras chargés de livres. Les deux amis s’étaient alors mis à étudier la géographie du monde en pleine expansion, les différents gouvernements et les figures importantes de leur époque. Louise avait eu l’ambition de succéder à son père à sa mort et de devenir la première femme gérant un marquisat sans mari. Elle avait même décidé de refuser le nom de famille de Buzouges qui se donnait depuis des générations et s’était alors fait appeler Louise de Bellépine, utilisant le patronyme de sa mère. 

Le jour de ses 17 ans, l’adolescente s’était rendue près du lac où l’avait souvent emmenée Emiliane. Elle s’était souvenue du visage souriant de cette douce femme, ses gestes de tendresse, l’amour inconditionnel qu’elle avait pour sa fille. Et même si Enguerrand avait affectionné la petite princesse, sa véritable adoration avait été pour son épouse, infinie.

Louise s’était assise sous le majestueux saule pleureur. Perdue dans ses pensées, elle n’avait pas tout de suite remarqué l’apparition d’une haute et fine silhouette qui lui avait dissimulé quelques rayons du soleil. Lorsque le gorille avait tiré en arrière l’inconnu, elle avait levé un visage surpris et ses yeux s’étaient plongés dans un regard aussi clair que la banquise, mais aussi ardent que l’astre les éclairant.

— Conan ? avait-elle murmuré, pleine d’espoir. C’est bien toi ?

— Joyeux anniversaire, Louise, avait-il simplement répondu, un doux sourire aux lèvres.

Elle s’était alors jetée dans ses bras, ignorant le colosse qui grognait et les larmes de bonheur qui roulaient sur ses joues roses jusqu’à s’écraser sur le tapis de feuilles.

— Il est mon cousin ! avait-elle hurlé alors que le garde cherchait à les séparer. Allez donc demander à mon père. S’il m’interdit même de voir un parent, autant que je me pende à cet arbre, avait-elle fini par menacer en désignant le saule dont les branches-lianes voletaient joyeusement au gré du vent.

Le gorille avait hésité un moment, sûrement partagé entre son devoir et sa morale qu’il avait dû professionnellement mettre de côté ces dernières années. Il avait finalement laissé les jeunes s’enlacer en bougonnant dans sa barbe broussailleuse et avait observé d’un coin de l’œil les retrouvailles, les réjouissances, la complicité des deux amis.

Les mois étaient passés et Louise n’avait pu fréquenter que Conan en dehors du château. Il était le seul homme autorisé à être reçu par l’adolescente dans le marquisat. Il était en fait l’unique personne se risquant dans le domaine pour voir la jeune fille. Si les garçons avaient été bannis de la propriété, les amies de la Princesse n’avaient plus osé y mettre une pantoufle, de peur de se faire couper une main dans un accès de colère du gorille. Les villageois avaient fini par craindre le Marquis et ses soldats. 

S’accoudant au rebord de la piscine, Louise repensa aux différents changements dans son corps et celui de Conan qui avaient modifié leur regard l’un pour l’autre. Elle avait vu ses quelques formes de femme se préciser et son visage s’affiner, tandis que son cousin était devenu encore plus grand avec une carrure de cavalier. Le jeune homme à la chevelure blond cendré et souvent en bataille avait régulièrement emmené la Princesse sur son cheval pour de longues promenades. Elle avait pu alors admirer sa mâchoire pointue et sa bouche fine. Ses iris émeraude s’y étaient fréquemment abandonnés, d’abord innocemment, jusqu’au jour où ses propres lèvres s’étaient aimantées à celles de son futur amour, comme d’elle-même. Il ne l’avait pas repoussée. Elle était tombée amoureuse.

Aveuglée par le fait qu’il avait été le seul homme qu’elle pût côtoyer, elle avait laissé son désir se transformer en une adoration profonde. Désormais, elle le comprenait avec le recul. Si Enguerrand ne lui avait pas interdit de voir des garçons, elle ne se serait peut-être jamais éprise de son cousin.

