8. Echos de Douleurs

Les trois jours qui suivirent mon arrivée dans l'aile des ombres furent les plus éprouvants de toute mon existence. Jamais je n'avais subi tant de violence, de douleurs physiques, ni accumulé une telle quantité de fatigue.

Will avait émis le souhait d'entraîner les plus jeunes à raison de plusieurs jours d'affilés dans la clairière afin de prédire l'apparition de leurs pouvoirs onégiens et de les y préparer. Khalem avait accepté sa requête sans la moindre hésitation. Ainsi commença le début de mon calvaire.

 

 

Au matin du premier jour, personne n’arriva en retard.

Depuis que le choix de Will avait été acté, Khalem arborait un odieux sourire qui me comprimait exagérément la poitrine. Il y avait une arrogance malsaine dans ses gestes, des airs confiants et vicieux dans chacune de ses réactions. La tournure qu'allaient prendre ces quelques jours s'annonçait affreusement compliquée.

Assis à côté de moi, le regard vitreux et les doigts tordant compulsivement un pan de sa tunique, Cloud semblait aux prises avec la même appréhension. Je n'eus le loisir d'observer si les autres montraient, eux aussi, des signes de nervosité, car Khalem venait déjà de claquer des doigts et d'ordonner à Taurin et Egon de se mettre debout. Il n'avait même pas attendu que le bruit des pas de Will et des enfants ait disparu du couloir voisin.

« Aujourd'hui, comme souvent, vous n'aurez le droit d'utiliser que votre force physique. Le premier dont les pupilles s'illuminent de leurs couleurs onégiennes aura directement affaire à moi, commença notre professeur. Par ailleurs, je vous saurais gré d'offrir un premier combat mémorable à votre nouvelle camarade. » Par une petite courbette révérencieuse, il céda sa place aux deux premiers opposants qu'il venait de désigner et s'adossa contre le mur tout au fond de la pièce. De là, il avait une vue imprenable sur l'ensemble de la salle et sur le centre où s'était déjà préparé Egon. Taurin tarda à le rejoindre, comme s'il n'en avait pas compris l'injonction ou souhaitait volontairement s'y soustraire.

« Puis-je savoir ce que tu attends ? Me faut-il venir te prendre par la main ou te dérouler un beau tapis pour que tu daignes enfin prendre place ? s'impatienta Khalem.

Taurin se mit debout, la mine lugubre. Egon s'avança d'un pas rapide et menaçant. Taurin esquiva son premier coup de poing au tout dernier moment avant de contre-attaquer en essayant de lui faucher les deux jambes. Il échoua lamentablement et atterrit à plat ventre sur le sol en pierre. Egon profita de la situation en se jetant sur son dos, le coude dangereusement en avant. Le choc fut si violent que le cri de douleur de Taurin se fit probablement entendre dans toute l'aile des ombres. Egon se releva avec énormément de facilité alors que Taurin restait piteusement étendu par terre. Lorsqu'il se remit enfin debout, il essuya un léger filet de sang qui commençait à s'écouler de ses lèvres et lança un regard qui traduisait la haine à l'état pur. Egon n'en eut que faire et amorça une nouvelle offensive qui projeta immédiatement Taurin au sol ; sur le dos cette fois. Il ne s'en releva pas.

Khalem se détacha du mur en pierres et s'avança vers nous en frappant théâtralement des deux mains ; le premier affrontement était déjà terminé. Il remercia Egon et s'accroupit au côté de Taurin. Il se passa ensuite vulgairement la langue sur la lèvre inférieure avant de lui murmurer quelques mots à l'oreille. Un sourire glaçant lui fendait le visage.

« Que cela te serve de leçon », parvins-je seulement à deviner.

Afin de permettre à Gildric et Rippel de commencer le combat suivant, Khalem attrapa violemment Taurin par les pieds et le traîna sur toute la surface de la pièce pour ensuite l'abandonner dans un coin peu éclairé qui se situait dans mon dos. Ses plaintes de douleurs m'arrachèrent une grimace et me firent détourner momentanément le regard. Malgré notre animosité respective, je ne pus m'empêcher d'éprouver de la pitié.

À l'instar d'Egon, Gildric et Rippel prirent rapidement place au centre de la salle et Khalem retourna s'adosser contre son mur.

