À la fenêtre du quinzième
On voit par-dessus l’horizon
— Il me faut finir ce poème
Avant de changer de prison.
On voit par-dessus l’horizon ;
Les grues paraissent bien petites
— Avant de changer de prison
Plus que deux mois ; le temps s’effrite.
Les grues paraissent bien petites ;
Le monde a l’air d’un jeu d’enfant
— Plus que deux mois ; le temps s’effrite
Mon vague à l’âme est étouffant.
Le monde a l’air d’un jeu d’enfant :
Chaque voiture en suit une autre
— Mon vague à l’âme est étouffant
Je veux courir, mais je me vautre.
Chaque voiture en suit une autre,
Les passants suivent les trottoirs
— Je veux courir, mais je me vautre
Dans ma tête un sacré foutoir.
Les passants suivent les trottoirs
Sous des arbres en double-file
— Dans ma tête un sacré foutoir :
C’est un voilage qui s’effile.
Sous des arbres en double-file,
Le feu passe du rouge au vert
— C’est un voilage qui s’effile
J’en tirerai bien quelques vers.
Le feu passe du rouge au vert.
Où l’avenue bifurque-t-elle ?
— J’en tirerais bien quelques vers…
Deux ou trois autres bagatelles.
Où l’avenue bifurque-t-elle ?
Peut-être après ce bâtiment ?
— Deux ou trois autres bagatelles
Pour former un assortiment.
Peut-être après ce bâtiment
Une forêt sera plantée
— Pour former un assortiment
Dans une friche tourmentée.
Une forêt sera plantée
Entre les tours et le McDo
— Dans une friche tourmentée
Sans réprimer ma libido.
Entre les tours et le McDo
Parfois hurlent les ambulances
— Sans réprimer ma libido,
Je m’empâte dans le silence.
Parfois hurlent les ambulances,
Parfois ne s’entend que le vent
— Je m’empâte dans le silence
Mes doigts musards vont écrivant.
Parfois ne s’entend que le vent,
Le son lointain de la rocade
— Mes doigts musards vont écrivant ;
Deux seuls témoins, sous mes arcades.
Le son lointain de la rocade
Fait ondoyer les HLM ;
— Deux seuls témoins, sous mes arcades
À la fenêtre du quinzième.