9 L'héritage brisé

Notes de l’auteur : ...

   Ainsi le monde était peuplé de suprahumains. Une partie de lui avait encore du mal à y croire, et chaque interrogation lui amenait une nouvelle question au bout des lèvres. Que ne savions nous pas ? Edmond observait le plafond de sa chambre, prenant conscience de soi, de son corps invisiblement changé. Il était quelque peu rassuré par sa nouvelle condition, ses doutes sur sa santé étaient désormais estompés. Rose l’avait convaincu, presque sécurisé. Et cette histoire de secte, c’était intrigant. Comme si il vivait un film fantastique de l’intérieur. Mais quoi d’autre les attendait ? Son imagination déborda, divagant sur les monstres, les anges, les démons, seulement bercé par les soupirs réguliers de Lucie, allongée par terre, observant la même peinture blanche, se posant les mêmes questions et quelques autres en plus. Certaines lui brûlaient les lèvres.

   — Dis, Eddy, tu crois que les dragons ont existé ? dit-elle d’une toute petite voix.

   Il y réfléchit quelques instants, sans dire un mot. Puis d’un murmure répondit :

   — Je ne serais te dire pourquoi, mais je l’espère. La science explique des choses, et pour paraphraser Rose, ce n’est pas parce qu’on ne le voit pas…

   Il y eut un nouveau silence pendant lequel ils contemplèrent ensemble le ciel laiteux de la chambre.

   — C’est… c’est un peu magique non ?

   — Ce n’est pas de la magie, c’est juste…

   Sa voix baissait peu à peu de tonalité. Il tourna ses mains au dessus de sa tête, observant leur dos, leurs paumes, imaginant les picotements.

   — … c’est juste que c’est au-delà de notre compréhension.

   Il y avait du vrai. Pendant quelques secondes, elle le jalousa sans l’avouer. Ce… cette magie (comment appeler cela autrement finalement ?) qui coulait en lui, alors qu’elle, tout ce qu’elle avait, c’était ce… ce truc qui la rongeait de l’intérieur… Mais comment lui en vouloir ? Une respiration profonde indiqua qu’il s’était endormi. Lucie ne put s’empêcher de regarder en direction de son lit, observer sa couette qui se soulevait et retombait au rythme des expansions de sa cage thoracique. Elle regarda ses paupières fermées, ses cheveux courts mal coiffés. Juste quelques instants, avant de prendre conscience de ce qu’elle faisait. Ses yeux fixèrent de nouveau le plafond, sa mâchoire se serra.

      Sophie.

   Pendant une brève seconde, elle se mit à haïr sa future patronne. Pas une haine viscérale, mais taquine.

   Vous… vous êtes bien ensemble ?

   Lucie fulmina. Ces paroles lui revenaient toujours en tête. Pourquoi avait-elle dit cela ? Mais le sourire honteux de la jolie rousse se rappela à elle.

   Ce n’est pas elle, c’est moi.

   Aussi rapidement que la foudre, sa colère retomba. Ses yeux divaguèrent de nouveau sur la gauche, et la vision de son hôte assoupi lui procura un sentiment d’allégresse. De nouveau, elle en prit conscience.

   Et merde !

 

   Le jeudi suivant, le sac de sport en bandoulière, non sans une certaine excitation mêlée d’angoisse, Edmond retrouva Rose au hangar comme prévu. Elle ne détourna pas la tête quand il entra sous le grincement des gonds, concentrée à lire des fiches, penchée les bras tendus sur le bureau. Sa mèche de cheveux tomba sous l’effet du courant d’air, et elle la replaça négligemment derrière son oreille. Un sourire s’esquissa sur ses lèvres quand elle se retourna et vit son sac.

   — Tu as pris tes affaires de sport ? Bien.

   — Je… je me change tout de suite ? répondit-il en posant le sac sur le clic-clac.

   Elle fit non de la tête.

   — Inutile. Je voudrais d’abord prendre tes mesures, et observer ta condition physique. Cela me permettra de te concocter un programme d’entraînement adéquat.

   Rassemblant ses fiches avec soin, elle les joignit avec un trombone et les rangea dans un des tiroirs du bureau. Elle-même était déjà habillée d’une veste de jogging noir et d’un legging tout aussi sombre.