Rippel s’avança le premier et, d’un geste vif et maîtrisé, tenta de frapper Gildric avec le tranchant de la main. Ce dernier l’évita d’un simple mouvement d’épaule, mais ne put empêcher le coup suivant de l'atteindre. Rippel était parvenu à le frapper en plein milieu du torse. Bien que son geste fût violent, Gildric n'eut aucune réaction. Rippel se montrait beaucoup plus rapide que lui. À contrario, la résistance et la force de Gildric semblaient largement surpasser celles de Rippel.

Sans perdre de temps, Rippel tenta de faucher les jambes de son adversaire avec un large balayage du pied droit. Gildric l'esquiva habilement en sautant par-dessus. Il fonça ensuite vers Rippel pour le toucher en plein ventre. Rippel se plia en deux et la suite du combat s'enchaîna à toute vitesse. Gildric souleva Rippel du sol et le propulsa contre le mur. Ce dernier grimaça de douleur, mais parvint à contrer le puissant coup de poing qui s’ensuivit. D’un geste rapide, il vint se placer derrière Gildric et lui enfonça sa jambe dans le dos. Cette fois, son adversaire poussa un cri rauque, mais attrapa Rippel par le bout du pied pour l'attirer ensuite vers lui. Dès qu'il en eut l'opportunité, Gildric attrapa Rippel par la nuque et lui serra le cou de toutes ses forces. Perdant de sa superbe, Rippel fut soulevé une seconde fois du sol et son visage prit une teinte rouge grenat.

« Ça suffit ! », les interrompit Khalem. Gildric relâcha son emprise et Rippel put à nouveau poser ses pieds à terre et respirer. Il dut s’aider du mur pour demeurer debout. Lorsqu'il reprit sa couleur d'origine, il revint s'asseoir en m'offrant un triste sourire d'échec.

« Cloud, à ton tour. Montre à Alys toute l'étendue de ton apprentissage au sein de l'aile des ombres. » Ce dernier se leva et vint se placer au centre de la pièce. Je restai assise, sans comprendre tout de suite que je devais le rejoindre.

« Je pense qu'il t'attend », ajouta Khalem en s'adressant froidement à moi.

Je me relevai lentement et rejoignis Cloud d'un pas très peu assuré. Les battements de mon cœur jusque dans les tempes, je fixai Cloud qui se mordait les lèvres. « Je ne vais tout de même pas frapper une femme, implora-t-il en se tournant vers Khalem.

- De quoi as-tu peur ?

- Je n’ai pas peur... Cela ne se fait pas... C'est tout.

- Oh, je vois, commença Khalem d'un ton faussement compatissant. Je comprends. Tu préfères te retrouver face à un adversaire à ta taille. Moi, par exemple ? »

Cloud ferma les poings et serra la mâchoire, comme si son honneur venait d’être contrarié. Je ne lui en voulais pas d’avoir tenu de tels propos. Le combat ne serait pas équitable. Il n'y avait pas d'égo à défendre. S'il ne retenait pas ses coups, il était certain que j'allais me faire massacrer. Ce n'était pas l'expérience de mes combats d'enfants avec Bruno, Colt ou Sylfer qui allait m'être d'une grande aide en cet instant précis. Il ne faisait aucun doute que les cinq jeunes onégiens étaient individuellement plus forts que mes trois frères réunis.

Je pris une profonde inspiration et m’avançai la première. J'espérais aider Cloud à montrer ce dont il était capable en se défendant plutôt qu'en devant m'attaquer lui-même. Mes gestes étaient maladroits et mon approche surprise s'avéra être une véritable catastrophe. Lorsque je fus devant lui, il me repoussa sans effort ni agressivité. Je dus d'abord retrouver mon équilibre. Ensuite, je réitérai mon geste. Cette-fois, il n'y opposa aucune résistance et me laissa le gifler sans lever le petit doigt.

Gildric ne put retenir un éclat de rire qu'il étouffa dans le creux de son coude.

« Votre combat est passionnant, mentit Khalem. Cloud, si tu ne te défends pas de cette cuisante humiliation, je te remets une deuxième claque ». Mon adversaire serra à nouveau la mâchoire, plus fort encore. Son regard envers moi implorait d'avance le pardon et je compris tout de suite ce qui allait se passer. Il s'avança d'un pas rapide et, dans un grand déséquilibre, m'enfonça son poing serré en plein milieu du visage. Ma vision se brouilla et je tombai en arrière. Mes fesses amortirent la chute avant que ma tête ne touche le sol à son tour. Pendant un court instant, des étoiles défilèrent devant mes yeux. Rippel tenta de se relever pour me venir en aide, mais Khalem l'attrapa par les épaules pour le maintenir fermement à sa place. Absorbée par mon malheur, je n'avais pas remarqué que notre sadique professeur avait quitté le fond de la pièce pour nous observer de plus près, de ses yeux avides de violence.

