Je vous déclare mari et...
La mairie d'Ossenoir était une vieille bâtisse en pierre grise, étouffée par le lierre, érigée en 1824. Le genre de bâtiment que l'on trouvait charmant de jour et sinistre une fois la nuit tombée. Depuis quelques années, une rumeur courait entre les habitants : les mariages célébrés dans cette mairie finissaient mal. Très mal.
Un homme était mort écrasé par un lustre en sortant de la salle des fêtes. Une jeune mariée avait été retrouvée noyée dans la fontaine de la place, le visage déformé par la terreur. Un autre mari s'était tranché la gorge avec le couteau de la pièce montée pendant la réception. Chaque fois, la scène était plus atroce que la précédente. Et toujours peu de temps après la célébration.
Jean Royer, un jeune stagiaire sans histoire, affecté à l’archivage des registres d’état civil, s’intéressa à ces morts avec une curiosité croissante. Il commença à relier les dates, les lieux, les coïncidences. Toujours dans la même salle. Toujours dans les jours suivant la cérémonie.
C'est dans les archives du XIXe siècle qu'il trouva mention d'un certain Joseph Fontanet, ancien maire d’Ossenoir. Un homme austère, très pieux selon les chroniques. Lors de son mariage en 1862, sa fiancée l'avait publiquement humilié, avouant aimer un autre homme. Fontanet, dans un élan de rage, l’avait poignardé à plusieurs reprises devant les invités, puis s’était enfermé dans le bureau du maire, où il s'était ouvert le ventre à la manière des anciens rituels sacrificiels.
Le rapport de police parlait d'un pentacle dessiné avec son sang, et de mots gravés sur le plancher : "Liez-moi à l’instant, que ma douleur traverse les âges."
Jean, à la fois fasciné et effrayé, tenta un soir de rester seul dans le bureau de Fontanet. Il alluma des bougies, reproduisit le pentacle d'après les croquis. Puis il prononça à voix haute les mots griffonnés sur le vieux parquet.
Le silence fut total.
Puis, une brise froide. Les flammes vacillèrent. Une ombre se forma dans un coin du plafond, et une voix grave, fatiguée, s'éleva :
— Qui m'appelle...?
Jean recula, le souffle court. Devant lui, flottant à quelques centimètres du sol, l’esprit d’un homme en habit ancien, le regard éteint mais mélancolique.
— Vous êtes... Joseph Fontanet ?
— Oui. Ou ce qu'il en reste. Tu as lu mon histoire ?
— Pourquoi les jeunes mariés meurent-ils juste après leur union ? Est-ce vous qui provoquez tous ces horribles accidents ?
Le spectre secoua la tête.
— Non. Mon geste était impardonnable. Mais depuis, je suis prisonnier ici. Attaché à cette mairie, comme tant d’autres esprits à cette ville. Mais ce n'est pas moi qui les tue...
— Alors... qui ?
Fontanet blêmit. Son regard devint fuyant.
— Le Maître. Il vient quand les cœurs sont faibles, quand l'amour se fissure. Il se nourrit des promesses brisées. Il a pris d'autres formes, mais il revient toujours. Il m'a vu faire. Il m'a lié à lui. Je ne peux rien contre lui. Il est trop fort.
— Comment ? Quel maître ? De qui s’agit-il ? Comment l’arrêter ? Dîtes-moi, que faut-il faire ?!
— C’est trop tard, il est déjà là.
La température chuta brutalement. Un givre noir s'étendit sur les murs. Fontanet se crispa, le regard fixe vers l’arrière de la pièce.
— Il approche... Fuis, jeune homme. Fuis !
Le spectre se désintégra dans un cri de détresse. Un souffle glacé envahit la salle. Jean sentit ses membres engourdis, sa peau gelée, ses dents claquer.
Il s'élança hors du bureau, dévala les escaliers de la mairie et se jeta dehors, les poumons en feu. Dans la rue, le froid le poursuit, invisible, oppressant.
La lune, ronde et blanche, éclairait la Grand-Place d’Ossenoir.
Des crocs de givre se formaient sur les vitres des commerces alentours. Une longue silhouette se dessina sur le sol, éclairé par la lune.
Et des bois du domaine Malebrume, un hurlement résonna. Long, grinçant, inhumain.
Jean savait qu'il n’était plus en sécurité. Désormais, il en était certain : cette ville cachait bien pire que des morts tragiques.
Il se précipita chez lui, se barricada.
Mais hors de question de laisser le mal vaincre cette sinistre ville. Jean s’en fit la promesse : il débarrasserait Ossenoir de tous ses démons.
intéressant. Tu comptes donc bien relier tes nouvelles et ne pas en faire juste une sucession d'histoires. Hate de voir où cela va mener meme si le travail d'enquete promet d'etre délicat.
Oui la ville d'Ossenoir relie tous ses habitants en explorant différents lieux ^^
J'espère que l
Il est fou ce Jean. Jamais je réciterais une incantation de nuit seul dans un lieu aussi vieux :')
Allez Jean on croit en toi.
L'image de fontanet se découpant le ventre.... brrr