8. Lupo

Notes de l’auteur : On passe aux choses sérieuses. ⚖️

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« Jette-moi aux loups, je reviendrai chef de la meute. »

                    

INCONNUE. 

– Alors, on fantasme sur les policiers?

Il m'a dit ça sans daigner relever la tête pour me regarder, tout en commençant à ôter sa chemise. 

J'ai senti son sourire dans le ton de sa voix. J'ai brusquement refermé la porte de sa chambre, agacée par son comportement. Je me déteste d'avoir laissé traîner mon regard un peu trop longtemps sur sa personne. Je ne veux pas qu'il se sente intéressant. Je ne le reconnaîtrai jamais devant ce type que je connais à peine, mais il est vrai que cet uniforme lui allait sacrément bien et le rendait vachement séduisant.

Les traumatismes que m'a laissés mon père m'ont empêché de vivre la vie d'une jeune femme normale. Je n'ai jamais connu l'amour, je n'ai jamais pu accorder ma confiance, et plus que tout, jamais je n'ai connu l'attrayant désir sexuel. 

C'est la première fois que je me retrouve devant un homme qui fait naître en moi une sensation nouvelle rien qu'en le regardant. Quelque chose de plaisant, d'attirant. 

Quelque chose qui me terrorise

J'ai préféré fuir tant qu'il était encore temps. 
Et puis, je n'aime pas la confiance en lui qu'il dégage, le fait qu'il soit si sûr de sa personne quand il me parle, et ce sourire au coin de ses lèvres en permanence qui m'agace plus que tout. Il est conscient de ce qu'il dégage et ça, ça ne me plaît pas. 

Je claque une nouvelle porte. 

Après le repas, Volpe m'a appris qu'ils ont une terrasse qui donne sur un coin sans vis-à-vis, d'où personne ne peut me voir. J'ai une très belle vue sur un grand pré, où l'herbe est encore verte mais sèche à cause du manque de pluie. La nuit est déjà tombée, mais la lune est haute dans le ciel et éclaire autant qu'elle peut ce qui se trouve au-dessous d'elle. 
Je ne suis pas allée dehors depuis plusieurs heures, et le petit air frais qui vient fouetter mon visage me fait un bien fou.

Comme je lui l'ai demandé, Volpe est passé m'acheter un paquet de cigarettes dans la journée. Il est sympathique, du moins il m'en a l'air. Je reste méfiante, je ne connais aucun d'entre eux quand bien même ils m'ont sorti d'une situation affreuse, mais j'avoue ne pas comprendre ce qu'une personne comme lui fait dans ce genre d'affaires. Pour l'instant.

Après avoir allumé une cigarette avec le briquet qui se trouvait toujours dans ma blouse d'infirmière de la veille, je garde les yeux clos pour prendre une grande inspiration emplie de sensations nouvelles.  

Une inspiration pleine de liberté. 

Je suis libérée. 

Libérée de mon père, de sa tyrannie, de sa méchante femme, et de ses fils que je déteste plus que tout. De cette maison cauchemardesque dans laquelle j'ai tant de fois prié et supplié d'avoir le courage de m'enfuir. 

Une larme coule sur ma joue alors que je laisse échapper un sanglot, que je ravale immédiatement pour ne pas que l'on m'entende en posant ma main libre sur ma bouche. 
J'ignore si je pleure de tristesse, de joie ou de soulagement. Je ne sais pas de quoi l'avenir sera fait, mais je suis certaine qu'il ne pourra pas être pire. 

L'angoisse que je ressens s'échappe peu à peu de moi comme la fumée d'entre mes lèvres gercées par ce début de février. J'ai besoin d'abandonner ces pensées négatives, mon esprit a beaucoup trop souffert de toutes celles que j'ai pu remuer sans cesse en me demandant ce que j'avais bien pu faire de mal pour mériter d'être à ce point malheureuse. 