Rippel détourna la tête juste avant que le talon de Cloud ne s’abatte froidement sur mon épaule. La douleur fut si vive que je laissai s'échapper un cri épouvantable. Puis j'attendis, tremblante de peur et le corps complètement recroquevillé sur lui-même. Par miracle, Cloud en avait terminé. Lorsque je rouvris les yeux, il me tendait la main pour m'aider à me relever et je retournai d’un pas chancelant à ma place. Depuis que j'avais basculé en arrière, un bourdonnement incessant s'était logé dans mes oreilles. Mon visage, mon épaule, mes fesses… La douleur était insoutenable et partout à la fois.

Khalem profita de mon égarement passager pour m'attirer à lui. « Tu as bien failli lui casser le nez ! ricana-t-il. C'est une très belle ecchymose qui l'attend. Oh, mais regardez, on parle d'elle et la voilà qui commence à pointer le bout de son nez. Qu'elle est belle ! »

Cloud était au bord des larmes. Khalem, au contraire, ne pouvait contenir sa joie face à cette situation qui n'avait pourtant rien d'amusant. Sans un remords ni la moindre once de délicatesse, il me repoussa vers ma place puis s'avança vers une des rares armoires qui décorait la salle ovale. Il y attrapa un panier en rotin et nous apporta un morceau de fromage à chacun. Il n'était plus de toute première fraîcheur, mais ici plus qu'ailleurs, de la nourriture restait de la nourriture...

Pendant que nous mâchions notre maigre en-cas, Khalem décortiqua méticuleusement les étapes du combat entre Rippel et Gildric, critiquant chacun de leurs gestes. Il fit ensuite se relever Taurin et l'utilisa comme pantin pour démontrer comment nous pouvions tous apprendre de leurs erreurs. Il ne lésina pas sur sa force, au grand dam de son élève.

Le reste de cette journée demeura un mystère pour moi. La douleur avait été telle que je me souvenais à peine de tout le reste. M'étais-je présentée chez Oslov ? Avais-je mangé et revu Ode dans les cuisines ? Et puis, comment étais-je donc arrivée jusqu'à ma chambre ?

 

 

Le lendemain, jusqu'à me retrouver face à Rippel, rien ne fut malheureusement très différent de la veille. Khalem nous fit nous affronter les uns les autres pendant des heures, dans un déferlement de violence que ma vie à Catzo ne m'avait absolument pas préparée à pouvoir encaisser. Après d'interminables minutes à m'éclater les genoux par terre malgré les croche-pieds pourtant volontairement lents d'Egon, Khalem m'attrapa par le col de la tunique. « Puisque tu aimes tant t'occuper des cas désespérés, essaye donc d'en faire quelque chose », grogna-t-il en me jetant aux pieds de Rippel.

Il indiqua sèchement à Egon de changer de partenaire et quitta la salle ovale quelques minutes seulement pour aller nous chercher notre petit déjeuner.

Rippel m'aida à me relever avant de poser ses yeux sur l'énorme ecchymose qui me colorait la moitié de la figure. Il fronça les sourcils, le regard plein d'empathie.

« Tu as mal, pas vrai ? Je vais essayer d'y aller le plus doucement possible pour contenter Khalem, mais sans te blesser davantage. »

