Un frisson la traversa toute entière, depuis le bout de ses orteils jusqu’à son cuir chevelu. Ce fut d’abord une brise agréable qui la recouvrait, avant de devenir une tornade de feu qui vint la démanger désagréablement. Encore dans les brumes d’un sommeil de plomb, elle peina à ouvrir les paupières tant elles étaient lourdes. La bouche pâteuse et le regard flou, ses oreilles captèrent comme des chuchotements inaudibles non loin de sa position. Au fur et à mesure que sa conscience s’éveillait doucement, une douleur profonde dans le corps s’accompagna de flash mémoriel dans ses pensées. Essence. Chagrin. Bottes rouges. Aile. Blessure. Souffrance. Obscurité.
En prenant une grande inspiration bruyante, Lylia se redressa d’un coup. Son cœur tapa alors furieusement dans sa poitrine et la peur vint lui glacer la nuque. Les yeux écarquillés, sa tête tourna dans tous les sens pour observer son environnement. Une cage de métal entourait ce lit sur lequel elle reposait; la pièce était dénuée de toutes décorations et se présentait avec quatre murs gris tristes; et surtout quelques personnes se tenaient de l’autre côté des barreaux. Terrifiée, elle bondit hors des couvertures moelleuses pour se recroqueviller à l’opposé de ces trois étrangers en attrapant un coussin en guise de piètre bouclier. Un silence pesant s’étalait lentement, où personne n’osait ni parler ni bouger. On ne pouvait percevoir que le bruit des respirations de chacun, sur un rythme précipité pour la prisonnière. Même la lumière blafarde du plafond paraissait intimidée par cette ambiance écrasante, diffusant sa faible clarté avec quelques clignotements défectueux irréguliers.
« Vous croyez qu’elle nous comprend ? » Chuchota alors l’un des humains présents dans la pièce, rompant de ce fait le calme religieux.
Les trois étrangers commencèrent à se mouvoir, quittant leurs chaises de bois avec beaucoup de curiosité. Au grand dam de la fée qui se prostra davantage en gémissant de peur. Toutefois une lueur intelligente s’était illuminée dans son regard à leur approche.
Un premier bipède sans ailes, le plus petit, avait des cheveux noir hirsute sur son crâne et des yeux verts. Un grand sourire éclairait son visage enfantin. Les deux autres, physiquement similaires mais d’apparence plus âgés, l’observaient à la dérobée avec plus de sérieux. Celui qui avait parlé, le plus jeune, reprit avec toujours d’enthousiasme dans la voix.
« Woaaaaaah ! Elle est jolie ! On peut la garder ?
- Non. Tu sais bien qu’on doit la livrer dès demain au Grand Capitaine.
- Mais maman… T’avais dis que....
- Non c’est non ! On voulait juste vérifier qu’elle se réveillerait bien, c’est chose faite. La prime est tout de même plus intéressante si on la chope vive plutôt que morte. Alors maintenant on sort avant qu’elle nous lance une malédiction. Allez ! »
Le trio quitta précipitamment la pièce, apeuré. Lylia s’autorisa un petit soupir de soulagement, toujours crispée sur cet oreiller pourpre. En desserrant les doigts, plusieurs larmes coulaient le long de ses joues en zigzaguant entre ses tâches de rousseurs. Son cœur battait toujours follement. On l’avait enfermé comme une bête sauvage. Elle avait eu la présence d’esprit de ne pas parler en leur présence.
Aucune fenêtre ne lui permit de connaître l’avancement du soleil dans le ciel. Etait-elle restée inconsciente longtemps ? Qu’allait-on lui faire ? Est-ce qu’on viendrait la chercher ?
« Davan…» Murmura t-elle dans un sanglot, en se fourrant la tête dans l’oreiller pour laisser libre cours à son chagrin.
Plus rien n’avait de sens dans sa vie ces derniers jours : ni la Fleur de Vie, ni sa dispute avec son cher et tendre, ni ses recherches infructueuses pour sauver son espèce… Tout lui échappait. Elle vendrait corps et âme pour s’extraire de cette prison et retrouver la compagnie apaisante de ses lucioles.
« C’est qui Davan ? »
Cette voix la pétrifia sur place. Son chagrin mourut dans le tissu au moment où elle perçut ces quelques mots. Très doucement, Lylia releva la tête et faillit lâcher un rire. Nerveux certes, mais au moins cette faculté là ne semblait pas avoir foutu le camp à l’image du reste de son existence.
Elle ne répondit pas tout de suite; indécise quant à ce qu'il fallait faire ou non. Tout à l'heure, son mutisme lui avait permis de feindre l'incompréhension de leur langue et de les écouter parler en toute confiance. Là, le petit garçon qui se tenait tête entre deux barreaux avec son air naïvement curieux attendait un retour. Il l'avait entendu. Et compris. Aucune marche arrière ne serait donc possible.
La posture dans laquelle se trouvait l'inconnu l'aidait légèrement à se détendre. Son visage bouffi et ce sourire tordu l'auraient fait franchement rigoler en d'autres circonstances. Ici ça l'aidait au moins à relâcher la pression sur ce pauvre oreiller qui n'avait rien mérité pour être à ce point malaxer. L'humain était dans l'expectative, sagement. Loin de l'image polissonne offerte un peu plus tôt aux côtés des deux autres étrangers. Était-ce son faciès malicieux ? Ou cette étincelle pétillante de fascinante dans son regard d'enfant ? Toujours est-il que Lylia sentit ses muscles se ramollir.
