Mon crâne est un cachot mon visage une prison
Dont personne ne devine l’existence et la vie
Dehors il n’y a rien qu’une face hermétique
Un regard enfoncé dans l’épaisseur du vide
Comme une flèche dont l’office aurait été rempli
Dedans se livre une guerre sans armées sans ennemis
Une mêlée sans fin de lames effilées
Traçant dans les chairs blanches de profondes arabesques
Qui font à tous mes rêves un délicat patron
Il se surimpressionne aux silhouettes aperçues
Dont chaque mouvement semble étirer les plaies
Et tout ce que je vois gémit de sourdes plaintes
Comme une lèvre fendue qu'un baiser vient ouvrir
Ce n'est pas une image que mes yeux peignent au monde
Mais la vision physique d'un peuple d'écorchés
Dont les bonheurs fugaces sont des garrots suintants
Que la terre a salis que le sang fait glisser
Sur les plaies assaillies des germes du chagrin
On voudrait retrouver l’impeccable lumière
Que les yeux des enfants boivent dans le matin
Lors que les taches sombres d’un sang perdu la veille
En grumelant franchissent les portes du passé
Et cette pâte épaisse coule de ma mémoire
Sur la pente escarpée d’un regard éperdu
Dégorgeant mes souvenirs visqueux dans le présent
Ni verrous ni barreaux qui puissent les freiner
Ils tombent sur nos faces comme la nuit nous les prend
Inconsolables veufs de nos heures passées
Qui sont les vanités de celles qu’on attend
Nous endeuillons le monde à la moindre tristesse
Nos vies seront semblables à la porte qui s’ouvre
Dans le noir cabinet de l’homme aux sept épouses
Car la huitième femme vit ses antécesseurs
A travers le miroir d’une flaque de sang
Nous tenons dans nos mains des livres ruisselants
Dont les lignes retracent les mêmes destins fatals
Qu’agitèrent des dépouilles crochées aux murs du temps
Et la clef dont la pourpre ne peut s’effacer
Ouvre un réduit caché dans nos esprits vengeurs
Où l’agonie des siècles pousse ses hurlements
On oublie le passé comme on ferme une armoire
Et le relent des morts passe à travers les portes
Qu’on ouvre le matin pour prendre sa chemise
Pour y cacher parfois de nouveaux souvenirs
Chaque année les déchets qu’on stocke en profondeur
Font sous nos pas boueux des tas un peu plus grands
Dont l’éternelle brûlure traverse les rochers
Ainsi nous descellons chaque soir nos tombeaux
Y versant tout entières des vies à peine éteintes
Et nous les refermons dans un matin radieux
Les yeux aussi striés que ceux qu’on a fermés
Sans voir à nos semelles sourdre une eau rougissante
L’arsenal du supplice est un grand buffet d’orgue
Dont les hommes aux sept vents disputent la console
Des doigts qu’on ronge au sang comme un objet qu’on sculpte
Au crâne qu’on veut ouvrir en lacérant ses joues
Des corps qui à eux-mêmes sont de grouillantes croix
Au hasard dont le cours rejoint celui du sang
Du visage émacié par le souffle du monde
A celui dont le vide semble garder les traits
Des paroles qu’on reçoit comme on reçoit les gifles
Aux manches que l’été n’a pas fait remonter
De la pierre qu’on jette en riant sur un nid
D’où les plumes rougies tombent comme un bâillon
Jusqu’au fer qui fleurit dans le crâne d’un homme
Incrustant nos visages des éclats de ses os
Ce qui fait de nos yeux soudain des puits sans fond
Où la dévastation se lit comme un poème
Ce couteau qui tranche net les centaines de fils
Attachés à nos faces comme à des marionnettes
Et que la vie tirait de sa main de bourrelle
Cet amour qui soudain perd un unique objet
Et laisse un cri sans fin répondre à ses échos
Tout cela fait sur l’œil une étrange impression
Comme un tableau flamand d’où la vie disparaît
Estompée par cinq siècles de fêtes inchangées
« On oublie le passé comme on ferme une armoire » ; ça me parle parce qu’en effet, l’armoire, on la rouvre régulièrement et on y remise d’autres souvenirs qui ne demandent qu’à réapparaître à la prochaine occasion.
— Lors que les taches sombres d’un sang perdu la veille [As-tu volontairement écrit « Lors que » en deux mots ?]
C'est fluide et ça nous entraîne comme sur un fil de pensées infinies qui se déroulent à la suite.
Y aura-t’il un "à l'école de la chute II" ?
J'ai beaucoup aimé en tout cas,
Merci pour cette belle lecture :)
Fy
J'aime beaucoup ce poème, les images sont très belles et percutantes. Je trouve le texte très bien travaillé, en tout cas je te félicite parce que l'exercice n'est pas facile ! Je n'ai pas vérifié pour tout le texte mais j'ai vu que tu avais mis des alexandrins, ça donne un petite côté baudelairien pas désagréable (oui je sais c'est pas du tout le seul à écrire en alexandrins mais en lisant les Fleurs du Mal j'ai bouffé plus de ses poèmes que tous les autres poètes que j'ai lu réunis).
Seul point que j'aurais à soulever : l'absence totale de ponctuation. Faire des vers n'exclue pas de faire des phrases. Ça peut-être un choix que je comprends mais dans le cas de ce texte j'ai trouvé qu'il manquait une ou deux virgules à certains endroits. Ce n'est qu'un avis personnel, bien sûr.
C'est tout pour moi *^^*
Tu restes maître de ton texte ;-)
De rien^^