   — Tu me suis ? dit-elle d’un ton joyeux.

   Il hocha la tête et tout deux se dirigèrent vers le dortoir, où attendaient une balance et un mètre. En allumant la pièce, elle lui indiqua qu’il pouvait poser ses affaires sur le lit.

   — Pourquoi ?

   — Je ne vais pas te peser avec tous tes vêtements.

   Le visage d’Edmond se figea.

   — Euh… euh je ne vais pas me mettre tout nu ?

   Elle rigola chaudement.

   — Non non, en boxer ça suffira !

   L’expression de son visage ne changea guère.

   — Euh… en boxer… tu es sûre ?

   Son corps n’était pas vraiment une fierté, et le montrer, pas une partie de plaisir. Mais l’humeur de Rose était toujours à la joie et elle tenta de le rassurer en plaisantant :

   — Ne t’inquiètes pas, je ne vais pas te manger, tu n’es pas vraiment mon type !

   Elle s’empressa d’ajouter d’une voix plus maternelle :

   — J’ai déjà vu un tas d’homme en slip, de toutes les morphologies. Je n’en tiendrai pas compte. Mon but étant de toute façon d’améliorer ta condition physique.

   Rechignant un peu, il s’exécuta tout de même, avec lenteur et gaucherie. Les yeux noisettes de Rose s’intensifièrent, analysant chaque parcelle du corps de sa recrue. Il se sentit comme un bœuf à Rungis. Dès le premier coup d’œil, elle sut qu’il n’était pas vraiment taillé pour un concours. Edmond était maigre, pour ne pas dire fantomatique. Ses cottes étaient apparentes, la présence de ses abdominaux seulement due à l’absence de graisse ; ses bras fins était semblables à des pattes d’araignée, son buste n’était que l’ébauche de muscles juvéniles. Il avait une pilosité éparse, une peau claire parsemé de grain de beauté. Ses jambes étaient un peu développées et c’était bien le seul point positif. Après cette analyse rapide, elle lui demanda de monter sur la balance. Là, le verdict fut sans appel.

   — 58 kg. Et tu mesures combien ?

   — 1m75, dit-il d’une petite voix.

   Rose fronça les sourcils tout en croisant ses bras, doutant de l’information. Devant ce regard inquisiteur, il rectifia en baissant la tête.

   — Ok, 1m73.

   Là, Rose fut convaincue, et ne lui imposa donc pas de se mettre sous le mètre. Les rouages de ses méninges fonctionnaient à plein régime. Il y avait du travail. S’il était certain qu’il ne fallait pas miser sur la force physique, il fallait tout de même le remplumer un peu.

   — Ok finit-elle par dire. Je fais dix centimètres de moins que toi, mais je fais deux kilos de plus. Je te programme des séances de musculation.

   Il baissa les bras en signe d’approbation. Lui indiquant qu’il pouvait désormais mettre ses affaires de sport, elle lui proposa de le rejoindre dans la salle d’entraînement une fois cela fait. Quand il arriva dans la pièce couverte de tatami, Rose avait ôté sa veste, ne portant plus qu’une brassière bleu électrique, révèlent un physique à des années lumière de celui d’Edmond ; ses bras et ses épaules faisaient le double des siens ; elle avait des abdominaux saillants, des cuisses puissantes. Un détail étrange lui sauta aux yeux : elle portait de longues chaussettes noires, fines, qui remontaient sur le legging jusqu’au mollet, ne révélant pas le moindre centimètre de ses jambes, même lorsqu’elle se mit sur la pointe des pieds pour attraper un bâton de bois accroché haut sur le mur. Les joues d’Edmond s’empourprèrent quand il remarqua aussi que ses fessiers étaient particulièrement développés, et il détourna maladroitement ses yeux sur le tatami. Elle entreprit alors de faire quelques moulinets avec le bâton, en se déplaçant avec grâce sur le sol, s’étirant différents muscles. Satisfaite après un craquement de nuque, elle attrapa un deuxième bâton qu’elle lui tendit, et il l’imita, toujours avec des gestes gauches. Elle se retint de pouffer en se dirigeant vers un poste radio qu’elle alluma. Dès les premières notes, il reconnut la chanson :

   — Mission impossible 2 ?

   — Oui sourit-elle, c’est pour te motiver.