« C'est mon… Mon compagnon. Celui que j'aime plus que l'aube et le crépuscule. »
Avoua-t-elle les joues en feu. Aussitôt dit, une longue exclamation d'admiration s'échappa de cette bouche juvénile rebondie. De chaque côté de son visage plaqué contre le métal, ses mains se tenaient sur les barres voisines.
« Tu paaaaarles pour de vrai alors ! C'est génial ! »
Il s'enthousiasma à cette nouvelle, son ravissement illuminait ses traits. La jeune fée leva les yeux au ciel, faussement contrariée.
« Évidemment que je parle, je ne suis pas un caillou dénué de paroles. »
L'enfant rayonnait d'une joie indescriptible. Il lâcha un rire communicatif, qui fit naître un sourire authentique sur le visage de la captive ailée. Celle-ci tenait toujours le coussin pétrit entre ses mains, sans pour autant le dresser devant elle. Son instinct lui susurrait qu'il n'y avait aucun danger à ce moment précis.
L'euphorie de l'instant présent ne s'attarda pas longtemps. Bien vite, une ombre reprit possession des prunelles de la prisonnière qui soupira à en fendre le plus dur des rocs. En regardant son visiteur incongru, elle lui parla sur un ton plaintif.
« Pourrais-tu m'aider à sortir de là ? Mon peuple est en danger et je dois aller les aider. Si je reste, je n'ose pas imaginer quel est le sort qu'on me réserve… »
L'enfant perdit instantanément son air enchanté pour adopter une mine triste. Il baissa les yeux, et bredouille quelque chose si bas que c'en fut inaudible. Lylia tressaillit avant de bondir sur ses pieds afin de se jeter contre la paroi pour se rapprocher de son interlocuteur. Elle posa ses mains sur celles du petit garçon et le regarda avec beaucoup d'inquiétude.
« Qu'as tu dis ?!
- Tu… tu… Ils vont.. Ils vont t'arracher les ailes et plein d'autres trucs horribles
- Nom d’une luciole ! » Souffla la jeune fée, abasourdie par ces révélations.
Elle se laissa tomber au sol lourdement. Un frisson glacial l'envahit, faisant écho à cette douleur sourde qui lui chauffait l'une de ses membranes transparentes depuis son réveil. Tout en pleurant, elle se mit à se caresser ses ailes en répétant en boucle que tout ça n'était qu'un cauchemar. Un simple cauchemar. Elle allait, elle devait, forcément se réveiller d'une minute à l'autre !
Le petit humain l'observait en partageant sa détresse. Bien qu'il n'était âgé que de dix petites années, son âme avait déjà assisté à des scènes atroces réalisées sur ces êtres ailés. Depuis sa naissance on leur inculquait que les fées étaient des êtres maudits par Déesse. L'histoire raconte qu'Elle a affublé les Premiers Hommes et les Premières Femmes d'une paire d'ailes en guise de punition. Ces êtres seraient alors ni tout à fait des êtres de la Terre, ni tout à fait des êtres de l'Air. Des hybrides sans attaches, sans âmes. Et être sans âme serait la pire des choses qu'il puisse arriver. Sans âme, on se retrouvait à jamais sans destinée, sans but dans la vie. Et pis encore, une fois mort on ne pouvait accéder au paradis. Ni aux enfers. On était condamnés à errer dans un entre-deux, avec pour seule compagnie un néant de solitude.
Malgré tout cet apprentissage, une lueur d'incompréhension avait toujours teint ces deux iris couleur de l'écorce. Il ne comprenait pas pourquoi on était obligés de capturer ces êtres ailés. Pour la Déesse disait-on. Il ne comprenait pas pourquoi on devait les tuer. Pour la Déesse disait-on. Cette Déesse était sacrément méchante pour exiger des choses aussi atroces. La fée devant lui ne lui semblait pourtant pas dangereuse. Alors il passa une petite main tout à fait entre deux barreaux, et parla d’une voix chaleureuse.
« Je vais t’aider à sortir. Viens avec moi. »
Il ouvrit ses doigts potelés pour laisser apparaître une clef de métal.
Mes remarques :
Je remplacerais « non loin de sa position » par « à proximité ».
De toute décoration
Il y eut un silence pesant durant lequel personne n’osa ni parler ni bouger.
Je mettrais une virgule entre curiosité et au grand dam.
Je n’ai pas compris cette phrase : « En desserrant les doigts, plusieurs larmes coulaient le long de ses joues en zigzaguant entre ses tâches de rousseurs. ».
Enfermée
« Elle aurait vendu » plutôt que vendrait
Entendue. et comprise.
N’était possible à la place de « serait ».
Ce morceau n’est pas très intelligible : « qui n'avait rien mérité pour être à ce point malaxer ». Ne méritait pas ? N’avait rien fait pour être ?
« étincelle pétillante de fascinante » pétillante de fascination ?
Coussin pétri
Bredouilla
Sans attache, sans âme
J’ai aussi eu l’impression que tu avais écrit d’abord ton histoire au présent, pour changer d’avis et la mettre au passé, en oubliant parfois de rectifier. Cela gagnerait en fluidité d’avoir une concordance.
Sacrée histoire avec cette Déesse, aussi. J'ai hâte d'en savoir plus sur elle, sa religion et les humains ! Décidément, entre ça et le reste de ses problèmes, Lylia n'a pas fini de se faire du mouron !