ACTE II
Autour d’un feu de camp dans la forêt, près des baraquements et du dortoir.
Scène première
Jean-Michel Gueulegrant, Lady Gisèle, Mordicus le jeune, Pierre-Alexandre, Théophile, Virginie, Clémentine
JEAN-MICHEL GUEULEGRANT
Oh ! Quelle belle soirée ! J’en suis tout émoustillé !
Que diriez-vous d’un petit jeu pour commencer ?
THÉOPHILE
Oh ! ça y est, il recommence déjà à saouler.
Faut lui péter la gueule... Je peux me dévouer ?
LADY GISÈLE (montrant la brioche enveloppée dans du papier aluminium)
Voyons, rangez-moi ce couteau dans votre poche,
Et dévorez plutôt cette bonne brioche.
Jean-Michel, mon grand, laissez donc tomber ces jeux,
C’est pour discuter que nous sommes en ce lieu.
PIERRE-ALEXANDRE (frappant un bâton contre les arbres)
Eh ! Oh ! Eh ! Mes petits amis verts ! Y a quelqu’un ?
Venez vite, je vous ai ramené des copains !
JEAN-MICHEL GUEULEGRANT
Très bien, j’en conviens. Alors, qui veut commencer ?
Ah, Mordicus ! Vous aviez une histoire, pas vrai ?
(Mordicus hoche la tête.)
Scène 2
Jean-Michel Gueulegrant, Lady Gisèle, Mordicus le jeune, Pierre-Alexandre, Théophile, Virginie, Clémentine
CLÉMENTINE
J'adore écouter des histoires en pleine nuit...
MORDICUS LE JEUNE (soupirant, l’air sinistre)
Très bien je me dévoue, il faut bien commencer.
Et même si ma vie me paraît d’un ennui…
Mais je suis là pour ça, je vais donc m’y coller :
Par une soirée d’automne où j’étais en forêt,
Dans un coin magnifique, avec de grands cyprès,
Je marchais doucement pour observer les biches,
Quand soudain, devant moi, je crus voir un caniche !
Tout de suite, je pensais à ma chance habituelle
Qui faisait qu’en tout temps il m’en arrivait d’belles.
Et bien pour une fois je ne me trompais pas,
Le caniche enragé s’en est pris à mon bras !
Et depuis près d’un an et cette nuit d’horreur,
Je ne sais que manger, j’ai des envies contraires.
Même parfois, la nuit, quand je crie de terreur,
J’aurai presque une envie : mettre fin au calvaire.
(sanglotant, se cachant le visage dans les mains)
Ce que je voudrais, c’est oublier cette histoire…
THÉOPHILE
Et ben mon vieux t’es mal, la solution c’est boire !
PIERRE-ALEXANDRE
Je pense Mordicus, qu’avec mes amis verts,
Vous aurez une chance d’oublier ces galères…
JEAN-MICHEL GUEULEGRANT
Lady Gisèle voudriez-vous nous faire part
De ce qui vous a tourmenté de toutes parts ?
LADY GISÈLE
Avec plaisir, si vous insistez, mon ami.
C'est le seul moyen d'être en paix d'ici minuit...
Fût un temps, j'avais avec moi un beau mari
Qui soignait les maladies pour gagner sa vie.
Il était fier de sa renommée élargie.
Jusqu'au jour où son sordide secret a surgi :
Pendant mes longues journées passées au tricot
Lui, découpait des cadavres avec son couteau...
Du sang, des nerfs, des viscères, de la chair, des os.
Il m'a caché ça toute sa vie, ce salaud !
Qu'est-ce que je l'aimais ce macabre abruti !
À sa mort, dans son antre introduite je m'y suis
M'apercevant horrifiée de cette tragédie...
J'en ai fait plusieurs décennies de thérapie.
THÉOPHILE (en aparté)
Je pense que la mémé a grave dû charcuter,
Mélangeant couteaux et aiguilles à tricoter.
VIRGINIE
N’écoute pas, chérie, ce sont des histoires de grands
(en aparté, touchant son ventre arrondi)
Pourvu que tu ne deviennes pas comme ces gens...
JEAN-MICHEL (n’en pouvant plus d'excitation)
Et bien que d’aventures ! C’est vraiment passionnant !
Allez, Pierre-Alexandre, c’est à vous, en avant !
PIERRE ALEXANDRE
Soyez attentifs, car je vais vous raconter,
L’enlèv’ment par mes amis verts, une nuit d’été.
Je dormais paisiblement dans mon lit douillet,
Quand soudain je fus réveillé et kidnappé !
Près de moi, un grand homme vert avec des antennes,
Qui salivait et m’aspergeait d’épices martiennes.
Où suis-je ? Au secours, à moi, à l’aide ! ai-je crié
Mais dans cette soucoupe, personne ne m’entendait.
Bientôt, nous ont rejoint la plus belle des aliens,
Et ses frères qui allaient me couper en rondelles.
Impossible, face à eux, de jouer les malins,
Car il s’agissait d’aliens dévoreurs d’humains !
Heureusement, ma jeune amie verte eut pitié,
Et chez moi, proposa de me raccompagner.
Hélas, dans ma fuite j’ai bêtement oublié
De lui demander comment la recontacter.
Alors me voilà ici ce soir, plein d’espoir
Dans l’attente de pouvoir enfin la revoir !
JEAN-MICHEL (légèrement choqué)
Eh bien, c’est très...intéressant. Vont-ils venir…?
(voyant Clémentine lever la main)
Clémentine, ma petite, tu as des choses à dire ?
CLEMENTINE
Il est tard. On peut passer aux choses sérieuses ?