Je crois que je n'ai rien fait de spécial. 

On m'en voulait simplement parce que j'avais le malheur d'être en vie. 

Mes parents ne désiraient pas d'autres enfants. Je suis arrivée quand on ne m'attendait pas, comme une surprise. Mais personne n'a été heureux de ma venue. Ma mère me la fait comprendre juste avant de me laisser et de partir à des milliers de kilomètres de mon père et moi. Je ne me remettrai jamais de cet abandon. Elle a tué une partie de moi ce jour-là, parce qu'elle n'est pas partie seule. Elle m'a enlevé ma bouée de sauvetage dans ce tsunami infernal. 

À ce souvenir, je sens mes yeux se remplir à nouveau de larmes qui troublent ma vision et que j'empêche immédiatement de se répandre sur ma peau en les essuyant avec ardeur. Je secoue vivement la tête pour me remettre les idées en place, passer à autre chose et oublier ce moment d'égarement. 

Du bout de mon ongle, j'accroche la cigarette pour laisser tomber l'excès de cendres. J'ai réfléchi durant toute la journée, enfermée dans la chambre, profitant du fait que tout le monde n'était pas présent dans l'appartement. Je dois ma survie à ces hommes, et sans eux je ne sais plus comment faire, maintenant qu'aux yeux du monde, je n'existe plus. Je ne peux pas prendre le risque de me montrer alors que l'infâme personne qu'est mon géniteur veut ma peau. La solution m'est apparue comme une évidence, et quand bien même j'ai peur de me tromper ou de regretter ma décision, il faut savoir accepter que dans certaines situations, nous n'avons pas le choix. Je n'ai plus de famille, aucun ami, et je ne peux plus me réfugier dans mon travail. Je n'ai plus rien, on m'a tout pris. Et le fait de me répéter cette phrase ne fait qu'accroître l'angoisse immortalisée dans le creux de mon ventre. Celle qui prend aux tripes et n'abdique jamais. 
Je vais rester vivre avec eux, s'ils veulent bien de moi. Je pense avoir encore quelques revanches à prendre, et pour ça, j'ai cru comprendre qu'ils étaient les rois. 

Le violent bruit d'une porte qui claque à l'intérieur de l'appartement me fait sursauter et j'en échappe ma cigarette qui me brûle le côté du doigt. Après l'avoir rattrapée in extremis, je m'empresse de l'apporter une dernière fois à mes lèvres pour la terminer en ignorant la faible douleur sur ma peau, et me hâte dans le salon. 

Mes yeux s'écarquillent au fur et à mesure que je découvre Ragno qui vient tout juste de rentrer. Tous les garçons arrivent en même temps, alertés eux aussi par le bruit. 

Il porte un t-shirt blanc, tâché par des centaines de gouttelettes de sang et déchiré au niveau de la manche droite ainsi que sur le bas. Mon premier réflexe d'infirmière est de chercher une blessure quelque part sur son corps, mais je n'en vois aucune. Du moins, elle n'est pas apparente. 

Leone fait son entrée dans le salon et son attention est seulement dirigée sur le nouvel arrivant. À la rapidité de ses pas et à son regard qui me glace le sang, j'en conclus qu'il est en colère et que je ne vais pas tarder à être mal à l'aise. La pièce est soudainement emplie d'un air pesant, et je jette un œil vers les autres. Il se trame quelque chose que j'ignore encore. 

  – T'étais où?, demande simplement Gatto d'une voix un peu endormie. 

Il s'était probablement assoupi, vu l'heure avancée de la soirée ça ne m'étonnerait pas. Je sais qu'ils n'ont pas eu une seconde de répit aujourd'hui. 

Alors qu'il s'apprête à répondre, je suis prise de court par une voix plus grave et bien plus sévère. 

  – Assis. 