   Elle se plaça au centre de la pièce, droite, le bâton maintenu entre ses omoplates, abaissant sa respiration, méditant.

   — Tu vas tenter de m’attaquer. N’y vas pas de main morte, mets tout ce que tu as. Je voudrais observer ta façon de te mouvoir.

   Les paupières de Rose se fermèrent, sa respiration devint un murmure, sa poitrine se soulevant et s’abaissant avec une lenteur soporifique. Regardant son bâton du bout des bras, Edmond hésita un moment et se mit en position d’attaque, tournant autour d’une Rose droite comme un piquet, cherchant l’angle le plus surprenant pour l’attaquer. Ses yeux étaient toujours clos, ses longs cils ne tressaillant même pas. Tentant un effet de surprise, il attaqua en étant au trois quart derrière elle, en direction de sa tête. En un éclair, Rose s’abaissa, tourna son bâton autour d’elle et bloqua son attaque. Puis d’un autre mouvement rapide, elle désarma Edmond et mis son bâton sous sa gorge. Le bout de bois d’Edmond fit un bruit sourd en retombant par terre. Il écarquilla de grands yeux, pétrifié.

   — La vache tu es rapide ! s’exclama-t-il.

   — Je sais, dit elle en souriant, tout en replaçant sa mèche de cheveux derrière son oreille, qui retomba instantanément. Elle fit tourner le bâton autour d’elle, puis en un mouvement sec se retrouva à sa place originelle, immobile, ne faisant de nouveau qu’un avec le bout de bois.

   — Recommence, lui ordonna-t-elle.

   Il recommença une, deux, dix fois. A chaque fois Rose parait ses attaques avec une facilité déconcertante, esquivant, déviant, désarmant. Mais elle ne faisait pas que ça. Elle l’observait, elle analysait ses mouvements. Contre toute attente, à la fin de la séance, c’est avec un très grand sourire qu’elle lui déclara qu’il se débrouillait bien.

   — Mais je ne t’ai même pas touché ! protesta-t-il toujours à terre, en sueur. Une douzaine de brûlures sur ses genoux commençaient à le lancer.

   — Oui mais moi je suis surentrainée, répondit-elle avec un calme olympien. Non, vraiment, je trouve que tu es fluide dans ce que tu fais, plutôt souple. Nous allons en faire ton point fort. Avec tes capacités, ça devrait détonner.

   Cela remonta grandement le moral d’Edmond, satisfait à son tour. Rose lui rendit son sourire naissant et l’aida à se relever, toujours avec une certaine aisance. Effectuant un demi-tour fluide, elle fit tournoyer son bâton autour d’elle à la manière d’un moine, avant de le ranger. Ses compétences étaient tout bonnement impressionnantes.

   — Tu maitrises combien d’armes comme ça ? demanda-t-il curieux.

   — Toutes celles que tu vois dans cette pièce, dit-elle en pointant les armes avec son doigt, et bien d’autres.

   Edmond lança un regard circulaire dans la pièce : épées courtes, bâtardes, voir à deux mains ; bâtons, tonfas, dagues, lances, hallebardes, et même des haches…

   — Toutes ? déglutit-il.

   — Toutes, lui répondit Rose avec fierté.

   La fin d’après midi continua avec une autre batterie de tests. Edmond dû soulever des poids, courir une certaine distance, tenir plusieurs secondes dans des positions quelque peu alambiquées. En dernier, elle voulu qu’il monte à une corde, ce qu’il refusa catégoriquement, et pour cause : il avait la phobie du vide. Rose n’insista pas. Il était de toute façon déjà rompu par l’effort, rouge comme une tomate, des ecchymoses se dessinant partout sur son corps, et ses survêtements dégageaient une forte odeur de transpiration. Il ne se plaignit pourtant pas.

   S’assaillant en tailleur sur les tatamis, Rose l’invita à faire de même, lui lançant une bouteille d’eau fraîche, puis elle sortit un stylo et un calepin sur lequel elle commença à écrire.

   — On va d’abord travailler ta masse musculaire. Deux fois par semaine. (Le stylo glissa rapidement sur le papier en émettant un bruit caractéristique). Et aussi faire des exercices d’assouplissement. Yoga et méditation pour l’instant.

   Il hocha la tête.