À ses mots, Rippel s’avança vers moi et fit semblant de vouloir me frapper. Son mouvement était lent, me permettant facilement de l'éviter. « Bien, dit-il. Si je peux te donner un conseil, tu devrais mieux te protéger lorsque tu essayes de parer mes coups. Je pourrais aisément atteindre les parties les plus fragiles de ton corps. Tu me laisses trop d'ouvertures ; cela te met en danger ». Il s'approcha pour me prendre le poignet, mais je fis involontairement un pas en arrière. Un sourire triste se dessina sur son visage avant qu'il ne s'avance à nouveau, mais à pas de loups cette fois. Ses gestes étaient étonnamment doux et pleins d'humanité. Il m'effleura le poignet et me fit lever le bras en l’air. Il releva ensuite délicatement mon coude. Une douleur dans l'épaule me fit grimacer, mais je résistai à l'envie de m'éloigner. Il me prit ensuite l'autre main et la tendit vers l'avant. « Lorsque je voudrai te frapper, essaye de me bloquer avec l'os de ton avant-bras gauche. Ensuite, rends-moi une gifle de la main droite ». Il initia plus lentement encore son mouvement et je me protégeai le visage comme il me l’avait demandé. Puis, aux prises d'un grand doute, j'acceptai finalement de lui frapper l’oreille. « Parfait, répondit-il simplement. Maintenant, je veux que tu essayes de m’attaquer. Fais ce que tu veux et ce que tu peux ». Je m’avançai vers lui et tentai de lui agripper le bras. Il se positionna rapidement, les jambes fléchies, et arrêta ma main, avant même que je n'ai pu l’effleurer. Dans la continuité de son geste, il m’attira contre lui et enroula son bras autour de ma tête, sans pour autant réellement m'étrangler. Lorsqu'il relâcha sa contention, je tentai de lui attraper la jambe pour lui faire perdre l'équilibre. Il m'intercepta avec facilité avant de me coincer le bras dans la partie intérieure de son coude. Mon poignet commença à se tordre et je tombai sur les genoux, le dos de la main collé à son torse. « Arrête ! » lui hurlais-je. Il me relâcha instantanément et je me laissai tomber au sol.

Il voulut m’aider à me relever, mais je refusai de lui saisir la main. Je me remis debout toute seule et lui demandai à quoi il jouait. « Khalem te met injustement dans la fosse aux lions alors que tu ne possèdes encore aucune technique élémentaire de combat. J’essayais simplement de t'aider, me répondit-il d'un air qui semblait sincère.

- Dans ce cas, pourquoi viens-tu à l'instant d'en rajouter ? Tu ne m'apprends rien du tout ! »

Sans prendre le temps de me répondre, Rippel me fonça dessus et tenta de me gifler, un peu plus vite que la fois précédente. Je parai son coup sans trop d'efforts et lui frappai la joue. Je m’apprêtais à recommencer lorsqu'il se redressa devant moi, rayonnant de fierté. Il n'eut besoin d'aucun mot pour que je comprenne ses pensées. « Attentionné, mais exaspérant », me dis-je tout bas.

« Pour en être à un tel niveau aujourd'hui, j'ai dû énormément pratiquer et répéter tous ces gestes. Tout comme il est important d'apprendre à tomber pour être capable d’éviter les chutes, il faut savoir où et comment frapper pour pouvoir esquiver les coups. Ce ne sera que lorsque tu connaîtras avec certitude ce qu’il t’attend que tu seras capable de te défendre efficacement ».

Combien de fois allais-je donc devoir tomber avant de pouvoir me rapprocher de leur niveau ?

« Encore une fois ?, me demanda Rippel avant de faire semblant de me frapper ; de son autre main cette fois.

 

Pendant une bonne dizaine de minutes supplémentaires, Rippel me montra d'autres techniques de défenses. Alors que je commençais à me détendre et à mieux comprendre ses explications, Khalem nous obligea à nous séparer et je dus retourner affronter Egon ; et la brutalité reprit.

 

 

Pour la troisième journée de violence consécutive, Khalem décida de m'associer à Taurin ; et il allait s'agir de mon seul partenaire durant toute la matinée. Je n'avais aucune envie de me battre contre lui. Ce devait être lui, le mouton noir de la bande, avant que je ne prenne sa place. Peu importait le nombre de jours, de mois ou d'années depuis qu'il avait atterri ici, il allait forcément me le faire payer ; ici et maintenant. Je pouvais le lire dans ses yeux.

« Je vois clair à l'intérieur de toi et je sais désormais que la mort sera ton salut », me remémorais-je alors que Taurin se ruait déjà sur moi. Ni une, ni deux, il me plaqua au sol avant d'asseoir tout son poids sur mon ventre. Semblable à un animal sauvage, il me regardait droit dans les yeux afin de contempler la peur qui m'habitait. Je tentai de me retourner sur le ventre et de trouver une issue, sans succès. À me voir gesticuler dans tous les sens, un sourire vicieux s'étendait sur ses lèvres.

Pour Taurin, contrairement à Cloud, le fait que je sois une fille ne semblait absolument pas être un problème. Il me rouait de coups, sans aucune sommation. Je parvins à m'échapper de son emprise, mais à peine sortie d'affaire, il fondit une nouvelle fois sur moi et m'enfonça ses ongles jusque dans la chair. Taurin n'avait aucune limite. Lorsqu'il approcha son bras de mon visage, je n'hésitai pas un seul instant à le saisir entre les dents et à le mordre de toutes mes forces. Il hurla de douleur et retira enfin ses ongles de ma peau.