La voix de Leone résonne dans le salon et chaque présence a l'air de se tendre. Je l'observe durant de longues secondes sans me cacher, encore une fois, bien trop surprise par ce que j'entends. Son timbre de voix donne envie de se plier à n'importe lequel de ses ordres. Il est tellement intimidant que j'ai moi aussi envie de m'asseoir sous son air dominateur, mais ce serait oublier mon crédo. Jamais, Ô grand jamais, je ne plierai de nouveau devant un homme. 

Ragno le fixe silencieusement, les deux hommes face à moi se défient du regard dans une tension peu ordinaire.  

Leone ne lâche pas l'affaire. Je peux voir son torse se soulever avec frénésie au rythme de sa respiration. Il a l'air hors de lui et il garde tout de même le contrôle. C'est presque fascinant. Il semble au bord de l'explosion mais il reste statique. 

Après plusieurs secondes qui me paraissent affreusement longues et sans rompre leur duel de regards, Ragno tend sa main pour attraper une chaise sur sa gauche et finit par s'assoir sans un mot. Il se résout à capituler, mais par fierté, il ne baisse pas les yeux. 

Leone dégage une aura puissante qui me cloue sur place. Cette lourde ambiance me ramène vers d'autres souvenirs tragiques qui m'assèchent la gorge. Je ne sais pas quoi faire en ce genre d'instant critique, mais je sens que la nuit va être longue. 

Très longue. 

  – T'as une minute pour m'expliquer ce que je sais déjà. 

Leone croise les bras, son regard est toujours braqué sur Ragno, comme si nous n'existions pas. Je ne sais pas s'il nous ignore volontairement ou si notre présence n'est pas voulue ici, mais je ne serais pas contre le fait de disparaître. Falco a l'air aussi mal à l'aise que moi, je le vois à son regard qui voyage rapidement entre ses deux compères. 

Je hais le conflit, il me fait peur depuis toujours. 

– Comment ça ce que tu sais?, Volpe demande, les sourcils froncés, ignorant tout de la situation. 

Gatto lui jette un regard, il ne semble pas comprendre lui non plus. 

– Pourquoi j'ai jamais entendu parler du type que tu viens de tuer, hein? 

Restant focalisé sur Ragno, Leone ne prête aucune attention aux autres et attend des réponses du principal intéressé. Les questions qu'il lui pose donnent un semblant d'explications à la bande. 

– J'ai préféré en faire mon affaire, lâche Ragno d'un air un peu trop sûr de lui qui ne plaît pas. 

Il est bien trop confiant, et je sens que ça tend le tatoué en face de lui. S'il le pouvait, son regard le tuerait, lui aussi. 

– T'es allé buter un type sans nous prévenir? Attends t'es sérieux là? C'est quoi ce bordel, c'est chacun pour soi maintenant? 

Gatto s'interpose entre les deux pour s'exprimer à son tour, et il parait tout autant fâché. Ou déçu. 

– C'était une affaire personnelle, pas besoin de le prendre tant à cœur. 

Leone lâche un rire sans humour. 

– Qui le prend le plus à cœur dans l'histoire? Celui qui s'offusque ou celui qui se venge? 

Ragno ne rajoute rien, mais je sens qu'il n'apprécie pas du tout la position dans laquelle il est mis. Avec sa carrure, ce type pourrait subitement se lever et tout dévaster sur son passage. Du moins c'est ce que je croyais avant de voir le pouvoir que pouvait exercer Leone sur les autres. C'est lui qui fait régner l'ordre ici, maintenant je le comprends. 

– C'était qui?, le ton de Leone se fait un peu moins grave, et il croise les bras en attendant une réponse qui lui convient. 

Ragno se laisse légèrement glisser sur sa chaise pour être plus à l'aise. Toujours sûr de lui et sans une seule once de regret, il fixe toujours le tatoué. 

– Un prof que j'ai eu quand j'étais à l'école primaire. 

