Ils avaient quitté Aurélius sans un mot, au pied des pierres humides du vieux sanctuaire. Le moine les avait regardés s’éloigner, immobile dans la brume, les mains jointes comme pour une dernière prière. Ils savaient tous qu’ils ne le reverraient jamais. Aucun ne l’avait dit à voix haute. C’était inutile. Ce genre de vérité ne se partage pas : elle s’installe en silence, entre les battements du cœur et le bruit sourd des pas dans la boue.
Le ciel s’était refermé, plombé et bas, et bientôt la pluie s’était mise à tomber, mêlée de neige fondue, cinglante, sale. Elle glissait sous les cols, ruisselait sur les visages, s’infiltrait dans les gants. Le vent rugissait à travers les sapins noirs de la forêt, et le monde entier semblait se refermer autour d’eux. Chaque pas était une lutte. La terre, détrempée, s’ouvrait en flaques visqueuses. La boue collait aux bottes, lourde comme du plomb, avalant les pieds à chaque enjambée. Les capes ruisselaient, glacées, alourdies par l’eau et la crasse.
Personne ne parlait. Il n’y avait plus de place pour les mots. Seulement le bruit du vent, le clapotis de la pluie sur les fourrures détrempées, le craquement régulier du harnais de Ser Caldar. Myra gardait les yeux au sol, concentrée sur chaque pas, le visage dur. Garric avançait derrière elle, tête baissée, le souffle court. Même le Seigneur Loup, d’ordinaire si alerte, semblait tendu, les pattes engluées, l’échine frémissante.
Le poids d’une fin planait sur eux. Aurélius était resté, volontairement, mais son sort n’était plus le leur. Un autre destin l’attendait dans ces ruines, quelque chose de plus ancien que la foi, plus vaste que la mort. Ils l’avaient tous compris. Ils n’en parlaient pas. C’était trop lourd.
Et devant eux, à travers le rideau d’eau et de neige mêlées, le château de Rauk les attendait, silhouette noire sur la crête, dévorée par les vents. Un bloc muet, sans feu, sans bannière.
Quelque chose allait se briser.
Et ils le sentaient.
Toujours plus profond, toujours ….
Dans le tréfonds des catacombes de son château en ruines, Aldemir de Rauk s’éveilla. Son dos était couvert de sang séché. Le Grimoire d’Elyas était ouvert, ses pages exsangues, son cuir durci par les âges, il avait perverti le Grimoire. Recueil d’un savoir millénaire. Hier, mémoire de préservation de la vie.
Aujourd’hui outil malveillant, corrompu par les incantations folles d’un esprit pervers en quête d’une nouvelle puissance.
Les lettres y vibraient comme une peau que l’on fouette. Il y traçait, d’un doigt tremblant et tranché, une spirale rouge. Le cercle était presque terminé. À ses pieds, une fillette morte. Deux autres captives s’étaient déjà vidées la veille. Sylla, elle, était encore en vie, dans son cachot, mais son sang avait nourri les signes.
Rauk huma l’air.
Il sentit Myra.
Elle venait vers lui.
Il posa ses mains sur le cercle. Ses ongles s’enfoncèrent dans ses paumes. Son corps se tendit, trembla. Une onde noire traversa le sang.
L’appel fut lancé.
Et l'ambiance de la château, avec des morts, du sang et l'image de l'enfant...
De tout coeur avec Myra et sa bande ahaa