   — … mais ça, tu ne le feras pas ici pour l’instant. Je vais te donner l’adresse de notre professeur.

   Elle l’écrit en bas d’une feuille, et tout en plaçant le stylo dans sa bouche, découpa cette partie qu’elle lui tendit.

   — Tu diras que vous venez de ma part, elle vous fera des séances gratuites.

   — Nous ?

   — Oui, dit-elle en ressortant le stylo de sa bouche, un maigre filet de bave le reliant encore à elle. Toi et Lucie. C’est mieux d’y aller à deux, on progresse plus vite, et ça lui fera du bien, autant qu’elle en profite.

   — C’est pour ma souplesse ?

   — Pas que, répondit Rose tout en continuant à écrire des notes sur son calepin. Tu as dû remarquer que ton pouvoir puise dans tes forces ?

   Effectivement, chaque utilisation de son pouvoir était suivit d’une profonde fatigue, de courbatures, de maux de tête. Il hocha de nouveau la tête après avoir bu une grande quantité d’eau.

   — Le yoga et la méditation vont te permettre de mieux maîtriser ton corps, de concentrer ton pouvoir, et par ricochet, tu endureras mieux les effets secondaires.

   Il hocha une dernière fois la tête. C’était logique. Rose se releva avec souplesse et lui tendit une nouvelle fois la main pour l’aider à se relever.

   Les petites blessures d’Edmond n’eurent pas le temps de guérir que déjà, le lundi suivant, il en eut de plus grosses. Les premiers exercices imposés par Rose ne le ménageaient pas, mais il les effectuait sans broncher, et montrait une détermination sans faille, au grand bonheur de Rose. Les courbatures s’enchainèrent pour ce corps peu habitué aux efforts physiques et Rose abaissa le rythme le jeudi pour ne pas le tuer avant le repas prévu. A la dernière passe, elle l’aida à se relever alors qu’il venait de tomber pour la vingtième fois sur les fesses.

   — Allez, on va se rafraîchir et on va rejoindre les filles.

 

   Lucie observait avec curiosité la nouvelle carte d’identité que Laurent avait créée pour elle. Avec un sourire, elle nota que la seule différence avec sa véritable carte d’identité, c’était le L rajouté à Allégria, son nom de famille. Son faux permis portait la même touche. Avec satisfaction, elle les rangea dans le porte monnaie en cuir noir que lui avait offert Sophie, qu’elle mit dans une veste en daim que lui avait offert Sophie, à côté de vêtements chics et branchés que lui avait offert Sophie. Rosissant des joues en contemplant l’ensemble, elle s’attarda sur une robe verte, particulièrement belle, caressant du plat de la main le tissu soyeux ; elle tressauta en ressentant la présence de la jolie rousse derrière elle.

   — Elle te plait ?

   — Oui mais… tu n’aurais pas du.

   Sophie rigola à pleine dent.

   — Je ne vais pas te faire servir en jogging ! Et puis, ça me fait plaisir.

   Sophie étira ses petites lèvres roses. Elle posa maladroitement sa main sur son épaule, essayant d’avoir un comportement amical, encouragé par le sourire de sa nouvelle employée.

   Lucie testa ses nouveaux vêtements avec bonheur ; observant les prunelles émeraude de Sophie avec une certaine suspicion, elle conclut que cette dernière devait avoir le compas dans l’œil, car les tailles correspondaient parfaitement. Pas encore assez à l’aise pour se mettre en robe, elle opta, pour la soirée, pour un pantalon noir et une chemise blanche. Retrouver des vêtements plus féminins lui fit plus de bien qu’elle ne l’aurait songé. Sophie passa ensuite deux bonnes heures à lui apprendre à bien mettre les couverts, à se déplacer avec élégance avec un plateau. Enfin, elle déboucha une bouteille de vin rouge pour lui apprendre à le servir, et en remplit deux verres. Le vin était délicat au palais, fruité, et agréable, si bien que quand on toqua à la porte, elles mirent un peu de temps à s’en rendre compte, et c’est avec des yeux agars et des visages ébahis qu’elles ouvrirent à Rose et Edmond qui venaient d’arriver.

