8. La veille des vérités

Par Wen
Notes de l’auteur : "Les réponses ne viennent jamais quand on les attend."

La pluie s’était levée dans la matinée, tissant sur les vitres du lycée un voile translucide qui déformait les contours du monde extérieur. Arwen observait tranquillement les gouttes s’écraser dans un silence presque solennel, assise à l’une des tables de la bibliothèque. Elle n’était pas venue pour lire. Ce lieu calme et paisible était surtout devenu son refuge, un havre temporaire entre deux cours, où le bruit du monde se dissipait un peu.

 

Nelly arriva en traînant son sac à dos derrière elle, le visage dissimulé sous sa capuche détrempée. Elle lui lança un regard complice, mouillé de fatigue mais fidèle à leur dynamique grandissante.

— T’as vu Layla ce matin ? demanda-t-elle d’un ton neutre en sortant un paquet de cookies de son sac.

— Elle était à la cantine, répondit Arwen, le regard fuyant. Elle parlait avec deux filles que je ne connaissais pas.

Nelly ne répondit rien tout de suite. Elle ouvrit son paquet et poussa un cookie vers Arwen.

— Je lui fais pas confiance, déclara-t-elle finalement. Y’a un truc qui cloche chez elle. Trop lisse, trop présente.

Arwen haussa les épaules, mais au fond d’elle, ses pensées résonnent en écho aux paroles de son amie. Layla était gentille, presque trop. La rouquine ne laissait rien passer, semblait toujours savoir où elle se trouvait, ce qu’elle ressentait. Il y avait des jours où sa simple proximité rendait Arwen nerveuse.

 

À la sortie du dernier cours, les couloirs débordaient d’élèves, ruisselant d’énergie et de conversations. Arwen, bousculée par l’agitation, décida de s’éclipser avant que l’étouffement ne la rattrape. Alors qu’elle longeait le mur de l’aile ouest, elle l'aperçut. Lui.

Liam.

Il n’était pas seul. Deux garçons riaient à ses côtés, mais lui ne rigolait pas. Il souriait à peine, distrait. Son regard finit par croiser celui d’Arwen. Pas un simple regard. Un verrouillage silencieux. Elle s’arrêta, légèrement prise au dépourvu. Il n’esquiva pas. Au contraire, il s’approcha.

— Tu fuis encore les gens, lança-t-il doucement, la voix à peine couverte par le vacarme autour.

Elle le fixa, surprise par sa voix tranquille, presque moqueuse, mais pas agressive.

— Tu m’as observée ? répondit-elle, plus sèchement qu’elle ne l’aurait voulu.

Liam sourit, les yeux plissés.

— Peut-être. Mais je suis pas le seul. Les gens remarquent ce qui est différent. Et toi, tu l’es.

— Tu veux dire bizarre ?

— Non. Je veux dire... pas comme les autres. Et c’est pas un défaut.

Il y avait une étrange chaleur dans sa voix, comme s’il la comprenait sans vraiment la connaître. C’était peut-être ça qui la déstabilisait le plus. Il était sûr de lui, détendu, pas du tout maladroit ou intimidé. Contrairement à elle.

— T’es toujours aussi direct avec les filles ?

— Seulement celles qui me répondent.

Son sourire était franc, charmeur, mais pas insistant. Il se contenta de la regarder, puis de détourner les yeux, comme pour lui laisser l’espace de respirer. Avant de partir, il ajouta :

— Au fait... j’aime bien ton dessin du couloir. Celui au crayon. C’est toi, non ?

Elle sentit son cœur rater un battement. Il avait vu le croquis accroché au panneau d’affichage temporaire près des casiers. Elle n’avait jamais signé.

— Comment tu sais ?

— Intuition. Et... j’ai reconnu ton style. Tu dessinais dans la bibliothèque, un jour. T’as l’air plus vivante quand tu tiens un crayon.

Puis il s’éloigna, laissant dans son sillage une trace indéfinissable, entre trouble et curiosité.

 

La soirée tombait sur la maison. Amy préparait des lasagnes, le tablier noué à la hâte. Arwen l’observait depuis l’embrasure de la cuisine, toujours surprise de la facilité avec laquelle cette femme pouvait incarner la normalité.

— Tu veux m’aider ? proposa sa tante sans se retourner.

— J’observe. C’est déjà un effort.

Amy rit doucement, puis sortit un plat du four.

— Tu sais, je me demandais quand tu me poserais la question.

Arwen fronça les sourcils.

— Quelle question ?

— Celle à laquelle tu penses depuis une semaine. À propos de ton père. Ou de ta mère. Ou des deux.

Un silence s’abattit dans la pièce, lourd, presque tangible.

— J’ai trouvé une enveloppe dans un vieux carnet, finit-elle par dire. Avec une initiale... un G encerclé. Tu sais ce que ça veut dire ?

— Non, répondit Amy un peu trop vite. Probablement rien d’important.

Le regard d’Arwen se durcit.

— Tu mens.

— Je te protège.

Un silence. Puis, comme un souffle retenu trop longtemps :

— Tu crois que je suis en danger ? demanda Arwen.

Amy se retourna enfin. Son visage, si souvent détendu, portait une ombre inhabituelle.

— Je crois que tu as droit à une vie normale. Tant que tu peux.

Et elle quitta la cuisine, laissant Arwen seule avec ses doutes et l’odeur des lasagnes en train de refroidir.

 

Plus tard dans la nuit, alors que les ombres s’étiraient sur le plafond de sa chambre, Arwen se leva pour chercher de l’eau. En descendant les escaliers, elle passa devant le bureau d’Amy, entrouvert. Une lumière faible filtrait par la porte. Curieuse, elle s’approcha.

Sur le bureau, une vieille photo dépassait d’un dossier. Trois silhouettes floues. Une femme, un homme... et un bébé dans une couverture. Son cœur se serra. L’image était ancienne, mais le regard de la femme, intense et protecteur, lui était familier.

Elle tendit la main pour la saisir mais, au même moment, une ombre apparut dans le couloir. Amy.

— Ne touche pas à ça, dit-elle fermement.

Arwen sursauta.

— Qui sont ces gens ?

— Personne que tu dois connaître. Pas encore.

Puis, dans un geste calme, sa tutrice referma le dossier, le rangea dans un tiroir qu’elle verrouilla.

— Va dormir, Arwen. La nuit porte conseil.

 

Mais cette nuit-là, aucun conseil ne vint.

Seulement des questions.

 

Et, quelque part dans un autre quartier de la ville, un homme au téléphone prononçait son nom avec inquiétude.

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Inxs.0
Posté le 26/08/2025
Bonsoirrr,

C’était sûr qu’Amy cache des choses à Arwen et j’ai troop hâte de savoir, je suis super curieuse et je sens que le reste l’histoire va être croustillante 🤭
Wen
Posté le 28/08/2025
Coucouu,

Ouiiii, je fais un peu traîner les choses hahaha mais en effet il y a pas mal de secrets à découvrir...
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