Je sens chacun des garçons se détendre un peu. La colère semble quitter l'expression de Leone pour laisser place à un certain intérêt. Il décrispe la mâchoire, mais malgré ça, ses sourcils sont toujours froncés, et il garde sa stature. 

– Ce fils de putain aimait toucher les enfants, surtout les garçons. Tu sais ce qu'il disait?

Un sourire malsain s'invite sur le visage de Ragno tandis qu'il avance légèrement son buste, appuyé sur sa cuisse, et j'arrive à en ressentir toute l'amertume du monde. 

  – « Je baise ces petits gars et en plus, ils aiment ça. » Des gamins de huit ans bordel de merde, encore heureux que je lui ai explosé la gueule avec mes pompes, crache-t-il en reprenant un air grave. C'est un message de la part de tous les gosses de cette bonne vieille école. 

L'angoisse que je commençais à ressentir monte subitement, se bloque dans ma gorge et j'ai envie de rejeter l'entièreté de mon repas. D'horribles souvenirs s'immiscent dans mon esprit quand bien même j'essaie de lutter, et je cherche une distraction du regard qui pourrait m'éloigner du sujet de conversation. J'ai besoin de focaliser mon attention sur autre chose. 

Anakin. 

Je m'approche discrètement du canapé pour m'y asseoir et essaie tant bien que mal de ne pas écouter ce qu'il se dit. 
C'est peine perdue, ma sensibilité et ma curiosité ont besoin de savoir pour comprendre ces types. 

Leone reste stoïque, il n'interrompt plus Ragno. C'est comme si, finalement, ils étaient tous d'accord avec lui. 
Le tatoué finit par reprendre la parole après quelques secondes de silence. 

  – Et ça t'arrachait la gueule de nous en parler avant d'agir? Tu sais parfaitement qu'on aurait compris. On a des putains de règles et tu aimes un peu trop cracher dessus à mon goût. On se fiche de savoir le pourquoi du comment. Dit juste ce que tu comptes faire et où, histoire qu'on sache où chercher ton cadavre si les choses tournent mal. Je vais pas remuer toute l'Italie pour ta gueule. 

Je détache quelques secondes mon regard de l'adorable compagnie qui a installé sa tête sur ma cuisse pour toiser les garçons. Ragno se lève face à Leone, et je sens comme un sourire dans sa voix. 

  – T'as raison, on est pas assez intime pour que tu soulèves tout un pays pour moi. 

La tension redescend comme elle s'était installée, instantanément. C'est comme si la raison qu'a donné Ragno était légitime pour tout le monde. 

Je décide de me lever sans y réfléchir à deux fois, ne pouvant détacher mes yeux du t-shirt blanc maculé. Quand je m'approche, quelques regards se posent sur moi. 

– Tu es blessé?, demandé-je d'un ton plat, sans montrer une once d'inquiétude. 

Je ne veux pas avoir de peine pour ce type, mais je suis avant tout quelqu'un qui soigne, peu importe qui se trouve devant moi. 

  – C'est moi qui blesse, pas l'inverse. 

Et il s'éloigne après m'avoir jeté un vague coup d'œil, comme si le fait que je me préoccupe un minimum de son état lui était complètement égal. 

Les gouttes de sang sur son haut me laissent imaginer la violence avec laquelle il a tué cet homme. 

Mais en prenant en compte ses explications, ce geste n'était-il pas mérité? 

C'est donc ça. Quand quelqu'un fait le mal, ils lui font payer.

Est-ce que je devrais faire payer mon père pour toutes les années où il m'a fait du mal? Il est peut-être temps d'arrêter de se laisser faire. 
Stop. Je connais ces cinq types depuis même pas deux jours et leur comportement déteint déjà sur ma personne. Une partie de moi, sans doute la pire, comprend parfaitement ce désir de représailles. 

  – Tu es blessé, oui ou non?, demandé-je sur un ton plus ferme, obligée de hausser le ton pour me faire entendre. 