   L’appartement situé au deuxième étage était assez spacieux ; deux chambres, une grande salle avec une cuisine ouverte, et une grande terrasse séparée par une immense baie vitrée. Cela changeait de la chambre étudiante de 9m²… Dans la salle à manger, une table avait été dressée sobrement, exercice qui avait dû être réalisé par Lucie. Nappe blanche, chemin de table noir, vaisselle d’argent ; son habillement était d’une incroyable efficacité. En observant cette disposition quasi parfaite, Edmond remarqua la fierté dans les yeux de Lucie, et percuta sur son nouvel accoutrement ; cela faisait étrange de la voir comme cela, et il fallait avouer qu’elle était nettement plus jolie. Il croisa son regard et elle s’empourpra un peu.

   Sophie invita tout le monde à s’assoir et elle apporta l’entrée : une salade de gésier plus que généreuse qui creusa à sa vue l’estomac d’Edmond. Les plats étaient succulents ; l’entrée fut suivit d’un poulet mijoté avec une sauce secrète de son invention, purée de légume et croustillant de fromage. C’était tellement bon qu’il ne resta pas une miette dans la moindre assiette, le moindre plat. Sophie finit par apporter une tarte au citron meringué, ce qui acheva l’arrondissement des ventres, et chacun dû déplacer sa ceinture de quelques crans. Une fois rassasié, alors que les conversations durant le repas furent plutôt d’ordre professionnel, quelques anecdotes personnelles commencèrent à fuser. Lucie et Edmond se rendirent compte que le décalage apparent entre eux et le couple de jeune fille n’était qu’un leurre ; Rose et Sophie avaient des goûts simples, aimaient les mêmes choses que le commun des mortels. C’est même avec une étonnante surprise que la guerrière immortelle parla de sa collection de jeux-vidéos, au grand plaisir d’Edmond. Alors que Sophie et Lucie entamèrent une conversation sur les jupes crayons, Rose lui proposa de lui montrer.

   Ils allèrent dans la chambre d’ami, remplie de carton plus ou moins déballés, regorgeant d’objets en tout genre, parfois étranges, parfois hors du temps ; quelques photos éparses étaient disposées méthodiquement sur le sol. Rose commença à fouiller dans trois ou quatre carton dans un coin de la pièce, et Edmond ne put s’empêcher de lancer un regard curieux sur les objets bigarrés qui la peuplaient. Ses yeux furent attirés par un piédestal, parfaitement disposé au milieu du mur du fond ; il était en marbre rosé, sculpté comme une colonne romaine, et si lisse que le moindre rayon de lumière le faisait miroité de mille feux ; sur son mètre de hauteur, un carré de soie d’apanage noble portait en son sein plusieurs objets brillants ; Edmond ne put s’empêcher d’approcher pour les observer de plus prêt ; c’était des morceaux de métal noir, polis, lustrés ; le puzzle d’une épée brisée. A la vue de la taille des trois morceaux, il s’agissait d’une épée bâtarde ; le pommeau et la garde étaient de bonne facture, mais sobre, sans aucune pierre d’ornement. Le cuir brun qui entourait la poignée était vieux mais parfaitement entretenu. La disposition de l’ensemble présageait d’un objet d’importance.

   — C’est un héritage de famille ? demanda-t-il avec une excitation palpable.

   Rose détourna les yeux de ses cartons pour observer à son tour le piédestal. Se levant avec souplesse, replaçant sa mèche rebelle, elle glissa en douceur jusqu’à lui, observant l’arme avec un dédain paradoxal.

   — Un témoignage du passé, répondit-elle pleine de mystère.

   Ses yeux semblaient défier les morceaux de métal.

   — Tu as des origines nobles ?

   — Oui, on peut dire ça répondit-elle, comme si la question la gênait. Elle se détourna de l’objet, et retourna à ses cartons, trifouillant de plus belle. Un grand sourire l’illumina quand elle trouva enfin ce qu’elle cherchait.

   Super Smash Bros mêlée.

   — Ça te dit une partie ?

   Devant sa joie, il ne put refuser ; les quatre s’installèrent dans la salle, jouant jusqu’à plus de deux heures du matin. Edmond se rendait compte que malgré les ecchymoses, sa nouvelle vie n’était pas si différente. Quelques instants, il observa l’allégresse de Rose devant l’écran, contrastant avec le visage terne de la jeune fille devant son héritage brisé. Peut-être était-ce ce qui l’attendait : une simple façade.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez