Ses ailes fouettaient furieusement l'air tout autour d'elle à l'image d'une tornade déchaînée. D'ailleurs la situation aurait pu être drôle car ce mouvement compulsif faisait voler ses cheveux dans tous les sens. Un ballet capillaire de haut vol, avec de longues mèches blanches en guise de danseuses étoiles. Ce rideau pâle laissait apercevoir un visage angulaire, dur, fermé, agacé. Des cernes violacées contrastaient fortement avec des iris blanc sans défauts. La seule autre touche de couleur se trouvait sur ses lèvres, fines et roses pâles.
« Recommencez. ENCORE ! »
Un long hurlement suivit son ordre. Dans un mouvement gracile, elle tournoyait tout autour de sa victime entravée de chaînes enflammées. Du fer, pur, la meilleure arme contre les êtres célestes quand c’est couplé au feu Sacré.
« ENCORE ! »
Deux petits diablotins volants, aux queues et oreilles pointues, soulevèrent alors une tige de métal avec en son bout une flamme incandescente pour transpercer le corps du prisonnier. Celui—ci hurla de nouveau tout au long de la manœuvre, du moment où l'objet coupant effleura sa chaire jusqu'à son extraction dans le sens inverse. Une fois fait, son souffle se fit court et sa tête resta dodelinante contre son thorax. Sa longue barbe d'habitude si soigneusement peignée était emmêlée, souillée de sang qui venait assombrir les poils blancs. Des traînées s'écoulaient depuis cette blessure au niveau de son cœur, là où ses tortionnaires prenaient un malin plaisir à creuser encore et encore et encore. Toujours au même endroit, pour insister sur la même plaie qui s’ouvrait et se refermait indéfiniment.
« Réponds ! Et ton calvaire prendra fin cher enfant. »
Une quinte de toux laborieuse lui répondit, rien de plus rien de moins. La réponse tant exigée ne vint pas. La tortionnaire haussa un sourcil, étonnée par tant de résistance. Elle claqua des doigts afin de relancer l’ordre de poursuivre la séance de torture.
Un des deux diablotins grassouillet força leur prisonnier à boire de l’eau bénite, ce qui permit à sa blessure ouverte de se guérir presque instantanément. Un court instant de répit, durant lequel on vit les parois de la peau se refermer en ne laissant plus que quelques rougeurs apparentes. Son compère ailée, tout aussi gras et violacé de couleur, enfonça une fois de plus sans prévenir gare la tige de fer pile au même endroit. Ce gesta arracha un nouveau râle puissant de tourment.
Dieu soupira de frustration. Pas moyen de lui soutirer la moindre information. Alors bien sûr l’omniscience lui avait permis de comprendre que l’impensable était en train de se produire mais….
Un de mes anges qui tombent amoureux d’un des mortels ?
Elle eut une expression de dégoût à cette pensée tout en s’asseyant sur un trône vaporeux qui se créa à l’instant même où elle s'assit dans le vide. Jambes croisées, sa tête reposait sur son poing tandis qu’une colère profonde sommeillait en son être. Malgré sa nature toute puissante, elle avait des limites.
Quelle idée aussi cette connerie d’équilibre !
Malgré tout, un rictus égaya sa mauvaise humeur. Son regard d’ivoire se posa sur leur victime, tandis que ses diaboliques sujets continuaient de la persécuter. Ce tableau l’aida à se détendre quelque peu. D’un autre claquement de doigt, une coupe d’ambroisie jaillit de nul part. Dès la première gorgée, une douce sensation de fraîcheur l’enveloppa tout entier. Elle se lécha la lèvre pour ne perdre aucune goutte de ce nectar divin qui lui permit de se détendre un peu plus.
Ça manque d’un petit quelque chose…
Dieu bondit sur ses pieds, s’approcha de cet être désormais impur à ses yeux et approcha sa coupe du visage de son enfant récalcitrant. Quelques larmes glissèrent dans son breuvage, elle en poussa une exclamation de satisfaction. Ses yeux louchèrent sur son ambroisie améliorée, et aussitôt elle goûta.
Quel délice, ô oui quel délice !
« Es—tu sûr d’avoir bien placé ta fidélité mon enfant ? »
Avec un air de défi, elle reprit place sur son trône pour se perdre dans la contemplation de son divertissement préféré.
* * *
Cela dura plusieurs heures, ressenti comme une éternité pour la pauvre victime exténuée. Le trio infernal l’avait misérablement laissé tomber au sol, seul, à bout de forces, sur le seuil d’une folie mentale insupportable. Les maillons de fer brûlaient toujours son corps meurtri, à l’image de son âme en ébullition après un tel traitement. De mémoire d’ange, ce genre de châtiment n’était plus pratiqué depuis des millénaires. Mais à quoi bon s’adresser au Comité des Cieux alors qu’il s’agissait même d’une instance encore plus supérieure qui venait de se mettre à l'œuvre ?
Fil tenta de prendre une longue inspiration, ce qui le fit cracher encore des gouttes immaculées sur le sol grisonnant. On l’avait enfermé dans une pièce sans fenêtre ni porte de quelque sorte, seulement des nuages d’orage noirs l’entouraient de toutes parts. Son intuition lui disait qu’à la moindre tentative d’évasion, un éclair viendrait le foudroyer pour le dissuader. C’est toujours recroquevillé sur ses genoux, la barbe défaite et le regard terne que son esprit essayait de retrouver un semblant d’équilibre. Tandis que de la bave coulait sur son menton, ses yeux s’écarquillèrent par la terreur des flash qui inondaient alors ses pensées.
Le feu Sacré, qu’il pensait légende, lui fut présenté. Il en avait bégayé de surprise, perdant alors son calme d’ordinaire olympien. Malgré de nombreuses supplications, tout en esquivant les questions répétées de son impitoyable interlocutrice, on ne l’écouta pas. Ignorant ses implorations, l’un des diablotins présent le planta férocement de ce bâton de fer. Un grand mal, comme s’il implosait, se déclencha. Il avait hurlé, encore, encore, encore. Oh, la douleur n’était pas une notion inconnue dans sa longue et riche existence. Que ce soit depuis sa courte vie humaine, ou lors de son élévation en tant qu’ange gardien; il avait traversé moult expériences douloureuses. Mais rien, oh non rien, n’aurait pu le préparer à de telles atrocités. Cette sensation d’être carbonisé de l’intérieur fut insupportable. Mais sa promesse tenue bon, ses lèvres ne formulèrent plus rien : il fit vœu de silence tout au long de ce calvaire divin.
Un autre hoquet d’effroi le fit trembler quand son esprit lui rappela ce soulagement au moment où on lui a administré de l’eau bénite. Ce procédé, le guérir pour le faire souffrir à nouveau, lui parut tellement inhumain. Comment un être à l’origine de l’humanité pouvait-elle en être dépourvue à ce point ? Il eut une quinte de toux violente, qui lui racla les poumons et lui fit cracher encore du sang. À cause de ses mains coincées dans le dos, Fil ne pouvait ni s’essuyer la bouche ni le front dégoulinant de sueur. Haletant, il pouvait seulement respirer; avec grande peine ceci dit. Au vue de son triste état, il n’avait pas la force de se lever; ni encore moins d’en avoir la volonté. Juste être là, sur ce sol à peine confortable malgré son apparence nuageuse, lui suffisait. Respirer, même difficilement, était un exploit auquel il s'accrochait vigoureusement. Ça et sa loyauté.
Des heures de martyre sans lâcher le morceau, pour son ami, pour Tomas.
La manière que tu as eu de représenté Dieu, plus humaine que jamais, était très intéressante : comme quoi, les êtres célestes ont aussi des défauts et c'est bien montré. Même si elle avait surtout l'air très cruelle.
L'info qui m'a le plus intéressé cependant c'est que les anges sont d'ancien humains, et j'aime cette info héhé
C'était un bon chapitre, merci <3
C'est important pour moi de représenter Dieu comme un être aussi " humaine " si je puis dire eheh, après tout toute nos créations s'inspirent en partie de nous-mêmes : alors il faut bien qu'elle soit elle-même humaine en quelque sorte !
Merci à toi surtout <3
A la fin de ton avant dernier paragraphe, je crois que tu es accidentellement aller à la ligne au milieu d'une phrase ^^
Tu m'avais prévenue, c'est un chapitre bien sombre ! Pauvre Fil =O Mais il est d'une loyauté sans faille, on ne peut pas en douter !
La description de la douleur physique est bien menée. Il y a ce qu'il faut. Assez pour que l'on comprenne à quel point il souffre, mais pas trop pour ne pas nous faire vomir, haha !
Dieu est une femme ? =O Pour être aussi cruelle, j'imagine que c'est logique ! Je suis contente d'avoir enfin eu la suite de roman ! Mais j'ai hate de retrouver Tomas et Julie, haha ! (et les crêpes aussi O:-) )
A très vite !