Mes sourcils sont froncés, et les siens font de même lorsqu'il comprend que je m'adresse de nouveau à lui et que j'exige une vraie réponse. Un fin sourire finit par se dessiner au coin de sa bouche, comme pour me narguer. 
Je laisse tomber mes yeux sur les gouttes de sang qui ornent son haut, avant de le désigner d'un signe de tête. 

  – Enlève ça. 

Je ne sais pas ce qui me prend, mais je ne supporte pas qu'un inconnu, même s'il s'avère être un assassin, me prenne de haut comme il le fait. J'ignore si c'est Leone qui me donne inconsciemment cette envie de donner des ordres ou si je me sens pousser des ailes à cause de toute cette animosité, mais ce dont je suis sure c'est que j'ai vu une nouvelle tâche se former dans son dos, preuve qu'il a bel et bien été blessé, et c'est mon devoir de faire quelque chose. 

Je sens quelques regards étonnés sur ma personne, sûrement à cause de mon excès de confiance subit. Ragno échappe un petit rire qui fait monter la colère en moi, mais je redescends légèrement quand je le vois m'obéir. 

J'acquiesce, comme si j'étais satisfaite qu'on m'écoute enfin, et demande en balayant la pièce du regard pour capter l'attention de tout le monde. 

  – Où est-ce que je peux trouver de l'alcool et des compresses? 

– Dans le placard en haut du lavabo de la salle de bain, me répond Leone, le regard planté dans le mien. 

Ses bras sont toujours croisés, il n'a pas bougé. Je hoche simplement la tête et m'en vais chercher ce dont j'ai besoin. J'entends quelques messes basses qui attisent ma curiosité alors que je fouille dans le dit placard. Les lèvres pincées, j'essaie d'écouter ce qu'il se dit mais ils se dissipent rapidement et les pas que j'entends m'intiment que tout le monde retourne vaquer à ses occupations. 

Je m'apprête à refermer les portes du placard quand une grande silhouette s'immisce dans mon dos. Je sursaute en croisant les yeux cernés de Ragno dans le miroir. Je me permets de scruter son visage quelques secondes avant de lui faire face. 

– Tourne-toi, je m'en occupe. Il faut toujours soigner une plaie, même quand on joue les caïds, sinon tu prends des risques idiots. T'as vraiment envie de te retrouver avec une infection ou continuer à te vider de ton sang? Tu n'es pas invincible. 

– Super, on a notre sauveuse maintenant. Tu joues souvent les héros comme ça?, lance-t-il avec une pointe d'ironie. 

Après lui avoir lancé un regard noir qu'il ne peut voir, toujours dos à moi, j'écrase la compresse imbibée d'alcool contre la large coupure qui trône sur ses lombaires. Il ne mérite pas que je sois douce. J'espère intérieurement qu'il serre les dents. 

– Je joue pas les héros. C'est ce pour quoi j'ai été formée. Toi tu tues, moi je soigne. 

Il ne rajoute rien, mais au moins il se tait. Ce n'est que lorsque j'ai fini de nettoyer la plaie qu'il se tourne brusquement vers moi avant que je n'ai pu la protéger par un quelconque bandage. 

– Laisse comme ça, ça fera l'affaire. 

J'ai seulement le temps de relever les yeux vers lui qu'il a déjà quitté la salle de bain. 

– Mais de rien !, je lance en soupirant alors qu'il a déjà disparu. 

Je ne sais même pas pourquoi je suis étonnée qu'il ne prenne pas la peine de me remercier. Je préfère ne pas en tenir rigueur, et j'ouvre l'eau chaude du robinet pour me laver les mains. J'ai le malheur de lever les yeux et de m'attarder sur mon reflet. Un soupir franchit immédiatement mes lèvres lorsque je me découvre. Mes cheveux clairs ont perdu de leur éclat, mon eyeliner a légèrement coulé, mes lèvres sont entaillées par quelques petites coupures et il est facile de voir que je manque cruellement de sommeil. Je suis affreuse à voir. 