Dans son songe, l’image de Lucas se superposa à celle de Conan. Le jeune était moins mature, plus turbulent, mais la même lueur de curiosité brillait dans son regard de glace. Malgré elle, Louise se mit à comparer ses deux amants. Mais le premier revenait toujours en avant. Après plus de quatre siècles, elle ne pouvait nier qu’il avait beaucoup compté pour elle, même si cette relation n’était à présent plus qu’un souvenir du passé.

Il avait été doux avec elle, charmant, délicat. Aucun garde n’avait surveillé leurs escapades à l’apparence innocentes. Il avait été inconcevable que la jeune princesse ait une liaison avec son cousin. Personne ne se l’était imaginé, car la religion était très présente dans la région. Rome était stricte à ce propos et punissait de mort l’inceste. Malgré cela, les amoureux s’étaient arrêtés dans des auberges, dans les champs ou dans les bois après de longues randonnées à cheval. Leur affection pour autant discrète en public avait été vue comme une marque d’amitié entre deux parents.

Conan n’avait pas tout le temps été présent par la suite. Il avait eu de nombreux projets et voyageait beaucoup. Louise l’avait toujours attendu. Elle avait profité des simples moments que le couple avait pu avoir entre deux déplacements, aspirant au prochain rendez-vous secret. Elle s’était doutée que leur histoire ne serait pas éternelle. Même si Enguerrand n’avait pas changé d’avis concernant le mariage, le Compte Francis Bergnac avait eu des projets pour son fils. Pour cela, elle avait autorisé son amant à avoir des aventures avec d’autres femmes, le faisant passer pour un coureur de jupons peu intéressé par l’engagement auprès de leur famille.

Le 17 avril 1545, date qu’elle avait notée après la réforme du pape Grégoire XIII en 1582, les amoureux s’étaient retrouvés une nouvelle fois dans leur petit paradis. Au pied du grand saule dont les rameaux reprenaient des couleurs printanières, ils s’étaient installé un drap sur lequel ils avaient grignoté les pâtisseries préparées par Jeanne. La jeune fille avait trempé ses pieds dans le lac encore frais à cette période de l’année, sous le regard de son cousin. Elle ne l’avait plus vu de cette façon depuis leur premier baiser et surtout depuis leur première fois. Son lien de parenté n’avait plus de poids face à l’amour aveugle qu’elle lui portait.

Dans la pénombre de sa grotte, Louise imagina une flamme sur chaque torche accrochée au mur d’ardoise. L’obscurité était tombée, mais la Créatrice n’avait toujours pas envie de sortir de sa piscine ni de se rendre à la Grande Salle. Tous ses souvenirs lui rappelèrent que son père ne l’avait jamais rejoint dans l’Entre-Deux. Avait-il atteint les portes du Paradis pour retrouver sa bien-aimée ? La jeune femme avait du mal à y croire.

Si Enguerrand n’était pas dans ce monde, c’était par contre le cas de Francis et Joséphine Bergnac, les parents de Conan. N’ayant pas digéré la pendaison de leur fils ni le blasphème de sa relation avec Louise, ils n’avaient jamais vraiment essayé de discuter avec leur nièce, même après toutes ces années. Ils s’étaient construit un pavillon au Nord du dortoir et venaient au château seulement lors des événements importants.

La Créatrice chassa ces idées en plongeant de nouveau sous l’eau. L’obscurité était à présent bien avancée et elle nageait toujours. Sa peau se régénérait plus rapidement que dans les souterrains et n’avait pas le temps de se friper. Les paupières ouvertes, elle apercevait les flammes des flambeaux danser à travers le liquide limpide. Cela lui rappela l’étang du marquisat, les rayons du soleil qui se reflétaient sur sa surface et ce jour si particulier.

Alors qu’elle s’était séché les pieds sous la douce chaleur du printemps, Conan s’était approché d’elle, les joues légèrement rosées.

— Qu’y a-t-il ? s’était inquiétée la jeune femme.

Pour seule réponse, l’homme alors âgé de 25 ans avait posé un genou à terre. Il avait levé des yeux clairs emplis d’émotions en même temps qu’un coquet écrin de velours noir. En l’ouvrant, Louise n’avait pu retenir un cri de surprise. Un petit anneau en or blanc surmonté d’une belle émeraude taillée en hexagone s’était alors glissé sur son doigt tandis qu’elle s’était empressée de dire « Oui ». Conan l’avait prise dans ses bras et ils avaient scellé leur amour d’un tendre baiser.