Il resta un moment à terre, tenant son poignet blessé. Je laissai la pitié de côté et lui prodiguai un coup de pied en plein visage. Le choc le fit rouler sur le côté, mais, avant même que je ne puisse lui en asséner un second, Taurin se releva et m’attrapa la mauvaise épaule ; celle qui ne s'était toujours pas remise de ma première rencontre avec Cloud. Sachant pertinemment à quel point elle était abîmée, il se mit à la serrer de toutes ses forces. La rage au ventre, je lui mis un coup de genou dans l’entre-jambe et il s’écroula à terre.

Autour de nous, tout le monde avait cessé de se battre pour nous regarder.

« Ça, les amis, c’est ce que j’appelle avoir des tripes, commença Khalem, les yeux pétillants d'excitation. Bien que nous puissions nous arrêter un moment sur les méthodes employées. Mon cher Taurin, ce n’est décidément pas ta semaine.

- C’était déloyal ! cracha-t-il d'un ton agressif après s'être enfin remis de la douleur de mon coup de genou dans ses parties intimes.

- Qu'aurais-je donc bien pu faire d'autres ? Comment pourrais-je me défendre autrement contre vous sans utiliser tout ce dont je dispose ; même s'il s'agit d'un coup bas ? répondis-je en soutenant son regard de défi.

- Il est pourtant bien là le fond du problème, tu n’as pas à apprendre à te défendre face à nous. Ce n’est ni ton rôle, ni ta place.

- Et toutefois, le roi me demande d'en faire un véritable soldat orphelin, répondit Khalem dont le sourire ne s'était toujours pas effacé. Cela dit, Alys, beau travail. Allez tout le monde, on s'y remet ! »

Ne m'attendant pas à ce que l'entraînement reprenne aussi vite, Taurin profita de ma distraction pour m’agripper l'arrière de la tête et me faire tomber sur le dos. Je m’écroulai au sol et il posa son pied au milieu de ma poitrine. Un sourire sadique s’étendit sur son visage alors qu'il fit basculer tout son poids sur moi. Je me mis à crier avant de me retrouver à court d’oxygène dans les poumons. Je le suppliai d’arrêter, mais il ne me relâcha que pour mieux me frapper ensuite.

Toutes les blessures que j'avais accumulées jusqu'à présent, y compris celles des habitants de Catzo, se réveillèrent et je ne pus empêcher un hurlement caverneux de s'échapper de ma gorge. Tout mon être souffrait le martyre. Je voulais mourir, disparaître d'ici pour ne plus jamais avoir mal.

Alors que j'étais allongée sur le côté, le goût du sang dans la bouche, Rippel et moi échangeâmes un bref regard de douleur partagée. Malheureusement pour lui, son inattention lui valut un coup de pied en pleine tête de la part de Gildric.

Je me relevai enfin, épuisée, et tentai d’asséner un coup à Taurin. Il le para sans aucune difficulté et me fit atterrir une nouvelle fois par terre.

Le combat continua comme cela encore longtemps ; trop longtemps…

 

Lorsque Khalem annonça la fin de son entraînement, nous dûmes nous rendre à nos chambres afin de nous préparer à prendre nos fonctions respectives de l'après-midi.

Mon corps tout entier ne devait plus être qu’une large ecchymose et mes jambes ne me soutenaient presque plus. Ma tunique était complètement distendue et sale. Rippel vint rapidement à mon secours et décida de m'accompagner jusqu'à ma chambre. Devant cette dernière, il m’ouvrit la porte et attendit que j’entre pour s’en éloigner. Je m’avançai sur mon lit et m’y laissai tomber en gémissant.

Je fermai les yeux pour échapper aux douleurs, mais cela ne fit que les accentuer davantage. Ma bassine d'eau m'offrit ensuite un triste spectacle. Mon visage était tuméfié et l'un de mes yeux s'ouvrait à peine.

Après m'être passé un peu d'eau sur le visage, avec l'illusion que cela puisse changer quelque chose à ma nouvelle apparence, je pris la direction du vestibule et fut conduite à l’arsenal. Cette fois encore, Oslov ne m'adressa pas un mot durant toute l’après-midi. Je dus lutter de toutes mes forces pour rester sur mes deux pieds et ne pas m'écrouler sur les dalles immaculées de son antre. S’il prit conscience de mon état déplorable, il n’en démontra ni intérêt ni compassion. Aujourd’hui, Mura et lui confectionnaient une armure de guerre et j’aurais donné n’importe quoi pour participer à leur création ; pour oublier, ne fut-ce qu'un court instant, les douleurs et l'asthénie.

 

De retour dans l’aile des ombres, mon esprit m'avait complètement abandonné. Je n’avais plus qu’une seule idée en tête : me plonger au fond de mon lit et ne plus jamais en sortir. Cela étant, alors que je posais le premier pied dans le vestibule, le son de la cymbale m'ouvrit soudain l'appétit. Par fierté mal placée ou par nécessité de survie, je m'ordonnai de ne montrer à personne à quel point ces trois derniers jours m'avaient anéantie.

Je quittai le vestibule et m'enfonçai dans le sombre couloir en pierre. L'atmosphère y était fraîche et dense. Quelques rares filets de lumière se dégageaient des fenêtres et semblaient vouloir me plonger dans un rêve éveillé. La lune projetait sa magie sur les murs et le vent murmurait doucement à mes oreilles. À chacun de mes pas, je sentais mon cœur se calmer pour finalement adopter un rythme presque régulier.

Lorsque j'arrivai près de la cuisine, un amas de jeunes me bloqua le passage. J’attendis à l’écart qu'ils daignent entrer et les suivis. Je pris ensuite rapidement place dans la salle à manger, munie d'une écuelle de soupe et d'un morceau de pain dur. Ce fut au tour d'un jeune garçon, nommé Savary, de remercier le roi Lim pour sa gentillesse et son hospitalité. Will n'était pas là ce soir. J'aurais voulu qu'il voit dans quel état Khalem m'avait mise. Son absence me mit en colère.

 

Le repas terminé, je pris la direction de ma chambre. Et lorsque Rippel appela mon nom, je n'eus même pas la force de me retourner.

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Mila
Posté le 11/05/2024
Hello !
J'attendais le chapitre suivant, je ne suis pas déçue !
Il est tout axé sur ces "cours" (si on peut appeler ça comme ça... pour la pauvre Alys, c'est plutôt des séances de rouage de coups...), et on ressent bien la souffrance d'Alys. En même temps, vu tout ce qu'elle se prend...
Non mais il est où Will ? Moi non plus j'étais pas contente ! Scrogneugneu, jamais là quand on a besoin de lui.
Khalem est prodigieusement agaçant et détestable. C'est voulu, non ? x) Le fait qu'il n'ait aucune pitié envers ses élèves... il est rude. J'avoue que je me perds un peu dans les prénoms, mais je commence à assimiler ! : Cloud, gentil, Rippel, gentil,
Taurin et Egon : PAS GENTILS DU TOUT
Je vais étoffer mon jugement par la suite, hein... j'imagine qu'ils ont chacun une personnalité qui ne demande qu'à être découverte, on l'a un peu vu avec Rippel, qui veut aider mais est un peu agaçant.
Comme tous les autres, j'ai beaucoup aimé !

Voilà quelques coquilles :

"La tournure qu'allait prendre ces quelques jours s'annonçait affreusement compliquée. "
=> qu'allaient (les jours, sujet inversé)

"Il n'avait même pas attendu que le bruit des pas de Will et des enfants n'ait disparu du couloir voisin. "
=> le "n'" de "n'ait disparu" m'a fait bizarre, je ne sais pas comment expliquer... la négation est déjà là avant ? Enfin bref, c'est mon avis

Pendant le combat avec Taurin :

"Il me ruait de coups, sans aucune sommation. "
=> je pense que tu voulais mettre "il me rouait de coups"

"Je parvins à m'échapper de son emprise, mais à peine sortie d'affaire, il fendit une nouvelle fois sur moi "
=> alors techniquement je crois que le verbe "fendre" marche ici, mais on aurait plutôt tendance à utiliser le verbe "fondre"

Voilà, au plaisir de lire le chapitre suivant !
PumknPie
Posté le 12/05/2024
Bonjour Mila, quelle rapidité de lecture ^^

Cela me touche énormément que tu prennes le temps de me lire et de me faire tes très chouettes retours.

J'espere que la suite te plaira toujours :)
Il y a en effet énormément de personnages que l'on va apprendre à connaître petit a petit au même rythme qu'Alys :)

Merci pour tes corrections ! Je vais corriger tout ça :)
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