Un raclement de gorge résonne dans mon dos et mon regard dévie sur le reflet de celui qui vient d'entrer. Je ferme prestement le robinet et prend le temps de m'essuyer les mains avec une serviette blanche qui traînait à mes côtés. 
Je suis assez étonnée de voir Leone, une épaule appuyée contre l'encadrement de la porte et les bras croisés, mais je reste muette. 

– Si tu as fini de t'admirer, j'aimerais au moins te dire merci pour Ragno. 

M'admirer, oui, sûrement. Je devrais me cacher six pieds sous Terre plutôt, et son regard toujours rivé sur ma personne n'aide pas. 

– Vous vous blessez souvent comme ça?, dis-je pour changer de sujet en me retournant face à lui. 

Il hausse seulement les épaules d'un air désintéressé. 

– Personne fait attention à ça. 

J'avais raison, ils se pensent invincibles et se fichent pas mal de perdre du sang. 

– J'ai réfléchi à ce que je voulais faire, continué-je sans vraiment le regarder dans les yeux. 

Je ne sais pas pourquoi je dis ça maintenant, mais je ressens le besoin de clarifier les choses. Je veux être sûre de ce dont sera fait demain. Il m'intime de poursuivre d'un signe de tête alors qu'on s'extirpe tous les deux de la salle de bain. Dans le salon, tous les garçons sont de nouveau réunis, mais je peux lire la fatigue sur plusieurs visages. 

– Je voudrais rester. 

Quatre paires d'yeux me fixent avec étonnement. La dernière ne m'a pas lâché depuis plusieurs minutes. 

– Je n'ai nulle part où aller, et vous avez visiblement besoin de moi, continué-je en désignant Ragno d'un signe de tête, leur faisant comprendre qu'être blessé n'est pas anodin. 

Leone se tourne vers les autres comme s'il attendait d'avoir leur avis avant de prendre une décision. Il n'a pas l'air étonné mais je n'ai pas l'impression que son plan était de me garder parmi eux. Je pense qu'ils avaient prévu de me laisser me débrouiller seule après m'avoir sauvé la mise. Mais à présent que mon père va me déclarer décédée, je ne peux plus reprendre une vie normale. 

Gatto se redresse et hoche la tête. 

– Ça me va. Je vois pas d'autres solutions de toute façon. 

Volpe et Falco le suivent silencieusement d'un signe de la main, et je dois avouer que le fait qu'ils n'hésitent pas me fait un peu plaisir. C'est la première fois que je me sens acceptée par certains, quand bien même c'est ici et que, comme l'a dit Gatto, c'est la seule issue possible. 

Ragno hausse les épaules comme s'il se fichait pas mal que je sois là ou non. Je vois quand même à ses traits tendus qu'il n'est absolument pas ravi. 

– Je pense pouvoir me rendre utile quant à vos activités, je suggère en sous-entendant que mon métier pourrait servir. Et puis, aussi pathétique que ça puisse paraître étant donné notre merveilleuse rencontre il y a deux jours, je n'ai plus que vous. 

Bien sûr, j'ironise. Je n'ai toujours pas digéré le fait qu'ils m'aient tasée ce soir-là. Je me sens encore physiquement plus faible qu'avant. 

– Si tu restes parmi nous, commence Volpe, il va falloir te trouver une nouvelle identité, parce qu'on ne doit pas connaître ton vrai prénom. Celui-là, il faut l'oublier. 

Je déglutis légèrement. Je ne suis pas prête à tirer un trait sur ce que je suis. Malgré tout ce qu'on a pu me faire, je me suis forgée en étant moi-même. 

– Alors, c'est quoi ton petit nom?, raille Ragno, dévoilant un sourire insolent. "Gamine" ferait bien l'affaire. 

