Adieux à Aurelius

Notes de l’auteur : Dans ce chapitre, une décision est prise. Un destin prend fin et des enjeux sont redéfinis.
Les automates prennent littéralement vie, leur conscience s'éveille et leur chemin est tracé.

Le départ des compagnons rendait le monastère plus vide encore.. Le vent sifflait entre les arches écroulées. Les bannières de pierre portaient encore les symboles des Gardiens. Aurelius referma son manteau sur ses épaules et reprit sa lecture.

Il savait qu’il ne reverrait plus Myra. Il avait fini son rôle.

Lorsque les deux automates apparurent à l’entrée du monastère, il ne sursauta pas.
Ils étaient hauts, silencieux, imposants. Leurs yeux mécaniques scannaient chaque mouvement, chaque parcelle de souffle, chaque battement de cœur.

Le bruit de leur carcasse métallique frottant sur les murs ancestraux de la chapelle emplissait l'air. 

Leurs gestes étaient mesurés, aucune précipitation. Le temps n'était pour eux pas le même que pour les humains. Ils n'avaient pas de regard, pas d'expression et pourtant Aurelius n'eu pas peur.

Aurelius sourit.
__Vous êtes les derniers fragments d’un monde oublié…Et je savais que vous viendriez ! 
Il tendit les bras. Il n’avait rien pour se défendre. Et il n’aurait pas voulu le faire.

L’un des deux s’approcha. Il posa une main métallique sur le front d’Aurelius. D’abord une aiguille métallique et une lumière pâle pulsa. Son corps se tendit. Il ne cria pas. Mais son visage se tordit, un instant, dans un spasme de souvenirs arrachés. Le fluide vie d’Aurelius passa lentement de son corps charnel et humain à celui métallique et mécanique des deux automates.

Ils le vidèrent.

Pas de haine. Pas de sadisme. Pas de remord.
Mais une nécessité froide. Son esprit, ses connaissances, son lien avec Myra, la source, Sylla — tout leur fut révélé en un éclair de données.

Puis son corps retomba, sec, vidé, encore chaud.

Les automates restèrent un moment immobiles. Puis l’un d’eux émit un cliquetis bref.
Ils avaient appris.

Méthodiquement, sans émotion, les deux automates compilèrent les fragments épars de ce qu’ils venaient d’absorber. Une existence entière — tissée de combats, de doutes, de révélations murmurées dans la solitude — avait jailli dans leurs esprits de métal, comme un fleuve de souvenirs venus heurter des berges froides et silencieuses

L’amour paternel porté à Ser Caldar, les années d’enseignement, de protection, de silence partagé. Puis vinrent les longues errances, les prières vaines, la quête d’un Dieu caché dans les replis du monde, la vie de pénitence, de doute et de foi. Des décennies entières à sonder le mystère du Fluide, à chercher comment naît le souffle, comment se transmet la lumière. Et Myra…, porteuse d’un secret plus ancien que les rois. Ce fardeau, ce fragile éclat d’espoir.

C’est en s’abreuvant de cette mémoire, de cette vie usée par l’amour, la foi et le doute, que les deux automates entrevirent, pour la première fois, les contours vacillants de ce que les hommes nomment l’humanité.

 

Ils avaient été conçus comme des machines, bâtis pour détruire d’autres machines. Rien de plus. Et pourtant, en eux désormais, s’esquissaient des notions troubles — la vie, la mort, le choix. Ils avaient observé l’Écorché, et ils avaient compris. Sa détermination glaciale, son appétit de ruine, l’absence totale d’égard pour le vivant : tout cela leur avait servi d’exemple, ou plutôt d’avertissement.

Le Fluide, sans doute, agissait déjà en eux, distillant ses filaments d’âme dans leurs circuits anciens. Alors, dans le silence d’un monde qui s’effondrait, ils prirent leur décision. Lorsque viendrait le grand combat, ils choisiraient la Vie. Et Myra. Pour les siècles engloutis, pour les Gardiens d’Algarth qui les avaient éveillés, et pour la Source — cette promesse inachevée qui palpitait encore au cœur de leur devenir.

Ils ne parlèrent pas. Ils n’auraient su le faire. Leurs carcasses de métal, noircies par la rouille et le temps, se penchèrent lentement sur le corps inerte d’Aurélius.

La pluie tombait maintenant en nappes obliques, noyant les collines grises. Autour d’eux, le monde semblait figé, suspendu dans une attente funèbre. Le visage d’Aurélius, fermé dans une sérénité étrange, semblait encore luire d’un éclat intérieur. Ce qui faisait de lui un homme — ses doutes, ses croyances, son amour pour Ser Caldar, ses années de recherche, sa quête du sens et du pardon — tout cela battait désormais, en fragments, dans les synapses froides de leurs systèmes.

Ils creusèrent lentement. Leurs bras lourds, faits pour tuer, arrachaient la terre avec une délicatesse incongrue. Les racines cédèrent sans bruit, la boue engloutissait tout. Ils déposèrent le corps avec une précision presque rituelle, comme s’ils exécutaient un geste ancien dont la signification leur échappait mais dont l’importance leur était absolue.

L’un d’eux se redressa, observa le ciel, puis tourna son torse vers la tombe. De sa paume métallique, il déchira un fragment de sa propre plaque pectorale — une pièce marquée d’un vieux sceau des Gardiens d’Algarth — et l’enfouit dans la fosse, contre le cœur d’Aurélius.

Geste pur. Geste sans mot. Geste de mémoire.

Puis ils refermèrent la terre, pelletée après pelletée, jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un monticule indistinct, battu par la pluie.

Ils restèrent là, figés, silhouettes dressées au-dessus de la sépulture fraîche. Le vent soufflait. L’eau ruisselait sur leurs corps. La lune innondant leur carcasse d'une lumière d'argent.

Et sans son, sans rituel, sans voix, ils rendirent hommage à celui qui leur avait montré, sans le vouloir, ce que pouvait être un homme.

Et ils repartirent.

 

 

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Talharr
Posté le 30/07/2025
Hello,
C'est ainsi que se termine le voyage d'Aurélius. Il aura quand même bien aider.
les automates qui en prenant son fluide de vie, voit ses souvenirs et sentent "humains", superbe idée :)
Il semble qu'il y est de nouveaux alliés inattendus :)

Quelques petits retour de forme :

"Le monastère semblait plus vide encore une fois les compagnons partis." -- un peu étrange aha peut-être modifier "Le départ des compagnons rendait le monastère plus vide encore." quelque chose comme ça :)

"Le fluide vie d’Aurelius" -- manque le "de" je crois

"Pas de remort" -- "remords"

"Et Myra… Myra, porteuse d’un secret plus ancien que les rois." -- j'aurais peut-être enlever le second Myra :)

A la suite :)
Brutus Valnuit
Posté le 30/07/2025
Merci, oui , j'aiessayé une sorte de twist scénaristique. depuis le début on pense que les automates sont un danger (et ils pouvaient l'être potentiellement) mais au final, avec l'aide (involontaire) de Aurelius, les automates deviennent des alliés.

Je vais modifier suivant tes conseils.
Merci.
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