La Créatrice caressa ses lèvres en souvenir de ce partage de joie et d’allégresse. Elle se remémora ces derniers instants qu’ils passèrent ensemble, les corps entrelacés sous les branches-lianes du saule, juste avant d’être surpris. C’est à ce moment-là que la voix de Lucas résonna dans sa tête.

« Louise, on a besoin de toi. »

***

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Sorryf
Posté le 13/02/2020
Hop me revoila ! Tome deux de l'Entre-Deux : a nous deux ! (j'avoue, j'ai lu tes 45 chapitres juste pour pouvoir caser cette phrase stylée xD)
Rien de particulier a signaler pour le moment, c'est cool de voir comme la vie a repris son cours, sans Jeanne, ni Sybille, ni Tom.

Est-ce qu'on reverra Jeanne ? des POV a elle dans la vie de Tom ? je m'attendais à ça mais pour le moment aucune nouvelle.
Roan... je m'en méfie un petit peu, mais j'aime bien sa fille ! et j'aime bien le statut de ce perso, a la tête d'un mini royaume indépendant... c'est intéressant !
Lucas/Conan... bon ça va il est pas entièrement possédé non plus, je pensais qu'il aurait plus aucun contrôle mais il est toujours aux commandes !
Que Louise et Conan soient cousins ça m'a pas tellement secouée, a leur époque ils se mariaient tout le temps entre cousins il me semble. Je ne promet rien, mais ta demande de fanart est duement notée ! (bon par contre tu connais mon style, ne t'attends pas a grand chose hein)

Le perso que j'ai trop aimé revoir c'est Johny ! a chaque fois qu'il apparait j'ai cette chanson dans la tête ! "fais moi mal, Johnny Johnny Johnny" xD mais a part ça je l'adore ! Il me fait trop de peine avec son traumatisme du tome 1 ;_;
J'adore que l'équipe soit devenue comme une famille maintenant, j'espère les revoir beaucoup ensemble ! Et Sybille, elle fait partie de la team bordel T.T
j'aime beaucop aussi sa relation avec la fille de Roan ! trop chou ! Hors sujet total mais je pense que Johny est bisexuel (d'ailleurs le début de son POV laisse planner le doute), et je guette assidument l'arrivée d'un perso avec qui le shipper xD
J'ai beaucoup aimé ce moment : "tu crois vraiment que le bien il est gentil et le mal méchant?"
tiyphe
Posté le 13/02/2020
Coucouuuuu !
Mdr cette phrase ! J'ai ri !

Alors non, je me suis décidée à ne pas écrire de POV dans le monde des vivants (ou même en Enfer ou au Paradis), même si ce serait très tentant ^^ ça sera peut-être des Bonus à écrire plus tard ;)

C'est cool si les premiers éléments mis en place te plaisent :3 Merci !

Alors non, les mariages entre cousins, ce n'était pas vraiment accepté pendant la Renaissance, parce que l'Eglise est très présente à ce moment-là et elle n'autorise pas l'inceste.
Oh ce serait trop mignon si tu fais un fanart :3 J'ai mis ça pour rire à la base ahah !

"Le perso que j'ai trop aimé revoir c'est Johny ! a chaque fois qu'il apparait j'ai cette chanson dans la tête ! "fais moi mal, Johnny Johnny Johnny" xD mais a part ça je l'adore !" -> MDR ! Cette chanson va bien avec le début de son chapitre xD !
J'aime beaucoup cette équipe aussi ! Et ça me paraissait important de montrer que Sibylle en faisait partie également :3

Eheh j'espère que son ship te plaira ! Mais oui tu as raison pour sa bisexualité :)

Encore un immense merci !! Je vais être obligée de poursuivre mon écriture là ! Tu me rattrapes !
Sorryf
Posté le 13/02/2020
J'ai tellement hate d'etre a jour pour pouvoir te botter le cul xD
tiyphe
Posté le 13/02/2020
Meeeeeeh ! xD
Vous lisez