Je ne relève pas la pique qu'il me lance. Pourtant elle ne fait que renforcer ce sentiment d'infériorité que je me déteste de ressentir sous leurs regards. Je me sens petite face à ces assassins. 

– Puisque vous tenez absolument aux noms d'animaux, j'ai choisi. Je serai Lupo¹. 

Je n'ai pas eu besoin de chercher bien longtemps pour savoir à quel animal j'allais emprunter le nom. Je me redresse légèrement pour me tenir droite, déterminée à commencer une nouvelle vie. 

Leone esquisse un sourire qui disparait aussitôt. Ce genre de sourire qui m'agace. Celui qui le rend pourtant charismatique. 

– Bienvenue dans la horde, lâche-t-il plus sérieusement. 
 

Je ne suis plus le petit agneau perdu qui ne sait plus où aller.

Je suis le loup qui rejoint la meute.


 

_______________________________
¹ Loup, en italien. 

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coeurfracassé
Posté le 10/07/2023
Salut salut millobooks !!!
Ça faisait longtemps, désolée. Le temps de lire tes chapitres m'a cruellement fait défaut mais maintenant, je suis de retour !
Chapitre excellent, comme toujours. Petite remarque à laquelle je pense depuis quelques chapitres déjà : peut-être serait-il bien de faire un mini résumé de chaque personnage, car pour moi (qui ne suis pas du tout italienne) j'ai du mal à me rappeler qui est qui car tous les prénoms se ressemblent un peu...🙈. J'avoue qu'un résumé auquel me référer ne me ferait pas de mal, avec peut-être une description physique, particularités, prénom bien sûr. Mais après à toi de voir !
Sinon, j'ai relevé deux-trois choses à corriger niveau syntaxe-orthographe. J'ai fait une petite liste :
- Comme je lui l'ai demandé, Volpe est passé m'acheter un paquet de cigarettes dans la journée. Il est sympathique, du moins il m'en a l'air. Je reste méfiante, je ne connais aucun d'entre eux quand bien même ils m'ont sorti => Comme je le lui ai demandé[...] quand bien même ils m'ont sortie
- Ma mère me la fait comprendre => Ma mère me l'a fait comprendre
- je m'empresse de l'apporter une dernière fois à mes lèvres => je m'empresse de la porter une dernière fois à mes lèvres.
- - Comment ça ce que tu sais?, Volpe demande, => Comment ça ce que tu sais ? demande Volée.
- - T'as raison, on est pas assez intime pour que tu soulèves tout un pays pour moi. => on n'est pas
- C'est comme si la raison qu'a donné Ragno était légitime pour tout le monde. => C'est comme si la raison qu'a donnée Ragno était légitime pour tout le monde.
- mais ce dont je suis sure => mais ce dont je suis sûre
- Ragno échappe un petit rire qui fait monter la colère en moi, mais je redescends légèrement quand je le vois m'obéir. => Ragno laisse échapper un petit rire qui fait monter la colère en moi, mais elle redescend légèrement quand je le vous m'oblige
- – Mais de rien !, je lance en soupirant alors qu'il a déjà disparu => Mais de rien ! lancé-je en soupirant alors qu'il a déjà disparu
- La dernière ne m'a pas lâché depuis plusieurs minutes. => La dernière ne m'a pas lâchée depuis plusieurs minutes.

Alors voilà voilà, j'espère que ces quelques corrections te seront utiles, même si j'en ai sûrement laissé passer quelques une !
UneXtoile
Posté le 03/07/2023
"Je suis le loup qui rejoins la meute"

VASY BÉBÉ JE TE REGARDE FAIRE PARCE QUE T'ES LA MEILLEURE

je cours lire le prochain dès que je peux PUNAISE
millobooks
Posté le 03/07/2023
tu vas voir, elle va se révéler notre reine🧡
j'espère que tu vas aimer!!!
UneXtoile
Posté le 05/07/2023
Je n'en doute pas une seule seconde ma chère
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